ESPECE PROTEGEE !
Dans l'usine de Malvern, Charles Morgan, l'héritier et
gardien du temple, veille à respecter pieusement l'esprit
originel des Morgan. Certes, il existe bien depuis quelques temps
dans le catalogue de Morgan la Morgan Aero 8 avec son physique étrange
et décalé sans parler de son V8 BMW performant et
moderne. Mais la mort de la Plus 8 et son antique V8 Rover d'origine
Buick ne passant plus les normes draconiennes de pollution, a contraint
Morgan à revoir sa copie pour son roadster intemporel. C'est
donc le V6 3 litres de Jaguar qui anime la Morgan Roadster V6...
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
Charles Morgan avait plutôt étonné le petit
monde de l'automobile de sport, de luxe et d'exception en commercialisant
sa curieuse Morgan Aero 8. Au-delà d'un physique un brin
décalé, c'est toute la tradition instituée
depuis 70 ans à Malvern qui était bouleversée
par l'abandon du châssis en bois. La Morgan Aero 8 est ainsi
donc presque entrée de plein pneus dans l'ère moderne.
Mais la clientèle traditionnelle de Morgan cherche avant
tout des roadsters authentiques et respectueux des traditions. Et
comme la Morgan Plus 8 et son antique V8 Rover d'origine Buick ne
pouvait plus passer raisonnablement les normes antipollution, il
fallait bien trouver un nouveau moteur suffisamment noble et puissant
pour conserver les performances et le prestige de la Morgan traditionnelle
haut de gamme. C'est le V6 3 litres Jaguar qui a été
retenu par Morgan pour ses multiples qualités.
DESIGN
Décrire la Morgan Roadster V6 extérieurement est délicat
de peur de tomber dans la redite. La carrosserie a en effet si peu
évolué depuis les années 30, que de nombreux
articles de presse et essais ont décrit en long, en large
et en travers le mythe de Malvern. Nous retrouvons donc avec plaisir
ces galbes issus des années 30 qui caractérisent les
arches de roues reliés par des marchepieds. Les feux avant
sont coincés entre le capot et l'arche de roue, tandis que
les (petites) portes sont toujours découpées à
l'instar des roadsters britanniques de la belle époque. Le
petit pare-brise est droit et d'une seule pièce et ne donne
qu'un champ de vision très réduit une fois capoté.
Le capot s'ouvre toujours en deux morceaux latéralement.
Les deux parties se relèvent suivant la même cinématique
que des portes papillons.
A BORD DE DU ROADSTER V6
L'accès à bord n'est pas
des plus facile en raison de l'étroitesse de l'habitacle.
La place est comptée à bord notamment pour les jambes.
L'ambiance est inimitable avec sa batterie de compteurs ronds et
sa planche de bois précieux. Le cuir est étendu dans
l'habitacle mais on note quelques fautes de goût avec des
commodos en plastiques. Pour le volant, on ne saurait trop recommander
de remplacer celui d'origine par un Motolita bois et acier. Les
plus perspicaces remarqueront que la Morgan Roadster V6 a repris
la définition de la version Le Mans avec l'ablation des pare-chocs
qui sont remplacés par des bananes chromées. La Morgan
Roadster V6 affiche donc un look général épuré.
MOTEUR
Pas facile de motoriser un roadster avec un châssis en bois.
Un moteur puissant et noble est souvent plus lourd qu'un "
vulgaire quatre pattes ". C'est donc chez son prestigieux compatriote,
Jaguar, que Morgan est allé trouver son bonheur. C'est le
moteur V6 de 3 litres de cylindrée AJ-V6 qui a donc pris
place sous l'antique capot de la Morgan Roadster V6. Pour l'anecdote,
Morgan préfère parler du V6 Jaguar, mais il est à
quelques détails près identique au moteur de la Ford
Mondeo ST220. A la différence de la Ford, le V6 Jaguar qui
est sous le capot de la Morgan est équipé du calage
variable aux arbres à cames. Totalement moderne, ce V6 tout
alu possède des éléments mobiles très
évolués (bielles en métal fritté matricé
avec séparation des chapeaux par fractures, 4 arbres à
cames creux avec lobes en métal fritté, calibrage
des pièces mobiles au dixième de gramme près...).
Cela tranche véritablement avec le reste de l'auto. Très
carré, ce V6 3 litres développe sur la Morgan 236
ch à 6 750 tr/mn et 27,7 mkg à 5 370 tr/mn de couple.
Très élastique ce V6 autorise une belle souplesse
de conduite et surtout une montée en régime très
rapide et plaisante agrémentée par une sonorité
très évocatrice. Ce V6 va finalement à la Morgan
comme un gant et fait finalement oublier l'antique V8 Rover ex-Buick.
Une boîte mécanique à 5 rapports complète
la panoplie. Les performances annoncées par l'usine sont
flatteuses et à l'image de la Plus 8 avec 216 km/h en pointe
et 5 secondes sur le 0 à 100 km/h.
CHASSIS
Une ligne éblouissante et légendaire, un moteur V6
moderne et performant... et les dessous de la belle alors ? Pour
son châssis, les techniciens de Morgan ont repris le le principe
d'un châssis acier et d'une antique armature en bois qui est
toute l'ossature de ce roadster à l'ancienne (les panneaux
de carrosserie sont fixés dessus). Oubliez ici toutes notions
d'assistances à la conduite tant elles sont absentes : pas
d'ABS, pas d'ESP, pas de direction assistée¼ bref
rien quoi ! Cela ramène ainsi le conducteur à des
sensations oubliées depuis des lustres. Tout excès
d'optimisme doit être proscrit car il n'y a aucun ange gardien
pour vous secourir. La dureté des suspensions est à
l'image de l'imprécision de la direction, mais il faut cependant
reconnaître que des évolutions positives sont intervenues
sur ces points depuis les débuts de la Morgan. Le freinage
est performant même sans ABS bien aidé par le poids
contenu de la Morgan Roadster V6 (916 kg). Finalement, la Morgan
Roadster V6 revendique et assume pleinement son rôle décalé
et séduisant. Intégriste jusqu'au bout, elle se déguste
pleinement sur les petites routes de campagnes, sur un filet de
gaz et surtout décapotée. A haute vitesse, votre délicat
faciès est fouetté par les turbulances aérodynamiques
et rend vite la conduite épuisante. Il ne faudra pas compter
emmener trop de bagages avec vous car le coffre est au abonnés
absents.
:: CONCLUSION
Difficile de résister au charme suranné de cette Morgan
Roadster V6. Et elle remplit sa mission avec brio puisque la synthèse
du véhicule rétro avec la fiabilité d'une voiture
neuve prend avec elle toute sa signification. Si vous êtes un
amateur des GT modernes full options faciles à conduire par
tout temps, passez votre chemin, la Morgan Roadster V6 n'est pas pour
vous. En revanche, si vous êtes intéressés par
des sensations pures et uniques, vous succomberez vite au charme de
la Morgan, tant devant elle qu'à son volant. Reste son prix,
mais la politique de l'usine lui garantit une cote élevée
stable et immuable...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Pour remplacer le Rover, les techniciens de Malvern ont choisi
dans la banque d'organe Ford et après les Zetec 1800 et 2000
cm3 qui équipent les Morgan 4/4 et plus 4, voici le V6. Déjà
vu sur les Mondeo et les Jaguar, ce V6 de 3 litres est une pure
merveille : il est léger, onctueux, puissant et même
économe. Il trouve sa place sous le capot de la Morgan et
n'a pas de mal à animer joyeusement les 940 kg de la bête.
Esthétiquement, c'est toujours la Morgan que l'on aime, ce
nouveau Roadster (nom officiel... ne dites pas Morgan Plus 6) étant
identifiable à ses crosses de pare-chocs type Le Mans. Si
vous n'avez pas roulé dans une Morgan depuis longtemps (c'était
mon cas), les progrès sont étonnants : douceur du
pédalier, de la boîte, de la direction, confort bien
amélioré. Et ce moteur... souple, élastique,
il repart à 1000 tr/mn et n'en finit plus de monter en régime
le tout salué par un double échappement à la
sonorité enivrante."
CLASSIC & RACING - décembre/janvier 2004 - Morgan
Roadster V6.
"Côté sensations, vous
ne serez pas déçu. D'abord, parce que le vent vous
gifle le visage en permanence et qu'il est impossible de vous abriter.
Ensuite, parce que la moindre pression sur la pédale des
gaz vous propulse en avant. Même au passage du troisième
rapport sur sol sec, les pneus arrière maugréent leur
torture. Morgan annonce une accélération de 0 à
100 km/h en moins de 5s. Pour une âme bien née, un
pied gauche entraîné à l'exercice et une main
droite habile, il n'y a pas lieu de douter de la performance. Pour
ceux qui resteraient de marbre devant un chiffre si flatteur, signalons
que le brio mécanique se savoure spécialement en troisième
et en quatrième, là où la majorité des
pseudo-sportives s'écroulent. Inutile de préciser
que par rapport à une GT conçue par ordinateur, le
châssis fait ce qu'il peut pour passer la puissance. Les trains
roulants ont été durcis au maximum, l'antidiluvien
train avant vous donne une vague information du tracé alors
que la direction -très dure en manuvre- non seulement
manque de précision à cette cadence mais, de plus,
est éprise de violentes convulsions."
L'AUTO-JOURNAL - HS spécial essais haut de gamme 2004
- Morgan Roadster V6. |