FERRARI 365 GT4 2+2 (1972 - 1976)
Week-end en famille
Se refusant toujours à commercialiser un modèle à quatre portes, Enzo Ferrari n’a pas oublié ses clients recherchant de l’habitabilité. Ne vous méprenez pas, point de mécanique au rabais mais toujours un bon gros V12. Voici donc la mode des grands coupés sportifs qui se poursuit, avec plus ou moins de réussite...
Texte : Maxime JOLY
Photos :
Pour fêter la sortie de la Ferrari FF, nous continuons notre épopée sur les Ferrari dites familiales. Après avoir évoqué la 365 GT 2+2, nous poursuivons avec ses descendantes directes, la 365 GT4 2+2 et ses nombreux dérivés. Car bien que peu connues du grand public, ces modèles sont des incontournables avec leurs 17 ans passés au catalogue du cheval cabré…
DESIGN
La Ferrari 365 GT4/2+2 fut présentée au Salon de l’Automobile de Paris de 1972. Elle dérive étroitement de la 365 GTC/4, à la ligne plus sportive et succède à la 365 GT 2+2 dont la production fut stoppée 18 mois plus tôt. La presse fit preuve de beaucoup d’enthousiasme lorsque cette nouvelle Ferrari fut présentée et plébiscita, une fois n’est pas coutume, le travail accompli par Pininfarina et plus particulièrement par Leonardo Fioravanti. On doit d’ailleurs à ce monsieur quelques oeuvres majeures telles que les 365 GTB/4 Daytona et 288 GTO, pour ne citer qu’elles. Tout ce qui est en rapport avec la carrosserie était assemblé à Turin chez Pininfarina avant d’être rapatriée à Maranello pour l’installation des pièces mécaniques. Le dessin demeure particulier et assez unique dans l’histoire de Ferrari, expliquant qu’il ne plaise pas à tout le monde. L’élégance a primé sur la sportivité dont les signes distinctifs sont quatre sorties d’échappement, laissant présager qu’un monstre se cache sous ce long capot italien.
Pas de doute en la voyant, cette Ferrari est destinée aux grands espaces et aux longs trajets, une vraie GT. Le corps séparé en trois parties et les lignes angulaires tranchent avec les courbes sensuelles de la 365 GT 2+2 qu’elle remplace. Un design très masculin donc. La face avant abrite des phares escamotables qui s’actionnent électriquement depuis le poste de pilotage, et des feux anti-brouillard. L’ensemble de la voiture est largement vitré permettant d’avoir un intérieur très aéré, détail encore plus visible à l’arrière grâce à la faible surface occupée par les montants de custode. Cette Ferrari 365 est reconnaissable à ses trois gros feux arrière même si les plus observateurs auront sans doute remarqué que sur notre modèle d’essai, ceux-ci ont été remplacés par des feux de 400. Pour terminer le chapitre du design, on retrouve les célèbres jantes de type Rudge en étoile à 5 branches et papillon central, montées de pneus Michelin XWX. Les traditionnelles jantes Borrani à rayons étaient toutefois proposées en option mais très peu demandées du fait de leur style peu en accord ave cla ligne moderniste de la 365 GT4 2+2. Interdite du territoire américain à cause des normes anti-pollution, la 365 céda sa place à la fin de l’année 76 à la Ferrari 400, elle aussi présentée à Paris. Paradoxalement, cette série de modèles sont aujourd’hui les V12 Ferrari les plus abordables alors qu’à leur sortie, elles étaient au contraire les plus chères du catalogue.
HABITACLE
Qui a dit qu’une Ferrari était un plaisir d’égoïste ? Pour beaucoup une vie de famille est rarement compatible avec le choix de s’offrir une diva venant de Maranello. Pourtant, il existe chez Ferrari une gamme capable de satisfaire les besoins que peut avoir un couple avec enfants. Bien sûr, rien de comparable avec une vraie berline familiale et il faudra faire quelques concessions mais croyez-moi, je connais peu d’enfants qui se plaindront de voyager en Ferrari… Ce sera par la même occasion le moyen rêvé de transmettre votre passion à la génération future. Pour être accueillante à l’avant comme aux places arrières (séparées par un accoudoir en cuir), il a fallu allonger l’empattement (2m70) par rapport à la 365 GT 2+2, qui était basée sur la 330 2+2. La garde au toit a également étudiée pour faciliter la vie à l’arrière, faisant de cette Ferrari une vraie quatre places. Et pour ne rien gâcher, la climatisation et les vitres électriques étaient fournies en série et le coffre dispose d’une capacité de contenance suffisante pour les départs en week-end. C’est Madame qui va être contente…
Dans l’habitacle, le bon et le moins bon cohabitent. L’imposante et très belle console centrale (en bois), ressemblant à ce que l’on peut trouver dans le coupé 365 GTC/4, regroupe plusieurs fonctions et levier de vitesses. Au-dessus de celui-ci, plusieurs indicateurs dont une horloge et la température d’huile prennent place. Dommage que le tableau de bord simpliste et les commodos ne soient pas dignes du standing de cette Ferrari 365 GT4/2+2.
MOTEUR
Noblesse oblige, la mécanique est un 12 cylindres. A l’époque, c’était à la marque Dino qu’incombait la tâche d’écouler les V6 et dès 1973, les V8. Aujourd’hui encore, le choix de l’emplacement du moteur divise les ferraristes, ceux-là oubliant quelque peu les propres souhaits d’Enzo Ferrari… Cependant, il faut admettre que le père Enzo n’était pas si réfractaire que cela aux moteurs placés « dans le dos », comme l’avait prouvé la maudite 250 LM, avant de réitérer l’expérience peu de temps après sur les Dino (206, 246, 208 et 308 GT4). Il faut dire que les histoires qui se terminent bien n’intéressent pas les journalistes qui ont préféré jouer sur l’antagonisme de cette soi-disant obstination de Ferrari pour ses moteurs avant face à l’insolente démonstration de la Lamborghini Miura. Excusez cette courte aparté et revenons à nos moutons, ou plutôt nos pistons. La conservation du V12 frontal sur la GT4 2+2 avait avant tout été dictée par plusieurs critères. D’abord celui du design. Bertone s’essaya à l’exercice avec la 308 GT4 mais ne convint pas tout le monde, Enzo le premier… Ensuite, profiter du vacarme du moteur dans l’habitacle est une sensation extraordinaire… à condition d’être assis aux places avant ! Installez-vous 15 mn à l’arrière et imaginez-y vos enfants, vous comprendrez rapidement que ce n’est pas vivable…
Avant de rentrer davantage dans les détails, place à la question existentielle du jour. D’où vient ce 4 collé à la GT ? Il fait simplement référence aux quatre arbres à came du moteur, le Tipo 251 de 340 ch, d’abord sorti sur la GTC/4. La base est le bloc de la 365 GT 2+2 - il en conserve d’ailleurs la cylindrée unitaire - à ceci près qu’il n’est plus alimenté par trois mais par six carburateurs Weber, des 38 DCOE59/60. Un régal à régler... En plus des 20 ch, c’est aussi 40 Nm qu’il récupère tandis que le régime maxi est reculé à 6800 tr/min Si vous avez bien suivi, vous aurez compris que ce moteur est quasiment le même que celui de la Daytona, ou 365 GTB/4, selon à qui vous vous adressez. Quasiment car quelques différences subsistent, à commencer par un taux de compression plus faible (8:8:1), expliquant une petite perte de puissance, et une lubrification par carter humide. C’est qu’il ne fallait pas faire de l’ombre à la supercar de l’époque…
Magique, avec sa sonorité reconnaissable entre toutes, ce 4390 cm³ ne s’écoute pas au ralenti, il se savoure en phase de roulage et comme un bon vin, le plaisir semble aller crescendo avec l’âge. Avant de profiter de ces montées en régime capables de vous mettre instantanément la tremblote, il faut attendre patiemment que les 18l d’huile montent en température. Et inutile de dire que ça ne se fait pas en deux minutes… La boîte de vitesse cinq rapports est accouplée au moteur, à l’avant donc. Précise, elle contribue elle aussi au mythe du cheval cabré. Avec une consommation moyenne de l’ordre de 20l/100, mieux vaut choisir ses trajets à moins d’avoir un ami pompiste…
CHASSIS
La Ferrari 365 GT4 2+2 a certes des prétentions familiales, elle n’en reste pas moins une vraie Ferrari et se doit par conséquent d’avoir des prestations dignes de son blason et de son V12. Malgré presque 1500 kilos à vide auxquels il faut ajouter les 118l d’essence une fois le plein fait, le comportement de la transalpine a été travaillé pour le rendre aussi sportif que possible. Le châssis tubulaire est hérité de la 365 GTC/4, gage de qualité et de maniabilité. l'empattement a été allongé et la voie arrière légèrement réduite. Les quatre roues sont indépendantes et les suspensions disposent de barres stabilisatrices. La suspension arrière propose même un correcteur de niveau oléopneumatique qui supplée à merveille les amortisseurs télescopiques Koni et la barre anti-roulis. Le confort distillé aux passagers de la 2+2 est digne d’une limousine et son poids se fait réellement oublier. Le tout sans pénaliser ses aptitudes sportives grâce à la direction précise et au différentiel autobloquant ZF. Les disques de frein à double circuit assisté parachèvent le travail même s’il faut toujours garder à l’esprit l’âge de conception de la voiture. Confortable pour Madame et les enfants, la 365 GT4 2+2 se savoure avant tout au volant… Pour preuve, ces quelques chiffres : 6,5 secondes pour atteindre les 100 km/h et un kilomètre départ-arrêté abattu quant à lui en 25,5 secondes.
EVOLUTION
Sacrifiée sur l’autel de la pollution ou plutôt du protectionnisme américain, la Ferrari 365 GT4 2+2 laissa sa place en 1976 à la 400. Le nom fait comme d’habitude référence à la cylindrée unitaire du moteur, le V12 4AC passant à 4823 cm³ pour 340 ch, toujours alimenté par six carbus Weber. En dehors de ces nouveaux optiques, la grosse nouveauté de la 400 est sa boîte automatique Hydramatic 3 rapports, conçue par General Motors. Preuve que ce modèle était principalement destiné aux Etats-Unis, cette boîte était celle fournie en série. Vous avez compris, la boîte mécanique était en option sur la 400 GT ! La réputation de la 400 en fut entachée à jamais et explique que seulement 502 exemplaires furent produits…
Quatre ans plus tard, la 400i marque le passage à l’injection K-Jetronic. Cela se traduit par une perte de puissance de 25 ch. Malgré cela, le succès est au rendez-vous avec trois fois plus d’exemplaires écoulés que pour la version carbus ! Avec 1800 kg à vide contre 1700 auparavant, on s’éloigne sérieusement du caractère sportif d’antan…
Pour finir, la dernière née de la série s’appelle 412i. Pour rattraper la puissance perdue à cause de l’injection, Ferrari n’a d’autre choix que d’augmenter la cylindrée. Le dessin est remis à jour et elle devient la première de Maranello à être équipée en option de l’ABS.
ACHETER UNE FERRARI 365 GT4 2+2
L’achat d’une Ferrari ne se fait jamais sans précaution donc, comme à l’accoutumée, une inspection du véhicule et de son historique est obligatoire. Mais un historique complet ne vous dispensera pas d’attentions régulières concernant la 365 GT4/2+2. En usage courant, le niveau d’huile est à vérifier tous les 500 km. Le point le plus crucial est la vérification tous les 15 000 km (voire tous les deux ans pour plus de sécurité) de la chaîne de distribution. Bien qu’il n’y ait pas de faiblesse particulière connue sur cet organe, un contrôle minutieux reste un gage de sécurité primordial étant donné les coûts de restauration en cas de casse mécanique. Une vidange annuelle ou tous les 5.000 km est également obligatoire et ne vous privez pas de faire à la même occasion celle de la boîte et du différentiel. Ne pas dépasser les 10.000 km pour s’occuper du remplacement des bougies et tous les 15.000, vérifiez le jeu aux soupapes. Un entretien scrupuleux donc, et coûteux, en rapport avec le prix neuf de cette Ferrari, mais malheureusement éloigné de son prix en occasions… A cause d’une faible demande, la revente de ces modèles est compliquée. Si vous sautez le pas, ayez bien conscience de cela.
CHRONOLOGIE
1967 : présentation de la Ferrari 365 GT 2+2
1971 : arrêt de la 365 GT 2+2 et commercialisation de la Ferrari 365 GTC/4
1972 : présentation de la Ferrari 365 GT4 2+2
1976 : arrêt de la 365 GT4 2+2 et commercialisation de la 400 GT
1980 : commercialisation de la Ferrari 400i
1985 : commercialisation de la Ferrari 412i
1989 : arrêt de la 412i
1992 : commercialisation de la Ferrari 456 GT
PRODUCTION
365 GT4 2+2 : 525 exemplaires dont 3 prototypes
400 : 502 exemplaires
400i : 1306 exemplaires
412i : 539 exemplaires
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
FERRARI 365 GT4 2+2
MOTEURType : 12 cylindres en V à 60°, 24 soupapes, 4 ACT
Position : longitudinal AV
Alimentation : 6 carburateurs double corps Weber 38 DCOE 59/60
Cylindrée (cm3) : 4390
Alésage x course (mm) : 81 x 71
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 340 à 6800
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 420 à 4600
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques
Pneus Av-Ar : 215/70 VR 15 Michelin XWX
POIDS
Données constructeur (kg) : 1500
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4,4
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 240
400 m DA : 14"8
1000 m DA : 25"5
0 à 100 km/h : 6"5
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 km) : 20
PRIX NEUF (1972) : N.C.
COTE (2011) : 30.000 €
PUISSANCE FISCALE : 26 CV
CONCLUSION
Sans être la plus désirable des Ferrari, la 365 GT4 2+2 ne manque pour autant pas de charme, avec comme clou du spectacle son puissant et démonstratif 12 cylindres. Pouvoir s’offrir une telle mécanique pour environ 30 000 € tout en accueillant sa petite tribu a de quoi faire rêver tous les pères de famille passionnés d’automobiles ! Mais avant d’essayer ce grand coupé, assurez d’être en mesure de l’entretenir correctement car une fois que vous aurez goûté au V12, le retour sur Terre sera bien difficile…
Une Ferrari pour 4
V12 d'anthologie
Cote très raisonnable...
... mais entretien coûteux
Pas la plus belle des Ferrari
Finition un peu décevante
Consommation importante