VIPERE AU POINT
La Viper est de retour ! Commercialisée
depuis deux ans aux Etats-Unis, la nouvelle Viper, alias SRT-10
est depuis peu de temps disponible en Europe et le sera prochainement
en France. Pour environ 100 000 euros, le rêve américain
prend la forme d'un roadster dont le moteur est dopé à
la créatine ! Le fameux V10 de camion passe à 8,3L
et le châssis se montre plus européen que jamais...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
La première génération
de Viper est aussi exubérante que rarissime sur nos routes.
Distribuée sous la marque Chrysler, on dénombre une
cinquantaine d'exemplaires vendus en France. Grâce à
ses nombreux succès en Le Mans séries (catégorie
FIA GT2) elle est devenue une véritable légende automobile.
Forte de ce patrimoine, la nouvelle génération fut
présentée sous la forme du concept-car sportif GTS/R
(voir encadré ci-dessous) en 2000 à Détroit.
Et depuis septembre 2002, le nouveau roadster Dodge, baptisé
SRT-10, fait le bonheur de nombreux américains fans de burn-out.
L'histoire pourrait s'arrêter là et rendre presque
inutile la présentation de la nouvelle Viper si le groupe
Daimler-Chrysler n'avait pas décidé de la commercialiser
en Europe et prochainement... en France ! Quelle bonne nouvelle
pour tous les adorateurs de ce monstre dont l'homologation à
titre isolé est pour le moins difficile... La raison tient
au fait que la marque Dodge entame son come-back européen
et la Viper sera donc disponible sous cette enseigne à partir
de 2006, après une période de distribution temporaire
par le biais du réseau Chrysler-Jeep. Voilà donc une
bonne occasion de faire les présentations avec celle qui
demeure l'une des plus extraordinaires et fantasmatiques voitures
de sport de sa génération...
VIPER
GTS/R CONCEPT CAR
10 ans après le premier concept-car
Dodge Viper, le concept GTS-R présenté
en 2000 continue la légende de la Viper V10.
Osamu Shikado est responsable du style de ce projet
aux parfums de compétition qui est à la
fois plus bas et plus large que la voiture de série.
Shikado s'est en effet inspiré des Viper de course,
victorieuses à plusieurs reprises dans les séries
de courses d'endurance pour donner plus d'agressivité
à la Viper dont on appréciait pourtant
les formes rondes et généreuses de la
première génération, sculptées
avec sensualité à la manière d'une
Marylin Monroe. Bien sûr, ce prototype préfigurait
les grandes lignes du design de la nouvelle Viper de
série, commercialisée depuis 2003 aux
USA. A voir cela, on a hâte de découvrir
le futur coupé GTS et de retrouver la belle américaine
aux prochaines 24h du Mans avec son V10 grondant comme
un orage dans les Hunaudières !
DESIGN
Sous un air de famille évident, la mue du reptile venimeux
s'est opérée sous forme de mutation. En effet, lors
de son changement de peau orchestré par le designer Osamu
Shikado, la Dodge Viper a perdu beaucoup de ses rondeurs caractéristiques.
Ses traits sont désormais plus tirés et agressifs
mais l'ensemble est finalement un peu moins bestial et sexy. La
faute en revient peut-être à l'abandon du massif arceau
arrière qui était caractéristique du précédent
roadster RT/10. Cela a cependant pour avantage d'offrir à
la Viper une vraie capote, manuelle, parfaitement digne de ce nom
et capable de dépasser les 100 km/h sans s'envoler. Le serpent
change aussi de classification et il faut désormais l'appeler
SRT-10. SRT pour "Street and Racing Technology", blason
officiel des modèles spéciaux et hautes performances
de la firme de Détroit. Toutes les pièces de carrosserie,
en matériaux composites, sont donc nouvelles, ce qui nous
vaut un profil inédit. Le capot, toujours aussi long, se
perce de multiples aérations destinées à mieux
refroidir le bouilleur à 10 bougies qui grogne dessous. Les
évacuations latérales donnent naissance à de
nouvelles ailes avant et arrière, plus aérodynamiques.
Fini les imposantes tuyères d'échappement latérales,
par ailleurs inutilisées sur les versions européennes.
Si les versions US conservent juste la sortie d'échappement
sur chaque flanc, les version européennes auront droit à
deux doubles sortie séparées, implantées dans
le bas du nouveau bouclier arrière à effet de sol.
Physiquement, la nouvelle Viper se distingue aussi à ses
jantes chromées d'un nouveau dessin et d'une largeur encore
peu commune : 19" à l'arrière ! Enfin, on pourra
remarquer la malle arrière intégrant un léger
aileron sensé augmenter l'appui à grande vitesse et
rendre la Viper un peu plus contrôlable...
HABITACLE
Les deux places
assises, aux premières loges pour apprécier la mélodie
du V10, ont été largement repensées dans leur
ergonomie. Les sièges couverts de cuir et daim sont très
enveloppants et le pédalier se règle en profondeur
électriquement, tout comme le volant, ce qui permet de trouver
une position de conduite idéale. Toute la console et la planche
de bord changent, ainsi que le volant. A côté de celui-ci,
on retrouve la batterie de manomètres, disposés verticalement
sur la façade de console en plastique un peu cheap, fixée
avec des vis apparentes... ça fait course mais les amateurs
de GT allemandes pourront s'offusquer d'un niveau de finition digne
d'une petite berline française. Heureusement, le tunnel central
imposant permet de toujours avoir le petit levier de vitesse en
main et le joli tachymètre gradué jusqu'à 220
miles/h (soit un très optimiste 350 km/h !) met les choses
au clair : on est pas là pour rigoler ! Car malgré
ces nombreux changements, rassurez-vous, la Dodge Viper conserve
intact l'esprit de la première génération,
à savoir un roadster offrant deux places pour le paradis
mécanique. Pour y monter, il suffit d'appuyer sur "start".
MOTEUR
Le V10 de la première Dodge Viper fait figure de monument
historique au sein de la production mondiale. Tout d'abord, son
architecture alors peu répandue a depuis fait des émules,
d'autres part, sa cylindrée gargantuesque demeure inégalée.
Un record que la nouvelle Viper SRT-10 se devait de défendre
âprement. C'est chose faite. La solution ? Augmenter encore
la taille pardis ! Par augmentation de la course (100,6 au lieu
de 98,6) et de l'alésage (102,4 au lieu de 101,6) dans chaque
cylindre, Dodge a gagné 287 cm3. Ce qui nous fait un total
exubérant de 8 277 cm3... oui, vous avez bien lu, 8L3 ! De
plus, ce nouveau moteur est encore plus beau à contempler.
Une vraie merveille, digne des plus belles pièces de Maranello,
ce qui nous ferait presque oublier ses origines quasiment agricoles.
Avec sa distribution à arbre à cames central et ses
20 soupapes, le V10 de la Viper pourrait passer pour une pièce
de musée malgré sa construction en aluminium et ses
récentes améliorations destinées à le
rendre plus "propre" et plus puissant. Les conduits d'admission
et d'échappement ont ainsi été retravaillés
et le volant moteur est plus léger. On remercie toutefois
les responsables de la marque, d'avoir prolongé le sursis
de cette mécanique d'une autre époque, tant elle possède
un tempérament qui se fait de plus en plus rare. Certes,
ce V10 n'a pas les envolées lyriques d'un huit ou douze cylindres
Ferrari. Normal, il délivre sa puissance maxi à 5
600 tr/mn. Mais ce V-10 505 (pour 505 cubic inch, son petit nom
inscrit sur la boîte à air) délivre un demi-millier
de chevaux tout de même. Purs sangs ou percherons, un tel
chiffre force le respect. Ceux de la Viper sont plutôt de
la deuxième famille. Capable de tracter n'importe quoi, même
si ce n'est pas la vocation première de l'auto, les 10 cylindres
fournissent un couple titanesque de 72,6 Mkg à 4 200 tr/mn.
Personne ne fait mieux sans avoir recours à la suralimentation.
Une force exceptionnelle qui permet à la Viper de s'accommoder
d'une transmission manuelle (Tremec T-56) à six rapports
dont l'étagement trop long permettrait, en théorie,
de dépasser la vitesse maximum inscrite au compteur... La
réalité est autre puisque la Dodge Viper ne dépasse
pas les 300 km/h, 296 exactement. On s'en contente aisément,
d'autant plus que les accélérations de dragster tiennent
à l'écart la plupart de ses rivales. En dosant subtilement
sur la pédale de droite, pour éviter de rester sur
place en fumant un train de pneus, on peut s'affranchir du 0 à
100 km/h en 4"8 et du 1000 m DA en 22"5. A bord, cela
se traduit par une poussée oppressante dans le dos accompagnée
d'un râle caverneux. Intimidant mais tellement bon ! Seulement,
le plaisir est de relativement courte durée car les 70 Litres
de venin (sans plomb 95) du réservoir sont engloutis avec
une indécente rapidité.
CHASSIS
Car il faut préciser que la Dodge Viper n'est pas vraiment
du genre "animal de compagnie". Si vous ne lui imposez
pas votre conduite, elle vous emmène où bon lui semble...
La faute à ses pneumatiques Michelin surdimensionnés
345/30 ZR 19 à l'arrière et 275/35 ZR 18 devant, ainsi
qu'à une direction vive et un amortissement encore un peu
inadapté à certaines de nos routes. Sur la critique
des européens notamment, le châssis de la Viper avait
été profondément revu lors du restylage de
1997 et de la sortie du coupé GTS. La Dodge Viper SRT-10
conserve cette même architecture mais plus d'une centaine
d'améliorations ont été apportées au
modèle, concernant notamment les trains roulants. Les éléments
de renforts sont plus nombreux, ce qui permet de conserver une bonne
rigidité malgré la suppression de l'arceau central.
L'amortissement triangulé à quatre roues indépendantes
a été revu et utilise de nouveaux éléments
en aluminium. Les roues sont également en taille XXL, avec
de monstrueux 275/35 ZR 18 à l'avant et du 345/30 en 19"
pour passer la puissance aux roues arrière ! Sur le sec,
ce grip extraordinaire permet de passer fort sans que la voiture
ne bronche. Mais attention à ne pas dépasser la limite.
Celle-ci apparaît peu progressivement et aucune aide électronique
n'est là pour vous reprendre en main si la situation s'avère
désespérée. En bonne sportive authentique,
la Dodge Viper SRT-10 demeure en effet une pure et dure. Au volant,
c'est au pilote de savoir ce qu'il fait. Inutile dans ce cas d'espérer
qu'elle vous pardonne la moindre erreur d'attention ou excès
d'optimisme. L'ABS, apparu en 2000 sur l'ancien modèle, est
en effet l'unique béquille électronique. Le freinage
a fort heureusement été renforcé avec un système
Brembo à quatre disques ventilés de 355 mm et étrier
à quatre pistons. Mais il ne démontre pas autant de
résistance à l'usage qu'un freinage Porsche ou Ferrari.
A utiliser... avec modération. La Viper vous rappelle rapidement
à l'ordre car en dépit d'un allégement notable,
on ne stoppe toujours pas si facilement les élans de ce reptile
pesant une bonne tonne et demi à vide.
:: CONCLUSION
Réjouissons-nous que le groupe Daimler-Chrysler organise
le retour de Dodge sur le vieux continent ! En effet, d'ici la fin
de l'année, la nouvelle Dodge Viper SRT-10, elle ne sera
en effet plus étiquetée Chrysler, pourra être
commercialisée en France, via le réseau Chrysler tout
d'abord, puis directement sous l'enseigne Dodge. Vous n'aurez donc
plus d'excuses pour ne pas goûter et apprécier le charme
exotique, extrémiste et décalé de ce roadster
taille XXL. Et croyez-nous, pour 100 000 euros environ, bien peu
d'automobiles, Porsche et Ferrari y compris, sont capables de donner
le frisson comme le fait cette Vipère. Elle vous injecte
en effet un venin, non mortel, dont on ne se guérit jamais
!
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Pas d'antipatinage, pas de contrôleurs de trajectoire
ni d'assistance au freinage d'urgence; la Viper SRT-10 et la 911
GT2 résistent à l'envahisseur. Ici, le seul ESP, c'est
votre gros orteil droit. Et de l'autre côté de l'accélérateur,
il y a deux barils de TNT : un V10 atmo de 500 ch et un flat-6 biturbo
de 483 ch. De quoi faire péter la baraque, si vous me passez
l'expression. Ces deux icônes automobiles présentent,
chacune, sa propre vision de la performance. La démesure
d'une part, avec la Viper 2 qui revient à la charge en offrant
tout ce que l'Amérique compte de plus décalé
et d'exubérant."
SPORT AUTO - Septembre 2004 - MATCH DODGE VIPER/PORSCHE 911 GT2. |