© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (03/11/2012)
LA FERRARI SOVIETIQUE
Heinz Melkus, né en 1928 dans ce qui va devenir l'Allemagne de l'Est, se passionne très vite pour l'automobile. Malgré les ressources limitées de ce nouveau pays, il va démontrer qu'avec beaucoup d'ingéniosité et de volonté tout est possible. Voulant devenir pilote, il commença la compétition en 1950 sur des barquettes à châssis VW ou Véritas. En 1954, il construit sa première voiture de course pour le championnat allemand de Formule 3 avec un monocylindre 500 cm3 Jap et remporte le championnat national en 1958...
Texte :
Aurélien RABBIA
Photos : D.R.
Cette même année est créé dans chaque pays le championnat de Formule Junior, une nouvelle catégorie pour jeunes pilotes. La cylindrée est limitée à 1100 cm3 et le poids à 400 kg. La majorité des pièces doivent venir de la grande série. En 1959 et jusqu'en 1963, Melkus construit environ 25 Formule Junior avec le 3 cylindres 2 temps Wartburg et avec le plus grand nombre de pièces de série afin que la voiture soit la moins chère possible. En 1964, il se lance dans le championnat de Formule 3, avec le 3 cylindres Wartburg porté à 85 ch. Jusqu'en 1969, environ 92 voitures seront fabriquées sur ce modèle. En 1968, Heinz Melkus est mandaté par l'ADMV (Automobile club sportif de RDA) pour construire un véhicule sportif destiné à la compétition.
DESIGN
Sa fierté et sa motivation sont tels que Melkus ne mettra que 5 mois pour construire à Dresde le premier prototype de ce coupé de sport. Pour des raisons économiques et de temps, un grand nombre d'éléments mécaniques sont repris sur la berline Wartburg 353. En effet, ce coupé doit être présenté pour les 20 ans de la création de la RDA en 1969. On retrouvera donc le châssis, les suspensions, le freinage, la direction, le moteur et le pare-brise de la berline 353. Afin d'améliorer tous ces éléments à moindre coût et de créer la carrosserie, Melkus fera participer l'Université de Dresde, les techniciens de l'usine de Eisenach (ex-usine BMW) et l'Académie des Arts de Berlin. La carrosserie est dessiné à Berlin autour du châssis raccourci de la 353. Très basse, elle est même testée en soufflerie. Le dessin est très fin avec un long capot et des phares sous bulle, seuls les clignotants et les longues-portées se trouvant plutôt mal intégrés. Pour des raisons d'accès à bord, les portes sont de type papillon et sont les seuls éléments, avec le toit, réalisés en aluminium. Le reste de la carrosserie est en polyester, principalement par manque de métaux. Derrière les deux portes, tout l'arrière de la carrosserie se soulève d'un seul morceau pour accéder au moteur. L'intérieur est très spartiate avec une instrumentation succincte et une insonorisation légère, le bruit du moteur est très présent dans l'habitacle.
MOTEUR
Faute de moyens, Melkus est obligé de se fournir dans la gamme de moteurs des constructeurs soviétiques. Melkus reprend donc celui des berlines Wartburg 353 qu'il utilise depuis déjà 10 ans. La conception de ce moteur remonte à 1939, quand DKW voulait remplacer son bicylindre mais dont la guerre retarda le projet. Après la fin de la 2nde guerre mondiale, le régime soviétique confisque les usines des constructeurs automobiles (BMW à Eisenach et Auto Union à Zwickau) se trouvant sur le nouveau territoire de l'Allemagne de l'Est. Les ingénieurs russes récupèrent plusieurs modèles et prototypes, dont le prototype du moteur DKW. C'est un 3 cylindres en ligne à cycle 2 temps, la spécialité de DKW. Le moteur, simple de conception et de fabrication, est revu puisque sur celui de DKW un des trois cylindres servait de compresseur ! Le moteur des Wartburg 353 est un dérivé du moteur des berline 311 de 1955 dont les principales évolutions sont une augmentation de cylindrée de 900 à 992 cm3, un renforcement du vilebrequin et la circulation du liquide de refroidissement par pompe à eau et non plus par thermosiphon. Le 992 cm2 développe 50 ch à 4200 tr/min, un rendement très honnête pour l'époque grâce au cycle 2 temps. Melkus en sortira 70 ch à 4500 tr/min et 118 Nm à 3500 tr/min grâce à trois carburateur MZ, un double échappement et à un meilleur usinage de certaines pièces. La boîte de vitesse est aussi celle de la Wartburg 353, une transmission manuelle à 4 rapport à laquelle il a été rajouté un cinquième rapport. Mais pour modifier le moins possible la boîte, celui-ci se retrouve entre... la seconde et la troisième ! Grâce à son poids de seulement 750 kg, les performances de la RS 1000 sont plus qu'honorable avec 170 km/h en vitesse de pointe et 12 secondes pour atteindre les 100 km/h. La version de compétition sera poussée jusqu'à 100 ch à 6000 tr/min permettant d'atteindre 210 km/h.
CHASSIS
Le châssis de la Melkus RS 1000 est lui aussi repris de la berline Wartburg 353, mais il est raccourci et renforcé afin de résister aux épreuves sportives. C'est un classique, mais déjà dépassé, châssis en échelle en acier avec un arceau de sécurité intégré. La suspension est aussi identique à celle de la berline avec quatre roues indépendantes dotées de double triangles à l'avant avec ressorts hélicoïdaux et des tirants déportés à l'arrière, avec ressorts hélicoïdaux et une barre stabilisatrice. Le freinage, composé d'un double circuit mais de quatre tambours, s'avère lui aussi complètement dépassé pour la vocation sportive de la voiture. Il sera proposé des disque de Fiat 125 en option, puis montés en série à partir de 1972. Les différences avec la berline 353 viendront des deux réservoirs de 30l, de mélange bien sûr, placés sous les portières et de la position du moteur. Celui-ci, ainsi que la boîte à 5 rapports, sont montés dans le même sens que dans la berline mais ils se retrouve en position centrale arrière juste derrière les deux baquets.
EVOLUTION
En 1972, Melkus propose une nouvelle version du moteur sur la RS 1000. Pour cela l'alésage a été porté de 73,5 à 78 mm pour atteindre une cylindrée de 1119 cm3. La puissance pour les versions de série passe à 90 ch et le couple à 127 Nm. Par contre la puissance atteindra jusqu'à 118 ch sur le modèle de compétition.
RENAISSANCE
En 2006, une série de 15 exemplaires de Melkus RS 1000 toujours équipés du trois cylindres 2 temps est fabriquée. Ce sont Peter et Sepp Melkus, le fils et le petit-fils de Heinz, qui sont à l'origine du projet et fondent Melkus Sportwagen KG. Elle est disponible au prix de 48500 € pour la version Standard de 75 ch. Il est possible d'obtenir un kit "Race" portant la puissance à 85 ch et même une version "Full Race" avec le 1200 de 95 ch. La production est réalisé dans leur concession BMW à Dresde et permettra aussi de construire des pièces de rechanges pour les autres exemplaires. Il sera aussi construit 5 autres exemplaires, mais cette fois avec un quatre cylindres Volkswagen de 1600 cm3 de 102 ch, donnant ainsi naissance à la Melkus RS 1600.
CHRONOLOGIE MELKUS RS 1000
1968 : demande de l'ADMV
1969 : début de la production
1972 : apparition du 1119 cm3
1980 : fin de la production
PRODUCTION MELKUS RS
Melkus RS 1000: 101 exemplaires
Melkus RS 1000 Revival: 15 exemplaires
Melkus RS 1600: 5 exemplaires
:: CONCLUSION
Heinz Melkus quittera la production d'automobiles en 1972 après n'avoir produit que 20 exemplaires de sa RS 1000. Il continuera à courir jusqu'en 1977 et à construire des voitures de compétition jusqu'en 1986. En 11 ans de production, 101 Melkus RS 1000 furent construites. Cela semble relativement peu, mais cela s'explique par le fait que ce soit l'ADMV qui ait choisi les acheteurs/coureurs. On peut y ajouter un prix de vente très élevé et une pénurie de matériaux contraignante. Malgré cela, les clients étaient rapidement livrés, en seulement 2 ans, quand il fallait souvent attendre 5 à 10 ans pour recevoir sa Wartburg ou sa Trabant... La production des Melkus RS 1000 s'arrêtera en 1980 faute de pièces et de moyens financiers.
Remerciements aux sites sl-fotografie.de, eurotrabi.com et TL5401 de Flickr.
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