LE FANTÔME DES 24H
Initialement présentée
comme un concept car de salon, la Ford GT40 deuxième version,
baptisée depuis "GT" est devenue réalité.
Sa commercialisation imminente pour un prix des plus abordables
comparé à celui de ses concurrentes directes la rend
terriblement attractive, avec en prime un patrimoine génétique
exceptionnel. Retour sur l'histoire d'un retour gagnant ?...
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
Les anciens se souviennent certainement des
rixes magiques qui eurent lieu entre Ferrari et Ford, puis entre
Ford et Porsche au 24H du Mans. Si de nombreuses versions différentes
de Ford ont couru au Mans dans les années 60 avec plus ou
moins de bonheur au départ, elles n'ont pas toutes portées
le patronyme de "GT40". Mais par son look, le son de son
moteur et surtout le combat de titan du géant Ford, à
qui le Commendatore avait fait un pied de nez, contre le nain Ferrari,
la Ford GT40 a symbolisé les courses d'endurances des années
60. Ford avait voulu racheter Ferrari, et ce dernier après
avoir laissé croire qu'il était d'accord (pour mieux
verrouiller ses accords avec Fiat !) s'est finalement désisté
de manière un peu cavalière. C'était donc décidé,
Ford courrait les 24H du Mans sous sa propre marque, et irait terrasser
ce "nain italien" qui avait osé défier l'oncle
Sam... Quelques dizaines d'années plus tard, Ford alors en
difficultés, puise dans son passé pour se réaffirmer
aux yeux du public et aussi pour motiver ses troupes.
PRÉSENTATION
L'idée de réinterpréter le mythe de la Ford
GT40 peut paraître sans originalité et facile. En réalité,
il n'en est rien. Il est finalement plus facile de partir d'une
feuille blanche et de créer un projet totalement neuf sans
contraintes. Car, des contraintes, les designers du projet "Pétunia",
c'est son nom de code" en ont reoncontré bon nombre.
En effet, au départ, Jay Mays, patron du style et surtout
Camillo Padro ont souhaité s'inspirer mais en innovant. Mais
au fil des dessins, des maquettes, les critiques fusaient à
chaque reprise en reprenant en référence la Ford GT40.
Toutes ces remarques étaient consciemment et inconsciemment
en faveur d'une interprétation fidèle à la
GT40. C'est ainsi que la ligne de la Ford GT est née. Malgré
les apparences trompeuses, la Ford GT possède des cotes qui
lui sont spécifiques, puisqu'elle est plus haute, plus large
et plus longue que son illustre aînée. Les couleurs
et les parements sont évidemment repris des GT40 de courses
avec bandes blanches centrales, bandes latérales avec inscription
"FORD GT" et surtout, l'amateur pourra opter pour le coloris
"Gulf", bleu clair avec les bandes oranges, comme celles
de Jacky Oliver en son temps, ou même la Porsche 917 de Steve
McQueen dans son film Le Mans. Extérieurement, la Ford GT
est une véritable diva trapue, basse au bassin échancré.
C'est surtout à ce niveau que les différences avec
la GT40 sont les plus flagrantes, mais les designers s'en sont tirés
avec les honneurs. Tous les blocs optiques, avant et arrière
ont été réactualisés pour correspondent
aux standards actuels et les rétroviseurs sont de taille
plus actuelle. Particularité conservée de la Ford
GT40, la Ford GT conserve le principe des portes qui mordent sur
le toit avec une découpe lorsqu'elles s'ouvrent. Pour l'anecdote,
certains pilotes, grands par la taille (et aussi par leur talent)
avaient des difficultés à être correctement
installés avec leur casque dans les Ford GT40 en compétition.
Les ingénieurs avaient alors réalisé un léger
bossage sur le toit, juste au-dessus de la tête du pilote
!
HABITACLE
A l'intérieur on retrouve une présentation très
sportive avec des baquets Sparco en cuir. Le dessin de la planche
de bord s'inspire lui aussi de sa devancière et le levier
de vitesse est décalé sur la droite sur le tunnel
central. Ce dernier cache notamment le réservoir d'essence.
La batterie de compteurs ronds fleurant bon les sixties s'étalent
sous vos yeux et le volant trois branches est du plus bel effet
et très agréable à la prise en main. L'équipement
de série est des plus succincts avec la climatisation, la
direction assistée, l'autoradio et l'ABS. C'est peu, surtout
à ce niveau de prix, mais l'essentiel de la Ford GT ne réside
pas dans ce domaine. C'est plus l'ambiance et la présentation
originale que l'on retiendra et on oubliera vite les lacunes d'équipement.
TECHNIQUE
Si les designers ont su habiller la Ford GT d'une carrosserie des
plus attrayantes, les motoristes se sont-ils mis au diapason ? Pour
la tradition, les ingénieurs ont repris un gros V8 Ford qui
équipe des SUV. Mais là s'arrête la similitude
car ils ont ensuite revu en profondeur le V8 : bloc alu, carter
sec, injecteurs doubles, vilebrequin et pistons forgés. Les
quatre arbres à cames en tête et les 32 soupapes ont
été repris du V8 initial, mais les motoristes ont
ajouté au centre du V8 un compresseur Eaton-Rootes. Ce V8
de 5,4 litres ainsi retravaillé développe donc la
puissance coquette de 550 ch à 6500 tr/mn et un couple gargantuesque
de 678 à 4550 tr/mn. Typique des productions US, et en
totale opposition avec les V8 italiens, ce V8 à gros pistons
n'aime pas trop monter dans les tours et se comporte idéalement
dans les régimes intermédiaires. La boîte mécanique
à six rapport a été fabriquée et conçue
en Angleterre chez Ricardo (le même fournisseur que les Audi
des 24H du Mans) et l'embrayage à deux disques étroits
provient de chez AP Racing. Tout le châssis-coque est en aluminium
extrudé, et les triangles en aluminium coulé. Le but
avoué est de faire baisser le poids de la Ford GT, ou au
moins de le contenir, tout en conservant un maximum de rigidité,
gage d'une bonne tenue de route. Le magnésium est employé
pour la traverse avant et sous le tableau de bord incluant le support
d'airbag passager. Ce châssis a été développé
et étudié en collaboration avec Jack Roush Performance
et sous-traité chez Mayflower. Comme Ford est en période
de vaches maigres, c'est la colonne de direction de la Ford... Focus
(!) qui a été reprise, tandis que le plancher sandwich
est en aluminium-carbone-aluminium. La répartition des masses
de 47/53% et l'empattement long sont propices eux aussi à
un excellent équilibre. C'est Brembo qui a été
requis pour le freinage c'est ventilé et pincés dans
un diamètre impressionnant. Si l'ABS a été
retenu, aucune autre aides à la conduite ne sont montées
sur la Ford GT. Si pour le commun des mortels cela peut s'avérer
regrettable, nous ne pouvons qu'applaudir des deux mains une telle
démarche. Les heureux propriétaires pourront enfin
goûter aux joies d'une GT moderne sur circuit fermé
sans assistances qui leur font oublier leurs erreurs de pilotage.
C'est d'autant plus louable à une époque où
les procès en tout genre sont légions et des batteries
d'avocats n'attendent que des clients à la sortie des hôpitaux
et des garages...
SUR LA ROUTE
Essayer une telle auto n'est pas à la portée du premier
scribouillard venu... Ce qui est le cas de votre serviteur du jour.
Toutefois à la lecture de la fiche technique, on salive à
l'avance et on devine le potentiel de l'engin. Les journalistes
qui furent conviés à cet essai hors-norme, d'une GT
dont les derniers développements se poursuivent, ne purent
que faire quelques tours réglementés sur le circuit
de Laguna Seca avec un "chaperon" de l'usine à
leur côté. Restait ensuite un petit parcours sur route
ouverte pour mieux juger la "polyvalence" de la Ford GT
(surtout en terme de comportement et caractère que facilité
d'utilisation). Les journalistes français, heureux élus
pour essayer la bête, n'ont évidemment pas tari d'éloges sur le style et l'ambiance de cette Ford GT.
Malgré son gabarit, l'habitacle est jugé suffisamment
spacieux, même pour les grands (standards US obliges...).
La présentation sympathique devra être jugée
sur les premiers modèles de production, les Ford GT essayées
étant des préséries non définitives.
Ce qui surprend le plus nos essayeurs du jour, c'est la facilité
de conduite de cette Ford GT, malgré son couple camionnesque
de 69 mkg et ses 550 ch. La première très longue,
participe notamment à rendre les démarrages plus aisés.
Même sur circuit, dans les limites imposées par Ford,
il est facile de passer vite partout et l'auto pardonne même
quelques erreurs. Nous sommes apparemment loin du caractère
pointu des Ford GT40 de la belle époque, lorsque le pilote
allait chercher les limites de l'auto. N'est pas Jacky Ickx qui
veut ! Surtout sur route humide... Le moteur se caractérise
par une sonorité enivrante qui rappelle les big blocks d'antan
avec ses huit grosses gamelles. Le compresseur est fort discret
totalement couvert par les vocalise du V8 de 5,4 litres. Sur route
ouverte, la Ford GT conserve sa facilité d'utilisation. C'est
d'ailleurs l'aveu des concepteurs de la GT d'avoir privilégié
une facilité d'utilisation pour permettre au plus grand nombre
(amateurs fortunés, ils avaient oublié de le rappeler
!) de se faire plaisir sans aller au tas à chaque virage.
Le seul grief trouvé à ce jour est la commande de
boîte encore imparfaite qui reste dur et imprécise.
Mais les dirigeants de Ford ont promis que ce point ne leur donnait
pas satisfaction et qu'ils travaillaient à corriger ce défaut.
Dont acte. A vérifier lors de la commercialisation de la
Ford GT.
:: CONCLUSION
Bonne nouvelle, si la Ford GT n'était au départ pas
prévue pour l'Europe, les dirigeants de Ford ont changé
d'avis. Avec sa ligne intemporelle, ses gènes de championne,
que dis-je, de légende vivante des 24 heures du Mans et son
ambiance propre aux GT d'exception, cette Ford GT pourrait bien
remplacer dans notre coeur certaines valeurs européennes
bien établies. A 150 000 euros environ, cela paraît
presque donné, enfin pour la catégorie...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Un virage à gauche saute à la figure : il suffit
de soulager l'accélérateur pour gober l'obstacle,
tant l'adhérence est élevée. La direction est
un régal. Précise, franche (2,7 tours de volant )
et communicative, elle permet de placer l'auto au millimètre.
Ne pas réaccélérer trop tôt, sinon la
GT élargit la trajectoire... ni trop fort, sans quoi la belle
peut glisser violemment de l'arrière aux dires du "chaperon"
assis à la place passager [...] Pas de doute, la GT est une
bête de circuit, et surtout une formidable usine à
sensations et à émotions."
L'AUTOMOBILE MAGAZINE - octobre 2003.
"Premiers tours sur le couple pour
voir un peu l'ambiance et prendre l'habitude du levier. Il demande
un peu trop de fermeté et manque vraiment de précision,
surtout sur troisième-seconde où le ressort de rappel
vous cale en face d'un faux cran. [...] Première impression,
la voiture s'avère facile et on peut s'essayer à taquiné
les 500 chevaux annoncés et surtout les impressionnants "500
ib/ft", chiffre officiel, aussi rond que celui de la puissance,
qui équivaut à 69 de nos mkg. Le compresseur ne siffle
pas et le bruit dominant reste bien celui des huit gros pistons
(comme au bon vieux temps). Ce moteur a une saveur bien à
lui : peu amateur des hauts régimes (zone rouge à
6 700 tr/mn), la bête a du coffre mais garde le sens de la
nuance et en-dessous de 3 000 tr/mn, aucune ruade non souhaitée
n'est à craindre."
SPORT AUTO - novembre 2003. |