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MASERATI BITURBO / E (1982 - 1988)

maserati biturbo
© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (02/08/2010)

NOUVELLE LIGNEE

Récent propriétaire de Maserati, De Tomaso veut moderniser la gamme en la dotant d’un coupé abordable. Derrière le patronyme Biturbo, ce n’est pas qu’un modèle qui sera lancé, mais une véritable saga à la réputation sulfureuse qui durera plus d’une décennie...

Texte : Maxime JOLY
Photos : Alexandre AZIMZADEH

C’est au cours de l’année 1978 que germe dans l’esprit d’Alejandro De Tomaso, récent acquéreur de Maserati, l’idée de proposer dans la gamme Maserati un coupé vendu à un prix abordable. En effet, la crise frappe la firme italienne de plein fouet et trouver un palliatif devient urgent. La Maserati Biturbo laissera d’ailleurs son nom à toute une famille de modèles, nommée logiquement « Biturbos », regroupant un nombre presque incalculable de variantes (dont une bonne partie est déjà référencée sur notre site), jusqu’à la Ghibli II, dernière Maserati produite sous l’ère De Tomaso. A propos de variantes, la Biturbo première du nom qui fait l’objet de notre sujet, en connut une multitude tant est si bien qu’il n’est pas simple de s’y retrouver. Un (fastidieux) décryptage s’imposait donc… C’est avec l’aimable concours d’un propriétaire passionné qu’une rencontre a pu se concrétiser, débouchant sur une brève séance photos.

PRESENTATION

maserati biturbo emaserati biturbo e

Maserati Biturbo. Cette simple évocation peut déclencher diverses réactions chez votre interlocuteur selon à qui vous vous adressez : tantôt la passion, dans d’autres cas la frayeur et parfois, malheureusement, la raillerie. Mais pourquoi une telle réputation ? Cette nouvelle venue dans la gamme Maserati fut officiellement présentée le 14 décembre 1981, date correspondant au 67ème anniversaire du trident. Mais ce ne sera qu’en avril de l’année suivante que les ventes débutèrent, l’Italie ayant la primeur de ce nouveau coupé 2+2. Chez Maserati, l’espoir était grand concernant les ventes de la Biturbo et ils avaient vu juste. Le succès fut immédiatement au rendez-vous et les carnets de commande rapidement pleins, dépassant les prédictions et réalisant des chiffres record pour le constructeur, au point de devoir délocaliser une partie de la fabrication chez Autobianchi. Résultat, l’exportation est retardée… Les autres pays durent donc attendre presque un an et ce ne fut qu’à partir de mars 1983 que la Biturbo E (comprendre Exportée) leur fut officiellement proposée. En France, la tâche fut confiée à Ets Thepenier. Le coup de crayon est signé Pierangelo Andreani dont on peut remarquer la très nette influence par la Quattroporte III, dessinée par Giugiaro et commercialisée en 1979. Le Biturbo dépasse de quelques centimètres les 4 mètres de long ce qui est à peine plus qu’une Peugeot 207. Le résultat est donc un coupé de taille contenue et qui a le mérite de passer inaperçu grâce à un design sobre. En effet, seuls les connaisseurs reconnaîtront dans la rue cette Maserati, à moins bien sûr de remarquer les écriteaux Maserati Biturbo recouvrant la malle arrière, ou bien encore les multiples tridents éparpillés un peu partout sur la carrosserie. La double sortie d’échappement trahit une certaine puissance, mais de nos jours un vulgaire diesel y ayant droit, ce n’est finalement plus vraiment un critère de sportivité. La roue de secours visible a quelque chose d’incongru… Beaucoup lui trouvent un look vieillot, je dois dire qu’elle rend beaucoup mieux en vrai et que son charme agit rapidement. J’entends d’ici les mauvaises langues me rétorquer que je ne suis pas objectif. Peut-être…

HABITACLE

interieur maserati biturbointerieur maserati biturbo

Notre modèle d’essai était originaire d’Italie, ce qui fait qu’il y a certaines différences par rapport à ceux exportés de manière officielle sur notre territoire. Ne cherchez pas l’horloge à pendules près du tableau de bord, celle-ci est remplacée par une digitale en Italie où la direction assistée était en option, tout comme les appuies-têtes à l’arrière. A propos des places à l’arrière, deux adultes peuvent parfaitement s’y installer et le coffre relativement généreux pour cette catégorie (la roue de secours étant placée sous la voiture) permet d’emmener avec soi suffisamment d’affaires pour prévoir un week end en (petite) famille. Le faux bois, omniprésent dans l’habitacle, fait illusion et offre un côté luxueux à l’habitacle bien que la qualité de fabrication soit assez rustique. Le tout a le mérite de bien résister au poids des années. L’ambiance est particulière et conviendra aux adeptes de la maxime « luxe, calme et volupté » tandis que les amateurs de sportivité resteront sur leur faim. Qu’ils patientent, ils se rattraperont une fois derrière le volant…

CARACTERISTIQUES


MASERATI BITURBO / E
moteur
MOTEUR
Type : 6 cylindres en V à 90°, 18 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : carburateurs Weber 36 DCNVH 16/100 + 2 turbos IHI
Cylindrée (cm3) : 1995 / 2491
Alésage x course (mm) : 82 x 63 / 91.6 x 63
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 180 à 6000 / 185 à 5500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 253 à 4400 / 300 à 3000
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés / disques
Pneus Av-Ar : 195/60 VR 14
POIDS
Données constructeur (kg) : 1086 / 1161
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6 / 6,3
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 215 / 221
400 m DA : ND
1 000 m DA : 29" / 28"
0 à 100 km/h : 7" / 6"5
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km) : 10
PRIX NEUF (1982) : 196.300 FF
COTE (2010) : 7.000 €
PUISSANCE FISCALE : 9 / 10 CV

MOTEUR

L’ambition de ratisser une large clientèle avec un prix de vente inhabituel pour Maserati devait aller de paire avec une motorisation faiblement taxée. Il fallait donc pour l’Italie un « petit » moteur (ne dépassant pas les 2 litres de cylindrée à cause de la fiscalité particulière) pour ne pas pénaliser le prix d’achat attractif. Surtout que ce moteur n’a que la cylindrée de petite, car pour le reste, c’est du costaud.

Suralimenté par 2 turbos IHI, une première pour l’époque sur un modèle de série, la puissance atteint 180 chevaux. Ce V6 positionné à l’avant, en aluminium et alimenté par un double corps Weber est dérivé de celui de la Maserati Merak 2000 GT, la cylindrée passe de 1999 à 1995 cm3. Par ailleurs, le nombre de soupapes évolue également : de deux à trois par cylindre : une pour l’échappement et deux pour l’admission dont l’une plus large que l’autre pour améliorer l’efficacité de la combustion. Son angle de 90° s’explique par le fait que sa base est un V8 amputé de deux cylindres.

La consommation n’est pas extravagante puisque elle se situe en moyenne aux alentours des 10L/100 en transmission manuelle. Cette boîte 5 (avec la 1ère en bas !) est de loin la plus répandue mais il existe aussi des versions disponible en transmission automatique.

Pour les autres marchés, une évolution aboutissant à une cylindrée plus noble fut proposée : un 2491 cm3 qui développe 185 chevaux à 5500 tr/min, soit seulement 5 chevaux de plus que la version italienne mais il faut regarder ailleurs pour voir les valeurs sensiblement évoluer. Même si dans les deux cas les deux petites turbines IHI gavent le moteur en couple, offrant des reprises canons, la version E se distingue avec une valeur de couple nettement plus importante (30.5 mkg contre 25.8 pour le 2 litres). Il est intéressant de remarquer que c’est finalement la version E qui est la moins répandue en France. Le caractère on/off de ce bloc est typique des anciens moteurs turbos où il fallait attendre les 3000 tours/min pour sentir venir l’effet de catapulte. On est bien loin du caractère lisse et linéaire de bon nombre de moteurs récents.

SUR LA ROUTE

Ne vous fiez pas aux apparences. Derrière ses allures de dame courtoise et bien élevée, se cache en fait une voiture au caractère bien trempé, prête à en découdre à la moindre sollicitation de la pédale de droite. La solution de facilité pour Maserati aurait été d’offrir un véhicule au rabais. Ils ne l’ont pas commise et pour ne pas trahir l’esprit de la marque, le plaisir de conduite a eu une place prépondérante dans le cahier des charges. Naturellement, la Biturbo se devait d’être une propulsion. Une propulsion à l’ancienne, sans aide électronique et servie par un moteur gavé de couple, pas la peine de vous faire un dessin, la conduite est… sportive ! Mais jamais inconfortable… La direction assistée était en option et si sur le sec, la conduite n’est pas piégeuse, elle demande toutefois une certaine humilité pour quiconque n’est plus habitué à rouler en ancienne. L’autobloquant n’était pas encore disponible (il fit son apparition en 1985) ce qui n’empêche pas la tenue en courbe très sportive. L’arrière s’agite parfois, voire souvent (à la demande du conducteur ou pas…) et les sorties de courbe prises à haute vitesse garantissent leur lot en sensations. Ne pas oublier que le risque de décrochage est réel…

Le poids relativement contenu (surtout par rapport aux voitures actuelles) a le mérite de ne pénaliser ni le freinage (pourtant il s’agit d’une auto de plus de 25 ans) ni le comportement routier de cette Maserati, bien à son aise sur petites routes. Attention au « turbo lag » (temps de réponse du turbo) qui ne facilite pas son maniement et peut jouer quelques tours pour les habitués à l’atmo. Sur le mouillé, de l’aveu même de notre contact, le plaisir peut céder rapidement sa place au danger, entraînant du même coup quelques frayeurs. De ce fait, il préfère ne pas l’utiliser en cas de météo pluvieuse. Vous l’aurez compris, cette propulsion n’est pas à mettre entre toutes les mains et la prudence reste la prudence…

EVOLUTION

C’est ici que les choses se compliquent. La Maserati Biturbo a constamment évolué aboutissant à un recensement difficile de toutes ses évolutions. La première fut la S (1983-1985), présentée à Rome le 23 juillet 1983 et se différenciait par une peinture bi-ton et de sièges dessinés par Missoni, en tissu Jacquard. Ses suspensions sont rabaissées, ses pneus Pirelli P7 gagnent en largeur et son V6 2 litres passe à 205 chevaux grâce à l’échangeur air/air, soit un gain de puissance pas négligeable. A partir de juin 1983 (avec la Biturbo S), le MABC développé conjointement avec Saab fit son apparition, ajustant électroniquement la pression des turbos. Bien évidemment, il est impératif de respecter les temps de chauffe avant de dépasser les 3500 tr/min, de même qu’il est nécessaire de laisser tourner le moteur avant de l’éteindre. Incontournable pour préserver les turbos. En 1984, elle fut proposée à l’exportation (ES) mais le 2.5 hérita d’un catalyseur à cause des normes anti-pollution aux Etats-Unis et sa puissance ne dépassera pas les 196 ch.

En dehors de cela, les 2 S sont strictement identiques. La seconde série de Maserati Biturbo arriva en juillet 1985 et concerne à la fois les versions italiennes et exportées. Les différences par rapport à la première réside dans l’adoption d’un différentiel à glissement limité Sensitork en lieu et place du Salisbury, d’un plus grand réservoir et d’une chemise de cylindres en Nigusil (particule métallique légère brevetée par Moto Guzzi). Elle offre une plus grande résistance aux hausses de température et réduit la consommation d’huile. Extérieurement, la Biturbo II se distingue par ses nouvelles jantes 14 pouces et reçoit des pneumatiques Michelin MXV 195/60 VR 14. L’année 1985 fut une année chargée puisque la Biturbo S II fit également son apparition. Contrairement à la version classique, celle-ci récupère une petite évolution mécanique permettant d’accroître la puissance de 5 chevaux.

ACHETER UNE MASERATI BITURBO / E

carnet entretien Sans concession sur la route, la Maserati Biturbo l'est aussi en ce qui concerne son entretien même s’il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qui est sur cette italienne. Renseignez-vous au préalable sur les professionnels situés près de chez vous avant l’achat, pour éviter toute mauvaise surprise ou bien des allers-retours éloignés pour l'entretien courant ou plus simplement, en cas de pépin. Si l'exemplaire qui vous fait les yeux doux est à proximité de chez vous, demandez où son propriétaire lui fait faire sa toilette. Un historique complet et le nom d'un garage sérieux sont les conditions nécessaires à toute poursuite de discussion.. A contrario, si vous avez droit à toutes les enseignes bon marché, fuyez... La présence ou non de corrosion est également à contrôler. L'avantage principal des Biturbo est aussi leur principal défaut : leur faible cote en occasions qui fait que n'importe qui peut être tenté de franchir le pas pour acquérir un modèle signé Maserati. Par conséquent, beaucoup de modèles sont passées entre des mains peu scrupuleuse causant en bonne partie la réputation si désastreuse de la Biturbo. La mécanique fragile ne pardonne pas l’à-peu-près et il est aussi vrai que les premiers millésimes n’étaient pas tous irréprochables d’un point de la conception. La forte demande et l’incapacité de Maserati à satisfaire tout le monde n’y sont pas étrangères…

Il est fortement conseillé de garder de l'argent de côté en plus une fois la transaction faite pour parer à tout problème. Le moindre doute sur le modèle désiré n'est pas permis et combiné au faible nombre d’exemplaires encore en circulation, la tâche s’annonce ardue et relève presque autant du travail de détective que de celui de simple passionné. Ne soyez pas pressé, vous finirez par trouver celle qui vous est destinée. La vidange moteur est à faire tous les 5 000 km, la vidange du différentiel et le changement des bougies, tous les 10 000, le jeu des soupapes tous les 20 000 et la vidange boîte et le changement de courroie de distribution avec son galet (comptez aux alentours de 1 500 €) tous les trois ans. En région parisienne, nous pouvons citer Pierre Nallet du Garage du Trident comme spécialiste qui a à sa disposition bon nombre de pièces. A titre d’exemple, voici le tarif de certaines : amortisseurs arrière 390 €, train avant et pont 600 €. Le réglage itératif des soupapes est d autant plus délicat qu’il s’agit de pastilles d’épaisseur à équilibrer préalablement pour la partie admission avant de remonter les fausses culasses pour recommencer deux ou trois fois ensuite...

Celui de la carburation n est pas plus simple, le carburateur étant coiffé par un carter d’amené d’air des turbos dont la repose vient modifier les réglages dont les vis ne sont accessibles que carter déposé... Changer la courroie de distribution comprend le réglage des jeux des soupapes, et représente une bonne dizaine d heures pour un mécanicien professionnel (procède réitératif obligatoire) et un stock de pastilles d’épaisseur.

LIVRE : Le guide de la Maserati bi-turbo (ETAI)
Nous devons cet ouvrage de référence à Fabien Foulon, passionné par la Biturbo - il en possède trois différentes ! Il lui a fallu plus de deux ans pour arriver à venir à bout de ce projet. Fabien a fait un travail fantastique sur ce livre de plus de 200 pages dont la lecture vous donnera énormément de plaisir. Il est également agrémenté de plus de 600 photos. Dans ce guide de 207 pages, vous trouverez tous les détails qui permettent de distinguer un modèle de Biturbo parmi d’autres. Moteurs, boîte de vitesses, carrosserie, habitacle. Les Biturbo sont passées à la loupe pour connaître toutes les différences et reconnaître un modèle à coup sûr après quelques vérifications et devenir expert des Biturbo !
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PRODUCTION MASERATI BITURBO / E
Biturbo : 9206 exemplaires
Biturbo E : 4577 exemplaires
Biturbo S : 1038 exemplaires
Biturbo ES : 1480 exemplaires

CONCLUSION

:-)
V6 d’exception
Conduite sportive !
Look passe-partout
Vraie 4 places
Habitacle confortable et classieux
Cote dérisoire...
:-(
... mais entretien pointu et coûteux !
Motricité sur le mouillé
Peu d’exemplaires en bon état
Trop de versions différentes
Mauvaise réputation

Souvent critiquée, parfois injustement, la Maserati Biturbo est une voiture que l’on peut qualifier d’exotique. Capable de transporter quatre personnes tout en garantissant du plaisir à ses occupants, elle a en plus le mérite d’être disponible à des prix plus que tentants. En contrepartie, il faudra s’acquitter d’un entretien scrupuleux mais cette italienne au sang chaud saura se rendre digne de l’amour que vous lui porterez et vous le rendra au centuple...

N.B. : volontairement nous n’avons pas parlé des modèles Biturbo i et Si qui font l’objet d’un autre dossier. Nous remercions Jean-Michel sans qui cet essai n’aurait pas pu être fait, ainsi que la société Bahman (bahmancars.ch) pour les photos de la superbe Biturbo E rouge illustrant cet article.

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