UN BIJOU SANS ECRIN
Le groupe VAG a des ambitions très
fortes pour la marque Audi. Le but avoué est ni plus ni moins
que de concurrencer les ténors de la catégorie : BMW
et Mercedes. Sans vaisseau amiral, point de salut dans la lutte
à l'image de marque, notamment pour le marché américain.
Alors Audi va reprendre une caisse d'Audi 100 et y loger un tout
nouveau V8 tout alu à la technologie très évoluée.
La finition de facture classique est exceptionnelle et sa transmission
Quattro, chère à Audi n'ont pas réussi à
imposer l'Audi V8 dans son segment. Elle fut cependant un bon tremplin
pour la future A8...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Pour sa marque fétiche, Ferdinand
Piech, qui ne dirigeait pas encore le groupe VAG, a des ambitions
affichées. Pour la pérennité de la marque et
la construction de son image sur le marché européen
et surtout américain. Ce dernier marché est évidemment
un enjeu important pour la marque aux anneaux pour plusieurs raisons
: c'est d'abord un marché lucratif tant par les volumes et
les marges générées, et il permet surtout de
rentabiliser des investissements sur des grosses mécaniques
et berlines essence. Toujours bon pour le constructeur qui souhaite
proposer ce type de modèles en Europe sans faire faillite.
Et ce n'est pas qu'un simple hasard, si les constructeurs allemands,
Audi, BMW et Mercedes, de même que Jaguar arrivent à
poursuivre leur présence dans le créneau des grosses
berlines. Le marché nord américain étant le
plus gros pourvoyeur de ce genre de véhicules. C'est donc
autour de l'Audi 200 que les ingénieurs vont s'affairer pour
concevoir le futur vaisseau amiral de la marque : l'Audi V8. Et
comme cela ne suffit pas d'y glisser un V8 maison à la technologie
poussée et raffinée, Audi va la doter de la transmission
intégrale Quattro et de nombreux raffinements et équipements
peu courants à l'époque. Seul son physique trop classique
et surtout proche d'une Audi 200 avait déçu les clients,
sans parler de son tarif élitiste. Mais aujourd'hui, ces
deux inconvénients ne sont pas d'actualité et il ne
reste que le meilleur
DESIGN
Tiens, cette Audi V8 nous fait penser à une autre ?
Mais c'est bien sûr, on dirait une Audi 200. Normal puisque
c'est cette dernière qui a servi de base au développement
de la version V8. Ce sont essentiellement les partie avant et arrière
qui diffèrent de l'Audi 200. La malle arrière est
ainsi plus carrée avec des blocs optiques proéminents
qui s'étalent sur toute la surface. L'avant intègre
une face inclinée avec une large calandre rattachée
au capot qui porte fièrement les anneaux de la marque Audi.
Aujourd'hui, la ligne de l'Audi V8 a est bien dans le ton des années
80 : carrée, mais équilibrée. Les jantes de
série en 15 pouces trahissent l'âge de la belle d'Ingolstadt.
Les assemblages des emboutis sont très bien réalisés
et affichent une très bonne tenue dans le temps.
A BORD DE L'AUDI V8
L'habitacle
de l'Audi dispense une atmosphère propre à la marque
: appuis-tête évidés et carrés, large
console centrale avec une planche de bord au dessin classique mais
massif. La finition ne souffre pas la critique, même si on
peu reprocher un manque d'originalité ou de charme. Nous
sommes loin d'un intérieur chaud et flatteur d'une Jaguar
par exemple. L'équipement de série pour l'époque
et aujourd'hui encore est exceptionnellement riche : ronce de noyer,
intérieur cuir, sièges avant chauffants à réglages
électriques avec mémorisation, sac à ski, climatisation
électronique, ordinateur de bord, check control, rétroviseurs
électriques et dégivrants, serrure conducteur dégivrante,
lave-phares, système Procon-Ten
La liste n'est pas
exhaustive et impressionne.
MOTEUR
Pour motoriser son premier fleuron, Audi étudia diverses
solutions pour le choix de son moteur. Reprendre la base de l'Audi
200 imposait alors une position en porte-à-faux avant, ce
qui impliquait alors d'avoir recours à un bloc court. Un
quatre cylindres aurait été indigne d'une auto de
ce rang tant pour le confort que pour les performances. Le cinq
cylindres était bien dans la gamme d'organes du constructeur
d'Ingolstadt, mais en terme d'encombrement et de prestige, un V6
ou un V8 étaient des solutions plus séduisantes. C'est
en testant un V8 concurrent, qu'il fut décidé de concevoir
un V8 pour animer la future Audi qui portera ce nom. Le cahier des
charges établit donc un poids le plus léger possible
et une puissance de 250 ch. Les impératifs de poids ont donc
imposé le recours à l'aluminium pour le bloc avec
traitement spécial des fûts. Pour rester dans les objectifs
d'encombrement du moteur, les ingénieurs sont partis de deux
blocs de moteur 1800 VW ce qui permettait en outre d'économiser
les frais d'étude. Cela explique les cotes de 81x86,4 mm
du V8. La petitesse du V8, permettant ainsi une meilleure rigidité
globale (et surtout du vilebrequin), a toutefois motivé les
ingénieurs à avoir recours à une culasse à
4 soupapes par cylindres pour atteindre l'objectif de puissance
de 250 ch. Compacité, performances et budgets, telles sont
les données impératives qui ont prévalu à
l'élaboration de ce premier V8 dans le groupe VAG. A noter
que la circulation de l'huile et le carter adapté bénéficie
d'un brevet Audi, qui permet entre autre de gagner de la place,
du poids et de limiter les risques de déjaugeages avec la
force centrifuge. Ces choix se ressentent dans les caractéristiques
de puissance et de couple. La puissance maximale est atteinte à
près de 6 000 tr/mn tandis que le couple de 340 Nm est disponible
qu'à partir de 4 000 tr/mn. Cela se ressent dans les reprises
peu vigoureuses, et les accélérations quelconques
pour une auto de ce rang et de ce prix. Tout juste moins de 30 secondes
pour le kilomètre DA et 235 km/h pour la vitesse maximale.
Les Mercedes 560 SEL et BMW 750iL étaient à l'époque
plus véloces et vigoureuses. Dans un premier temps, seule
une transmission automatique à 4 rapports était imposée
d'office. Puisque ce type de boîte était absent du
catalogue du constructeur allemand, c'est ZF qui va fournir la boîte
automatique de l'Audi V8. Elle comporte deux programmes (Sport et
Economie) et a la particularité d'une sélection électro-hydraulique
des rapports.
CHASSIS
Comme ses autres concurrentes et également l'Audi 200, l'Audi
V8 a ses suspensions fixées sur sa coque autoportante en
acier. De classiques McPherson avec triangles obliques sont montés
à l'avant complétés d'un système anti-plongée,
d'une barre anti-roulis et d'amortisseurs à bi-tubes à
gaz. A l'arrière, les techniciens d'Audi ont monté
des bras trapézoïdaux, jambe de force supérieure,
barre anti-roulis, combinés ressorts/amortisseurs et amortisseurs
bi-tubes à gaz. La direction à crémaillère
est bien entendu assistée avec une démultiplication
de 3,3 tours de butée à butée. La transmission
Quattro, chère à Ferdinand Piech, est l'un des points
fort de la belle Audi V8. Mais la boîte de vitesses ZF était
conçue pour des propulsions. Audi ne pouvait y intégrer
son différentiel central qui se trouve accolé à
cette boîte, avec un arbre latéral courant vers le
différentiel avant. Ce différentiel central assure
une répartition 50/50 du couple sur les essieux, avec un
blocage automatique par commande électronique. La détection
du patinage d'un essieu s'effectue au moyen des capteurs de l'ABS.
Le blocage s'effectue dans un délai variant de 200 à
400 millisecondes, et uniquement en accélération,
ce qui ne perturbe pas le fonctionnement de l'ABS. Le différentiel
arrière est de type Torsen, assurant donc un blocage mécanique
dans un rapport de 20 à 80%. Ce type de différentiel
ne fonctionne pas non plus en décélération.
Pour son système de freinage, Audi a encore innové,
puisqu'elle était alors la seule auto du marché à
être dotée de freins à disques à étrier
intérieur ATE. L'avantage de ce système permet un
diamètre de disque inférieur, un gain de surface de
frottement et une diminution des températures atteintes.
De série, l'Audi V8 est dotée de jantes alu de 15
pouces de diamètres reprenant un design maison et chausses
de pneus Pirelli P600 en 215/60 VR15. En option, le client pouvait
opter pour des belles jantes en nids d'abeille de 16 pouces de diamètre
montées en Continental Sportcontact 225/50 ZR 16. Volant
en main, l'Audi V8 est évidemment impériale sur la
route. Equilibrée et dotée d'une adhérence
et d'une efficacité exceptionnelle, dès que les conditions
de roulage se dégradent, elle prend l'ascendant sur ses rivales
contemporaines directes (BMW, Mercedes et Jaguar). Le seul bémol
cependant est son tempérament encore trop typé traction
avant (chassez le naturel, il revient au galop !) qui entraîne
un sous-virage plus prononcé que sur d'autres autos. N'imaginez
pas emmener l'Audi V8 sur des petites routes et attaquer comme un
fou. C'est une grosse berline, et le V8 en 3,6 litres est un peu
trop tendre et haut perché pour donner du tonus à
l'Audi V8. Une vraie autoroutière, qui dispense aujourd'hui
encore un agrément peu commun
EVOLUTION
L'Audi V8 Quattro est équipée de série d'une
boîte automatique à quatre rapports lors de sa commercialisation.
Mais dès 1990, une boîte mécanique à
5 rapports sera disponible. Elle permettra notamment de redonner
de la vigueur au V8 3,6 litres de 250 ch un peu étouffé
par la boîte auto. En 1992, En octobre, l'Audi V8 se muscle
avec un V8 réalésé à 4,2 litres et développant
280 ch. Pour passer à 4,2 litres, le V8 voit sa course et
son alésage augmenter sensiblement (93x84,5 mm au lieu de
86,4x81 mm précédemment). Une boîte 6 vitesses
mécanique est montée de série. Les performances
de l'Audi V8 Quattro 4.3 progressent avec 250 km/h en pointe, le
0 à 100 km/h en 8 secondes et 28,1 secondes pour le kilomètre
DA. A noter que sur commande spéciale, le client Audi V8
Quattro peut opter pour une version limousine avec carrosserie allongée
(lire encadré " En marge de la Série ").
Au printemps 1994, l'Audi V8 Quattro est remplacée par la
nouvelle A8 et sa carrosserie tout alu aux lignes plus fluides.
Une commercialisation très courte pour une auto hybride (caisse
ancienne, mais dessous modernes) qui a finalement réussi
à servir de tremplin pour la future Audi A8
AUDI
V8 QUATTRO Limousine
Avec 30
cm de plus que la version standard, l'Audi V8 Limousine
possède une présentation différente.
La correction d'assiette, les sièges arrière
séparés chauffants et à réglages
électriques sont de série. Un chauffage
autonome (indépendant du moteur) permet de déclencher
à un horaire donné le chauffage. Le tarif
était des plus salés, et en 1992, lorsque
la version standard était affichée à
523 250 Francs, la Limousine était vendue
817 700 Francs ! A ce tarif, les Mercedes et BMW sont
battues
ACHETER UNE
AUDI V8 Quattro
Acheter une Audi V8 n'est pas très facile de nos jours car
il faut en trouver une, qui soit entretenue correctement dans le
réseau Audi de plus. Sa technologie poussée et raffinée
ne supporte pas l'à peu près en entretien. Sa rareté
donc sur le marché et les modèles à éviter
vous obligerons à chercher parfois de nombreux mois qu'un
modèle intéressant se présente dans les petites
annonces. Les plus rares sont les derniers modèles à
moteur V8 4.2. Ils sont à privilégier si vous êtes
amateurs de performances, tandis que les budgets d'achat plus serrés
ou les amateurs de voitures de prestige sans être accrocs
de vitesse et accélération pourront se tourner vers
les 3,6 litres. Les gros kilométrages sont fréquents
et ne doivent pas effrayer l'amateur si tout l'entretien est à
jour. Comme pour toutes les allemandes de prestige, lorsque le véhicule
visé provient de Belgique ou d'Allemagne, prudence
Peu de défauts notoires sont répertoriés pour
les Audi V8 : sur les modèles à boîte automatique,
quelques problèmes de convertisseurs de couple ont été
remarqués dans le réseau Audi. Autre détail
bénin, l'affichage à cristaux liquides de l'ordinateur
de bord situé sur la console centrale rend souvent l'âme
au bout de quelques années de bons et loyaux services. Ce
système a d'ailleurs été modifié sur
les Audi V8 au bout de quelques millésimes. Pour l'entretien,
vous rendrez visite à un atelier (Audi de préférence
!) tous les 15 000 km afin que les principaux points de contrôles
soient effectués. L'entretien et les pièces Audi sont
réellement hors de prix, et il ne faut pas l'oublier au moment
de l'achat. Il serait en effet dommage de laisser au garage une
auto si attachante faute d'argent pour une réparation. Si
vous tombez sur le bon exemplaire, l'Audi V8 va être une compagne
idéale pour les voyages au long court en toute sécurité,
confort, performances et surtout raffinement. A consommer sans modération
pour les amateurs de luxe discret, art dans lequel l'Audi V8 est
passée maître.
CHRONOLOGIE AUDI V8
1988 : En octobre, présentation officielle au Mondial
de Paris de la nouvelle Audi V8 Quattro, basée sur l'Audi
200. Moteur V8 3,6 litres de 250 ch. Boîte de vitesses automatique
imposée.
1990 : Le client peut désormais opter pour une boîte
mécanique à 5 rapports.
1992 : En octobre, l'Audi V8 se muscle avec un V8 réalésé
à 4,2 litres et développant 280 ch. Une boîte
6 vitesses mécanique est montée de série.Sur
commande spéciale, le client Audi V8 Quattro peut opter pour
une version limousine avec carrosserie allongée (lire encadré
" En marge de la Série ").
1994 : Au printemps, l'Audi V8 Quattro est remplacée
par la nouvelle A8 et sa carrosserie tout alu aux lignes plus fluides.
:: CONCLUSION
Très chère à l'époque, avec une image
à construire et surtout un physique jugé trop proche
de l'Audi 200 dont elle dérive, l'Audi V8 Quattro n'a pas
rencontré le succès escompté. Mais aujourd'hui
elle reste très fiable, sa ligne classique peu séduire,
ses prix d'achat restent raisonnable et son agrément est
toujours très présent. Il faut juste trouver la bonne,
entretenue et au passé clair et limpide et à vous
la berline V8 raffinée et technologique...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Tout comme le baltracien du bon La Fontaine, Audi rêve
de se faire aussi gros que les bovidés allemands, Mercedes
et BMW. Pour cela, un très beau V8 a été mis
au point à Ingolstadt mais le prestige de la marque aux anneaux
ne suit pas et la carrosserie est celle de l'Audi 100 à peine
améliorée. La puissance disponible est de 250 ch,
les quatre roues sont motrices, toutes les techniques modernes sont
adoptées. Malgré un poids de près de 1 800
kg, la grande Audi obtient une vitesse de pointe de 239 km/h avec
une boîte automatique à trois programmes. Depuis peu,
une boîte mécanique à 5 rapports est aussi disponible.
La puissance passe à la route sans problème mais la
loi de la pesanteur fait parfois glisser l'avant. Direction et freinage
sont aussi satisfaisants que la finition ou l'équipement
vraiment très complet avec nombre d'accessoires inhabituels.
On annonce en Allemagne une version Lang, plus longue de 30 cm et
encore plus chère."
L'AUTO-JOURNAL - 15 mai 1989 - Audi V8 Quattro 3.6 BVA.
"Ce V8 redéfini peut être
accouplé soit à une boîte mécanique à
6 rapports (l'ancienne version s'en contentait de 5
), soit
une excellente boîte automatique à 4 rapports. C'est
cette dernière qui équipait notre modèle d'essai
et très sincèrement, son comportement est remarquable.
Le niveau de performances de l'Audi V8 progresse sensiblement. Déjà
en vitesse maxi puisqu'elle rentre, cette fois, dans le clan des
plus de 250 km/h. Le progrès est un peu moins spectaculaire
en accélérations (28 secondes pour le 1000 m DA tout
de même
) mais fort sensible lors des reprises beaucoup
plus vigoureuses. Il en résulte un agrément de conduite
accentué, repositionnant positivement l'Audi V8 sur le marché.
D'autant qu'à cette vigueur retrouvée, il convient
de ne pas oublier les bienfaits de la traction intégrale
sur le comportement qui, alliés avec des " Air-Bags
" conducteur et passager ainsi qu'au fameux système
Procon-Ten de rétractation de colonne de direction en cas
de chocs, font de l'Audi V8 l'une des berlines les plus sûres
du marché. Tant en boîte auto qu'en boîte mécanique,
l'Audi V8 4.2 est facturée 510 000 Francs."
SPORT AUTO - mai 1992 - Audi V8 Quattro 4.2 BVA.
"Isolé des deux autres, l'Audi
V8 apparaît sur le papier comme une voiture lourde en regard
de la puissance disponible. Au volant, on ne ressent jamais la poussée
pneumatique d'un V8 Mercedes, ni la mise en action quasi-instantanée
d'un V12 BMW en phase d'accélération. L'honnêteté
commande de préciser qu'avec seulement 3,6 litres de cylindrée,
l'Audi V8 part largement désavantagée sur le plan
de la puissance pure, car ce moteur, s'il remplit son rôle
avec conscience, silence et volupté, ne déborde pas
de vitalité. Que lui reprocher ? Il est souple et linéaire
dans ses montées en régime mais ne peut en aucun cas,
être considéré comme un moteur puissant."
AUTOMOBILES SPORT ET PRESTIGE - Juillet 1989 - Audi V8 Quattro
3.6 BVA. |