REVE D'AMERIQUE
Lorsque BMW reprend sa production au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'entreprise se redresse tant bien que mal grâce à la moto tandis que la branche automobile est au plus mal au milieu des années 50. Le besoin de redorer le blason à l'hélice de Munich se fait alors urgent d'autant plus que Daimler-Benz se montre très intéressé pour racheter BMW. Toutefois, sur l'élan influé par l'importateur américain, Max Hoffman, BMW se lance dans la création d'un roadster sportif très haut de gamme pour une riche clientèle. La BMW 507, produite avec grand soin, au compte-gouttes, va ainsi devenir l'un des modèles les plus légendaires de la marque...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Remise sur le devant de la scène voici quelques années grâce au lancement du roadster Z8, la BMW 507 est incontestablement une icône dans la production de la Bayerish Motoren Werke. Canon de beauté et véritable collector, elle fût la voiture des stars et des princes à la fin des années 50 et donna un nouveau départ à BMW aux Etats-Unis, ce qui contribua ensuite à sauver le petit constructeur d'une faillite annoncée et lui permit de conserver son indépendance. Présenté au monde en septembre 1955 à Francfort, le roadster 507 va écrire l'une des plus belles pages de l'histoire de BMW.
DESIGN
C'est en novembre 1956 que démarre la production du roadster BMW, pour le millésime 1957. Cabriolet biplace de 4,38 m de long, avec hard-top optionnel, la 507 possède une ligne élancée et racée, de toute beauté. Flancs tendus, avant rebondi et arrière fuyant, la 507 est un symbole de puissance et de vitesse, mais sans brutalité. Elle séduira un public aisé mais son prix astronomique (5 millions de francs en 1955 !) sera la cause d'une diffusion très confidentielle (253 exemplaires dont 2 prototypes et moins d'une dizaine en France aujourd'hui). En effet, le coût de revient est tel que le tarif atteint celui d'une Mercedes-Benz 300 SL, nettement plus puissante, et le double d'une Jaguar XK140 presque aussi performante. Par ailleurs, contrairement à ces deux légendes, la Bmw 507 ne profite d'aucun engagement en compétition pour assurer sa communication et son image. Son prestige et ses performances de haut niveau la confinent à une clientèle très avisée, mais quelle belle automobile ! Le "King" du Rock n'Roll, Elvis lui-même, succombera aux formes sensuelles de ce cabriolet signé Albrecht Goertz dont la ligne est digne des meilleurs carrossiers italiens du moment. Le comte Goertz, dessinateur industriel allemand exilé aux USA fût d'ailleurs élève de Raymond Loewy, le célèbre inventeur de la bouteille de Coca, et signa certainement pour BMW son plus beau chef d'oeuvre. BMW voulait faire rêver l'amérique, le résultat dépasse ses espérances ! Les ouiës latérales de la 507, signe distinctif repris sur les roadsters Z3 et Z8, feront date dans le design de la marque, tout comme ce long capot plongeant vers l'avant. Les célèbres naseaux sont ici étirés sur toute la largeur de la calandre, ce qui rompt avec le classicisme des autres BMW. Enfin, les chromes à profusion et une finition de haut niveau obtenue par une construction entièrement manuelle positionnent cette BMW d'anthologie sur un créneau de sport et de luxe axé Grand Tourisme sans grande concurrence directe.
HABITACLE
L'habitacle est intégralement habillé de cuir et les compteurs (compte-tours et vitesse) posés derrière le grand volant blanc à quatre branches sont de toute beauté. Les sièges n'ont que peu de maintien mais sont très confortables. En option, le poste radio TSF à recherche automatique de stations développé par Becker, peut vous bercer au son de l'amérique à travers son haut-parleur monophonique incrusté au centre de la palnche de bord.
MOTEUR
Sous l'imposant capot se cache un V8 à double carburateurs Zenith inversés. Le V8, architecture très prisée aux USA, est quasi obligatoire pour espérer s'y implanter. Ce coeur de 3L2 emprunté à la BMW 503 est l'un des tous premiers moteurs en aluminium dans l'automobile et sa conception est dûe au Dr Fritz Fielder. Il délivre 150 ch à 5000 tr/mn et 24 Mkg de couple à 4000 tr/mn. Malgré des chiffres qui paraissent aujourd'hui assez quelconques, le moteur fait preuve d'une certaine modernité qui permet à BMW de démontrer ses talents de motoriste : bloc en alliage léger avec chemises humides, compensation automatique du jeu des soupapes et vilebrequin à demi-coussinets. L'alésage supérieur à la course permet d'obtenir un comportement plus sportif à haut régime ainsi qu'une fiabilité accrue par le déplacement moindre des pistons. L'embrayage mono-disque à assistance hydraulique est très doux, aussi doux que sa course est longue, et la boîte de vitesses ZF au plancher démontre un agrément certain, précise et bien synchronisée, tout en se prêtant à une conduite sportive malgré des verrouillages assez durs. Le V8 munichois se démarre via un bouton-poussoir situé sous la clé de contact et lance le démarreur. A l'usage, ce V8 se distingue par des performances de très bon niveau : 0 à 100 en 11" (avec le pont court) et 190 à 220 Km/h en pointe (selon rapport de pont), aidé par un poids relativement peu élevé (1300 Kg). Contre toute attente, son caractère s'exprime plutôt dans le haut du compte-tours, bien que le régime maximum ne dépasse guère 5000 tr/mn. Contrairement aux gros V8 américains cubant souvent plus de 5L, ce "petit" 3L2 fait preuve d'une grande spontanéité et d'une belle souplesse de fonctionnement, des traits de personalité chers à BMW. Le parfum du V8 associé à la vue interminable du capot à travers le pare-brise confèrent à la belle américano-allemande un goût particulier, le raffinement automobile faisant partie intégrante de ses gènes. Un parfum particulier que l'on retrouvera en substance plusieurs années plus tard avec le Z3, lui aussi principalement conçu pour les USA.
CHASSIS
La frêle carrosserie en alliage léger repose sur un châssis à longerons et traverses tubulaires de BMW 502, amputé pour l'occasion de 35 cm. Le roadster BMW 507 utilise donc les solutions techniques éprouvées; à l'avant une suspension à bras triangulés et à l'arrière un essieu rigide avec barre type Panhard. Les deux essieux sont équipés de barres de torsions réglables. La 507 utilise également de grandes roues de 16 pouces de diamètres sur 6 pouces de large avec papillon central et des pneus à flanc relativement bas. La direction à engrenages coniques est réglable axialement. Enfin, les quatre gros freins à tambours en alliage léger possèdent un système de refroidissement spécifique et une assistance hydraulique mais sont bien loin des références de nos jours en la matière. Aussi archaïques soit-elle, la BMW 507 se distinguait à l'époque par une excellente répartition des masses, un centre de gravité bas et une direction très précise. Taillée pour l'amérique, la BMW 507 offre aussi un grand confort de roulement, sans trop nuire à ses véléités sportives ainsi qu'à un plaisir de conduite de haut niveau. Toutes ces notions semblaient presque inédites dans une amérique bercée au tangage et au roulis massif des Cadillac et autres Plymouth dont le comportement routier avait tout du Water-Bed. Dans la production locale, seule la Corvette opposait une résistance à la BMW et pour beaucoup moins cher...
ACHETER UNE BMW 507
Durant sa brève carrière, le roadster BMW 507 va connaître une seule évolution, en 1958. La "Série II" offre une puissance supérieure, des freins à disques à l'avant en série et un peu plus de place derrière les sièges. La production du roadster 507 s'achève en juin 1959. Mais pour les inconditionnels de ce modèle, la série 1 reste la plus belle et la plus pure... la plus chère aussi. La plupart des exemplaires ayant aujourd'hui connu de somptueuses restorations, il va sans dire que leur état est généralement irréprochable. Bien entendu, les montants demandés lors des rares transactions atteignent des sommets déraisonnables. Jusqu'à plus de 400.000 euros lors d'une vente aux enchères l'année dernière à Londres ! A noter une apparition remarquée sur grand écran, dans le film Fantômas de 1964.
:: CONCLUSION
Difficile de ne pas retenir la BMW 507 comme la voiture plus emblématique de la marque, même si dans un passé plus récent, des modèles plus sportifs et performants ont su s'imposer auprès des passionnés. La 507 garde pour elle une rareté extrême, une ligne scupturale et indémodable et une place à part dans l'Histoire de BMW. Pour toutes ces raisons, elle est aujourd'hui inaccessible au commun des mortels mais toujours ô combien désirable...
L'Automobile Sportive remercie la société RM AUCTIONS pour son aide à la réalisation de ce dossier. |