FULGURO-POING !
A l'instar de la Toyota 2000 GT,
la Mazda Cosmo Sport fait partie de ces GT japonaises qui prouvent
dès les années 60 que l'industrie automobile japonaise
existe bel et bien. Sans compter qu'avec la Cosmo Sport, Mazda a
sorti l'artillerie lourde côté innovation. Goldorak
avait de qui tenir...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
C'est en 1931 qu'un véhicule a arboré
pour la première fois le nom de Mazda. Il s'agissait alors
d'un véhicule triporteur, alors très répandu
dans un Japon qui n'a pas encore pleinement cédé au
charme des automobiles. Pour les amateurs d'histoire automobile,
c'est Jujiro Matsuda qui fonde en janvier 1920 la Toyo Cork Kogyo
Company Ltd. Les amateurs devront donc patienter jusqu'au printemps
1960 pour pouvoir acquérir une " vraie " automobile
Mazda, le coupé R360 à moteur bi-cylindres de 356
cm3. Le succès est immédiat et pas moins de 20 000
exemplaires seront produits dans l'année. Dès l'année
suivante, en 1961, Mazda se lance dans l'aventure du moteur rotatif
en signant un accord avec NSU, qui est co-propriétaire du
moteur rotatif de Felix Wankle. Pour étrenner cette technologie
risquée et encore inconnue, il fallait un modèle atypique
et représentatif de ce pari technologique. C'est le rôle
dévolu à la Mazda Cosmo Sport.
DESIGN
Pour habiller ce moteur rotatif, Mazda va sortir le grand jeu. A
moteur original, ligne originale. Certains y voient des influences
diverses suivant les parties de la carrosserie. Certes, on peut
y déceler un zest de type E pour la face avant, des flancs
d'Alfa Romeo et un arrière d'américaine en miniature.
Pour notre part, nous opterions plutôt pour la Turbotraction
1 et 2 des bandes dessinées Spirou et Fantasio. La Mazda
Cosmo Sport se caractérise par une ligne de caisse très
rectiligne, ce qui confère à l'auto un bel équilibre.
Les flancs travaillés donne du dynamisme tandis que l'habitacle
est surmonté d'un pavillon faisant penser à un hard
top. La partie arrière de la Mazda Cosmo Sport est sans conteste
la partie la plus intéressante et originale de cette GT japonaise.
Ses feux arrière en forme de tuyères sont traversés
par les fins pare-chocs chromés. La carrosserie regorge de
nombreux détails cocasses ou séduisants et les très
nombreux chromes rappelle l'âge des artères de la Mazda
Cosmo Sport. L'habitacle est presque la seule partie de cette Mazda
qui soit conventionnel. Mais, le sport est toujours de mise avec
des compteurs en pagaille et une finition sportive : noir et cuir
noir. Petits détails cocasses, le lecteur de cartes orientable
et le repose pieds pour le passager.
MOTEUR
Felix Wankel avait eu l'idée de développer un moteur
rotatif. Et c'est dans les années 50 qu'il réussi
à signer un accord de coopération avec le constructeur
allemand NSU. De nombreux constructeurs se présentent pour
acheter la licence d'exploitation du moteur rotatif, dont les caractéristiques
techniques sont très séduisantes sur le papier. Ainsi,
Citroën, Mercedes-Benz et Mazda vont être dans les premiers
à s'engager dans la voie de l'exploration du moteur rotatif.
Ainsi, Mazda, qui sera le seul constructeur à persévérer
avec le moteur rotatif, que l'on retrouve aujourd'hui dans la Mazda
RX-8, va développer une mécanique spécifique
que sera chargé d'étrenner et valoriser le coupé
Cosmo Sport. L'idée de départ de Felix Wankel était
de supprimer ce mouvement alternatif pour un mouvement rotatif,
bien plus logique mécaniquement. Un rotor en forme triangulaire
(faisant office de piston) tourne sur lui-même et autour de
l'arbre moteur, lui transmettant son mouvement de rotation. Ce mouvement
s'effectue dans une chambre fixe à forme ovoïdale (le
stator) en assurant les cycles classiques du moteur à explosion.
Les principaux avantages de ce type de mécanique sont moins
de pièces, plus de compacité du bloc, un gain de poids,
un gain de prix de revient et moins de frottements. De plus son
meilleur équilibrage naturel (moins d'inertie donc des régimes
de rotation plus élevés) lui autorise une absence
de vibrations et un silence de fonctionnement optimisé. Alors
devant un tant d'éloges, pourquoi ne trouve-t-on pas aujourd'hui
des moteurs rotatifs sous tous nos capots ? Pour commencer, comme
toute technologie totalement nouvelle et inédite, les expérimentations
et la fiabilisation prennent du temps et nécessitent de gros
investissements. Mazda va en effet présenter la Cosmo Sport
au salon de Tokyo de 1964, et elle va nécessiter 3 ans supplémentaires
d'essais intensifs et de mises au point pour pouvoir être
commercialiser. Enfin, le moteur rotatif va jouer de malchance.
Dans les premières années, tant chez NSU que chez
Mazda, des problèmes d'étanchéité moteur
vont être monnaie courante souvent autour de 80 à 100
000 km. Or pour un fonctionnement optimal du moteur rotatif, il
doit être parfaitement étanche. A l'époque le
traitement des surfaces n'était en effet pas encore optimal
et suffisamment endurant. Les moteurs rotatifs consommaient alors
souvent beaucoup d'huile et beaucoup d'essence. A l'aube de la première
crise pétrolière, des moteurs qui consommaient trop
de carburant n'allaient pas connaître les sentiers de la gloire.
Sur la Mazda Cosmo Sport, le moteur développe donc 110 ch
SAE à 7 000 tr/mn pour
982 cm3 ! Soit un rapport de
112,01 ch SAE/litre. Cela sans artifice supplémentaire comme
le turbocompresseur. Chapeau ! Même à l'époque,
on conviendra que le couple de 13,3 mkg obtenu à 3 500 tr/mn
est plutôt une valeur faible dans la catégorie des
GT. Il est alimenté par un carburateur Stromberg à
registre à 4 corps Hitachi KCA 306-1. Il est à noter
que le bloc était tout alu. A l'usage, le moteur de la Mazda
Cosmo Sport affiche une belle santé, et surtout un caractère
très sportif, puisqu'il faut aller puiser dans les tours
toute la puissance disponible. Bien que très silencieux,
il vous gratifie du son caractéristique des moteurs rotatifs,
à mi-chemin entre une machine à coudre et moteur de
Vespa, avec en prime une sonorité plus rauque et caverneuse.
CHASSIS
C'est sur la coque autoporteuse en acier que sont fixées
les suspensions de la Mazda Cosmo Sport. Si le moteur et la ligne
font dans l'excentrique, la Mazda à moteur rotatif a versé
en revanche dans le très conventionnel avec les roues avant
indépendantes et un pont arrière rigide de Dion avec
ressorts semi-elliptiques et amortisseurs télescopiques.
A l'avant, des leviers triangulaires en trapèze transversaux
sont montés avec ressorts hélicoïdaux. Pour freiner
cette " soucoupe volante terrestre " Mazda reste également
très conventionnel avec des freins à disques à
l'avant et de classiques tambours à l'arrière. Il
faudra même attendre 1968 pour voir la pose d'un servofrein.
Ces solutions techniques se ressentent évidemment sur la
route avec parfois quelques coups de raquette du train arrière
rigide, et un freinage peu mordant et peu endurant. Inutile d'espérer
de la Mazda Cosmo Sport la grosse attaque dans les petites routes
de montagne. Enfin, la direction manque quelque peu de feeling.
Elle a beau être précise, elle ne réagit pas
de manière instantanée. Bref, un vrai plaisir pour
l'amateur des sportscars à l'ancienne, un peu à la
mode des roadsters anglais des années 60 sauf qu'ici, la
Cosmo Sport autorise les régimes de rotation très
élevé !!
EVOLUTION
Bien que dévoilées au salon de Tokyo en 1964, les
Mazda Cosmo Sport nécessiteront près de trois longues
années de mise au point et d'essais complémentaires
à l'aide d'une soixantaine de modèles de pré-série.
Après sa commercialisation en mai 1967, les Mazda Cosmo Sport
ne connaîtront qu'une seule évolution majeure avec
l'année 1968. Au milieu d'année, la Mazda Cosmo Sport
est donc légèrement retouchée : l'empattement
gagne +15 cm, une nouvelle prise d'air avant est montée,
la puissance est portée à 128 ch SAE et couple à
14,2 mkg, une boîte 5 remplace celle à 4 rapports et
un servofrein bienvenu est monté de série. En 1972,
la Mazda Cosmo Sport tire sa révérence après
1 519 exemplaires produits. La série des Mazda RX-7 va prendre
le relais avec un certain succès et en 1991, Mazda réussi
même à faire triompher le moteur rotatif aux 24 Heures
du Mans avec la 787B Quadri-rotors pilotée par Bertrand Gachot,
Johnny Herbert et Volkert Weidler.
ACHETER UNE
MAZDA COSMO-SPORT 110S
Il faudra, on s'en doute, être totalement piqué des
Mazda, et encore plus de la Cosmo Sport pour chercher à en
acquérir une. Particulièrement sur notre territoire.
Difficile de donner une cote à une telle rareté qui
est plus fonction de l'offre et de la demande et surtout de l'état
du modèle proposé. Une restauration complète
est évidemment un véritable sacerdoce tant les pièces
sont inexistantes. Il faut très souvent avoir recours à
la re-fabrication. Alors ne comptez pas débourser minimum
20 000 euros pour un très bel exemplaire avec origine connue.
Pour l'entretien du moteur, il faut réussir à trouver
le spécialiste (ou concessionnaire ?) Mazda qui connaît
réellement les moteurs rotatifs anciens, et n'est pas un
nouveau concessionnaire Mazda (et également Ford, donc sans
historique du SAV Mazda). Les spécialistes NSU pourront également
vous rendre service, grâce à leurs connaissances des
moteurs rotatifs. L'entretien est donc obligatoire et doit avoir
été effectué sur le modèle convoité.
Attention également à la corrosion qui est fréquente
sur les autos des années 60. Si elle est présente,
soit vous fuyez à toute jambes, les pièces de carrosserie
spécifiques étant inexistantes, soit vous connaissez
la carrosserie et/ou vous êtes prêts à vous délester
de plusieurs milliers d'euros en connaissance de cause. A n'acheter
donc que pour tout passionné fanatique et motivé,
car pour le même prix on pourra trouver des modèles
certes moins exotiques, mais tout aussi excitant à l'entretien
moins exigeant et compliqué.
CHRONOLOGIE MAZDA COSMO SPORT
1964 : Au salon de Tokyo, présentation de la Mazda
Cosmo Sport.
1967 : En mai, commercialisation de la Mazda Cosmo Sport.
1968 : En milieu d'année, la Mazda Cosmo Sport est
légèrement retouchée : empattement +15 cm,
nouvelle prise d'air avant, puissance portée à 128
ch SAE et couple à 14,2 mkg, boîte 5, servofrein.
1972 : Fin de production des Mazda Cosmo Sport.
PRODUCTION
Cosmo Sport mkI : 343 exemplaires
Cosmo Sport mkII : 1 176 exemplaires
TOTAL : 1 519 exemplaires
:: CONCLUSION
La Mazda Cosmo Sport est bien l'ambassadrice du moteur rotatif.
Sa brève carrière et sa diffusion limitée en
fait une auto devenue à nos yeux un collector. Mais à
l'opposé de sa rivale japonaise contemporaine, la Toyota
2000 GT, les solutions innovantes de la Mazda sont devenues avec
le temps une vraie contrainte pour le collectionneur amateur. Il
faudra donc opter pour la Mazda Cosmo Sport pour son côté
kitsch, son innovation moteur et surtout par goût immodéré
de préservation du patrimoine automobile mondial. Une mission
qu'assume pleinement l'Automobile Sportive en présentant
ces modèles oubliés ou inconnus... |