POUR PASSIONNE
Alors que Maserati se remet difficilement de l'épisode Citroën,
il faut trouver des remplaçantes aux Maserati Bora, Khasmin, Merak
et autres. Alexandro de Tomaso, propriétaire de la marque au Trident,
sort de sa manche une nouvelle GT : la Maserati Biturbo. Cette latine
au sang très chaud sera déclinée en cabriolet dessiné par Zagato.
Son nom ? "Spyder" tout simplement...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Après une histoire tumultueuse et passionnée,
Maserati doit remonter la pente. Son lustre d'antan s'est sérieusement
terni, et succéder aux superbe GT produites telles les Bora, Khasmin
et autres Merak, sans parler des somptueuses et élégantes Ghibli
qui concurrençaient alors les Ferrari Daytona et autres Aston Martin.
Mais depuis, Maserati a produit la Quattroporte, sorte de grosse
berline prévue pour le marché américain dont la ligne et le design
ne feront pas date et dont la sportivité teintée de luxe propre
à la marque semble désespérément absente. Citroën avait laissé entrevoir
un avenir stable et serein pour la firme au Trident, mais la reprise
de Citroën par Peugeot changera la donne. C'est donc Alexandro de
Tomaso qui continuera seul aux reines de Maserati. Première mesure,
la de Tomaso Longchamp prête toute sa structure et sa ligne pour
accueillir un moteur V6 Maserati en lieu et place des V8 américains
qui équipent habituellement les modèles d'Alexandro. Cette Maserati
s'appelle la Kyalami. Mais, il ne s'agit pas de galvauder une image
et un esprit que Maserati a su se forger au fil des décennies.
MASERATI, UN ESPRIT GT
Cet esprit qui est associé à la firme de Modène, on le doit surtout
à un seul homme : l'ingénieur Alfieri. Toute sa carrière durant
chez Maserati, il n'eut de cesse de développer et étudier des GT
qui, outre leurs performances, se devaient de rester maîtrisables
en toutes circonstances et dans les mains du conducteur lambda,
autant que faire se peut. Ainsi, durant toutes les années 60 et
70, Maserati sera à l'opposé de Ferrari ou Lamborghini qui proposaient
alors des GT à la sportivité exacerbée et dont l'utilisation quotidienne
était notamment compromise par une souplesse moteur à bas régime
pas démontrée et par des embrayages d'une dureté excessive décourageant
toute utilisation urbaine ! Les modèles phares de Maserati furent
alors les 3500 GTI, les Mistral, Ghibli, Bora et autres Merak. Certes,
l'équipement pléthorique et les quelques assistances utiles pour
assouplir l'utilisation courantes des GT italiennes alourdissaient
sensiblement les autos qui se trouvaient de fait légèrement moins
sportives que les Ferrari, mais nettement plus confortables. De
vraies GT en somme à mi-chemin entre les Porsche, Ferrari et les
Mercedes et Jaguar. Alors face à ce passé, la nouvelle Maserati
prévue pour affronter les années 80 (et plus on le verra…) doit
tenir compte de ce passé pour ne pas perdre le peu de clientèle
qui leur reste et reconquérir d'autres clients. En outre, une réglementation
très contraignante fiscalement parlant en Italie pour les plus de
2 litres de cylindrée doit également être prise en compte lors de
l'étude.
LA BITURBO
Au salon de Genève en mars 1981, Maserati présente donc la Biturbo,
pourvue dans un premier temps d'un V6 de 2 litres de cylindrée boosté
par 2 turbos IHI et développant tout de même 180 ch ! Dotée d'une
ligne classique et un tant soit peu baroque, elle a été dessinée
par un jeune créateur, Pierangelo Andreani qui s'est inspiré de
la Quattroporte, surtout pour la face avant. Inutile, à la vue de
la face avant et du profil de l'auto, de révéler le Cx de la Biturbo,
qui ne sera d'ailleurs pas dévoilée le jour du salon. En terme de
positionnement, l'esprit Maserati demeure. A la fois luxueuse et
sportive, moins chère que les Porsche et Ferrari, mais plus exclusive
que les Mercedes et BMW, la Maserati Biturbo n'hésite pas pour autant
à mettre ses performances en avant. Certes, son aérodynamique très
défavorable la pénalise en terme de vitesse maxi (215 km/h), mais
les accélérations et les reprises sont bien là. Par la suite, la
gamme Maserati Biturbo se décline et un modèle équipé d'un V6 biturbo
de 2,5 litres sera également au catalogue avec au programme 200
ch à 5 500 tr/mn et 30,8 mkg de couple dès 3 000 tr/mn. D'abord
monté avec des carburateurs, les V6 Maserati biturbo recevront par
la suite l'injection et verront leur puissance augmenter. Il y aura
même la Si Biturbo équipée du 2 litres qui développe 220 ch ! Chaud
devant, ou plutôt derrière car les Biturbo sont des propulsions.
Mais entre-temps, Maserati a pris le temps de nous concocter un
cabriolet de toute beauté : le Spyder.
LE SPYDER BITURBO
C'est au salon de Turin en 1982, que les afficionados ont eu l'honneur
de découvrir le nouveau modèle de Maserati. Un cabriolet sur base
de Biturbo baptisé "Embo". Deux ans plus tard au même salon, c'est
la commercialisation officielle de ce cabriolet rebaptisé "Spyder".
Spyder avec un "y" car c'est à la Carrosserie Zagato que l'on a
confié le soin de transformer un coupé Biturbo en cabriolet et de
passer donc d'un coupé 4 places à un 2+2. La finition intérieure
est celle de la 4 portes (la 425 Turbo). Sous le capot orné du célèbre
Trident, repose toujours le V6 de 2 litres turbocompressé à 3 soupapes
par cylindres. Avec 180 ch à 6 000 tr/mn et 25,8 mkg de couple dès
4 400 tr/mn, les performances sont identiques à celles du coupé
malgré un poids conséquent (1 305 kg) et permettent ainsi de tutoyer
les 215 km/h. Autant le coupé paraît trop discret et anodin de ligne,
autant le Spyder a su sublimer ces lignes et le rendre en un objet
très désirable. Fidèle à la tradition Maserati, la finition est
luxueuse et fournie malgré quelques fautes de goût notamment au
niveau des mélanges de couleurs et une qualité de réalisation quelquefois
en deçà de l'esprit souhaité. Par la suite, Maserati, n'hésitera
pas à monter le V6 de 2,8 litres de cylindrée de 225 ch qui titille
les 230 km/h ainsi équipée. Mais si les coupés sont de vrais pétards
mouillés, les Spyder, en raison d'une rigidité de caisse plus laxiste
et de puissances moins développées, s'apprécient surtout sur le
couple et les reprises cheveux au vent, car, nous devons l'avouer,
rouler très fort avec un cabriolet ancien décapoté perd vite de
son intérêt tant les remous d'air sont insupportables et lassants.
Et si les coupés s'avèrent plutôt pointus à mener à la limite en
raison d'un châssis assez exigeant et parfois rétif, le Spyder,
de par sa philosophie, masque ce défaut. Maserati, toujours à la
recherche d'une identité, relooke toute sa gamme Biturbo. Les Spyder
n'y échappent pas et reçoivent des pare-chocs avant et arrière plus
proéminents. Quelques millésimes plus tard, ce sont les feux avant
qui sont modifiés et reprennent ceux du musculeux coupé Shamal.
Mais, la diffusion en France du Maserati Spyder Biturbo restera
toujours des plus confidentiels et malheureusement Maserati ne réussit
pas son tour de force de s'imposer face à la concurrence.
TRISTE BILAN
Non seulement au cours des années 80 Maserati n'a pas réussi à relustrer
son image, mais cela a empiré. Sa gamme de Biturbo si attachantes
mais par trop caractérielles et peu fiables ont, surtout en France
convaincu peu d'acquéreurs. Il faut dire que son réseau de distribution
moribond et sporadique, la fiabilité incertaine du produit, un style
résolument baroque et un positionnement marketing en face de constructeurs
comme Audi, Jaguar, BMW et Mercedes n'ont pas facilité les choses.
Alors que les Biturbo sont encore au catalogue, Mercedes, Audi et
BMW notamment rivalisent d'audaces technologiques pour s'imposer.
Que faire alors face au réalisme allemand si ce n'est d'opposer
un caractère latin marqué mais réducteur en terme de débouchés commerciaux.
De plus, la "trop faible" surface financière d'Alexandro de Tomaso
lui interdit de faire évoluer la marque et la gamme comme bon lui
semble. Le Spyder, malgré toutes ses qualités et son élégance ne
pouvaient alors que rester dans l'ombre d'autres divas plus argentées.
ACHETER UNE MASERATI BITURBO SPYDER
La situation actuelle de Maserati a radicalement changé. Repris
par Ferrari, Maserati a désormais pour objectif de concurrencer
les Porsche 911 autant en terme de prix que de performances. La
3200 GT est un coupé de toute beauté et le Spyder qui est dérivé
depuis peu est de la même trempe. Si la marque est donc repartie
sur la bonne route, qu'en est-il aujourd'hui des Spyder en occasion-collection
? Par rapport aux coupés, certains défauts ont été gommés. Ainsi,
l'injection toujours présente a considérablement annulé des problèmes
de fiabilité qui pourrissaient les coupés Biturbo équipés de carbus.
A partir de 75 000 F vous pouvez espérer trouver un Spyder sur le
marché de l'occasion. Peu kilométrés, en raison de leur statut de
cabriolets, ils représentent souvent de bonnes affaires mais ne
doivent pas masquer une fiabilité pas toujours rassurante. Ainsi,
certaines autos n'ont pas été entretenues comme il le fallait. Et
allons tout droit au but, les Maserati sont fidèles à leur blason
en coût d'entretien.
::
CONCLUSION
Si les prix à l'achat sont attractifs, l'entretien
l'est déjà moins, et les spécialistes Maserati ne courent pas les
rues. A méditer avant l'achat !! Mais si vous cherchez un cabriolet
sympa, qui change de ce qui existe, et que vous n'allez pas rouler
beaucoup, la Maserati Spyder est la voiture qu'il vous faut. |