SOUS LE SIGNE DU TAUREAU
Lorsque Ferrucio Lamborghini, insatisfait de ses Ferrari, décide de construire ses propres voitures de sport, il investit sans compter. Premiers maillons d'un aventure nouvelle dans la production de voitures de sport, les Lamborghini 350 GT et 400 GT sont aujourd'hui des oeuvres presque "accessibles"...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Si les premiers modèles sortis des usines de Sant'Agata Bolognese n'ont pas marqué les esprits autant que les bolides rouges de Maranello, c'est principalement en raison de leur faible diffusion et de leur absence d'engagement sportif. Pourtant, au salon de Turin 1963, la présence d'un tout nouveau constructeur dans le petit monde des voitures de sport ne passe pas inapercue. Le protoype exposé par Lamborghini, jusqu'alors plutôt connu pour ses tracteurs et ses chauffages, bouscule les références établies. Né sous le signe astral du taureau, Ferrucio est un fonceur et un besogneur. Lorsqu'il a une idée en tête, rien ne peut le faire reculer. Précisément, son idée est de concurrencer Ferrari.
ELEGANCE ET STYLE A L'ITALIENNE
Baptisé 350 GTV, le coupé sport du riche industriel italien, qui a investit une grande partie de son capital dans ce projet, se pose en rival direct de Ferrari. La carrosserie du prototype est signé Francesco Scaglione, ex-styliste de chez Bertone et ses lignes modernes, dynamiques et fluides se caractérisent par des phares escamotables et un pavillon très vitré qui illumine un original habitacle de type 2+1. Ce coupé "Gran Turismo Veloce" est également propulsé par un puissant V12 de 3L5 annoncé pour 360 ch SAE, soit 100 de plus qu'une Ferrari 250 GT ! Quatre mois plus tard seulement, la voiture définitive, rebaptisée 350 GT, est exposée au salon de Genève, en mars 1964. Les lignes de la version finale sont retouchées par Touring à Milan, célèbre pour sa technique "Supperleggera". La carrosserie de ce coupé Lamborghini est étirée sur 4m64, avec un habitacle lumineux et un arrière vitré fuyant. Le poids est de 1200 Kg seulement sur la 350 GT, grâce à l'emploi d'alliage léger pour les pièces de carrosserie. La ligne est basse, tendue et lisse mais manque peut-être du charme et du "trait parfait" qui caractérise quelques grandes automobiles de cette époque, dont la Ferrari 250 GT signée Pininfarina. Les phares avant ovales, débordant du capot comme des yeux de grenouille, ont remplacé les ingénieux phares escamotables du prototype 350 GTV. Il n'est alors pas question de style aussi agressif et tranchant comme il sera le cas plus tard avec la Countach et en comparaison, mais cette 350 GT évoque un dynamisme certain. Son charme italien très rétro agit dès les premiers regards. On y retrouve les mêmes recettes que sur les Ferrari; cuir, bois, chromes et une ligne très stylée. Le savoir faire italien en matière de style, de raffinement et de sport automobile s'exerce pleinement, à l'image de l'intérieur tendu de cuir jusque sur le tableau de bord.
V12 BIZZARRINI, CHEF D'OEUVRE INDEMODABLE
Sous le capot avant, le moteur est de la plus noble espèce. Conçu sous la direction de Giotto Bizzarrini, qui a quitté Ferrari, le coeur du taureau en alliage léger se distingue par une lubrification par carter sec avec refroidissement d'huile séparé. La cylindrée native est de 3464 cm3 ce qui procure 280 ch environ avec l'alimentation par 6 gros carburateurs Weber 40 DCOE. La puissance est transmise aux roues arrières, bien sûr, via une boîte à 5 rapports ZF. Les performances sont de premier plan, le coupé Lamborghini revendiquant 250 km/h en pointe, une valeur qui parlait beaucoup à une époque où la vitesse était encore libre partout. Pouvant passer de 0 à 100 km/h en 7 secondes seulement, la 350 GT s'impose sans complexe dans les hautes sphères des voitures de sport. Ce fabuleux V12, en constante évolution, n'aura pas fini d'étonner puisqu'on le retrouvera sur quasiment toute la lignée Lamborghini, y compris la dernière Murcielago ! Bien que Lamborghini n'ait jamais souhaité s'engager en compétition, nombre de ses clients qui voulaient courrir lui firent la demande d'évolutions spéciales, dont certaines pouvaient élever la puissance du V12 3L5 à 300 ch SAE ! Moderne, la Lamborghini 350 GT l'est aussi par son châssis tubulaire avec quatre roues indépendantes, alors que Ferrari ou Maserati utilisent encore des trains arrière avec ressorts à lames, et des freins à disques.
LAMBORGHINI 400 GT 2+2
Présentée au salon de Genève 1966, la 400 GT 2+2 se distingue de la 350 par son architecture de coupé 2+2 sur le même empattement de 2m55. Principal signe distinctif : les phares avant à double optique. Plus difficile à remarquer, le plancher légèrement surbaissé et la ligne de toit légèrement remontée par le carrossier Touring. Le V12 grandit aussi à 3929 cm3 par augmentation de l'alésage, pour sortir 320 chevaux à 6500 tr/mn, une évolution qui est également proposée sur le coupé 2 places. Plus puissante, mais aussi plus lourde (1500 Kg) en raison de pièces de carrosserie en acier et non en alliage comme sur la 350 GT, la 400 GT 2+2 ne progresse pas vraiment en performances mais offre tout de même une vitesse de pointe de 260 Km/h. Le moteur est accouplé à une boîte à 5 rapports ZF, douce et silencieuse.
Fin de production en 1969.
ACHETER UNE LAMBORGHINI 350/400 GT
La Lamborghini 350 GT va connaître un succès d'estime, 141 exemplaires produits de 64 à 67. En 1967, elle est remplacée définitivement par la 350 GT 4.0L (23 exemplaires appelés 400 GT) et la 400 GT 2+2 (247 exemplaires). 411 exemplaires vendus seulement au total, mais leurs prestations sont déjà largement au niveau de la concurrence. Bien qu'excessivement rares, les Lamborghini 350 GT et 400 GT ont été éclipsées par la spectaculaire Miura qui permettra à la marque d'acquérir toutes ses lettres de noblesse. Aujourd'hui, ces premiers bolides marqué du taureau doré se négocient de 60000 jusqu'à 150.000 euros en état concours pour une 400 GT 2+2, mais cela reste finalement très "raisonnable" et bien loin des cours vertigineux des plus rares modèles du Cavalino Rampante. Les cours sont nettement à la hausse ces dernières années, ce qui est logique objectivement vu la rareté et le patrimoine de ces voitures. Reste à en trouver une à vendre... |