© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (05/10/2010)
ACTE MANQUÉ
Après son rachat opéré par Fiat, Lancia ambitionne toujours de concurrencer les constructeurs allemands sur le marché du luxe, tout en gardant ce qui fait le charme des italiennes. C’est dans ce but que sera commercialisée la Gamma et plus particulièrement sa version Coupé. Malheureusement, le résultat ne fut pas à la hauteur des ambitions affichées...
Texte :
Maxime JOLY
Photos : D.R.
Bien que racheté par Fiat, Lancia veut continuer à proposer des modèles qui lui sont spécifiques et avoir le moins possible à rendre de comptes au géant turinois. Trois ans après la commercialisation de l’extraordinaire Stratos, le constructeur italien présente à Genève sa nouvelle berline haut de gamme. Les ambitions sont claires : rivaliser et même faire mieux que la concurrence germanique. Il faut rappeler qu’à cette époque, Lancia avait une vraie légitimité dans le luxe et la sportivité…
DESIGN
La Gamma berline dérive de la BMC-1800 élaborée par Pininfarina en 1967. Elle tient aussi ses origines de la collaboration entre Fiat et Citroën jusqu’au début des années 70, avant que le gouvernement français n’intervienne pour y mettre fin. La Gamma fut dévoilée en 1976 au salon de Genève. A la base, elle ne devait pas connaître d’autres déclinaisons mais l’accueil du public fut tel lors de la présentation du concept de Pininfarina, que Lancia donna son aval à la commercialisation du coupé. Et dire que le carrossier italien lança le concept de son propre chef... Il aura fallu attendre une année pour que le coupé dessiné par Aldo Brovarone soit disponible en concession et il fut assemblé sur les chaînes de montage de Pininfarina. La ligne est fluide et semble simpliste (à tort) mais offre à l’auto un véritable caractère atypique. On est forcé de se retourner sur elle quand on la voit. D’où une nette contradiction avec son aspect pourtant peu voire pas du tout ostentatoire. Il est vrai que le coup de crayon a pas mal vieilli et les optiques avants et arrières commencent à dater. D’autant que nous ne sommes plus habitués à ces jantes de 14 pouces… Pourtant, l’arrière de son toit et la malle du coffre non plate avaient quelque chose de presque futuriste à l’époque. En 1980, quelques modifications sont apportées dont une calandre redessinée aboutissant à la modification du capot et les jantes passent à 15 pouces. 6789 coupés furent produits et trois autres études de style virent le jour sous forme de concept, sans jamais être commercialisées : le Spider, la Scala sous forme de berline et l’Olgiata aux allures de break de chasse. Giugiaro s’essaya à son tour à un concept avec la Megagamma. Mais son allure de monospace compact ne convint personne…
HABITACLE
L’intérieur est de plutôt bonne facture même s’il accuse le poids des années. De série, les sièges sont en velours puisque le cuir était une option, tout comme le toit ouvrant. L’équipement est complet avec le volant réglable en hauteur, les vitres et rétroviseurs électriques, les rideaux pare-soleil et les feux d’ouverture de portes offerts en série. Une jauge d’huile est même visible depuis le tableau de bord pour ne pas avoir à se salir les mains… L’assise est basse et les sièges réglables tandis que la présence des appuie-têtes est le gage d’un confort digne d’un salon roulant. Le restylage toucha également l’habitacle et fut synonyme de nouveau tableau de bord (une montre à affichage digitale fait son apparition), d’un nouveau volant à deux branches (assez laid) et d’un inédit pommeau de levier de vitesse. Le velours de la première phase fut remplacé le Zegna, plus flatteur. Beaucoup reprochèrent à la Gamma Coupé un cruel manque de rangements et un coffre de dimension trop restreinte. Mais l’accessibilité aux places à l’arrière demeure aisée et leurs occupants jouissent d’un espace plus que satisfaisant.
MOTEUR
La Gamma débuta sa commercialisation avec deux 4 cylindres à plat entièrement nouveaux et montés en position longitudinale. Conçus chez Lancia, ils n’avaient aucun lien de parenté avec des mécaniques Fiat. Un 2 litres de 120 chevaux pour le marché italien et un 2.5, synonyme de plus gros boxer jamais produit pendant plusieurs années, de 140 ch pour les autres marchés. Tous deux étaient alimentés par un carburateur double corps Weber et compensaient leur relatif manque de puissance par un couple élevé disponible très tôt (3000 tours/min sur le 2484 cm3). Mieux, une bonne partie de ses 208 Nm est là dès 2000 tours. Malgré tout, le petit bloc destiné à l’Italie apparaît comme manquant de puissance … L’arbre à came est entraîné par une courroie de distribution par rangée de cylindres. C’est d’ailleurs de là que viendront les principaux soucis de fiabilité de la Gamma, la courroie de gauche ayant tendance à sauter… Le souci aura beau être rectifié au bout d’un an, le mal était fait et la réputation de la Lancia, largement entachée. Il faut dire qu’en plus, les moteurs chauffaient beaucoup et ne lésinaient pas sur la consommation en huile… En 1980, le 2.5 adopta l’injection Bosch L-Jetronic. Le diamètre des soupapes avait été revu l’année précédente, aboutissant sur un gain d’1 mm. Certains pays tardèrent à commercialiser la Gamma 2.5 ie, désirant avant tout écouler leurs stocks d’anciennes motorisations… Les clients eurent le choix entre une boîte manuelle à 5 vitesses et une automatique à 4 rapports. Avec la BVM5, il faut tabler sur une moyenne d’environ 11 litres aux 100 km parcourus sur un trajet mixte, chiffre en baisse par rapport à la version « carbu ». Cette boîte est d’ailleurs la principale satisfaction de l’auto. Bien étagée, précise et fiable, elle ne reçut que des éloges. Les performances sont moyennes par rapport au pedigree de la voiture et surtout à ses prétentions. 17,3 secondes pour le 400 mètre départ-arrêté et 15 de plus pour atteindre un kilomètre. La vitesse maximale revendiquait tout de même un honorable 195 km/h. Mais voilà, il manquait au moins un 6 cylindres pour véritablement concurrencer les ennemis germaniques. Malgré les efforts et les essais opérés par Di Virgilio aboutissant à un hypothétique Flat6. Il se murmura même pendant un temps l’arrivée du V6 Dino d’origine Ferrari, déjà présent sur la Stratos. Malheureusement, aucun de ces moteurs hauts de gamme n’arriva jamais…
CHASSIS
Potentiellement sous-motorisé, le coupé Gamma bénéficie d’un excellent châssis. Peut-être même à l’origine de cette impression de sous-motorisation… Avec ce modèle, Lancia reste fidèle à la traction. L’empattement est plus court sur le coupé que sur la berline, de 85 mm. De nombreux éléments sont repris de la Beta dont la suspension à 4 roues indépendantes. Plus précisément, la suspension avant est de type McPherson et à l’arrière, on retrouve des bras transversaux et des ressorts hélicoïdaux. Malgré des velléités sportives, l’italienne sait rester confortable. Sportive, le mot est peut-être fort mais la tenue de route fut plébiscitée par la presse spécialisée à sa sortie, tout comme la direction précise grâce au travail effectué par ZF, sans oublier le freinage performant. Il faut dire que le constructeur italien n’a pas hésité à installer quatre disques à double circuit pour pouvoir stopper les 1290 kilos du coupé. Un poids élevé donc, imputable aux nombreux renforts sécuritaires mis en place. Autres points positifs, la transalpine prend peu de roulis et sous-vire peu. Pour l’anecdote et preuve d’un travail effectué en commun entre Lancia et Citroën, quelques prototypes de la Gamma ont circulé avec la suspension hydropneumatique française.
ACHETER UNE
LANCIA GAMMA Coupé 2500 / 2500ie
La fiabilité de cette Lancia a été très critiquée. Si des problèmes ont effectivement existé, comme évoqué plus haut, ils ont été résolus. En dehors de la corrosion qui continua de sévir et au sujet de laquelle une inspection minutieuse doit être faite à certains endroits stratégiques : bas de caisse, le passage des roues avant sur les phase 1 qui n’étaient pas équipées de protection par boue dans les passages d’ailes. Un point de rouille classique est situé sous le feu arrière gauche, la faute au montage de feu qui touche la tôle et fait sauter la peinture. Il est souvent utile de refaire une beauté aux ressorts/coupelles/ berceau arrière. La distribution est fragile et demande un changement des deux courroies tous les trois ans. Si les courroies sont faciles à trouver, les galets tendeurs le sont beaucoup moins mais pour les derniers modèles carbus et les injections, on peut adapter ceux de C15. Tous les ans ou tous les 5 000 km, il faudra penser à faire la vidange d’huile. Et puisqu’il est question de l’huile, faites bien attention à respecter les temps de chauffe et à ne pas utiliser d’huile de synthèse. La jauge de niveau d’huile est souvent inopérante. L’alimentation par injection a permis de gommer les soucis rencontrés avec les carburateurs et l’équipement électrique moteur (démarreur, alternateur), également d’origine Bosch est fiable. Si la boîte manuelle ne présente pas de souci particulier, ce n’est pas le cas de son homologue automatique, réputée très fragile. Les pièces étant spécifiques à la Gamma, et le groupe Fiat n’aimant pas continuer à approvisionner ses anciens modèles (voire certains récents…), il est judicieux d’avoir une épave à utiliser comme banque d’organes. Heureusement, d’autres sont semblables à la Beta, telle que la pompe à carburant des premières séries ou bien encore le répartiteur de freinage arrière. Les rotules de suspension sont disponibles chez TRW à la référence JBJ306 et les roulements de roue avant se nomment quant à eux SKF 633007A ou en FAG 528514. Les pompes à eau sont difficiles à trouver mais peuvent être refaites et assurez-vous du bon fonctionnement de la commande pneumatique du chauffage et de la ventilation.
CHRONOLOGIE LANCIA GAMMA COUPE
1976 : Commercialisation de la berline Gamma Même année présentation du concept Gamma Coupé
1977 : Commercialisation du coupé Gamma
1980 : Phase 2 avec l’apparition du moteur à injection
1984 : Arrêt de la production de la Gamma
PRODUCTION
TOTAL
LANCIA GAMMA COUPE : 6789 exemplaires
:: CONCLUSION
La Lancia Gamma Coupé ne déméritait et avait de vraies qualités. Pas suffisant pour s’imposer sur le marché du haut de gamme à cause des quelques soucis qui l’ont coupée dans son élan et d’un manque de motorisation digne de son rang. Face à une concurrence allemande déjà affûtée, ces erreurs n’ont pas pardonné. Reste à voir si elle trouvera une deuxième vie auprès des collectionneurs…
Tous nos remerciements à Paul pour son aide à la rédaction de cet article |