TAXI DRIVER !
Nous sommes alors à la fin
des années 80 et la concurrence est active. BMW possède
alors dans sa gamme une fabuleuse M5, Lancia a sa Thema 8.32 à
moteur Ferrari et les japonais se montrent menaçants. Mercedes-Benz
ne pouvait alors pas rester inactif et décide de chambouler
quelque peu les habitudes de la maison. Quoique pas tant que cela
car déjà dans le passé, l'idée de mettre
un gros moteur dans une caisse de série a été
concrétisé. Pour sa gamme W124, Mercedes va glisser
le V8 5 litres du 500 SL de 326 ch et c'est Porsche qui va se charger
de la fabrication. Un mythe était né : la Mercedes
500 E...
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
A la fin des années 80, devant les
nouveautés répétées de la concurrence
dans le milieu de la berline à très hautes performances
(BMW M5, Lancia
Thema 8.32 avec moteur V8 Ferrari,
)
la Daimler-Benz
ne peut rester inactive. En 1990, la décision est prise de
mettre sur le marché une berline très haute performance
pour remettre les pendules à l'heure. C'est donc la W124
300 E qui va servir de base à la nouvelle bombe de Stuttgart.
Et pour motoriser sa berline, c'est vers le V8 5 litres de 326 ch
du roadster 500 SL
que les ingénieurs vont porter leur choix. Tiens, tiens
,
le retour du mythe du gros moteur dans une caisse compacte.
Pour
le développement et la conception de sa berline sportive,
Mercedes-Benz
va collaborer étroitement avec Porsche (2 années d'essais
et développement). Si étroitement qu'au moment de
la mise en production de l'auto, c'est sur l'ancienne ligne de production
des Porsche 959
à Zuffenhausen que sera produite la Mercedes 500 E. L'usine
Mercedes de Sindelfingen (dans la banlieue de Stuttgart) étant
saturée et ne pouvant supporter une petite production avec
de l'assemblage à la main, les caisses avec tous les éléments
de carrosserie sont assemblés chez Porsche.
Ensuite, soucieux du maintien de son niveau de qualité en
matière de protection contre la corrosion les caisses assemblées
retournaient à Sindelfingen pour être peintes. Une
fois protégée et peinte, la coque repart chez Porsche
pour le montage final. A noter que le contrôle final était
fait
chez Mercedes à Sindelfingen ! Des allers et venus
incessants qui expliquent en partie le prix exorbitant de la Mercedes
500 E à l'époque.
DESIGN
Les mauvaises langues vont faire allusion aux taxis. C'est vrai
que la Mercedes 500 E n'est pas très différente du
taxi de votre voisin. C'est voulu, car à l'époque
chez Mercedes, la tradition n'est pas un vain mot, et le tape-à-l'il
n'était alors pas de mise. Seuls les initiés reconnaîtront
entre mille une Mercedes 500 E. Les ailes avant sont élargies
de 28 mm, les jantes passent au 16 pouce de diamètre et le
spoiler avant est plus large et englobe des projecteurs antibrouillards
de type ellipsoïdal. Le bouclier arrière semble également
plus enveloppant et il n'y a que la Mercedes 400 E qui était
dotée de la même carrosserie. Mercedes poussa alors
la discrétion jusqu'au bout avec des jantes de 16 pouces
qui possèdent exactement le même dessin que ses surs
à six cylindres et quatre cylindres. A noter également
le rétroviseur extérieur droit (côté
passager) plus petit et carré que celui conducteur pour gagner
en aérodynamique. Le groupe VAG
avait également succombé quelques années plus
tard à cette mode.
A BORD DE LA 500 E
L'habitacle de cette Mercedes traditionnelle
est dans la lignée du parti : sobre, très bien fini
et confortable. Toutefois, contrairement aux habitudes de la maison
de Stuttgart, la Mercedes 500 E était très bien équipée
de série pour l'époque. Normal me direz-vous à
plus de 500 000 francs en son temps ! Climatisation, intérieur
cuir, radio K7, quatre vitres électriques, fermeture centralisée,
régulateur de vitesses
, tout y est. La Mercedes 500
E est homologuée en berline quatre places avec deux sièges
moulés derrière.
MOTEUR
Derrière la traditionnelle calandre Mercedes, les ingénieurs
de Stuttgart ont glissé le V8 de 5 litres (nomenclature M119
chez Mercedes-Benz) avec sa culasse à 32 soupapes. C'est
en fait le même V8 qui équipe le roadster SL 500 type
R129. Mais quelques modifications d'importance ont été
apportées. Les conduits d'admission ont été
allongés permettant l'augmentation du couple moteur par rapport
au roadster SL 500 pour grimper à 480 Nm à 3900 tr/mn.
La puissance quant à elle est de 326 ch (inchangée
par rapport au roadster SL 500) à 5700 tr/mn. L'alimentation
du moteur passe, et c'est nouveau, par un système d'injection
Bosch LH-Jetronic tout électronique (contrairement au système
KE-Jetronic mi-mécanique, mi-électronique). A l'époque
déjà, la Mercedes 500 E était équipée
de 2 catalyeurs d'échappement, rappelant ainsi à tous
les étourdis que c'est du super sans plomb qu'il faut laisser
couler dans le réservoir de 90 litres.
La transmission reste
la boîte automatique à 4 rapports Mercedes-Benz. Il
existe certes la possibilité de verrouiller les rapports,
mais nous sommes hélas loin de l'aspect totalement sportif
d'une boîte mécanique, notamment dans l'optique utilisation
circuit.
Avec sa vitesse auto-limitée à 250 km/h,
la Mercedes 500 E abat le 0 à 100 km/h en 6,5 secondes et
le mille mètre DA en moins de 26 secondes. Pas mal pour une
auto de 1,7 tonnes ! Mais en dehors de ces chiffres, la poussée
est réellement bien présente, et il est toujours amusant
d'être collé dans son siège dans une berline
si luxueuse
CHASSIS
Avec un châssis développé par Porsche, le résultat
est à la hauteur de la réputation de la marque de
Zuffenhausen. Pour optimiser la tenue de route, les voies avant
et arrière ont été élargies respectivement
de +37 et +38 mm. Le débattement des suspensions est raccourci
de 30 mm bien que Mercedes ait opté pour un choix plus typé
confort avec des ressorts souples mais des amortisseurs fortement
tarés. Véritable philosophie propre à la marque
qui veut que la Mercedes 500 E malgré des performances étonnantes
reste confortable et efficace selon la culture maison. Pour compléter
tant le confort que l'efficacité, un correcteur d'assiette
hydraulique est monté sur l'essieu arrière pour maintenir
une assiette constante. De nombreux éléments de suspensions
proviennent du roadster SL 500 en raison de l'augmentation du poids
sur chaque essieu comparé à la berline Mercedes 300
E-24. Les larges jantes de 16 pouces ont permis de loger des gros
freins à quatre disques ventilés de diamètre
généreux. Puisque Porsche a largement participé
à la conception, le freinage est au-dessus de tout soupçon.
Tout semble donc idyllique dans ce tableau technique, mais les 1,7
tonnes de la bête, la boîte automatique et l'ASR omniprésent
ont vite fait de vous rappeler que vous n'êtes pas à
bord d'une voiture de sport, mais d'une berline ultra-rapide plus
à l'aise sur les Autobahn allemands à 250 km/h que
sur les petites routes des Cévennes. Quoiqu'il en soit, le
compromis offert par la Mercedes 500 E en matière de comportement
routier est réellement phénoménal, aujourd'hui
encore, et si vous êtes amateurs du genre, vous aurez du mal
à la quitter. Les vrais amateurs de circuit et de conduite
fine préfèreront certainement la BMW M5 contemporaine
plus sportive de définition. L'idéal ? Une Mercedes
500 E qui tracte jusqu'au circuit une BMW M5
C'est beau de
rêver !
EVOLUTIONS
Mercedes-Benz commercialise sa berline Mercedes 300 E sur la berline
W124 en 1986. C'est le premier jalon de la berline performante dans
la série W124. En octobre 1990, au salon de Paris, Mercedes-Benz
dévoile la nouvelle Mercedes 500 E. Basée sur la berline
classique W124, et développée conjointement avec Porsche,
le V8 5 litres du SL500 de 326 ch a été glissé
au chausse-pieds. Trois ans plus tard, toute la gamme W124 est face-liftée
et l'appellation change de 500 E à E500 pour s'intégrer
dans la nouvelle politique de noms de gamme de la marque (Classe
E, C, S
). Quelques modifications esthétiques interviennent
: nouveau capot, nouveaux optiques avant, arrière
Une
édition limitée pour le marché suisse uniquement
est commercialisée en 1994 et baptisée E500 Limited
: uniquement disponible en noir (Saphirschwarz) ou gris métal
(Briljantsilber). Des jantes alu de 17 pouces au look DTM sont montées
et chaussées en 245/45. Seulement 500 Mercedes E500 Limited
ont été produites. Après 5 années de
production, la Mercedes 500 E s'éteint avec 10 479 exemplaires
produits.
MERCEDES-BENZ
500 E LIMITED
Une édition limitée pour le marché
suisse uniquement est commercialisée en 1994
et baptisée E500 Limited : uniquement disponible
en noir (Saphirschwarz) ou gris métal (Briljantsilber).
Des jantes alu de 17 pouces au look DTM sont montées
et chaussées en 245/45. Seulement 500 Mercedes
E500 Limited ont été produites.
ACHETER UNE
MERCEDES-BENZ 500 E (W124)
Bonne nouvelle pour tous les amateurs de berlines sportives prestigieuses,
la Mercedes 500 E a une cote qui a pris un sérieux coup dans
l'aile. Les raisons ? Disons que son look discret et similaire de
loin à un " taxi " de la marque à l'étoile
ne l'ont pas aidé, l'intérêt que lui porte certaines
catégories socio-professionnelles font fuir les acheteurs,
la méconnaissance de cette auto du grand public
Bref,
autant d'éléments qui relègue la Mercedes 500
E dans les abîmes des petites annonces. Les premières
Mercedes 500 E se trouvent à partir de 8000 euros, mais comptez
plutôt entre 13 à 15000 euros pour un très beau
modèle à l'historique connu. Malheureusement, bon
nombre de Mercedes 500 E sont tombées dans des mains pas
toujours fortunées et leur entretien a été
négligé. Et malgré son blason et son image
de fiabilité indestructible, l'entretien exigeant de cette
bombe quatre portes de Stuttgart est impératif pour limiter
des coûts de remise en état dramatiques. Pour être
totalement honnête, toute voiture non entretenue correctement
doit être évitée. Si vous ne respectez pas ce
principe, la ruine vous guette au coin du virage. Quelques faiblesses
sont à noter pour les Mercedes 500 E. Tout d'abord une consommation
d'essence conséquente qui flirte souvent avec les 20 litres
aux cents ! Difficile en effet de ne pas faire piaffer les 326 ch
de son V8
Sous le capot moteur, la chaleur dégagée
par le moteur est impressionnante et donne du souci au faisceau
moteur. Certains se désagrègent voire même quelques
cas d'incendie ont été notés. Enfin, les correcteurs
d'assiette hydrauliques sont à vérifier sous peine
d'une facture conséquente et d'une tenue de route dégradée.
Vous l'aurez compris, les gros kilométrages sont à
préférer si l'auto concernée est entretenue
régulièrement chez Mercedes-Benz à une auto
avec à priori moins de kilomètres mais pas d'entretien.
Enfin, pensez à vérifier le kilométrage de
l'auto et sa provenance. La Mercedes 500 E n'est pas un achat déraisonné,
à condition de ne pas céder à la tentation
de la précipitation pour opter pour le bon exemplaire, sain
et propre.
CHRONOLOGIE MERCEDES 500 E
1986 : Commercialisation de la berline Mercedes 300 E sur
la berline W124.
1990 : En octobre, au salon de Paris, Mercedes-Benz dévoile
la nouvelle Mercedes 500 E. Basée sur la berline classique
W124, et développée conjointement avec Porsche, le
V8 5 litres du SL500 de 326 ch a été glissé au chausse-pieds.
1993 : Toute la gamme W124 est faceliftée et son appellation
change de 500 E à E500 pour s'intégrer dans la nouvelle
politique de noms de gamme de la marque (Classe E, C, S
).
Quelques modifications esthétiques interviennent : nouveau
capot, nouveaux optiques avant, arrière
1994 : Une édition limitée pour le marché
suisse uniquement est commercialisée et baptisée E500
Limited : uniquement disponible en noir (Saphirschwarz) ou gris
métal (Briljantsilber). Des jantes alu de 17 pouces au look
DTM sont montées et chaussées en 245/45. Seulement
500 Mercedes E500 Limited ont été produites.
1995 : Après 5 années de production, la Mercedes
500 E s'éteint après 10 479 exemplaires produits.
PRODUCTION
Mercedes 500 E : 9 979 exemplaires
Mercedes E500 Limited : 500 exemplaires
Total : 10 479 exemplaires
:: CONCLUSION
Véritable bombe sur roues, la Mercedes 500 E cache bien son
jeu. Mythe en devenir, elle ne séduit pas le public par son
look discret et passe-partout. Son terrain de jeu préféré
est les longs rubans bleus des autoroutes (allemandes !) bien que
sa polyvalence lui permette de faire bonne figure en toutes circonstances.
Dommage que la boîte automatique soit imposée et que
l'ASR ne soit pas déconnectable. En avance sur son temps,
la Mercedes 500 E s'offre à vous aujourd'hui pour un prix
raisonnable. Mais attention au gouffre financier, si l'exemplaire
retenu n'est pas sain...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"On pourra trouver étrange la comparaison entre ces
deux modèles (la BMW M5 340 ch et la Mercedes 500 E NDLR),
de performances équivalentes mais de philosophies diamétralement
opposées. Pourtant ne s'agit-il pas de berlines quatre portes,
relativement anonymes, capables d'affronter une heure d'encombrement
sans broncher puis, d'aller " chercher " la plus sportive
des sportives sur n'importe quelle route ? A ce jeu, la Mercedes
possède un atout qui fait défaut à la M5 :
elle est beaucoup plus polyvalente parce que moins typée
" sport ". Avec elle, un virage abordé en catastrophe
n'a jamais de conséquences radicales. L'antipatinage ASR
régule, l'électronique fait le reste et ce qui aurait
dû être un monumental travers se termine par un léger
mouvement translatoire. C'est sécurisant parce que l'on sait
qu'à moins d'une énorme, une considérable faute
de pilotage, il ne se passera pas grand-chose. C'est frustrant aussi,
de ne plus contre-braquer, d'oublier ce que dériver veut
dire. On est totalement pris en charge, on contrôle sans contrôler
et un mot comme en cent, on ne s'amuse pas. Voilà pourquoi
vous ne verrez jamais la photo d'une 500 E " à l'équerre
"
."
AUTOMOBILES SPORTIVES ET DE PRESTIGE - septembre 1992 - Mercedes-Benz
500E W124.
"La puissance et la souplesse de
son V8 de 5 litres sont tout bonnement phénoménales.
Sous une apparence un peu pataude, on découvre en réalité
des performances de haut niveau, une bonne maniabilité et
un comportement quasi sans faille. Difficile de lui trouver de réels
défauts. Il faut vraiment aller chercher midi à quatorze
heures pour remplir la case " Défauts ". Difficile
également de lui trouver des concurrentes. En cause, un prix
élevé, que l'on peut même qualifier d'exorbitant,
même au vu de l'équipement proposé. Finalement,
c'est au client de décider, et il s'en trouve d'ores et déjà
un certain nombre à avoir fait leur choix, témoins
les listes d'attente affichées par les importateurs. Reste
également à savoir si un tel véhicule trouve
encore une quelconque raison d'être dans le contexte automobile
actuel. Mais on peut poser la même question pour bien d'autres
produits."
LE MONITEUR AUTOMOBILE - 1991 - Mercedes-Benz 500E W124. |