© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (18/11/2004)
LE REVEIL DU LION
A
la fin des années 50, Peugeot tente de rajeunir sa clientèle en
concevant une petite berline populaire, la 204, déclinée notamment
en un original coupé et un charmant cabriolet, tous deux dessinés
par l'équipe de Gérard Welter. Au début de la décennie
suivante, la 204 se mue en 304 et un nouveau moteur plus sportif
va faire naître chez le constructeur de Sochaux la notion de " plaisir
de conduire "…
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Lorsque de la sortie de la 204 en 1965, Peugeot
surprend sa clientèle habituellement cantonnée dans un conservatisme
certain, autant sur le plan technique qu'esthétique. Plus
encore que la propulsion, dont certain regrettent sans doute encore
la disparition, les moteurs en fonte à arbre à came latéral, les
ponts arrières rigides et les freins à tambours ne font pas la gloire
de la marque Sochalienne. Innovante à plus d'un titre, la
204 fut rapidement déclinée en break, en coupé et en cabriolet,
se traduisant par un succès commercial qui fait encore date avec
celui d'un autre sacré numéro, la 205. Continuant
sur cette même lancée, les 304 coupés et cabriolets,
et plus précisément dans leur version S, vont contribuer
à leur tour à dynamiser et rajeunir l'image de la
marque au lion, qui n'est alors que le 4ème constructeur
Français, en intégrant peu à peu la notion de plaisir
de conduire.
PRESENTATION
Au salon de Paris 1969, la 304 remplace la 204 suite à un profond
restylage de la face avant et il fut logiquement décidé de perpétuer
le coupé et le cabriolet qui reçurent le même traitement cosmétique.
Les 304, le coupé et le cabriolet qui nous intéressent plus précisément,
sont issues des 204 du même nom dont elles reprennent intégralement
le châssis et une bonne partie de la carrosserie. Le coupé comme
le cabriolet furent étudiés et assemblés sur le châssis de
la berline 204 dont l'empattement fut raccourci et la structure
rigidifiée. Se différenciant de la 204 uniquement par la calandre,
les phares et le capot, la 304 est pourtant incontestablement plus
moderne d'apparence. On remarque que dès cette époque, le constructeur
va adopter des phares plongeants vers l'intérieur, qui constituent
aujourd'hui encore l'identité visuelle des voitures du Lion de Sochaux.
Apparue, au printemps 72, soit 2 ans après la 304, la 304 S se singularise
par un moteur plus puissant et quelques équipements spécifiques.
Les phares trapézoïdaux des premières versions "S" étaient
montés avec un système double parabole (CE + H1) comprenant une ampoule
principale et un second réflecteur de type "longue portée" dans
le phare.
A BORD DU COUPE 304 S
Avec son hayon arrière à pan coupé
et un coffre plus spacieux, le coupé se distingue du cabriolet par
une polyvalence d'usage beaucoup plus grande, à défaut
d'être aussi séduisant. A l'inverse, le mignon petit
cabriolet 304 est exclusivement voué au plaisir de la balade, à
une ou deux personnes maximum. Pour entrer dans cette sympathique
machine à remonter le temps, il faut tout d'abord enjamber
un rebord de longeron plutôt large. Ensuite, alors que les
productions actuelles regorgent de " bidules " électroniques dont
la prise en main requiert parfois un doctorat en informatique, dans
une voiture de cette époque il ne faut pas chercher le fonctionnement
des commandes bien longtemps. La planche de bord, qui porte bien
son nom puisqu'elle est faite d'un seul plan, comporte un compte-tours,
un compteur de vitesse avec un totalisateur kilométrique devant
les yeux du pilote, les commodos de lave-glace électrique, une montre
et… un allume cigare ! Ah oui, il y a aussi un volant, à
deux branches. Quel luxe !!! Deux aérateurs centraux se trouvent
sur le dessus de la planche de bord, juste au-dessus des 3 réglettes
de chauffage. Les encombrants sièges avant avec leurs grands appuie-tête
sont très confortables mais n'assurent qu'un maintient symbolique
et on redoute déjà les virages rien qu'à l'arrêt,
surtout avec la sellerie en Skaï. Enfin, particularité de ces
modèles, le levier de vitesse est au plancher et non au tableau
de bord, ce à quoi on s'habitue plus aisément.
MOTEUR
Les 204 et 304 furent les premières tractions avant de Peugeot et
aussi les premières voitures françaises de série à moteur transversal.
Initialement proposée avec le moteur XL3 de 1288 cm3 qui
développait dans la berline 70 Ch SAE, soit environ 65 CH
DIN, les coupés et cabriolets 304 vont s'enrichir d'une motorisation
qui, 30 ans après, surprend toujours par sa vigueur. S'inspirant
des préparations sportives de l'époque, Peugeot va
modifier le bloc tout alu pour en sortir une poignée de chevaux
supplémentaires et pimenter son caractère. C'est ainsi
que fut conçu le bloc "XL3S", avec chemises humides
amovibles et un vilebrequin sur cinq paliers. L'autre grande originalité
de ce moteur implanté transversalement à l'avant est
aussi son arbre à cames en tête, entraîné
par une double chaîne à rouleaux et tendeur hydraulique.
L'alimentation est confiée à un carburateur Solex
double corps (35EEISA). Le taux de compression est de 8,8:1. Appartenant
à la catégorie des 7 CV fiscaux - le calcul de l'administration
de l'époque ne tenait compte que de la cylindrée -
la 304 S possède une mécanique au caractère
plus sportif, développant 82 CH SAE soit environ 75 CH DIN
à 5800 tr/mn. Le couple maxi est de 9,9 Mkg à 4500
tr/mn. L'échappement est très travaillé, on découvre
avec bonheur un collecteur de type 4 en 2 en 1, avec un silencieux
transversal, le pot de détente, placé sous la banquette
arrière. De plus, sa sonorité agréable est un peu plus grondante
et rauque, à cause de l'absence du silencieux normal des
304 en sortie de culasse. Les premières versions reçoivent encore
une dynamo pour la production d'électricité, c'est elle qui est
chargée du renvoi d'angle de la courroie de ventilateur. Ce dernier,
breveté par Peugeot, n'est pas électrique mais actionné via
une courroie qui vient de l'axe moteur avec une commande électromagnétique
qui ne l'accouple que lorsque la température d'eau le demande. L'embrayage
est à commande hydraulique, la pédale actionne un maître cylindre
émetteur qui utilise le liquide de frein pour aller pousser un cylindre
récepteur qui commande l'embrayage. Ce système a le principal
mérite d'isoler toutes les vibrations dans le pédalier et de demander
beaucoup moins d'effort à la pédale. En contrepartie, il est bien
naturellement plus coûteux, et aussi moins progressif en action.
La boite de vitesses à 4 rapports est intégrée dans le carter
moteur. Le rapport de pont est 4,06 à 1. La manipulation de la commande
de boite est un régal, le petit levier coudé tombe bien sous la
main, les synchros sont rapides. Les différents rapports sont étagés
au mieux pour obtenir une nervosité et des reprises agréables, au
détriment de la vitesse de pointe et de la consommation.
Il faut en effet rappeler qu'à cette époque l'essence n'était
pas chère... Par conséquent, en dépit de caractéristiques
modestes, les prestations de ce pétillant petit 1300 n'ont
rien de ridicule ! La vitesse de pointe dépasse de peu 160 km/h,
c'est vrai, mais les accélérations sont franches (environ
34 secondes sur le 1000 mètres départ arrêté)
et les reprises énergiques, ce qui est bien plus appréciable
encore. Lien de cause à effet, la consommation moyenne d'un
coupé "S" ne tombera que difficilement en dessous de 9-10 L/100
Km. Cela étant, le moteur Peugeot se singularise par une sonorité
chantante et une vivacité fort plaisante lorsqu'il s'agit
d'emprunter les petites routes de nos vertes campagnes.
CHASSIS
Construite sur une coque autoporteuse, la 304 S est une berline
de petites dimensions. Sa longueur de 3m76 fait des 205 et 206 ses
descendantes directes mais sa hauteur de 1m32 la distingue rapidement
dans un trafic actuel qui a pris de la hauteur. Enfin, malgré
l'emploi de tôle d'acier plutôt épaisses, le
poids s'en tenait à 930 kg. Une des grandes spécialités
de Peugeot à l'époque était déjà
la partie châssis, mais pas au sens où on l'entend
aujourd'hui. En effet, cela peut choquer les plus jeunes de nos
lecteurs mais, en ces temps pas si lointains, les suspensions des
berlines Peugeot étaient tout autant réputées
pour leur confort que pour leur manque de tenue en conduite dynamique...
La maîtrise des mouvements de caisse arriva en effet plus
tard, suite aux enseignements apportés par les ingénieurs
de Simca et Citroën sur les trains roulants. Bien dans la tradition
Sochalienne, les 304 évoluaient sur la route en douceur, effaçant
admirablement le grain de la chaussée. Toutefois, la suspension
des coupés et cabriolets 304 S était juste ce qu'il faut plus ferme
que celle de la berline sans nuire au confort. Cette suspension
à quatre roues indépendantes, comprend des ressorts
hélicoïdaux et des amortisseurs hydrauliques avec un
train pseudo-mac Pherson à l'avant et des bras tirés
longitudinaux à l'arrière. Le roulis est contenu tant
bien que mal et les petits pneus de 145 SR 14 à flanc haut
sont mieux exploités que sur les berlines et break 304. Il
existait également en option des jantes en alliage de 14",
fabriquées par Dunlop et dessinés exclusivement pour la 304.
Elles étaient chaussées de pneus 155 x 75, une dimension
désormais introuvable. La direction à crémaillère de la 304 se comporte
parfois comme sur une véritable voiture de course, sans assistance.
Les retours de volants sont assez brutaux lorsque la voiture change
d'appui, et il ne vaut mieux pas laisser traîner les pouces
à l'intérieur de la jante du volant... Avis aux pilotes en herbe.
Pas trop dure en ville, la direction devient plus légère
encore sur route, et au delà de 90 km/h, la voiture a tendance
à s'avachir avant de tourner. La 304 S s'inscrit en courbe
en commençant par un souvirage prononcé, puis l'avant
reprend de l'adhérence et enfin, l'arrière a tendance
à provoquer un survirage, favorisé par l'empattement
très court. A noter que ces mises en dérive se passent
à des allures peu élevées, surtout si l'on
compare aux voitures actuelles qui ne glissent souvent malheureusement
plus vraiment (grâce ?) à l'électronique. De
fait, la tenue de route de la 304 apporte un réel soupçon
de sportivité à la conduite ! Première voiture
du Lion à utiliser des freins à disques à l'avant,
la 204 et la 304 innovent sans vraiment convaincre. Avec de classiques
tambours à l'arrière, l'équilibre du freinage n'est
pas le point fort de la 304, et c'est encore plus vrai dans le Coupé.
Comme souvent à cette époque, différents montages coexistaient en
usine, selon les fournisseurs du moment (ATE, Bendix, Girling...
), avec à la clé des résultats assez variables.
ACHETER UNE PEUGEOT 304 S Coupé
& Cabriolet
Pour "rouler différent" sans avoir un budget de
nanti, un coupé ou cabriolet 304 S est un bon choix et un
investissement pérenne. Pas très chères à
l'achat, surtout en coupé, ces autos ne décotent plus,
bien au contraire. Contre 3000 à 6000 euros vous pourrez
vous offrir un coupé ou un cabriolet fiable, en dehors de
la corrosion, plaisant à conduire et pas trop difficile à
entretenir. Certains n'hésitent pas à l'utiliser au
quotidien ! Il devient également possible de se procurer
des pièces neuves chez des spécialistes et la voiture
intéressant évidemment les collectionneurs, l'offre
se multiplie. Attention si vous en achetez une d'occasion à
bien vérifier qu'il s'agit d'un vrai cabriolet, et pas d'un
coupé tronçonné, comme il en existe certains
! Premier grief, cette voiture, comme toutes les autres de cette
époque, rouille très vite sans des soins récurrents.
Portières, charnières de portes, passages de roues,
longerons, planchers, bas de caisse, bourrelet et sabots d'ailes,
jupe arrière, bas de pare-brise, logements de phares, intérieur
et haut de malle arrière, tous ces endroits sont autant de
nids à corrosion qu'il faut inspecter avant l'achat. Ils
se cachent bien souvent derrière des réparations au
mastic, au synthofer ou au blakson. Le contrôle des planchers
vous en dira long sur l'état général du cabriolet
204 ; bien souvent il ne sera pas utile de contrôler le reste
du véhicule. Concernant la mécanique, pas de crainte
particulière à avoir pour le moteur en-dehors des
problèmes de chauffe. Vérifiez que le liquide de refroidissement
a été changé régulièrement. Si
vous trouvez de la "mayonnaise" à l'intérieur
du bouchon de remplissage d'huile, c'est que le moteur a chauffé.
En effet. Le ventilateur de refroidissement du moteur tourne a la
vitesse du moteur (donc pas assez vite), car il n'est pas électrique,
alors quand le moteur est au ralenti dans les bouchons, vous devinez
ce qui se passe... Vérifiez que le chauffage marche, cela
veut dire que votre radiateur de chauffage n'est pas totalement
encrassé, et par la même occasion , jetez un coup d'oeil
dans le radiateur de refroidissement moteur. Si les petits tuyaux
sont bouchés, le moteur a dû chauffer. S'il a été
refait, et entretenu scrupuleusement, (respect du temps de chauffe,
vidange et qualité de l'huile) ce moteur est très
solide, même en exploitant sans retenue son dynamisme communicatif.
::
CONCLUSION
Une fois trouvé l'objet de vos rêves, vous n'aurez
plus qu'à souscrire une assurance "collection" pourpouvoir
alors goûter, à moindre frais, aux joies d'une automobile
attachante et tout à fait utilisable au quotidien. Car les 304 coupé
et cabriolet S, aussi populaires soient-elles, possèdent
le charme inimitable des véhicules de collection, avec un
zeste de sportivité. Evidemment, la préférence
du marché est clairement en faveur du cabriolet et nous comprenons
le choix des acheteurs tant ce mignon petit découvrable nous
fait encore frémir de plaisir...
Tous nos remerciements à André Le Roux, pour les images illustrants ce dossier ainsi que Xavier Franoux pour ses conseils d'achat et le Club 204-304. |