© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (29/12/2005)
DEMESURE
TOTALE !
Heureuse époque que celle des GT améliorées
aux 24 Heures du Mans. Cela nous a valu quelques autos devenues mythiques dont
il a fallu quelques exemplaires homologués sur route ouverte pour que le
constructeur puisse concourir en catégorie GT1. Une peu les groupe B des
rallyes mais version circuit. Jochen Dauer avait ouvert le bal avec la Dauer 962
Le Mans, puis Porsche avec sa Porsche 911 GT1 puis ce fût le tour de Mercedes-Benz avec sa CLK GTR.
Et comme pour les deux premières nommées, Mercedes avec sa filiale
sportive AMG a fabriqué et vendu quelques exemplaires de CLK GTR homologuées route
!
Texte : Nicolas LISZEWSKI
Photos :
D.R.
Le flou et l'avenir incertain qui régna sur les 24 Heures du
Mans et les courses d'endurance avec le retrait de la plupart des constructeurs
présents en groupe C (Jaguar, Peugeot, Porsche, Toyota, Mazda
)
contraint les organisateurs de l'ACO à faire cavalier seul. Pour sauver
le rendez-vous annuel de la Sarthe, les organisateurs de l'ACO ont donc ratissé
plus large et ouvert la course aux GT. Plusieurs catégories furent donc
prévues dont la catégorie GT1. Cette dernière ne demandait
alors qu'une seule GT immatriculée pour pouvoir y être admissible.
Jochen Dauer sera un des premiers à sauter sur l'occasion en convertissant
une Porsche 962 groupe C en version routière. La Dauer
962 Le Mans, c'est son nom, permis donc un subtil tour de passe-passe et de
décrocher une victoire aux 24 Heures du Mans en 1994. Le temps que les
autres constructeurs réagissent, et avec quelques modifications de règlement,
ce sont les intouchables McLaren
F1 qui se révélèrent vite invincibles dans la classique
Mancelle. Porsche et Mercedes préparaient leurs armes secrètes :
la Porsche 911 GT1 et la Mercedes CLK GTR. Dominant tour à tour les saisons
et les 24 Heures du Mans, ce duel au sommet sur circuit nous a offert quelques
pièces de choix homologuées sur routes dont la Mercedes CLK GTR,
tout juste échappée des circuits
Et ne vous laissez pas attendrir
par ses évocations de Mercedes
coupé CLK (W208) de série, car à part les blocs optiques,
rien n'est commun.
DESIGN
Contrairement aux apparences et à
son appellation, la Mercedes CLK GTR n'est pas dérivée des Mercedes
CLK coupés (W208). On doit le design très teinté " course
" de la Mercedes CLK GTR à Gerhardt Hunga et son équipe. Par
rapport au modèle de compétition, quelques éléments
ont été adaptés pour plus d'harmonie. L'aileron arrière
est notamment intégré plus élégamment, tandis que
les roues plus petites ont obligé les designers à redessiner les
passages de roues. L'habitacle semble centré sur la caisse et les portes
s'ouvrent alors comme celles Mercedes 300 SL ou Mercedes 300 SLR des années
50. Une grosse prise d'air est située au-dessus du toit pour amener de
l'air frais à l'admission du moteur. Les rétroviseurs sont positionnés
très en avant sur les passages de roues d'ailes avant. La carrosserie est
lacérée partout de prises d'air diverses pour alimenter en air frais
divers organes mécaniques. La jupe arrière présente un extracteur
d'air pour accroître l'effet de sol et l'adhérence. Le capot arrière
se retire intégralement pour une accessibilité mécanique
idéale.
A BORD DU CLK GTR
Pénétrer dans l'habitacle oblige à un peu
de gymnastique car il faut franchir les larges caissons latéraux. La partie
supérieure de la planche de bord s'inspire très fortement de celles
des Mercedes CLK de série, mais la comparaison s'arrête-là
! Les sièges baquets sont recouverts de la sellerie écossaise qui
ornait les Mercedes
300 SLR et 300 SL. Pas de levier de vitesses en vu puisque les changements
de rapports s'effectuent par l'intermédiaire de palettes situées
derrière le volant. A noter que la planche de bord est recouverte d'Alcantara.
Mais dans l'ensemble, la finition est moins spectaculaire que sur les modèles
de série et surtout la présentation est finalement très (trop
?) classique pour une supercar de ce rang et de ce prix. Heureusement que la climatisation
est montée d'office car il règne vite une chaleur étouffante
dans cet habitacle étriqué.
MOTEUR
Pour motoriser
sa CLK GTR, Mercedes n'a pas lésiné sur les moyens. Ses motoristes
sont partis de la base du dernier V12 6 litres à 48 soupapes qui équipe
le roadster SL
600 R129. L'objectif pour AMG et Mercedes est de le mettre au régime
et de le faire tourner plus vite. La cylindrée dans le même temps
passe de 5987 à 6898 cm3. Le bloc perd trente kilogrammes avec le recours
à des matériaux élaborés : bielles en titane, pistons
forgés, volant moteur allégé
Le haut moteur a également
été sérieusement revu avec des soupapes plus grosses, des
arbres à cames redessinés. Ainsi, oubliés les 394 ch du V12
du roadster SL 600. C'est désormais sur 612 ch à 6800 tr/mn et 79
mkg de couple à 5250 tr/mn que le pilote peut compter sous son pied droit.
Un résultat d'autant plus remarquable que cette noble mécanique
reste atmosphérique, Mercedes et AMG prouvant ainsi qu'il n'y a pas qu'en
Italie que l'on sait faire des mécaniques atmosphériques ultra-performantes.
Les performances justement sont ahurissantes avec 320 km/h en vitesse maximale
et un 0 à 100 km/h abattu en 3,2 secondes. En moins de 10 secondes, la
barrière des 200 km/h est également franchie ! Pour supporter de
telles contraintes, Mercedes a enfin délaissé ses traditionnelles
mais réussies boîtes automatiques pour une boîte séquentielle
à 6 rapports à
crabots ! Des palettes situées derrière
le volant vous permettent de faire claquer les rapports. Mieux que Michael Schumacher
?!
CHASSIS
Puisque, nous l'avons vu, il n'existe aucune parenté
technique avec les Mercedes CLK (W208) de série, la Mercedes CLK GTR possède
une conception de voiture de course
ce qu'elle est en fait ! Le châssis
de base de la Mercedes CLK GTR est constitué d'une coque en fibre de carbone
très rigide et résistante ne pesant que 87 kg. Poids et rigidité
sont toujours les deux axes de travail des ingénieurs sur les voitures
de sport, et encore plus sur les voitures de course. La coque intègre des
caissons avant et latéraux pour absorber l'énergie en cas de choc.
Une cage tubulaire greffée sur une traverse au-dessus du compartiment moteur
est également prévue. Les suspensions sont bien celles d'une auto
de compétition avec des triangles superposés et des ressorts hélicoïdaux.
La dimension des jantes et des pneus par rapports aux surs de compétition
sont réduits, mais restent tout de même appréciables avec
du 295/50 ZR 18 à l'avant et du 345/35 ZR 18 à l'arrière
! Les freins sont dimensionnés pour prévoir des ralentissements
éclairs à des vitesses élevées. Quatre disques ventilés
et perforés sont donc de la partie avec des dimensions supérieures
à 350 mm ! En raison de l'emploi de matériaux nobles (comprenez
rigides et légers) le poids de la Mercedes CLK GTR reste contenu à
1545 kg lui permettant encore une agilité et des performances excellentes.
Nous n'avons malheureusement jamais eu encore la chance de prendre le volant d'un
tel mythe à quatre roues, mais il est certain que quelques tours aux commandes
doivent rester gravés à jamais dans les mémoires, comme en atteste l'extrait en bas de page issu du magazine Automobiles Classiques de 1998
ACHETER
UNE MERCEDES-BENZ CLK (W208) GTR
Il existe
ainsi des autos qui restent toujours aussi chères à l'achat neuf
qu'après. La Mercedes CLK GTR appartient à cette catégorie.
Vendue 11 000 000 de francs entre 1998 et 1999 (soit tout de même 1 700
000 euros !) à 19 amateurs (fortunés on s'en doute) de voitures
de sport et d'exception, il faut compter aujourd'hui environ 1 500 000 euros pour
essayer d'en acquérir une lorsqu'une transaction se présente. En
véritable auto d'exception, la Mercedes CLK GTR ne pourra être entretenue
chez votre réparateur Mercedes-Benz local. Même les succursales ne
peuvent y toucher, à la différence des Mercedes
SLR qui sont prévus. Ce sont des techniciens d'AMG qui se déplacent
directement d'Affalterbach pour entretenir et réparer votre CLK GTR. Pratique
! Notez que la Porsche
959 est dans le même cas. Ce simple postulat permet de mieux comprendre
aussi pourquoi les supercars roulent très rarement. Le chapitre après-vente
est si compliqué que les acheteurs se découragent assez vite et
qu'en outre, leur parc automobile souvent très fourni et leur emploi du
temps très chargé ne leur permet pas de goûter pleinement
à leur(s) supercar(s) régulièrement. Ainsi est la vie des
Supercars et certainement très peu d'entre-elles sont en état de
rouler
puisqu'une auto s'abîme plus remisée que si elle roule
régulièrement..
CHRONOLOGIE CLK GTR
1997 : Mercedes-Benz remporte
le championnat du monde d'endurance avec ses Mercedes-Benz CLK GTR.
1998 : En décembre, Mercedes-Benz commercialise la Mercedes-Benz CLK GTR.
1999 : En juillet, la production des Mercedes-Benz CLK GTR est arrêtée
après 22 exemplaires produits.
PRODUCTION
CLK GTR (1998-1999) : 22 exemplaires
:: CONCLUSION
Totalement inaccessible ou presque (?!), la Mercedes CLK GTR est une pure folie
comme savent nous les présenter les constructeurs automobiles de temps
à autres à la faveur d'un règlement sportif ambigu. Ce n'est
pas nous qui nous en plaindrons, juste pour apprécier et féliciter
la beauté du geste. Un vrai monstre de technique et de performances, la
Mercedes CLK GTR offre des performances et des sensations dignes d'une voiture
de compétition sur route ouverte. Mais c'est surtout sur circuit que la
Mercedes CLK GTR trouvera son terrain d'expression...
CE QU'ILS
EN ONT PENSE :
"Dès la mise en action de la mécanique,
on oublie vite ces concessions accordées au confort. Dans votre dos rugit
le moteur et gronde la boîte. Au-dessus de votre tête, le tunnel qui
alimente en air l'admission souffle comme un dragon. On ne s'entend plus à
bord de la machine, les 612 chevaux déferlent. Engoncés dans le
baquet, la poussée impressionne le commun des mortels : en moins de 10
secondes, le projectile atteint les 200 km/h. Le conducteur survole ses contemporains.
On est en troisième. La paume de la main droite, devenue moite, ne lâche
pas le volant, mais les doigts se libèrent pour presser la palette et enclencher
la quatrième. Les passages de vitesses sont délicats. L'aiguille
du tachymètre tremble aux abords de 260 km/h : le cinquième rapport.
Les 1545 kg de la bête sont en apesanteur. Les fantasmes défilent.
Comme les souvenirs. Comme le frisson qui refroidit la nuque au rythme des montées
en régime. Pour quelques tours seulement. Comme les arbustes qui ceignent
la piste d'Hockenheim. Pour quelques minutes de rêve et de cauchemar gravés
pour l'éternité."
AUTOMOBILES CLASSIQUES - 1998 - Mercedes
CLK GTR. |