© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (30/10/2010)
BANZAÏ !
Bien que prévue initialement
sous un autre blason, la Toyota 2000 GT va servir le constructeur
japonais de porte-drapeau de la marque. Avec une petite participation
dans la saga des James Bond, un engagement timide mais réel
en compétition et quelques records du monde dans sa catégorie,
la Toyota 2000 GT va pleinement réussir sa mission. Aujourd'hui,
elle a rajouté un autre atout dans sa manche : sa rareté
!
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Si c'est finalement Toyota qui a commercialisé
la 2000 GT, c'est pour le compte d'un autre constructeur que le
modèle avait été initialement étudié
et développé. C'est en effet Nissan qui demande au
designer allemand Albrecht " Graf " Goertz de lui dessiner
un coupé sportif. Notre homme n'est pas un inconnu, puisque
c'est lui qui a signé le design du spider BMW 507, et il
réalisera par la suite différents concept cars pour
Nissan, de même que les Fairlaidy 240Z et 260 Z commercialisées
sous la marque Datsun. La conception du châssis est déléguée
à Yamaha qui produit également le prototype. Mais
à la dernière minute, Nissan fait volte-face et abandonne
le projet et donne l'autorisation à Yamaha de le vendre à
qui en veut. Toyota, alors en quête d'image et de reconnaissance,
reprend le projet à son compte en y installant un moteur
du cru.
PRESENTATION
Le design d'Albrecht "Graf" Goertz pour cette Toyota
2000 GT est très inspiré de certaines réalisations
européennes. Il recèle toutefois de nombreux détails
qui sont propres au modèle lui conférant ainsi un
charme fou. Difficile de ne pas remarquer une ressemblance troublante
avec la Jaguar Type E. De loin cependant, car avec seulement 4,18
mètres de long, la Toyota 2000 GT est une toute petite auto.
Si son capot offre une longueur conséquente (position longitudinale
du moteur six en ligne oblige), dès que l'on s'attarde sur
les dimensions de l'habitacle et de l'arrière, on devine
immédiatement que le gabarit total de cette Toyota sportive
est loin des standards des GT européennes de la catégorie.
La face avant intègre des phares rétractables qui
sont placés au-dessus de phares sous globe en plexiglas au
niveau des pare-chocs. La forme du plexiglas épouse admirablement
les lignes de l'auto. De type fastback, la ligne de toit fuit donc
jusqu'à la malle arrière. L'arrière de la Toyota
2000 GT n'est pas sans rappeler celui de la Ferrari 250 GTO avec
ses ailes rebondies et ses quatre feux ronds. Mais toute parenté
avec l'illustre mythe de Maranello s'arrête là, car
côté performances et tarifs, on ne joue pas dans la
même cours. Les double échappements central sont également
très évocateurs et très réussis. Dans
les détails amusants et qui replacent l'auto dans son époque,
citons les petits rétroviseurs obus qui sont placés
sur les ailes avant. Au passage, leur efficacité est quasi-nulle
et il conviendra de les apprécier plus pour leur esthétisme
que pour leur réel intérêt sécuritaire.
Près des roues avant sur les flancs il existe deux trappes.
Celle de gauche cache le filtre à air et celle de droite
la batterie ! Cela reprend un peu le principe des Bristol Blenheim
anglaises qui dissimulent au même endroit leur
roue
de secours ! Enfin, comme toute sportive des sixties qui se respecte,
la trappe à essence est du type aviation et du plus bel effet,
sur l'aile arrière. Une fois n'est pas coutume, cette GT
des années 60 n'est pas dotée de roues à rayons.
Elle hérite au contraire de roues de 15 pouces en magnésium
conçues par Yamaha. Une vraie innovation technologique pour
un modèle de série.
HABITACLE
L'habitacle se distingue par deux
caractéristiques : son exiguïté et sa finition
exemplaire. La batterie de cadrans encastrée dans cette très
belle planche de bord en bois précieux est tout simplement
bluffante et fera plaisir aux sportifs avertis, toujours avides
de connaître l'état de leur mécanique à
tout moment. La qualité de réalisation ne souffre
pas la critique et prouve que déjà dans les années
60, les constructeurs étaient à ce sujet en pleine
maîtrise de leur art
MOTEUR
Pour les GT, il y deux types de constructeurs. Celui qui est un
intégriste total de la voiture de sport et qui a fait le
choix délibéré de concevoir et fabriquer tous
les éléments de ses productions et d'étudier
un moteur spécifique pour son modèle de sport : châssis,
moteur, carrosserie. C'est ainsi le cas de Porsche, Ferrari, Lamborghini
(mais pour combien de temps encore ?), BMW et Mercedes-Benz. Et
puis, il y a les autres qui souvent étudient et fabriquent
châssis et carrosserie, mais reprennent des moteurs issus
de la grande série : Alpine, Lotus, Pagani, Laraki, PGO
Toyota, pour sa 2000 GT fait partie de la deuxième catégorie.
C'est en effet en puisant dans leur banque d'organes pléthorique,
que les ingénieurs Toyota vont trouver de quoi animer leur
GT étendard. C'est le moteur de la placide et bourgeoise
Toyota Crown (une véritable institution au japon dans le
catalogue de Toyota) qui va servir de base. Ce six cylindres en
ligne de deux litres de cylindrée présente l'avantage
d'avoir des cotes très carrées (75 x 75) ce qui peut
favoriser les tempéraments sportifs. Les ingénieurs
motoristes vont retravailler dessus pour le rendre plus sportif.
Très moderne de conception avec son bloc en fonte et sa culasse
tout alu, il bénéficie de chambres de combustion hémisphériques.
La distribution est assurée par deux arbres à cames
en tête entraînés par chaîne. Pour alimenter
les six cylindres en ligne, c'est une équipe de trois carburateurs
horizontaux Solex Mikuni de 40 qui emplissent de leur précieux
mélange les chambres de combustion. Avec 150 ch à
6 600 tr/mn et 18 mkg de couple à 5 000 tr/mn, ce moteur
n'est pas un monstre ni de puissance, ni de souplesse. Encore moins
pour l'acheteur qui optait pour le pont long
A l'usage, ce
moteur est plus sympathique qu'il n'y paraît sur le papier.
Sa sonorité est très sportive, et dès que l'on
dépasse les 4 000 tr/mn, les carburateurs s'affolent tous
et envoient la puissance. Finalement, c'est bien une vraie voiture
de sport, puisqu'il faut aller tirer la quintessence du moteur dans
les tours. Et de nos jours, pour usage de voiture de collection,
cela accroît encore le charme de cet auto, plus que cela ne
la désavantage. On n'imagine mal en effet vouloir faire la
course à chaque démarrage de feu tricolore aux côtés
d'un mazout tuning ! La boîte à 5 rapports est mécanique
et entièrement synchronisée. Mais son maniement nécessite
fermeté et guidage pour bien enclencher les rapports. Selon
les rapports de ponts, il fallait moins de 9 secondes pour le 0
à 100 km/h et de 210 à 220 km/h en vitesse maximale.
Largement suffisant pour faire le plein de sensations fortes et
ne pas être un boulet sur nos routes actuelles.
CHASSIS
Pour le châssis, Yamaha alors concepteur du projet mais pas
commanditaire, avait repris ses habitudes et son expérience
de la compétition : légèreté et rigidité.
Pour parvenir à un résultat qui leur paraissait suffisamment
satisfaisant, ils ont conçu un cadre à caissons avec
traverses, dont la partie arrière est allégée
par perçage. C'est donc une structure avec châssis
séparé qui est ensuite assemblé avec une coque
en acier. La Toyota 2000 GT hérite de quatre roues indépendantes
avec à l'avant et à l'arrière des solutions
encore reprises de la compétition : leviers triangulaires
en trapèze transversaux, ressorts hélicoïdaux,
amortisseurs télescopiques et barres stabilisatrices. Ajoutons
à cela les jantes Yamaha en Magnésium qui ont pour
effet de diminuer le poids non suspendu. Son poids contenu de 1,1
tonne parachève l'uvre des techniciens japonais. Vous
obtenez alors, sur le papier, les conditions optimales pour une
tenue de route efficace. Dans la pratique, la tenue de route est
en effet diabolique. La Toyota 2000 GT, malgré la largeur
antique de ses pneus (du 165 de large !), reste à accrochée
à la route, et si vous vous attelez à des petites
routes de montagne, son moteur pointu, et son châssis en béton
armé y font merveille. En revanche, votre colonne vertébrale
appréciera que modérément d'être autant
chahuté, car les amortisseurs ont plus été
retenus pour l'efficacité de la tenue de route que pour toute
notion de confort. Mais n'est pas sportive qui veut. Puissamment
freinée, la Toyota 2000 GT est équipée de quatre
freins à disques avec un double circuit de freinage et une
assistance de série.
EVOLUTION
Les Toyota 2000 GT ont eu une carrière particulièrement
courte. Elles n'ont donc pas connu d'évolutions notables.
Ce n'est qu'en mai 1967 que démarre la commercialisation
des Toyota 2000 GT. Auparavant, c'est en compétition que
des modèles se sont illustrés. En 1970, Toyota commercialise
une version avec moteur à simple arbre à cames en
tête, climatisation et boîte automatique. Neuf exemplaires
ainsi équipés seront produits. En cours d'année,
la production est arrêtée. Toyota va également lancer sa 2000 GT
sur les circuits japonais et américains avec un certain succès,
puisqu'un doublé à Suzuka en juin 1966 va couronner
les efforts du constructeur japonais. Il est à noter que
sur les 337 exemplaires produits, deux seulement étaient
des convertibles et trois seulement étaient à conduite à
droite : le convertible et un coupé destinés au film James
Bond, ainsi qu'un autre coupé acheté par un des mannequins
les plus célèbres du moment : Twiggy.
ACHETER UNE
TOYOTA 2000-GT
Avec si peu d'exemplaires produits, et dont la plupart sont au Japon
ou aux USA, il est évidemment difficile de s'en procurer
en France. Il faut donc attendre patiemment, ou alors trouver des
collectionneurs qui en possèdent et les harceler régulièrement.
Cette absence d'offre régulière sur le marché
ne permet donc pas d'établir une cote fixe pour ce modèle.
Cela est d'autant plus difficile que les Toyota 2000 GT sont devenues
des véritables icônes au Japon, et que bon nombre de
collectionneurs nippons sont prêts à toutes les folies
pour en posséder un ! L'entretien est évidemment une gageure en
France car il faut trouver le spécialiste capable de vous
l'entretenir. Les pièces spécifiques sont rares ou
introuvables, sans parler de leur coût prohibitif. Heureusement,
le moteur est incassable, mais nécessite de fréquents
réglages de ses carburateurs. Il faut également penser
à inspecter le châssis, car sur des autos anciennes,
il ne faut pas oublier le spectre de la rouille. Si son uvre
destructrice à commencé, les gros frais peuvent alors
être engagés. Alors mission impossible de rouler en
Toyota 2000 GT en France ? Presque, car après la réussite
de la quête du Graal, il faudra l'entretenir et la maintenir
en état. Du courage ? Non, de l'abnégation, du budget
et surtout une grosse passion, pour cette GT nipponne qui a une
cote d'amour exceptionnelle.
LA 2000 GT de 007
La Toyota 2000 GT a participé à
la saga James Bond, dans le film "On ne vit que deux fois", dans une inédite variante cabriolet. Seuls deux cabriolets 2000 GT seront produits.
Le premier, blanc, sera celui du film, et un second bleu va servir
pour la promotion. Pour la petite histoire, la Targa a été réalisée à la demande du producteur A.R. Broccoli. Quelques mois avant la sortie du coupé 2000 GT, il fait une demande à Toyota pour lui fournir deux exemplaires pour le tournage du James Bond You Only Live Twice au japon. Toyota n'hésite pas longtemps, conscient du potentiel médiatique que représente le film. Toutefois, il apparaît que l'habitabilité n'est pas adaptée à la taille de Sean Connery pour filmer des scènes embarquées. Les ingénieurs imaginent alors une version Targa, avec un toit amovible en vinyl, qui faciliterait les prises de vues. Mais l'acteur dépasse du pare-brise et de l'arceau ce qui le rend ridicule ! En conséquence, la 2000 GT Targa devient à la hâte un cabriolet, sans capote, dans laquelle Bond n'apparaitra d'ailleurs qu'en passager.
CHRONOLOGIE TOYOTA 2000 GT
1965 : Au Salon de Tokyo, présentation du prototype
de la Toyota 2000 GT.
1966 : Engagement de la Toyota 2000 GT en compétition
: moteur gonflé à 200 ch.En juin, doublé à
Suzuka. En octobre, la Toyota 2000 GT bat 3 records du monde dans
la catégorie 1500/2000 cm3.
1967 : En mai, la Toyota 2000 GT est commercialisée.
1968 : Carroll Shelby dirige un team avec deux Toyota 2000
GT aux couleurs américaines dans le championnat SCCA Américain.
Elle ne peut lutter face aux Porsche 911, ses carburateurs Webber
n'étant pas homologués.
1970 : Commercialisation d'une version avec moteur à
simple arbre à cames en tête, climatisation et boîte
automatique. 9 exemplaires ainsi équipés seront produits.En
cours d'année, la production est arrêtée.
PRODUCTION TOYOTA 2000 GT
Coupés BV5 : 326 exemplaires
Coupés BVA : 9 exemplaires
Cabriolets : 2 exemplaires
TOTAL : 337 exemplaires
:: CONCLUSION
La Toyota 2000 GT pourrait presque être le collector modèle
! Tout en elle respire la performance, la rareté, le style,
le panache et la passion. Mais pouvoir en trouver une, et ensuite
l'entretenir est comme un long chemin de croix semé d'embûches.
Alors petits budgets et gens pressés, s'abstenir, car en
bonne ancienne qui se respecte, il faut d'abord faire preuve de
patience pour espérer un jour l'apprécier dans son
garage. Sacrés Japonais !... |