PASSEPORT POUR LES ANNEES 80
Citroën reprend un programme sportif
en 1981 avec la présentation de la Visa Trophée, homologuée en Gr.
5. Dans la foulée, un modèle sportif produit en petite série limitée,
pour les jeunes talents du volant, trouve sa place dans la gamme
Visa, alors à son apogée commerciale en France et en Europe. La
Visa "Chrono", une machine à remonter le temps, un passeport pour les années 80 !
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Citroën lance en mars 1981 la Visa II qui succède à la Visa apparue en octobre 1978 au salon de Paris et conçue à partir de la Peugeot 104. Avec un design modernisé par Heuliez et un ambitieux programme sportif
mis en chantier par Guy Verrier, le nouveau patron de Citroën Compétition, le constructeur se bat pour redynamiser les ventes de la Visa avant l'arrivée redoutée de la 205. Après le succès du Trophée "Visa Total" en 1981, Citroën lance en 1982 le "Trophée Visa International" en coopération avec Total et Michelin. Pour homologuer la Visa en groupe B, Citroën lance la série limitée "Trophée" à 200 exemplaires en 1982. Pour capitaliser sur cette image sportive, le 24 mars 1982 Citroën présente la série spéciale Visa II Chrono au Bourget. Dérivé de la Visa Super X et conçue par Heuliez, la Visa Chrono est une série limitée à 1000 exemplaires, dans un premier temps. En effet, 1500 autres exemplaires s'ajouteront en juillet pour faire face une demande plus importante que prévu...
DESIGN
La Chrono est
inspirée de la Visa Trophée. Son caractère
sportif fortement marqué apportera d'ailleurs un sérieux
coup de jeune à une gamme très classique. Tout gamin
que j'étais, un oncle ayant craqué pour cette sportive
aux couleurs nationales avait réussi à me convaincre qu'il s'agissait
là d'une authentique voiture de course, rare, et donc exceptionnelle
! Effectivement, le fait est qu'il s'agit d'une "série spéciale limitée. En
regardant la Visa avec le recul de l'âge, je me demande bien quelle substance
illicite avaient ingurgité les designers pour "pondre"
une caisse pareille ! Diable, j'avais oublié à quel
point la Visa est une... Citroën. Pire, une Citroën des années
80 ! "Visa II Chrono 93ch, un monstre." Ce slogan publicitaire
d'époque (et quelle époque !) ne pensait peut-être pas si bien dire tant l'ensemble a des airs monstrueux... Faisons le tour du...
"monstre". Extérieurement, on a pas fait dans la
dentelle chez Citron ! Dans les teintes choisies tout d'abord, la
voiture surprend. Couleur unique pour la carrosserie: blanc.
Cela aurait suffit à une autre époque que le début
des années 80 ou le "m'as-tu vu" était maître
mot parmi les "chés-bran". Résultat, d'imposantes
bandes adhésives bleues et rouges sont venues égayer
l'ensemble façon "Starsky et Hutch à la française"
dans un style délicieusement kitsch mélant fièreté
patriotique et compétition bon marché. Pour parfaire
l'illusion, quelques idées de génie inaugurées
ici, feront date dans l'histoire du "tuning-fait-main-pour-pas-cher"
: les élargisseurs d'ailes avant et arrière directement
rivetés dans les ailes, le becquet arrière et l'entourage
de façade avant rouge vif, les jantes 13" AMIL en alliage blanches,
le spoiler avant avec ses projecteurs longue portée grossièrement
rajoutés, les lettrages énormes sur la malle... que
du bon goût n'est-ce pas ? L'ensemble fait penser à
un fragile bricolage de bidouilleur du dimanche mais cet artisanat
produit en série (limitée) se trouve pourtant authentifié
par un numéro unique inscrit en gros sur les portières
avant. Ami de la rareté bonjour, ami de la discrétion
bonsoir !
HABITACLE
A l'intérieur, quelques équipements spécifiques
indiquent que vous vous trouvez bien à la fois dans une Citroën
et dans une voiture de sport. Planche de bord en PVC bleu, commande
de clignotants et essuie-glaces bizarement traditionnelles (suppression
des originaux "satellites" maison), volant sport à
trois branches (heureusement plus de monobranche) et attention suprême,
des sièges baquets avec garnissage mixte jersey bleu uni/Tep
bleu. Aucune option n'était disponible pour cette série
limitée, d'où le nom "limitée" qui
avait sans doute une autre connotation dans l'esprit des responsables
commerciaux de l'époque. Bon, trèves de critiques
? Non, objectivement, c'est assez dur de critiquer une mamie de
20 ans à qui je dois le respect, mais la finition française
de l'époque, c'est quand même quelque chose !!! Commençons
par le tableau de bord, en reprenant les termes publicitaires de
la marque (Dans le catalogue, le constructeur s'adresse "au
jeune" en s'inspirant du Petit Prince de Saint-Exupéry...).
Je cite : "Dessine-moi un tableau ! D'abord, un volant sport
! Et puis plein de compteurs à cadrans circulaires : un tachymètre,
un compte-tours, des indicateurs de pression d'huile et de température
d'eau, une montre, une jauge à essence...". Pas con,
la jauge à essence, ça peut servir. Et puis visiblement,
les compteurs on ne savait pas trop où les mettre car l'ergonomie
de l'ensemble est assez "che-lou"... mais continuons :
"Et puis encore deux rétroviseurs extérieurs,
sans oublier le prééquipement radio." Ah non,
là, fallait-pas, c'est trop ! Vu le potin du moulin, la radio...
on y pense même pas ! "La Visa II Chrono: faite pour
ceux qui aiment les beaux tableaux !" Effectivement, avec des
arguments comme ceux-là, en tant que jeune, on ne pouvait qu'être
conquis à priori...
MOTEUR
Parlons du coeur du "monstre", maintes fois
éprouvé au sein du groupe PSA. Il s'agit du bloc moteur
XYR 1360 cm3 qui équipa la Peugeot 104 ZS 2. S'il vous prenait par
hasard l'idée de traverser la France d'une traite avec l'engin, nous vous conseillerions de faire un tour par la pharmacie
pour y acheter des boules Quiès. Gavé par deux carburateurs
Solex double corps et privé d'insonorisants, le 1360 cm3
est en effet très bruyant, mais pas spécialement mélodieux. Sans être
une pure mécanique de compétition, il offre pourtant 93 ch
à 5800 tr/min et 12,4 mkg à 4500 tr/min. Une puissance,
certes modeste, mais qu'il faut comparer au poids de la machine
: 850 kg en ordre de marche, de nos jours ça fait rêver
! Et puis heureusement, à part le réglage un peu délicat
des carbus, ce moteur est remarquablement fiable. La boîte
5 vitesses est un peu floue dans son guidage mais bien étagée. Son levier de commande choque l'oeil autant qu'il inquiète
l'esprit avant la prise en main. Bon, parlons "chronos"
(avec un "s" cette fois) domaine dans lequel justement,
la "Chrono" se fait moins remarquer, bien qu'à
l'époque elle fut l'une des meilleures de sa catégorie
: vitesse max. de 173 km/h, 0 à 100 km/h en 11s7 et 1000m
D.A. en 33s, à peine de quoi coller aux basques d'un vulgaire
TDI/HDI de base d'aujourd'hui. Bon, alors c'est quoi son truc à
cette caisse ?!
COMPORTEMENT
Son truc à la Visa Chrono, c'est de vous ramener dans
les années 80 ! Une vraie voiture à remonter le temps ! Flash back dans les années "GTI"
où le plaisir et les sensations étaient des valeurs
fortes de l'automobile (bah oui, ça parait bien lointain tout ça maintenant...). Sur la route, la Chrono est étonnamment
moderne et rassurante, légère et maniable. Que ceux
qui doutaient de sa crédibilité en s'arrêtant
à son physique se rassurent : la petiote tient le pavé
malgré ses petits pneus en 175/70 HR13 et prouve sa fibre
sportive quand on la malmène un peu, aussi clairement qu'elle
prouve sa fibre patriotique avec sa déco. La direction est
précise, on "sent" bien la route et on contrôle
sa trajectoire proprement. L'amortissement reste fidèle aux
valeurs Citroën, c'est à dire qu'il sait préserver
un certain confort de roulement et une bonne efficacité en
conduite musclée. Efficace, la "mémé"
a encore de beaux restes.
ACHETER UNE CITROEN VISA CHRONO
Les Visa Chrono sont désormais très recherchées...
par les citroënistes principalement. A cela plusieurs raisons:
tout d'abord, elle n'a été produite qu'à 1500
exemplaires en 1982 et 1000 autres en 1983 avant d'être rempalcée par la Visa GT Tonic puis la Visa GTI. A partir d'avril 1983, la Visa "Chrono" fut également commercialisée dans plusieurs pays européens: Allemagne, Autriche, Belgique, Italie, Pays Bas et Suisse. Elles diffèrent de la version française par le moteur et la décoration adaptée aux couleurs du drapeau national de chaque pays. Boudées sur le marché allemand, 330 exemplaires sur les 400 prévus furent transférés aux Pays-Bas sous la forme d'une série limitée appelée "GT 330 Spirit". Au final, il y a eu 2160 Visa Chrono pour le marché français et 1650 autres exemplaires destinés à l’exportation. Ce qui ne laisse pas
beaucoup de survivantes 20 ans après ! Entre la rouille et
les accidents, les rares modèles en bon état ne courent
plus les rues. Le "Visa chrono Club de France" situé
à Framier (70) pourra toutefois vous aider à l'entretenir
et/ou la remettre en condition. Le plus délicat étant de trouver un spécialiste des carburateurs double corps pas trop loin de chez vous. D'un point de vue spéculatif,
il faudra vous orienter vers d'autres voitures car la rareté
de la Visa Chrono ne lui permet pourtant pas d'atteindre des cours
de vente très élevé. Rare et méconnue,
elle intéresse peu d'amateurs. Comptez donc un budget de
3000 € maxi pour une voiture en état "concours".
Surprenant, mais appréciable si ce modèle vous intéresse.
VISA CHRONO GROUPE B
En mars 1983, 20 exemplaires sont préparés par Denis Mathiot et sont destinés exclusivement à la compétition. Treize seront vendues au direction régionale Citroën et sept seront réservés au service compétition Citroën. Le moteur 1360 passe à 1434 cm3 par augmentation de 2 mm de l'alésage. La puissance est de 143 ch à 7200 tr/mnpour un couple maxi de 15 mKg à 5500 tr/mn. Les deux carburateurs Solex sont remplacés par des Weber 45 DCOE. Un radiateur d’huile est également ajouté. La caisse est allégée à 740 kg grâce à des éléments de carrosserie en fibres de verres et résine polyester et des glaces (sauf pare-brise) en plastique Margard.
Elle sera la première Visa engagée en groupe B, avant l'arrivée de la Visa 1000 Pistes Evolution en 1984.
> Dossier Visa 1000 Pistes
:: CONCLUSION
Au moment de faire le bilan, les impressions de départ s'estompent
un peu. C'est vrai qu'elle n'a pas vraiment un look très sexy la Visa
Chrono, mais quand même, son style si personnel a quelque chose d'attachant.
Son moteur n'est pas un foudre de guerre mais n'est pas non plus avare en sensations
de tous genres et profite du poids plume pour offrir des performances
sympathiques à cette petite Citroën. Bref, je crois que j'ai surtout
été conquis par sa rareté et la nostalgie qu'elle suscite. Donc si
vous aussi avez succombé au charme rétro de cette bombinette des 80's
et à ses prix très abordables, nous vous souhaitons bonne chance dans
votre quête des chevrons sauvages !
Liens conseillés sur la CITROEN VISA CHRONO : visachronoclubdefrance.com |