FILLE
DE BUGATTI
La renaissance de Bugatti avec ses très performantes
et réussies Bugatti EB 110, puis Bugatti EB 110 S, n'aura été
qu'un feu de paille. Eblouissant, plein de promesses, mais malheureusement trop
court. Un beau gâchis. Mais le 1er janvier 2001, des passionnés sont
repartis de la base de ces fantastiques GT pour élaborer une des supercars
les plus performantes et abouties de tous les temps
tout en respectant le
talent du pilote. Ne cherchez donc aucune aide à la conduite à bord
de l'Edonis, seul votre sang froid et votre pied droit maîtriseront les
700 ch de la GT italienne...
Texte : Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
La genèse de la Bugatti
EB110 avait été assez mouvementée, c'est le moins que
l'on puisse écrire. Technique ou design, les revirements de situation avaient
été nombreux, avec notamment le départ des différents
ténors dont Marcello Gandini pour la partie design. Le résultat
final était donc plus la somme des retouches de différents individus
qui donna ce genre si particulier à la Bugatti EB110. Bugatti fauché
par la faillite inéluctable, il restait alors Jean Marc Borel et Nicola
Materazzi pour souffler sur les braises de ce feu consumé
Nicola
Materazzi fut pour mémoire (surtout pour ceux qui n'auraient pas encore
consulté le dossier consacré à l'EB110 !) le remplaçant
de Paolo Stanzani en tant que directeur technique du projet de la renaissance
de Bugatti. Nos deux compères fondèrent donc la société
B. Engineering et repartirent d'une base technique (plateforme et moteur) de la
Bugatti EB110 qu'ils connaissaient bien. C'est le français Marc Deschamps
qui en en charge de dessiner l'Edonis, dans un style beaucoup plus personnel et
affirmé que feue la Bugatti EB110. Avec 700 ch et 1300 kg, l'Edonis, dépourvue
de toute assistance à la conduite, permet donc de goûter aux joies
des supercars de pilotes, comme le fut en son temps la Ferrari
F40
DESIGN
Marc Deschamps a pu travailler sur le design
de l'Edonis avec plus de sérénité que Marcello Gandini puis
Giampaolo Bendini dans le design de la Bugatti. Puisque les seules contraintes
avec lesquelles Marc Deschamps a du composer étaient l'efficacité
aérodynamique et les dimensions de la plateforme reprises de la Bugatti.
Il pu ainsi élaborer un dessin agressif et très personnel. L'Edonis
V12 a ainsi le mérite de se démarquer des autres supercars. L'autre
mérite de Marc Deschamps est d'avoir su réaliser une auto qui conserve
une efficacité aérodynamique pour pouvoir se dispenser d'appendices
disgracieux. Il subsiste certes un aileron arrière, mais il est intégré
et pas plus large que l'habitacle de l'Edonis. La proue affiche un regard à
nulle autre pareille que seule la Morgan Aero8 pourrait essayer de concurrencer
avec ses yeux
originaux. Les feux avant en forme de boomerang n'avaient
encore jamais été vus sur la production automobile, et toute la
face avant épouse des formes privilégiant refroidissement et appuis
aérodynamiques. La ligne de caisse retombe et est largement échancrée
avant le passage de roue arrière. Cela permet d'éviter de tomber
dans le syndrome de la Bugatti EB110 avec une ligne de caisse très droite
et de flancs hauts et prédominants. L'arrière de l'Edonis laisse
respirer le V12 biturbo de 700 ch. La carrosserie est découpée de
toute part et ornée de petites grilles noires mat. Au premier abord, il
est difficile de trouver des repères visuels habituels (feux, pots d'échappement
).
Indéniablement, Marc Deschamps a su donner à l'Edonis V12 un caractère
stylistique bien plus marqué que la Bugatti EB110 en était pourvue
HABITACLE
Une fois n'est pas coutume, l'habitacle est lui aussi un hymne au design. Enfin
! Trop de supercars conservent en effet des habitacles tristes et convenus comme
les Lamborghini
Murciélago ou Lamborghini
Gallardo par exemple. Ici, on se sent plus dans l'univers des exotiques TVR,
avec une planche de bord et une console centrale dont le seul objectif était
d'être beau et innovant. L'ergonomie n'est d'ailleurs pas le point fort
de l'Edonis V12, mais après tout, avec 700 ch à gérer, l'objectif
est plus de se concentrer sur le volant et les pédales que sur le réglage
de la bande FM ou de la numérotation de son téléphone portable.
MOTEUR
C'est donc en repartant de la base du fabuleux V12 quadriturbo 610 ch de la Bugatti
EB110 que Nicola Materazzi et Jean-Marc Borel sont repartis. Mais ils ont opté
pour des solutions différentes sur certains détails. Ainsi, la cylindrée
est passée à 3764 cm3 et la puissance portée à 700
ch à 7600 tr/mn ! Nos amis passionnés ont abandonné la technique
des quatre turbos pour deux turbos à géométrie variable.
Plus simples à mettre en place, ils autorisent en outre une souplesse dès
les plus bas régimes et une courbe de couple plus exploitable avec 80,1
mkg dès 3200 tr/mn alors que sur la Buggati EB110 GT, ou même Bugatti
EB110 S, le couple était 20 mkg moins important à des régimes
de rotation supérieurs. Positionné central arrière comme
sur de nombreuses supercars, ce V12 hérite d'une distribution 60 soupapes
étudiée pour les hauts régimes de rotation. Une boîte
de vitesses manuelle à 6 rapports permet de faire varier les vocalises
de ce V12 de 700 ch plutôt discret au ralenti. En revanche, une fois en
action, il fait sonner la charge et affiche des performances rarement atteintes
par une voiture homologuée et immatriculée. Avec près de
360 km/h en vitesse maximum et un 0 à 100 km/h franchit en 3,2 secondes,
même une Mercedes CLK GTR (W208) est battue ! L'Edonis V12 est en outre
une des rares autos qui avait bien accepté de se prêter à
un dossier " spécial vitesse " de Sport Auto et qui s'était
révélée la plus véloce du comparatif
Chapeau
!
CHASSIS
Les ingénieurs sont repartis de la base technique
de la Bugatti EB110. Mais ils ont tout de même effectué un travail
considérable pour en arriver au résultat final que nous avons sous
les yeux. Le châssis est donc entièrement réalisé en
carbone pour obtenir un compromis poids/rigidité maximal, et c'est l'Aerospatial
à Bordeaux qui a en charge la fabrication. Toute la carrosserie est en
aluminium et façonnée à la main par un ancien carrossier
de Scaglietti. Les suspensions sont bien évidemment indépendantes
à quatre bras avec amortisseurs réglables et barres stabilisatrices.
Seul l'ABS fait figure d'aide à la conduite intégré, car
pour le reste c'est le néant total, ou plutôt c'est au pilote de
jouer léger avec ses orteils ! Seul un différentiel autobloquant
vient aider à passer la puissance aux seules roues arrière. On imagine
la jouissance totale de réaliser une petite séance de drift avec
une auto de 700 ch avec la seule aide du différentiel et l'adresse de votre
pied droit (avec vos mains sur le volant bien entendu !). L'Edonis V12, capable
d'aller tutoyer des vitesses de passage inavouables auprès de la maréchaussée,
est donc à même d'offrir un comportement routier d'exception et très
efficace. Ses seulement 1300 kg en font d'elle une des supercars les plus agiles,
et également une des moins lourde avec la McLaren
F1. Seule la direction, est jugée un peu lourde par l'heureux essayeur
d'un jour dans le magazine Automobiles Classiques. Bien campé sur des pneumatiques
aux dimensions gargantuesques (voir la fiche technique), l'Edonis ne semble en
outre pas trop souffrir de problème de motricité. Pour ralentir
l'auto, le pilote pourra compter sur un système de freinage puissant et
endurant signé Brembo avec quatre disques ventilés et perforés
de 355 mm. Une véritable supercar avec une définition totalement
dédiée au pilotage pur qui tranche singulièrement avec les
dernières offres dans ce segment.
ACHETER UNE EDONIS V12-BITURBO Coupé
Au risque de se répéter, l'Edonis V12, en raison de sa
très faible diffusion (21 exemplaires seulement !), reste une auto d'exception
à tous les égards. Prix, cote élevée, marché
quasi nul, entretien compliqué
tout indique que nous sommes bien
face à une supercar dans tous les sens du terme. La plus grosse contrainte
concerne bien évidemment l'après-vente, car qui nous dit dans 10
ans si la société B. Engineering sera toujours présente ?
Aura-t-elle les stocks de pièces de rechange nécessaires ? Sans
compter sur l'éventualité d'un rapatriement systématique
à Modène en Italie pour des grosses interventions. L'usage d'un
tel missile sur route ouverte peut s'apparenter soit un intense sentiment d'injustice
d'être prostré à 130 km/h sur autoroute alors qu'elle peut
rouler presque trois fois plus vite, et chaque déplacement risque de vous
attirer les passants sur vous dès que vous vous garez. Il convient donc
de regarder une supercar comme une toile de maître ou un objet d'art précieux.
C'est avec parcimonie que l'on y goûte, et les quelques instants de plaisir
sont si intenses et l'émotion si vive, que c'est dans ces moments là
que l'achat d'une supercar, et donc d'une Edonis V12 peut trouver toute sa justification.
Avec un petit plus néanmoins pour l'Edonis V12 d'avoir le fol espoir d'être
capable de maîtriser sans assistances électroniques ses 1,8 kg/ch,
ses 700 ch et ses 359 km/h !
CHRONOLOGIE EDONIS V12
2001 :
Le 1er janvier, Nicola Materazzi et Jean-marc Borel dévoilent la première
GT du nouveau millénaire : l'Edonis V12.
La fabrication démarre
en cours d'année.
2003 : Les 21 exemplaires prévus achèvent
leur production.
PRODUCTION EDONIS V12
TOTAL (2001-2003) : 21 exemplaires
:: CONCLUSION
L'Edonis V12 ne nous laisse pas indifférents. D'abord, c'est l'une des
rares Supercars produite par un petit (micro ?) constructeur qui est mue par une
mécanique maison, ce qui est rarement le cas des autres reprenant le plus
souvent des mécaniques Mercedes-Benz AMG, BMW ou des moteurs américains.
Ensuite, sa définition technique de préserver intact la notion de
pilotage pur, ne fait que nous faire regretter que ce parti ne soit plus retenu
en Formule 1 avec toutes les assistances à la conduite. L'Edonis V12, la
Supercar du 21e siècle ?...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Au tour de clé, le feulement du V12 conserve une certaine discrétion.
La première s'enclenche sans douleur. Le reste tient de la fiction. Légère
(1300 kg) et généreuse en couple (80 mkg), l'Edonis arrache tout
sur son passage. S'il n'y prend garde, le conducteur, lui-même, se retrouve
le souffle coupé. La poussée, spectaculaire, s'apparente à
celle d'une monoplace au feu vert. La commande de boîte, bien guidée,
permet même d'enchaîner les quatre premiers rapports à la volée.
A l'accélération, l'échappement se fait plus strident, l'ambiance
devenant rapidement assourdissante sous l'effet de la décompression des
soupapes de turbos. Le bang ponctuant chaque changement de vitesses rappelle celui
d'un chasseur franchissant le mur du son. Dans cette atmosphère Mach 1,
le pilote doit pourtant garder la tête froide car l'Edonis a la faculté
de raccourcir les lignes droites. Dépourvue d'assistance électronique,
e dehors d'un ABS et d'un différentiel autobloquant, la furieuse propulsion
n'est donc pas du genre tout public."
AUTOMOBILES CLASSIQUES - 2001
- Edonis V12. |