INFLATION A MARANELLO
Menacée dans son orgueil,
par une concurrence affichant sans cesse plus de chevaux, la Ferrari
360 Modena se devait d'évoluer. Elle qui n'offrait plus que
400 chevaux de son petit V8 s'était retrouvée en queue
de peloton. Mais c'était sans compter sur la fierté
italienne. La Modena est donc morte, la voici ressuscitée
en F430 ! Plus belle, plus puissante, plus sophistiquée,
plus... passionnante !
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Il en va ainsi depuis plusieurs générations,
les fameuses "berlinetta" de Maranello subissent à
mi-vie, des profondes évolutions à mi-chemin entre
une nouvelle voiture et un restylage. 308, puis 328, 348 puis F355,
Modena puis F430. Considérablement revue, cette dernière
remet ainsi les pendules à l'heure en matière de performances.
Il faut dire que depuis la sortie de la Modena, le contexte à
évolué. Lamborghini, tombé dans le giron d'Audi,
ne se contente plus de produire des supercars indomptables. La jeune
Gallardo élargit la gamme vers le bas avec une prise en main
au quotidien tout à fait envisageable et 500 chevaux sous
le pied droit, soit 100 de plus que la Modena. Et puis en Allemagne,
une autre concurrente bien connue, la Porsche 911, a aussi gagné
en rendement et les récentes GT3, un peu moins puissantes
et un peu moins lourdes, sont de sérieuses rivales pour tous
les amateurs de circuit. Bref, la Challenge Stradale n'ayant été
qu'une (superbe) façon de faire patienter les clients, et
une Ferrari devant rester une Ferrari, les ingénieurs n'y
sont pas allé par quatre chemins et ont tout simplement donné
naissance à la plus performante des berlinettes jamais produites,
directement inspirée de la F1. Avec six titres pilote et
cinq titres constructeurs consécutifs dans cette discipline
privilégiée depuis toujours par la marque, il fallait
bien cela ! Deuxième nouveauté Ferrari de l'année,
après la 612 Scaglietti, la F430 était la star incontestée
du dernier mondial de l'automobile à Paris, événement
lors duquel plusieurs dizaines de commandes fermes ont déjà
été signées. Une bonne façon de constater
que dans un contexte de plus en plus autophobe, la passion a toujours
sa place, et qu'à Maranello, la petite entreprise ne connaît
pas la crise...
DESIGN
Le suspens n'aura pas été bien long, le secret étant
bien gardé jusqu'à la diffusion des premières
photos presse de la Ferrari F430, le 24 août 2004. A première
vue, le travail accompli ne paraissait pas si flagrant. L'évolution
stylistique, certes visible, laissant penser de prime abord à
un simple restylage, comme beaucoup de constructeurs savent le faire
pour relancer un modèle à mi-vie. Mais en découvrant
la nouvelle Ferrari, présentée en première
mondiale au salon de l'automobile à Paris, exactement un
mois plus tard, il a fallu se rendre à l'évidence,
avec un réel plaisir, que la F430 est bien plus une vraie
nouveauté qu'il n'y paraît. Esthétiquement,
l'influence de la Enzo est bien perceptible, pour les raisons que
l'on devine. Quand on a un tel joyau dans la gamme, qui plus est
produit en série limitée, chaque propriétaire
de Ferrari souhaite forcément posséder sa part du
rêve. Heureusement, la F430 n'est pas aussi extrême
dans ses lignes et conserve la silhouette plus équilibrée
de la 360 Modena, bien que ses proportions soient légèrement
modifiées. Plus longue de 37 mm, la Ferrari F430 adopte une
nouvelle face avant et un nouvel arrière. Le tout ayant été
travaillé par des contraintes aérodynamiques renforcées,
compte tenu de l'augmentation de puissance. Ainsi, à l'avant,
le bouclier adopte de larges entrée d'air inspirées
de la Ferrari 156 F1 (championne du monde 1961) de Phil Hill, avec
au milieu, une lame aérodynamique subtilement intégrée,
augmentant l'appui sur le train avant. Car la F430 exploite pleinement
l'effet de sol, comme en témoigne également l'imposant
extracteur arrière, remontant largement sur le bouclier,
avec de part et d'autre, les deux doubles sorties d'échappement
très travaillées. Les quatre petits feux ronds et
l'aileron intégré au capot moteur au-dessus d'une
petite grille de refroidissement sont les traits les plus inspirés
de l'Enzo. Parmi les détails, notons les nouveaux rétroviseurs
à doubles branches, gravés sur leur coque du nom de
la belle : "F430". Ils rappellent bien sûr, aux
nostalgiques que nous sommes, ceux de la non moins sublime Ferrari
Testarossa.
A BORD DE LA F430
A bord, une bonne suprise nous attend. L'habitacle tout
entier transpire la course dans son agencement et dans son style.
La finition et la qualité des matériaux, en constante
évolution, est aujourd'hui à des années lumière
des Ferrari des années 80 et même 90. Pour l'ambiance,
c'est également une réussite. Comme dans l'Enzo, le
gros compte-tours jaune est au centre des manomètres, juste
derrière le volant très high-tech qui nous laisse
secrètement nous prendre pour Michel Schumacher, l'espace
de quelques minutes... Intégrant le bouton de démarrage
du moteur à sa gauche, il possède aussi à sa
droite, un sélecteur (la "manettito" bien connue
des deux pilotes de la Scuderia) qui permet de choisir entre plusieurs
programmes de gestion de l'amortissement piloté et du moteur.
Livrée en série, la boîte F1 impose d'office
les palettes au volant et fait disparaître définitivement
la mythique grille de boîte de vitesses en double H, ainsi
que la pédale d'embrayage, autrefois si viriles... Snif,
au moins aurait-on aimé que Ferrari laisse le choix au client,
même si une majorité de Modena étaient vendues
avec cette fameuse boîte F1. Aux côtés d'une
612 Scaglietti qui joue merveilleusement la GT luxueuse et confortable,
la F430 illustre quand à elle la sportivité de la
marque par un héritage prestigieux du sport automobile, tant
dans son style que dans sa technologie. Et comme toujours, le meilleur
est sous le capot...
MOTEUR
La Ferrari F430 inaugure également un nouveau moteur V8.
Fait étrange, ce n'est pas une Ferrari, mais une Maserati
qui a pourtant eu la primeur de ce nouveau moteur, dérivé
du 3.6L de la Modena. En effet, le gros coeur d'aluminium de la
4200 GT n'est autre que la base mécanique développée
à Maranello dont la F430 est aujourd'hui motorisée.
Toutefois, sportivité oblige, la Ferrari hérite d'une
cylindrée majorée, atteignant 4,3 L, soit 4 308 cm3
exactement, obtenus par un alésage de 92mm et une course
de 81 mm. Grâce à des régimes de rotation élevés,
le V8 de la F430 développe ainsi 490 ch à 8500 tr/mn
pour un couple maxi de 465 Nm à 5 250 tr/mn. Toujours visible
derrière son capot transparent, le superbe V8 affiche un
90 chevaux et 100 Nm supplémentaires par rapport à
la Modena ! Et que si l'on en croit la fiche technique, la Ferrari
F430 se permet de revendiquer un rapport poids/puissance de 2,8
Kg/ch ! Un exploit dans la catégorie, d'autant plus que,
malheureusement, le poids de la petite berlinette est en hausse
de 60 Kg et atteint désormais 1 450 Kg à jeun sur
la balance, en kilos Ferrari bien sûr... Comme nous l'avons
vu, le V8 italien est désormais livré exclusivement
avec la transmission séquentielle robotisée F1 à
six rapports, effectuant chaque changement en 150 milisecondes,
seul intervalle de répit imposé entre chaque montée
vers le septième ciel mécanique !
Les chiffres de
performances sont éloquents : 0 à 100 en 4" (soit
le temps d'une Enzo !), 1000 m DA en 21"6 et vitesse maxi de
315 Km/h, soit à peu de choses près, les performances
d'une F40... Respect. Par ailleurs, ayant simplement eu la chance
d'entendre tourner ce V8, sans pouvoir malheureusement l'essayer,
il nous faut vous dire que sa sonorité est effectivement
plus proche de la Maserati que de la Modena. Le son aigu et cristallin
de la 360 laisse place à un râle plus grave à
bas régime, se transformant en hurlement de F1 en haut du
compte-tours. Que du bonheur mes enfants ! Et de ce constat qui
peut paraître évident, il convient de rappeller qu'une
Ferrari reste une voiture hors norme, capable de prodiguer des sensations
mécaniques exceptionnelles. Mais à quel prix...
SUR LA ROUTE
Côté châsis, la F430 reprend la base en aluminium
de la 360 Modena, avec le moteur implanté longitudinalement
en position centrale arrière. Celui-ci, pourtant plus gros
en cylindrée que l'ancien V8, est extrêmement compact
et n'a pas entraîné de modification importante de son
logement. Ayant tiré un trait sur les antiques châssis
tubulaires, si cher à Enzo Ferrari, la Modena se distinguait
par sa grande rigidité, sa relative légèreté
et sa maniabilité, appréciables tant en ville que
sur circuit. Réalisé par la société
Américaine Alcoa, travaillant habituellement des alliages
pour l'aéronautique, le châssis de la Ferrari F430
présente un gain en rigidité torsionnelle de 20% et
de 8% en flexibilité malgré un poids inférieur
de 10% à celui de la Modena. Ce gain de poids a permis, en
outre, d'améliorer la résistance de 37% sur les chocs
frontaux et de 105% sur les chocs arrières ! Comme en F1,
la rigidité de la structure garantit un travail optimal des
suspensions qui doivent, seules, absorber les mouvements et vibrations
de la route. L'amortissement piloté électroniquement
et les suspensions triangulées sont également toujours
de mise sur la nouvelle Ferrari. Le comportement exemplaire de la
Modena devrait donc, sans surprise, se retrouver au volant de la
F430 dont le potentiel dynamique a encore été augmenté.
Les modifications aérodynamiques de la carrosserie et des
bras de trains roulants apportent cependant un gain de 50% en matière
d'appui, augmentant avec la vitesse. Une performance qu'il faut
rapporter au fait que les proportions de la voiture restent globalement
inchangées. La modena est un petit gabarit, idéal
pour préserver une bonne vivacité et une bonne maniabilité.
Parmi les nouveautés, citons notamment le différentiel
électronique (E-Diff) gérant le ,contrôle de
traction couplé à une très percutante fonction
"launch control", directement inspirée de la F1.
Ce programme assure un départ canon en augmentant le régime
moteur et en régulant la motricité pour éviter
tout patinage, en optimisant au maximum le potentiel d'adhérence
à la puissance du moteur. Pour répondre à Porsche
et à son PCCB (disques de freins en céramique), Ferrari
introduit sur la F430 des disques de freins en carbone-céramique,
comme sur l'Enzo, dont l'endurance devrait supporter aisément
les 1500 Kg de la voiture, même après plusieurs tours
de circuit. En attendant de pouvoir tester tout cela en dynamique,
on ne peut que rester pantois devant la taille de ces disques, remplissant
presque entièrement les grandes jantes de 19". Disponibles
en option, ils se distinguent par leurs étriers rouges.
:: CONCLUSION
La flamboyante Ferrari F430 incarne admirablement toute la passion
du sport automobile à laquelle l'histoire de la marque a
toujours été directement liée. Exploitant pleinement
son patrimoine et ses succès en compétition, Ferrari
propose au public une sorte d'Enzo en réduction, dotée
de toutes les qualités de la supercar, sans en avoir la démesure
et les inconvénients. Et après la nomination récente
de Jean Todt au poste de "General Manager" chez Ferrari,
il y a fort à parier que cela ne va pas s'arrêter là... |