© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (09/07/2007)
272,
POUR LA LEGENDE
La 250 GTO reste à tout
jamais celle qui constitue le mythe Ferrari. GTO, cette appellation
née pour la course et devenue à travers les succès un symbole absolu
de la sportivité, va être reprise pour la première fois en
1984 avec la 288, la nouvelle Ferrari destinée à courrir dans le
Groupe B des rallyes internationaux. A première vue, la 288 n'est
pourtant qu'un dérivé de la 308 GTB Quattrovalvole de l'époque.
Mais sous sa robe fine et élégante, la technique issue de la compétition
s'impose magistralement, pour faire date dans l'Histoire de la marque...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
1984 est une année importante dans l'histoire de Ferrari
qui, tout en renouant avec son glorieux passé, démontre
au monde entier un savoir-faire à la pointe de la technologie
et un dynamisme commercial rare. Deux modèles mythiques voient
en effet le jour en cette année : la Ferrari
Testarossa, deuxième du nom, et la 288, deuxième
"GTO" du nom. Contre la bagatelle de 935000 FF de l'époque,
200 clients soigneusement triés sur le volet vont pouvoir
prendre possession de leur exemplaire de la version routière
de la 288 "Gran Turismo Omologata", dont la production
doit permettre en effet une homologation en groupe B des rallyes.
Et contre toute attente, tous les modèles vont être
vendus bien avant le début de la production en juillet 1984
! Sur le total, seuls 20 exemplaires furent ainsi livrés
en France, à l'importateur Charles Pozzi. Une extension de
production de 72 modèles fut donc décidée pour
satisfaire en partie la demande suscitée internationalement
par la belle.
PRESENTATION
Même avant, fenêtres
et prises d'air latérales... mais étonnament, au fur et à mesure que
l'on découvre ses spécificités stylistiques
et techniques, la ressemblance visuelle de la 288 GTO avec la Ferrari
308 GTB s'estompe et laisse place à la contemplation
d'un authentique modèle à part entière, directement issu du savoir-faire de Maranello en compétition. Ensuite la GTO se différencie
entre autres par un clin d'oeil à son ailleul la 250 : 3
prises d'air déchirant les ailes arrières telles des
ouies de requin. Egalement, elle s'habille d'un bouclier avant redessiné
avec une calandre à 4 phares rectangulaires et pose cette
ligne subtilement remodelée sur un châssis plus long
de 11 cm qui, conjugué à un élargissement des
voies, lui donne un aspect plus félin et plus musculeux que
jamais. Pininfarina a réussi l'impossible pari de sublimer
les lignes de la 308, prouvant une fois de plus son art inimitable
et son talent magistral. Dimensions accrues donc prise de poids
? Absolument pas ! Conscient de l'importance de limiter au maximum
le poids et la rigidité de la berlinette avant l'homologation,
Ferrari a développé pour la 288 GTO un châssis
tubulaire et une carrosserie en fibre de verre, Kevlar et carbone.
Et rien que ça nous laisse rêveur car nous parlons
d'une automobile conçue avant 1984... Terminons l'inventaire
extérieur avec les jantes Speedline deux parties à
écrou central, qui accueillaient à l'époque
des pneus en 16" Goodyear Eagle VR50 de 225/55 à l'avant
et 265/50 à l'arrière, bien que Michelin semble aussi
avoir fourni Ferrari pour la 288 GTO.
EN ROUGE... ET JAUNE !
Une, et une seule, Ferrari 288 GTO a été produite en jaune "GIALLO FLY". Il s'agit du dernier encore en vie des quatre 288 GTO PROTOTIPO officielles. Il a été vendu récemment aux enchères par le spécialiste RM à 506.000 $.
HABITACLE
L'habitacle, très proche
de celui de la 308, s'équipe de sièges baquets aérés
comme sur la Daytona et le tableau de bord est recouvert d'un velours
noir mat. La finition et la qualité de fabrication ne sont
certainement pas au niveau du prix demandé mais l'esssentiel
est ailleurs, comme toujours à bord d'une Ferrari. Ici, on
se sent bien. Heureux, fier et humble à la fois, devant l'héritage
sportif de la marque qui impreigne tout particulièrement
ce modèle. Signes parmis tant d'autres, le compteur de vitesse
gradué jusqu'à 320 Km/h et le compte-tours jusqu'à
10000 rotations par minutes ne laissent plus aucune place au doute
: la belle et la bête ne font qu'un.
MOTEUR
Sous son léger capot arrière en aluminium, l'amateur
de belles mécanique sportives est comblé. Le V8 2.8L
à quatre soupapes par cylindre, type F114B, est ici implanté
longitudinalement et non plus transversalement pour des raisons
de répartition des masses. Mais surtout, il reçoit
l'adjonction de 2 turbines japonaises IHI, portant sa puissance
à 400 chevaux, obtenus à 7.000 t/m !!! Avec ses 1160
kg, la 288 GTO était également 10% plus légère
qu'une 308 GTB ! Imaginez par un rapide calcul le rapport poids/puissance
de cette voiture... la réponse est 2.9 Kg/ch. Besoin d'autres chiffres
? Un 0 à 100 km/h en 4,9 secondes et une vitesse maximale
supérieure à 300 km/h, exactement 320, obtenus sur
circuit avec un compteur de vitesse en butée, prouvent que
le manomètre ne mentait pas...
SUR LA ROUTE
A l'époque, les chronos
impressionnants de la 288 GTO prouvent une fois de plus l'efficacité
du turbo-compresseur et démontrent surtout la maîtrise
de cette technologie par la firme du Cavalino, juqu'alors uniquement
connue et réputée pour ses motorisations atmosphériques.
Pour démarrer le monstre, tournez la clé et appuyez
sur le bouton de démarreur situé au tableau de bord.
Séquence émotion ! Les turbos atténuent à
peine la sonorité métallique du "petit"
V8 italien dont l'échappement assez libéré
en émet les vibrations et les crépitements. Contre
toute attente, à l'usage la Ferrari 288 GTO n'a rien d'une
bête sauvage indomptable tant qu'on la maintien en activité
réduite. Elle s'accomode d'une conduite calme et coulée,
le couple monstrueux du V8 bi-turbo (50,6 Mkg à 3800 tr/mn)
permettant de reprendre sur n'importe quel rapport avec une aisance
remarquable. En revanche quand on pousse un peu le V8 affûté
qui sommeille derrière le pilote, la furie mécanique
ne se fait pas attendre ! Elle nécessite alors expérience,
maîtrise et force pour se laisser diriger. Du sport automobile
à l'état pur, c'est pour cela qu'elle a été
concue et voilà bien ce qu'elle aime cette Ferrari 288 GTO
!
ACHETER UNE FERRARI 288 GTO
Historiquement, la Ferrari 288 GTO ne connaitra malheureusement
pas comme sa légendaire ainée la 250 GTO, un palmarès
sportif à la hauteur de son formidable potentiel. Coupé
dans son élan par un changement brutal de la législation,
sensé mettre un terme à la course à la puissance
du groupe B, Ferrari se retrouva brutalement mis au pied du mur
alors que la production de la 288 GTO Evoluzione (la version course)
qui ne démarra qu'en 1985, n'avait permis de construire que
5 voitures. Dure punition au regard du travail accompli pour la
mise au point de la 288 GTO Evoluzione (NDLR: 650 ch pour 650 kg
!!!). Ce coup de théatre va engendrer une montée en
flêche des cours de revente des quelques modèles de
route produits. Sa carrière de voiture de course ainsi compromise,
la 288 GTO Evoluzione permettra toutefois de poser les bases d'un
projet plus extrême encore d'une version routière qui
aller marquer l'histoire du constructeur de Maranello : la F40.
Evolution naturelle de la 288 GTO, aboutissement ultime du châssis
et du moteur V8 turbocompressé obtenu par l'intermédiaire
du prototype 288 GTO « Evoluzione ». On comprend alors
aisément que la Ferrari 288 GTO, première "supercar" de la marque née sous l'impulsion
du commandatore, soit parmi les bolides rouges les plus convoités
aujourd'hui sur le petit marché des "collectors".
Ses cours sont très élevés et les rares modèles
qui changent de mains, s'échangent généralement
autour des 400 000 Euros. Un cours élevé mais
justifié car le marché a beaucoup changé de
clients et on ne spécule plus sur les Ferrari comme à
la fin des années 80, après la mort du Commendatore.
Seuls les vrais passionnés et heureux propriétaires
fidèles à la marque, s'intéressent encore à
des modèles d'exception comme la Ferrari 288 GTO. Aussi riche
techniquement qu'historiquement, elle restera une véritable
pièce de choix dans le patrimoine et le passé de la
marque.
:: CONCLUSION
Rare, performante et chargée d'une histoire vraiment unique, la
Ferrari 288 GTO a donné naissance à une race de "supercars" toutes
plus extraordinaires dont sa descendante directe, la F40. Mais qu'on
ne s'y trompe pas, sa réputation ne tient pas qu'à sa rareté. La
Ferrari 288 GTO est une voiture de course, une vraie, avec une mécanique
incroyable et une ligne sublime, comme seul le petit artisan de
Maranello sait en faire depuis toujours... |