LA
SEVEN FRANCAISE !
Après une expérience très
concluante et reconnue dans le domaine des cadres de motos depuis 1972, Georges
Martin souhaite diversifier ses activités en se lançant dans la
conception et la construction de répliques. Premier modèle visé,
la si charismatique Lotus Seven. Et si aujourd'hui les amateurs pensent avant tout
à la Caterham Super Seven, c'est oublier un peu vite que c'est la Martin Seven qui fut
la première Seven homologuée en France, avant même les Caterham...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R. Georges Martin a créé
son entreprise, Martin Production en 1972. Il se lance alors dans la production
de cadre de motos. Son activité sera florissante et la demande croissante
puisque Martin Production aura assemblé environ 5 000 cadres de motos.
Malheureusement, les constructeurs de motos japonaises seront beaucoup plus agressifs
et vont élargir leurs gammes tout en proposant le concept de " conmpétition
client ". Et le renouvellement des gammes est beaucoup plus fréquent.
La petite société des Sables d'Olonne ne peut lutter à armes
égales contre les géants japonais. Cela n'empêche pas Gérard
Martin de vendre ses cadres au Japon. Mais depuis le départ, Georges Martin
avoue avoir en projet de construire ses propres automobiles. Il se met donc en
chantier son projet de réplique de Lotus Seven. Pour démarrer, il
va utiliser son savoir et son expertise des cadres pour la conception du châssis.
La base de tous ses travaux effectués dans ses ateliers repose sur la serrurerie,
et cela n'est pas péjoratif. Le savoir-faire Martin, c'est le travail du
métal, quel qu'il soit. D'ailleurs Martin Production possède un
équipement de machines outils (ceintreuse à commande numérique,
) permettant la réalisation de toutes pièces et ensemble.
Pour que son projet soit abouti et ne pas repartir d'une feuille blanche, Gérard
Martin va acheter une Donkervoort S8 au belge Tony Gillet, qui lui-même
produira bien plus tard une auto inspirée de la Seven. Il va la démonter
intégralement dans son atelier pour l'analyser et s'inspirer des éléments
qui l'intéressent. Ce qui pourrait s'apparenter à un plagiat au
départ, n'est qu'un processus déjà utilisé par Joop
Donkervoort qui avait procédé de même pour créer sa
première Donk'. Il était parti lui d'une
Caterham dont il
était importateur jusqu'à ce que les normes d'homologation hollandaises
deviennent impossibles pour les Caterham. L'objectif premier de Gérard
Martin, par rapport aux Donkervoort, sera de simplifier au maximum la conception
et la réalisation afin de pouvoir la vendre en kit et surtout proposer
un prix de vente, monté ou en kit, attractif. En 1986, Georges Martin réussi
à faire homologuer sa Martin Seven par type à l'UTAC. Une homologation
qui lui coûtera tout de même à l'époque 140 000 Francs
DESIGN
Ce n'est pas une surprise si la Martin ressemble à une Lotus Seven ! Et
pour cause puisque le but premier de Gérard Martin était de reproduire
une réplique de la Seven. Le connaisseur notera toutefois quelques différences
dans les proportions et de nombreux détails qui séparent la réplique
française de son illustre inspiratrice anglaise. Cependant, pour le néophyte,
impossible de faire la différence. La Martin Seven nous ramène aux
sources de l'automobile plaisir : un poids contenu et surtout une simplicité
à tous les niveaux qui correspond à un esprit minimaliste. D'ailleurs
on peut considérer que la carrosserie a été prévue
telle une peau ajustée au plus serrée, uniquement pour couvrir toutes
les parties mécaniques que la loi impose de ne pas dénuder. Ainsi,
un long capot renferme la mécanique et prolonge la carrosserie pour singer
les " cigares " des années 60 (Formule 1), les phares sont rapportés
tels des phares de Citroën 2 CV, le pare-brise est très droit et surtout
plat (réduction des coûts oblige)
La bouche béante devant
sert à refroidir la mécanique qui en a bien besoin, tandis que les
échappement latéral donne une touche racing indéniable à
l'auto. Plus sportive en tout cas que les performances réelles mesurées
à l'époque. On identifie immédiatement les Martin Seven à
leurs jantes au dessin caractéristique qui reprend le même dessin
que le " M " de Martin.
A BORD DE LA MARTIN SEVEN
Un simple arceau aux angles arrondis surplombe
la tête des occupants, tandis qu'un coffre d'une contenance non négligeable
(à la différence des Caterham) permet d'emmener avec soi quelques
menues affaires. Envisager des balades lointaines est donc possible avec la Martin,
d'autant plus que c'était le but avoué de Georges Martin lui-même
à l'époque : plus promenade vivifiante et dynamique sur petites
routes que le sport pur et dur. Une fois installé, ou plutôt engoncé
pour les grands gabarits dans les sièges baquets, une planche de bord réduite
à sa plus simple expression en présentation et forme offre au regard
tous les instruments Smiths dont le pilote a besoin. Petit volant trois branches
et quelques interrupteurs sont les seuls équipements à bord. Petit
détail qui tue, le commodo de clignotants très spécial et
sympa à l'il comme au toucher. Pour le reste, ne cherchez rien de
plus, l'ambiance est spartiate ce qui faisait la fois partie du cahier des charges
de l'auto mais aussi de la motivation d'achat des passionnés. Le seul reproche
que l'on puisse réellement faire à la Martin Seven est sa capote
qui s'intègre très mal à la ligne générale
(on dirait un sac à dos) et qui contraint très sérieusement
l'accès à bord ainsi que la visibilité périphérique.
Mais ce type d'autos ne s'apprécie et ne s'utilise que décapoté
!
MOTEUR
Sur une auto (ou doit-on écrire une " mauto
" ?!) de réalisation française, on peut s'étonner du
choix de mécaniques Ford. Georges Martin s'en explique dans une interview
réalisée dans Top's Cars en 1991 : c'était tout simplement
la seule base mécanique qui me permette la propulsion. La Super Martin
est homologuée avec le 1600cm3 type LSD. " L'avantage de la Martin,
comme les autres Seven, est son capot qui s'enlève complètement
d'une seule pièce facilitant ainsi l'accès mécanique. Ce
moteur Ford plutôt rustique et de technique simple offrait l'avantage d'une
robustesse et d'une fiabilité qui étonne sur une auto artisanale.
Bon certes, il ne fallait pas attendre de miracles non plus avec seulement 75
ch à 4 900 tr/mn bien que le poids de l'engin soit limité à
640 kg. Côté performances, Martin annonçait à l'époque
165 km/h et 7,7 secondes pour le 0 à 100 km/h. Si la vitesse de pointe
semble plutôt réaliste, ce que lui permet ses rapports de pont et
sa boîte de vitesses mécaniques à 4 rapports également
provenant d'une Ford Sierra, les données d'accélération sur
le 0 à 100 km/h sont largement optimistes. Mais qu'importe le chrono seul,
car ce sont surtout les sensations ressenties qui comptent. Et de ce côté,
cheveux au vent et les bourrasques qui frappent votre visage, vous roulerez alors
avec un sourire béat comme la plupart des amateurs de roadsters purs et
durs. La Martin Seven, c'est l'antithèse de la voiture frime, c'est avant
tout la voiture passion par excellence. Celle que l'on sort de temps à
autre, uniquement pour le plaisir de rouler sans forcément avoir de destination
déterminée
CHASSIS
Le châssis est de
type Space Frame, assemblé sur des marbres et constitué de treillis
tubulaires en tube de section carré 25 x 25 de section. Le châssis
après avoir été sablé et peint suivant un procédé
bien particulier, est recouvert de tôles d'aluminium AG4 collées
et rivées. Le châssis a bien évidemment été
prévu pour recevoir les éléments du kit Martin. Ce châssis
est étroitement dérivé de celui de la Donkervoort. Il est
donc, comme sur sa cousine hollandaise nettement plus lourd et rigide que celui
des Caterham. Cela se ressent bien évidemment sur la bascule puisque la
Martin Seven accuse les 640 kilos. Une Caterham, à titre de comparaison
pèse presque 100 kilos de moins ! Les performances, surtout avec un moteur
de seulement 75 ch s'en ressentent, mais côté rigidité, les
Martin pourraient tirer leur épingle du jeu s'il n'y avait pas ce train
avant mollasson. A double triangulation comme sur les Seven d'antan, mais sans
barres anti-roulis et surtout intégralement repris des Triumph Spitfire,
il sera le talon d'Achille des Martin. D'ailleurs, les Martin rappellent un peu
les Citroën 2 CV puisque lorsque les roues avant sont braquées à
fond, les deux roues ne sont pas parallèles. Le pont arrière est
rigide, à deux tirants par côté et barre Panhard. En revanche
les Martin ne sont pas dotée de pont autobloquant. Avec sa position au
ras du sol, les roues aux quatre coins et son poids contenu, la Martin Seven reste
une auto pétillante et vivante sur les petites routes de campagne tout
en conservant un confort de bon aloi et surprenant en regard du concept de l'engin.
Côté freins, pas de problème non plus puisque la charge est
contenue. La direction est à crémaillère et permet de placer
l'auto là où l'on veut. Seul ce train avant manque de rigidité
Dommage !
ACHETER UNE MARTIN SEVEN
Les Martin Seven S1 sont des autos qui permettent d'accéder au
mythe Seven sans passer par des budgets conséquents. Seulement connue des
amateurs éclairés, bien que boudées à tort par les
puristes qui ne jurent que par les Caterham et au pire par les coûteuses
Donkervoort, les Martin s'offrent à vous à des tarifs très
attractifs. Comptez environ 15 000 euros pour une Martin en état d'origine
et en configuration standard. Ensuite, les tarifs peuvent grimper jusqu'à
20 ou 25 000 euros si l'auto convoitée est dotée d'une finition
et présentation améliorée et spécifique et surtout
si le châssis et le moteur ont été optimisés. Les Martin
présentent l'avantage d'une mécanique Ford très fiable et
dont les pièces se trouvent partout, notamment en Angleterre ou fleurissent
bon nombre de spécialistes sur Ford. Moteur et boîtes provenaient
de Ford Sierra d'occasion. En cas de soucis, l'approvisionnement pourra se faire
également en rôdant dans les casses. Un bon point pour le budget
d'entretien. La plupart du temps, les Martin Seven, à l'instar des autres
roadster très exclusifs à l'usage, ont peu roulé et la plupart
d'entre-elles ont moins de 120 000 km. Ce qui souffre le plus est le polyester
et la peinture qui peut s'abîmer avec les projections de gravillons et la
chaleur dégagée par l'échappement latéral. L'autre
point faible des Martin Seven est son train avant qui, s'il est très sollicité,
notamment lors de sorties circuit peut rapidement déclarer forfait. De
nombreux propriétaires ont trouvé la parade : il faut revoir toute
la géométrie du train avant et également abaisser le tube
de pivot pour paralléliser les triangles, remplacer des silentblocs par
des plus durs, rallonger le triangle supérieur, remplacer la rotule de
chasse par une rotule renforcée. Rien de bien compliqué, mais une
mesure impérative pour avoir un résultat fiable et efficace dans
des utilisations intensives. A propos de fiabilité, les propriétaires
de Martin jurent que leurs autos sont plus fiables à l'usage que les Caterham.
Simple légende ou vérité, quoiqu'il en soit, les Martin doivent
être considérées comme des répliques de Seven de qualité
et abouties made in France
CONSTRUIRE SA VOITURE
Il fallait une bonne dose de courage
et peut être même d'inconscience pour se lancer dans l'achat puis
la construction du kit Martin Seven. La tâche était ardue, d'autant
plus que de l'aveu de la plupart des passionnés, les plans de montage étaient
suffisamment vagues par moment pour que l'on soit vite découragé
et que l'on se laisse alors séduire par le montage offert par Martin, et
surtout facturé en sus. Les deux propriétaires contactés
nous livrent la même expérience et les mêmes difficultés.
Les ajustages de carrosserie ne se font pas non plus sans mal, car on ne s'improvise
pas carrossier. Ensuite une fois le montage de l'auto terminée, il fallait
la ramener chez Martin aux Sable d'Olonnes, afin que ce dernier puisse procéder
à l'homologation de la belle.
>
Pour tout savoir des étapes de construction de la Martin d'Hervé,
cliquez ici !
CHRONOLOGIE MARTIN SEVEN
1972 : Etablissement de Martin Production en Vendée aux Sables d'Olonnes.
1986 : Homologation de la Martin Seven S1 TTM GM0 à l'UTAC. Petites ailes avant
et arrière, train avant de Triumph Spitfire et moteur Ford 1,6 litres de
75 ch.
Commercialisation de la Martin Seven S1 en kit ou livrée montée.
1991 : Commercialisation de la Martin Seven S2 : ailes avant et arrière plus
aplaties, bouchon d'essence à l'extérieur du coffre, quelques éléments
sont simplifiés.
1992 : Les futures normes " Euro-Code 3
" pour 1993, obligent Martin Production à passer à l'injection
électronique et repasser à l'UTAC. En attendant, Martin Production
va immatriculer un maximum d'autos pour pouvoir les vendre en configuration 1992
pour l'année suivante.
1993 : Commercialisation de la Martin
Seven S3, équipée d'un moteur 1,8 litres Ford à injection
et 16 soupapes. Capot avant plus plongeant. Ce modèle n'est pas homologué
par type.
1995 : Georges Martin cède sa place à un nouveau
gérant, Gérard Dequauville. Il reste cependant directeur technique.
1996 : La société Martin Production fait faillite et est mis en liquidation
judiciaire. Environ 550 Martin Seven TTM GM0 seront produites montées ou
en kit.
PRODUCTION MARTIN SEVEN
Seven TTM GM0 (1987-1996) : 550 exemplaires environ.
:: CONCLUSION
Celui qui attendait de la Martin Seven d'aller titiller lors des sorties circuit
les Caterham fait fausse route. Il ne faut pas voir une Martin Seven comme une
super sportive mais avant tout comme un roadster authentique à mi-chemin
entre l'auto et la moto par sa conception minimaliste. Un poids très léger,
une mécanique robuste et un capital sympathie immense caractérisent
les Martin Seven. Sur les petites routes départementales, tout en respectant
le code de la route, la Martin Seven distille son lot de sensations que les voitures
modernes, aseptisées et sécuritaires ne peuvent plus se permettre.
Autre temps, autre murs, mais la Martin Seven, c'est le plaisir de conduite
authentique. Une belle leçon de plaisir...
Nous tenons
à remercier chaleureusement Hervé qui a accepté de se prêter
au jeu des séances photos statiques et dynamiques ! Sa passion communicative
nous a permis d'apprécier à sa juste valeur les Martin Seven et
l'essai de sa voiture personnelle a laissé en nous un souvenir très
marqué
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Monsieur Martin définit lui-même cette voiture comme étant
le troisième véhicule, celui que l'on sort pour s'amuser. Je ne
sais pas si l'homologation n'a pas été possible avec un moteur plus
puissant. mais bien que le poids soit très faible (640 kg), on aurait besoin
de quelques chevaux de plus pour vraiment s'amuser. La voiture que je conduisais
à Angoulême en disposait de 120, c'était suffisant. C'est
dommage, car on retrouve au volant, des joies complètement obsolètes.
Surtout ne sortez pas la capote, c'est vilain et inutile. Un Barbour et un serre-tête
feront l'affaire. Ensuite, baladez-vous, sans but sur les petites départementales
françaises. A notre époque de répression et de brimade, vous
allez de nouveau rouler pour le plaisir." L'ACTION AUTO MOTO - 1988
- Martin Seven S1. |