L'ELITE SPORTIVE
Lorsqu'on évoque l'histoire de Lotus, on associe immédiatement la mythique Seven comme étant le point de départ de l'aventure automobile de Colin Chapman. Voiture de course à part entière, elle ne s'adresse pas à un large public. Aussi, pour assurer le développement et la rentabilité de son entreprise, Chapman imagine une "vraie" voiture de route. La Lotus Elite Climax "Type 14" vient donc compléter la gamme naissante du petit constructeur britannique et doit apporter à Lotus une vraie notoriété...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
L’étude type 14, qui deviendra la Lotus Elite, débute dans le courant de l'année 1956. Il s'agit d'un petit coupé 2 places pensé comme une "gran turismo" et plus adapté à un usage sur route que la très sportive Seven. Par GT, il faut alors comprendre voiture pour rouler en semaine et courir le week-end ! Dès l'année suivante, le prototype est présenté aux côtés de la Seven sur le salon de Londres où il fait très bonne impression. Fidèle à son engagement en compétition, Chapman a mis au point et étudié la voiture avec l'appui de pilotes et clients de la marque. Chapman dispose alors pour sa jeune entreprise de deux voitures très complémentaires d'un point de vue commercial.
DESIGN
En 1958, la production démarre pour de bon. Très innovante par sa carrosserie et sa structure monocoque autoportante entièrement réalisée en composite de résine et fibre de verre, la Lotus Elite nécessite un savoir-faire qui n'en est encore qu'à ses débuts. L'implantation de différentes pièces mécaniques (renforts, supports moteurs et suspensions) noyées dans la résine n'est pas une opération très courante. Mais cette technique inédite en automobile permet d'obtenir une grande rigidité pour un poids très réduit. Après des problèmes de fabrication avec Maximar, société spécialisée dans les coques de bateaux composites, la réalisation sera finalement confiée à Bristol Aeroplane Company (Elite S2, voir plus bas). A vide, la petite anglaise ne pèse en effet que 560 Kg ! Totalement inimaginable aujourd'hui... Par ailleurs, les lignes de la voiture sont particulièrement séduisantes et bien dans leur époque, avec des formes simples, douces et très fluides. Ce trait de crayon nous le devons à un ami de Chapman, Peter Kirwan-Taylor et à Frank Costin - frère du créateur de Cosworth - aérodynamicien chez Havilland Aéronautique. Et oui, que de talents dans la famille ! L'excellent Cx de 0,29 démontre d'ailleurs tout le génie et le bon sens de ces formes obtenues sans l'aide de l'ordinateur (évidemment !) ni d'une soufflerie. Côté équipements en revanche, c'est là aussi l'extrême légèreté. Le "grand tourisme" de l'époque est bien éloigné de celui de notre temps. A titre d'exemple, dans l'Elite les vitres latérales ne descendent pas mais se démontent pour être rangées dans une poche disposée au dos des sièges ! Vous imaginez le folklore au péage ! Ceci dit, assis par terre, vous ne verrez pas la tête du guichetier. Ne cherchez pas non plus d'autoradio, et de toute façon, la bulle de fibre de verre qui fait office de caisson de résonnance pour les vibrations accoustiques du moteur (avec un pic à 4000 tr/mn) en limiterait l'usage...
MOTEUR
En conséquence du faible poids obtenu par l'innovante structure, la mécanique se contente d'être plus classique et modeste. La recherche de chevaux n'est pas la priorité et Lotus retient un petit moteur 4 cylindres en ligne 8 soupapes de la firme Coventry Climax. La cylindrée est spécifiquement modifiée pour Lotus à 1216 cm3 et ce moteur prend l'appellation FWE. L'un de ses atouts, et non des moindres, est l'utilisation d'aluminium pour le bloc et la culasse. C'est plus coûteux, mais cela garantit un poids restreint, principale obsession de Chapman.
Avec ses 75 ch à 6100 tr/mn, le petit 1L2 emmène toutefois l'Elite type 14 à plus de 180 km/h et la propulse via les roues arrière de 0 à 100 km/h en "seulement" 12 secondes. Une performance qui prête à sourire, mais la situe au niveau de voitures de sport établies de cette fin des années 50. L'alimentation est assurée par des carburateurs SU. La boîte de vitesses B-series de BMC à première non synchronisée est partagée avec la MGA. Elle ne se distingue pas vraiment par son agrément ni sa précision mais l'étagement est correct.
CHASSIS
La Lotus Elite se distingue également par son freinage à disques sur les quatre roues et une suspension à quatre roues indépendantes directement issue de la compétition puisqu'identique à celle de la monoplace Type 12 ! La suspension à 4 roues indépendantes utilise en effet à l'arrière le fameux "essieu Chapman" comprenant deux demi-arbres de transmission comme élément de guidage latéral des roues. Elle est également équipée de 4 freins à disques Girling, ceux-ci étant accolés au pont à l'arrière, ce qui limite les masses non suspendues. Avec ses qualités de tenue de route et aérodynamiques, la Lotus Elite s'offre 6 victoires de catégorie au Mans et deux victoires de classe énergétique. Les petites roues à rayons de mobylette en 15" de diamètre favorisant le faible niveau de frottements, la voiture file dans l'air comme une flêche et consomme très peu. Pas le moindre des atouts pour une course comme Le Mans. Son agilité est par ailleurs aussi remarquable que le guidage des trains roulants. La répartition du poids entre essieux de 50/50 y contribue autant que la suspension sophistiquée. A ce sujet, la roue de secours située derrière les sièges permettait un accès rapide lors des épreuves, mais aussi une répartition plus centrale des masses. Nombreux sont les gentlemen drivers à courir en Elite le Week End et à prêter la voiture à madame en semaine pour faire son shopping. C'est dire si son comportement est sain !
EVOLUTIONS
Eternel insatisfait et confronté à des ventes assez faibles, Chapman apporte un certain nombre d'améliorations à l'Elite dès 1959, après avoir écoulé seulement 280 exemplaires. L'Elite S2 se distingue par une suspension arrière revue, un intérieur plus richement fini. Une version SE (Special Equipment) fera ensuite son apparition avec une boîte ZF à 4 rapports synchronisés, déjà testée en compétition. La puissance atteint 85 ch à 6500 tr/mn grâce à un arbre à cames et un collecteur d’échappement différents. Le 0 à 100 km/h est désormais couvert en 10 secondes. Malheureusement pour Chapman, la voiture coûte très cher à fabriquer et chaque exemplaire est vendu à perte. 750 exemplaires d'Elite S2 trouveront preneur avant qu'elle soit remplacée par l'Elan en 1963.
ACHETER UNE LOTUS ELITE
Compte tenu de la très grande rareté de la Lotus Elite en France, il n'est pas évident de réunir des infos en masse sur d'éventuels conseils d'achat. D'ailleurs, la première difficulté, avant de faire la fine bouche, sera de trouver une voiture en vente ! Sur le millier d'exemplaires produits, combien sont encore en vie ? Difficile à dire. Toutes les survivantes sont certainement désormais dans les mains de collectionneurs avisés, ayant parfois procédé à des remises en état à grands frais. Le magazine Sport Auto fait état d'une cote d'environ 40.000 euros, mais en parcourant un peu Internet on trouve des prix allant jusqu'à 60.000 euros dans certains pays pour des voitures optimisées et en parfait état.
Le choix d'une conduite à droite sera probablement un passage obligé pour dégotter une Lotus Elite, mais cela peut contribuer au charme de rouler en anglaise. Pour ce qui est des pièces mécaniques, elles se trouvent encore, mais rarement à bon prix. Enfin, la carrosserie en fibre de verre est très fragile et sa remise en état coûteuse doit être confiée à de vrais spécialistes. Mais si vous avez craqué pour ce modèle peu commun, sachez que le plaisir de conduite sera au rendez-vous et que votre investissement ne devrait pas perdre de valeur !
PRODUCTION LOTUS ELITE TYPE 14
Elite S1 (1958-1959) : NC exemplaires
Elite S2 (1959-1963) : 750 exemplaires
TOTAL : 1030 exemplaires
:: CONCLUSION
Première Lotus Grand Tourisme, l’Elite représente une étape importante dans l’histoire de la marque. Elle sera un premier pas vers une notoriété grand public et la voiture non rentable financièrement, conduira Chapman a faire encore évoluer son concept pour donner naissance à l'Elan. Véritable collector désormais, l’Elite marquera l’histoire automobile par le caractère avangardiste de sa conception. GT au sens noble et sportif du terme, elle impose toujours lors des épreuves historiques toutes ses qualités dynamiques et le bienfondé d'une conception légère... |