© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (01/10/2002)
TAUROMACHINE
Après 10 bonnes années d'une carrière chaotique,
la Diablo passe la main. La Lamborghini Murcielago est le premier
modèle conçu et réalisé sous la direction d'Audi, propriétaire actuel
de la marque. Avec plus de 330 km/h annoncés, Lamborghini remet
les pendules à l'heure et se (re)positionne en leader des fabricants
de supercars de série...
Texte :
Anthony SINCLAIR
Photos : D.R.
Après des années
pleines d'incertitude, l'arrivée d'Audi dans le capital marque
enfin un certain espoir de stabilité. Objectif : le retour
au premier plan. Sans trop empiéter sur le travail des ingénieurs
maison, l'influence et l'argent d'Audi a permis de moderniser l'outil
industriel ainsi que le bureau d'étude.
PRESENTATION
Expatrié d'allemagne,
le designer vedette des anneaux, le belge Luc Donckerwolke (TT,
A2, R8 victorieuses au 24H du Mans...) a du oeuvrer à Sant'Agata
pour donner une héritière à la vieille Diablo.
En deux ans seulement il était pourtant impossible de développer
un véritable nouveau modéle. Il a donc était
nécessaire de réutiliser la structure existante comme
base et donc en quelque sorte "faire du neuf avec du vieux".
Baptisée Murciélago, du nom d'un célèbre
taureau espagnol qui fut gracié pour sa bravoure lors d'une
tauromachie, la dernière "lambo" perpétue
la tradition stylistique de la marque par sa ligne novatrice mais
moins toturée que celle de la Diablo. Elle impose le respect
par ses dimensions généreuses et sa silhouette très
pure, plus fluide et plus harmonieuse. Pour refroidir le monstrueux
V12 sans dénaturer l'équilibre de la ligne, les ingénieurs
ont eu recours à des volets pivotants, situés sur
les flancs arrière, fermés de 0 à 130 Km/h,
entrouverts au-delà et complètement sortis passé
les 200 Km/h. Dans le même esprit, le discret aileron arrière
est escamotable automatiquement.
HABITACLE
La première bonne surprise en s'installant à
l'intérieur du "missile" provient de l'accès
plus aisé grâce à l'angle d'ouverture plus grand
(+10°) des portes en élytres et à l'abaissement
du seuil de porte. Une fois calé dans le baquet, on remarque
que la position de conduite est sensiblement meilleure, le volant
et le pédalier étant plus dans l'axe du conducteur.
Le nouveau tableau de bord transcrit l'influence d'Audi et on apprécie
sa sobriété et sa qualité d'ensemble en progrès.
En revanche, lorsque le V12 tourne à bon régime il
fait rapidement aussi chaud que dans l'habitacle d'une voiture de
course. Heureusement, la climatisation de série permet de
rafraîchir l'atmosphère...
MOTEUR
Porté de 6 à 6,2 litres par allongement de la
course, cette évolution du célèbre V12 développe
580 ch. Une puissance respectable et surtout un couple impressionnant
(650 Nm) pour un moteur atmosphérique puisque la Dodge Viper
avec ses 8L de cylindrée ne fait pas mieux. Par ailleurs,
l'adoption d'un carter à sec a permis d'abaisser l'implantation
du moteur de 5 cm et donc le centre de gravité. Enfin, le
V12 entièrement en alliage est commandé par un accélérateur
électronique et possède une distribution variable
sur les 4 arbres à cames. Plus disponible et moins polluant
(merci les normes US), le vieux V12 conçu il y a près
de 40 ans retrouve une nouvelle jeunesse à travers l'emploi
de ces technologies modernes. Au final, la Murcielago offre donc
ses 580 ch à 7500 tr/min et surtout déjà 530
Nm à 2000 tr/min... des chiffres qui ne peuvent en rien égaler
l'indescriptible émotion ressentie à l'écoute
et l'utilisation de ce chef d'oeuvre mécanique. Le corps
du pilote vibre au rythme des cycles de combustion des 12 cylindres
qui mettent en mouvement toute la caisse. Expérience inoubliable.
Nous ne nous attarderons pas sur les performances de la machine
tout simplement extraordinaires et qui n'ont d'égal que la
consommation de carburant ! Issue de la dernière Diablo, la transmission intégrale
à viscocoupleur central ne change pas. L'autobloquant mécanique
arrière est taré à 45%, l'avant à 25%.
La boîte placée dans le prolongement du V12 monté
à l'envers entre à l'arriére de l'habitacle,
à peu prés jusqu'au levier de vitesse et adopte un
inédit 6ème rapport. La grille de sélection
devient ainsi plus conventionnelle (1ère en haut à
gauche). La sélection des rapports a été améliorée.
Les ingénieurs se sont efforcés d'adoucir la commande
de boîte mais il ne s'agit toujours pas d'un modèle
de rapidité. La Murcielago est néanmoins plus "douce"
et il suffit d'ailleurs de passer la première pour remarquer
que l'embrayage ne demande plus des jambes de footballeur. En revanche,
la boîte séquentielle façon F1 est encore en
développement.
SUR LA ROUTE
Plus qu'un simple restylage, les évolutions apportées
à la Murcielago sont profondes. La rigidité du châssis,
point faible des modèles précédents a donc
été considérablement augmentée (+100%!).
Pour cela, la Murcielago adopte des renforts en carbone greffés
sur son châssis tubulaire. Les éléments de carrosserie
participent eux aussi à la rigidité par leur système
de fixation. La suspension fait toujours appel à des triangles
superposés aux 4 roues et à des amortisseurs Koni
pilotés soit automatiquement, soit manuellement (4 programmes
de tarages différents). Les points d'ancrage de la suspension
avant ont été légèrement avancés,
ce qui augmente l'empattement de 1,5 cm et profite à la tenue
de cap. Les voies sont plus larges de 9,5 cm à l'avant et
de 5,5 à l'arrière. La géométrie des
trains, les tarages des ressorts (deux par roue arrière)
et des amortisseurs ainsi que le diamètre des barres antiroulis
sont spécifiques. Les superbes jantes de 18" adoptent
des Pirelli P Zero Rosso en 245/35 ZR 18 à l'avant et 335/30
ZR 18 à l'arrière. Derrière ces jantes se cachent
des freins à disques ventilés percés (355 mm
de diamètre à l'avant et 335 mm à l'arrière)
pincés par des étriers à 4 pistons et secondés
par un ABS TRW doublé d'un répartiteur électronique
nommé DRP. La puissance et l'endurance sont toutefois insuffisantes
pour un tel missile. L'antipatinage TCS de série (déconnectable
pour les puristes) agit sur la gestion du moteur grâce à
un accélérateur électronique et évite
les "burn-out" démesurés. Au final, si l'aspect
sécuritaire est fortement renforcé par la transmission
intégrale et les aides électroniques, le comportement
de la Murcielago manque cruellement d'agilité car elle a
délibérément été rendu sous-vireuse
en entrée de courbe, tout en restant neutre en stabilisé
et en sortie. L'avant refuse de s'inscrire dans la courbe et quand
enfin il y consent, la ré accélération se traduit
par un nez qui cherche l'extérieur. La direction peu incisive
et le poids important (1.650 kg) de l'engin n'arrangent pas les
choses... Sensible aux transferts de masses, la Murcielago permettra
néanmoins au pilote chevronné de jouer de ce phénomène
pour placer la voiture. A haute vitesse en revanche, la stabilité
est irréprochable.
:: CONCLUSION
A peine plus civilisée que la Diablo, la Murciélago
est une vraie Lamborghini. L'influence d'Audi, si elle est perceptible
ne se ressent heureusement pas trop dans sa personnalité
qui conserve tous les atouts et la démesure d'une authentique
supercar à l'italienne. Totalement magique, les superlatifs
manquent pour décrire un tel joyau automobile ! |