ÇA CARTOON !
Après quelques années
de léthargie, et le temps nécessaire pour accuser
le coup d'un rachat qui ne voulait pas dire son nom, Chrysler se
souvient de son passé et de ses gènes américains.
Pour le renouvellement de son vaisseau amiral, un big bloc sous
le capot se doit d'être sous le capot, habillé par
un design des plus original et typiquement US. Timides, s'abstenir...
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
Les " big three ", alias les 3
constructeurs US (Chrysler, GM et Ford) ont tous été
malmenés ces dernières décennies sur leur marché
intérieur. Les constructeurs japonais et européens
ont en effet été particulièrement agressifs
alors que les constructeurs américains se reposaient sur
leurs lauriers. Alors, piqués au vif, ils durent réagir
et rappeler à tous les qualités de leurs productions.
L'Amérique a été en effet la patrie des design
les plus flamboyants de l'après-guerre. Mais les années
80 ont été fatales au style américain avec
des réglementations sécuritaires et écologiques
draconiennes sans parler de la chute de certains groupe, comme le
groupe AMC qui fut alors racheté par Renault. Mais les années
90 ont sonné le réveil des " Ricains " comme
chantait Sardou. Un réveil ? Pas si sûr, plutôt
un retour aux sources avec des modèles comme la Dodge Viper,
évocation de la Cobra des temps moderne. Chez Chrysler, après
les berlines sans saveur, le centre de style contre-attaque et puise
dans les prestigieux catalogues des années 50 et 60 de la
marque pour renouveler son vaisseau amiral. Mais pas uniquement
côté design, puisque sous le capot, les ingénieurs
de la marque au Pentastar ont eu la bonne intuition de glisser un
V8 de 5,7 litres sous le capot très carré de la berline
américaine. La bonne recette de l'oncle Sam...
DESIGN
Lorsque les designer de Chrysler ont couché sur la planche
à dessin les lignes de la Chrysler 300C, ils ont su éviter
les pièges du style néo-rétro. A l'inverse
de la Ford Motor Company qui semble faire la pratique du copier-coller
(Ford GT, Mustang V, Thunderbird
), les designers de Chrysler
ont réalisé une berline à la ligne personnelle,
très inspirée et finalement typiquement US. La Chrysler
300C, c'est l'Amérique automobile dans toute sa splendeur,
telle que les européens se la représentent. Certains
éléments importants du style de la Chrysler reprennent
les gènes familiaux. Ainsi, la large calandre s'inspire très
librement des 300 C des années 50, et la ligne de caisse
très droite et carrée également. La très
haute ligne de caisse donne l'impression que l'habitacle a été
chopé comme avec les rods américains. Seul le dessin
des blocs optiques semblent finalement très banal comparé
au reste de l'auto. Le style général de la Chrysler
amuse au départ, mais charme également. Après
tout, ce n'est pas tous les jours que l'on a la chance de croiser
des autos aussi atypiques et pleines de charisme. Les accessoires
chromés sont nombreux et rappelle à tous la volonté
haut de gamme de la Chrysler 300C. Le gabarit de cette Chrysler
est impressionnant pour nos habitudes européennes, car avec
5,05 mètres de long et 1,88 mètres de large, on la
place parmi les grandes berlines européennes. Ces dimensions
extérieures généreuses se répercutent
dans l'habitacle avec des cotes intérieures impressionnantes
pour la catégorie.
A BORD DE LA 300C
Pour le dessin de l'intérieur,
Chrysler a tempéré les ardeurs de ses designers. La
planche de bord, quoique plus conventionnelle, regorge d'équipements
de série. Rapporté au prix de la 300C, l'équipement
est très complet, surtout comparé à ses rivales
allemandes. Ici et là, on devine l'esprit de famille avec
Mercedes-Benz, car de nombreux composants et équipements
sont repris de la gamme Mercedes-Benz. C'est notamment le cas pour
le clavier de commande de climatisation. Il faut d'ailleurs noter
l'efficacité remarquable de cette dernière. Avec 504
litres, le coffre offre un volume de chargement appréciable,
bien en phase avec l'esprit général de la Chrysler
300C.
MOTEUR
Sous le capot, Chrysler aurait-il remis une légende vivante
en route ? Le V8 5,7 HEMI n'est pas repris en réalité
de la génération antique des V8 HEMI montés
sous les capots des Chrysler de la belle époque. Pour ceux
qui n'étaient pas encore nés à l'époque
(c'est notre cas !), ces V8 étaient ainsi désignés
par Chrysler en raison de leurs culasses hémisphériques,
ce qui était une nouveauté pour des moteurs américains.
Ce V8 de 4,7 litres développe donc 340 ch et 525 Nm de couple
à 4 000 tr/mn. Bien dans l'esprit US, ce V8 que l'on pourrait
qualifier également de Big Bloc, présente des caractéristiques
bien locales : très coupleux, un rapport puissance au litre
très quelconque indiquant que l'agrément et la souplesse
d'utilisation ont été privilégiés aux
dépens de la puissance pure. Il est à noter que ce
V8 possède toujours un bloc en fonte et des culasses en alliage
à chambre de combustion hémisphériques, il
ne possède qu'une distribution à deux soupapes par
cylindre et un arbre à cames central. Malgré cette
" rusticité " technique, ce V8 passe les normes
de pollution Euro 4, et est équipé d'un système
de désactivation des cylindres. Lors de faibles demandes
de puissance, notamment en usage urbain, la moitié des cylindres
sont inopérants et le V8 tourne sur quatre cylindres. Cela
permet notamment de réduire la consommation du précieux
or noir et d'améliorer la réduction de la pollution
de ce moteur. Le système se gère électroniquement
et passe de 4 à 8 cylindres (et vice-versa) en 0,04 secondes
! A l'usage, c'est totalement imperceptible pour le conducteur.
Cela reprend en fait le concept déjà inauguré
par Mercedes-Benz avec le ZAS. Pour la transmission, c'est une boîte
automatique à 5 rapports d'origine Mercedes-Benz qui est
montée, mais qui est désormais fabriquée aux
USA. Les performances de la Chrysler 300C sont à l'avenant
et l'usine annonce fièrement 6,4 secondes au 0 à 100
km/h et 250 km/h en vitesse maximum. Les reprises et les accélérations
sont nettes et franches, et il devient vite amusant de jouer du
kick-down comme dans les séries américaines.
CHASSIS
Comme dans beaucoup d'autres groupes multi-marques, les échanges
et partages de plate-formes, d'organes et de composants sont courants
désormais. La Chrysler 300C n'échappe pas à
la règle sans pousser aussi loin que le Crossfire l'esprit
de famille. C'est donc la plate-forme de la Classe E et ses trains
roulants qui sont ré-utilisés sur la Chrysler 300C.
Toutefois, nous sommes loin des standards européens en matière
de réglage châssis. Chrysler dans ses communiqués
officiels parle de la suspension avant indépendante à
bras longs. En clair nous sommes face à une suspension à
triangles superposés et pivot virtuel, comme sur une Mercedes
Classe
E ! Le train arrière multi-bras fait office
d'innovation pour une voiture américaine, alors que certains
modèles ont tout juste abandonné les essieux arrière
rigides. La direction à crémaillère est également
puisée dans le catalogue Mercedes-Benz, et on retrouve avec
plaisir la propulsion de la belle américaine sur les roues
arrière. Un big bloc devant sous le capot, une boîte
automatique, des roues arrière motrices et une " gueule
" typique, l'Amérique est de retour. Seule entorse à
la tradition US, un ESP est monté de série, ce qui
sur une américaine, est peu habituel. Volant en main, le
charme opéré par le style et le V8 s'évapore.
Toute conduite sportive est à proscrire et on se remémore
alors les chiffres que Chrysler nous a annoncé à la
présentation de la 300C : plus de 90% de la production Chrysler
est écoulée en Amérique. Normal donc que la
Chrysler 300C ait été définie avec des réglages
souples. Si la Chrysler fait preuve d'un bel équilibre, notamment
grâce à ses très larges pneus Pirelli P7, elle
se couche en virage et donne un feeling surprenant. Il faut s'y
habituer et surtout se souvenir que depuis l'après-guerre,
les américaines ont surtout brillé dans les burns
musclés, en ligne droite. En conduite rapide, la Chrysler
300C manifeste un sous-virage excessif. De plus, la taille des pneus
en taille basse, génère des bruits de roulement importants
qui viennent perturber le confort réel des occupants. Dommage
d'avoir opté pour des jantes et une monte pneumatique aux
dimensions de sportives alliés à des suspensions souples.
Tous les inconvénients d'utilisation sont ainsi réunis.
C'est dommage, car à côté de cela le freinage
est franc et convaincant, et à l'usage, la Chrysler 300C
se déguste avec la joie et l'allégresse de son style
et de son V8 à l'ancienne.
:: CONCLUSION
Pas de doute, Chrysler a bien puisé dans ses racines et ses
années dorées pour sa nouvelle venue. La Chrysler
300C offre un look détonnant et novateur qui fera tourner
les têtes sur son passage. Son prix serré avec un V8
de 5,7 litres et un équipement pléthorique en font
également une concurrente redoutable. Avec sa qualité
de fabrication en net progrès (merci Oncle Benz !), et son
habitacle aux cotes généreuses, il ne manque plus
à la 300C V8 que des trains roulants aux réglages
européens pour faire un malheur. Peut être sur la version
affûtée SRT ? A voir...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Des vibrations, on en perçoit guère au volant
de la V8, seule disponible pour les essais. En revanche, les sensations
de conduite sont suffisamment différentes de ce que l'on
connaît au volant des hauts de gamme européens pour
avoir sinon le sourire, du moins les sens aux aguets. Par rapport
à la 300M, la position de conduite a été réhaussée
de plus de 6 cm, accentuant l'impression de diriger un engin encombrant
(5 mètres de long et 1,88 mètres de large). Mais il
suffit d'ouvrir les gaz pour découvrir une belle aisance
à évoluer dans le trafic, les ressources du V8 et
la gestion encore actuelle de la boîte permettant d'envisager
sereinement les dépassements les plus difficiles."
LE MONITEUR AUTOMOBILE - 6 Mai 2004 - Chrysler 300C V8 5.7 HEMI
Sedan.
"A l'usage, ce V8 baptisé
HEMI en référence à ses culasses hémisphériques
(une solution largement utilisée aujourd'hui, mais que Chrysler
réactualise cinquante ans plus tard) s'active avec une évidente
bonne volonté et procure une remarquable vivacité
à la lourde 300C. Un brio amplement suffisant pour le châssis
de la Chrysler qui perd rapidement toute efficacité si on
ose le malmener. Suspension " chamallow ", précision
de conduite et tenue de cap perfectibles à haute vitesse,
antidérapage ESP et antipatinage qui se déclenchent
très tôt, poids qui embarque sensiblement en virage,
boîte auto qui tarde à rétrograder et qui procure
peu de frein moteur : la 300 C est loin d'avoir la rigueur des routières
européennes. Alors, après avoir salivé devant
sa ligne atypique, soulignée par ses nombreuses qualités
(équipement, habitabilité), salué son prix
attractif, on reste frustré après avoir conduit la
300C. Toutefois en ces temps de conduite forcément assagie,
cette étonnante américaine, démesurée
à souhait, n'en demeure pas moins attachante."
L'AUTOMOBILE MAGAZINE - Juin 2004 - Chrysler 300C V8 5.7 HEMI
Sedan. |