© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (20/02/2006)
COUP DE SOLEIL
LEVANT !
Lorsque
Nissan, à travers sa marque Datsun réservée à l'exportation,
décide d'envahir le marché de la voiture de sport au pays de l'Oncle
Sam, c'est en s'inspirant de ce qui se faisait de mieux dans la production occidentale
mais en la dotant d'une véritable culture nipponne. Du caractère,
du charme et surtout à l'époque un rapport performances, prix, homogénéité
imbattable, vont autoriser à la Datsun 240Z un succès sans précédent
pour une voiture de sport importée aux USA...
Texte : Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
C'est sous l'impulsion de Yutaka
Katayama, alors président de Nissan US dans les années 60, que la marque Datsun allait développer et commercialiser une des sportives les plus diffusées
de tous les temps. Après une étude de marché approfondie,
il apparu évident aux yeux des dirigeants de la firme nippone que ce qu'ils
considéraient alors comme une simple niche avec des volumes estimés
de 24 000 unités annuelles, n'était pas exploitée. Comprenez
par-là que le marché américain ne comportait pas encore de
coupé sportif à prix d'ami, les roadsters anglais étant désormais
sur le déclin. Pour Nissan, le coup était également double
avec l'ambition de donner une nouvelle impulsion à son image de marque
alors jugée trop bon marché par ses dirigeants. Nos amis japonais
se mirent donc au travail pour accoucher d'un coupé sportif qui fera date
sur le marché américain et qui rencontrera un succès énorme
pour une auto sportive importée. Présentée le 22 octobre
1969 aux Etats-Unis, la Datsun 240 Z est vendue au prix ultra-compétitif
de 3 526 dollars ! La demande explose à tel point que finalement même
un an après, les modèles en occasions se vendaient plus chers que
le neuf ! L'usine de production Nissan à Hiratsuka du augmenter ses cadences
de production pour tourner jusqu'à 11 000 voitures par mois comparées
aux 2 000 prévues initialement. La Datsun-Nissan 240Z sera le point de
départ d'une "success story" puisque 10 ans après son
lancement, Nissan aura produit 542 208 véhicules. Aujourd'hui encore, Nissan,
avec son coupé et roadster
350 Z perpétue cet tradition et esprit du "Z" avec éclat
DESIGN
Il est aujourd'hui très difficile de donner une paternité au design
de la Datsun 240 Z. Attribué au départ au designer allemand Albrecht
Graf Goertz, Nissan démenti ces affirmations en précisant que c'était
dans son bureau de style que les lignes du coupé japonais furent tracés.
Pour mémoire, c'était Albrecht Goertz qui était l'auteur
des lignes de la Toyota
2000 GT. Cela serait donc sous la direction de Yoshihiko Matsuo, Responsable
du Design et chef du Projet "Z" que le coupé nippon a été
dessiné. Les influences retenues par nos amis designers sont évidentes.
D'ailleurs, eux même ne s'en cachent pas. Ce long capot n'est donc pas sans
évoquer une des voitures de sport les plus célèbres de son
époque : la Jaguar
Type E. Son format général se rapproche de celui d'une Porsche
911 "Classic", autre référence incontournable de
la voiture de sport. La forme hatchback rappelle également certaines réalisations
transalpines, et nous oserions même jusqu'à affirmer que de profil,
la Datsun 240 Z offre une similitude de ligne et d'équilibre avec une Ferrari Daytona. La face avant reste agressive avec deux phares ronds engoncés
qui encadrent une calandre qui est avancée par rapport à la position
des feux, un peu comme une Alfetta
GTV. Le long capot est orné d'un bossage imitant les Corvette ou Pontiac TransAm contemporaines. L'arrière reste sobre et simple avec
sa poupe à pan coupé. A noter une multitude de petits détails
suggestifs ou dotés d'un réel intérêt pour l'efficacité
de l'auto : spoiler avant, becquet arrière, petits rétros ronds,
arches de roues marquées
Les nombreuses touches de chromes rappellent
que l'auto date de la fin des années 60.
HABITACLE
L'habitacle n'offre que deux places
à ses occupants. Il faudra attendre 1974 pour pouvoir bénéficier
de deux places d'appoints complémentaires avec un moteur plus gros et plus
puissant. Impossible d'échapper aux standards alors en vigueur au Japon
à l'intérieur de la Datsun 240 Z. C'est plastique et c'est noir
! Le dessin ne souffre pas la critique et est bien dans l'esprit de l'auto avec
sa batterie de compteurs engoncés. Le volant tulipé trois branches
offre une jante en bois trop fine, et le court levier de vitesses tombe pile sous
la main. Gros avantage de la Datsun, c'est qu'elle offre un coffre pratique grâce
au hayon et à la capacité suffisante. Les premières Datsun
240 Z étaient équipées de jantes à voile plein.
MOTEUR
A l'instar de Toyota et sa 2000 GT, Nissan va puiser dans sa banque d'organe existante pour motoriser
son coupé sportif. Mais à la différence de son rival, Nissan
va tout de même devoir travailler sérieusement sur son moteur. En
effet, le six cylindres en ligne de 2,4 litres, avec un seul arbre à cames
en tête à entraînement par chaîne, était basé
sur celui de la Nissan Bluebird 510 de 1967 qui n'avait que
quatre cylindres
! Très classique de conception et alimenté par deux carburateurs
SU, cette vaillante mécanique développe 150 ch SAE, ce qui correspond
environ à 130 ch DIN (bien qu'aucune règle de calcul exacte puisse
convertir des chevaux SAE en chevaux DIN). Ce moteur se distingue plus dans sa
souplesse de fonctionnement et son couple conséquent à bas régime
(20,5 mkg de couple maxi à 4 500 tr/mn) que dans des rotations élevées.
Il autorise des performances élevées, pour l'époque, à
ce coupé japonais, mais ne gratifie pas son conducteur de poussées
brutales et franches. C'est plutôt la force tranquille. Ne soyons pas trop
durs envers elle, car le cap des 200 km/h est frôlé et le 0 à
100 km/h est franchi en 9,5 secondes. Mais quelques années plus tard, une Golf
GTI se rapprochait dangereusement de ces performances pour un prix bien moindre,
de même que les Ford Capri contemporaines. Mais la Datsun a pour elle un physique suggestif et une
âme.
CHASSIS
Nissan a une nouvelle fois utilisé
des éléments déjà existants pour la partie liaison
au sol. La suspension avant à jambes de suspension et bras inférieurs
et ressorts hélicoïdaux était comme celle de la berline Laurel
1800, tandis que le système à jambes de suspension et bras inférieurs
triangulaires fut emprunté à la Lotus Elan. Cette architecture offrant
ainsi une combinaison à la conduite assez joueuse : le train avant est
plutôt sous-vireur, rendant la Datsun facile à la conduite et le
train arrière indépendant remet l'auto dans sa trajectoire. La combinaison
de freins à disque à l'avant et de tambours à l'arrière
n'était pas toujours satisfaisante et montre aujourd'hui encore un manque
d'efficacité et d'endurance, surtout avec nos repères d'autos modernes
de la production automobile actuelle. La direction à crémaillère
offre un bon ressenti de la route et est précise. Les jantes sont équipées
de pneumatiques en 175 HR 14, une taille modeste aujourd'hui alors que n'importe
quelle petite voiture est équipée de jantes de 14 voire 15 ou 16
pouces avec des pneus larges. Mais ce choix technique, cohérent à
l'époque, autorise un niveau de confort que nous avons perdu depuis sur
les voitures de sport. Avec tout juste plus d'une tonne sur la bascule, ce coupé
japonais rappelle également qu'un des fondamentaux du sport automobile
est la limite de prise de poids. "Light is right" affirmait Colin
Chapman, créateur de Lotus.
En regardant la suite de la généalogie des "Z" Nissan, on ne
pourra que lui donner raison avec, en guise de fardeau, une
280 ZX, alourdie de presque 300 kg en raison d'un embourgeoisement conséquent.
ACHETER UNE NISSAN 240Z (Datsun S30)
Les Dastun
240 Z, malgré une production internationale pléthorique (surtout
aux USA, son marché de prédilection), sont plutôt rares dans
les petites annonces françaises. Preuve que le modèle est aujourd'hui
peu connu du grand public et qu'en plus les actuels propriétaires ne sont
pas vendeurs tant ils ont succombé à ses charmes. Comptez au minimum 10 000 euros pour un exemplaire en bon état et beaucoup plus pour un modèle en parfait état d'origine
et totalement sain. Il est important d'insister sur ce dernier point tant la Datsun
souffre de la corrosion comme bon nombre d'autos de la même génération.
Il conviendra donc de surveiller et inspecter scrupuleusement les endroits suivants,
particulièrement sensibles à la rouille : bas d'ailes, de caisse,
de portes, les porte-à-faux et les entourages de roues arrière.
Trop souvent, de nombreuses 240 Z sont à vendre avec quelques points de
corrosion et une carrosserie à reprendre. Dans ce cas, il faut être
conscient que les frais de remise en état dépasseront très
largement la valeur réelle de l'auto sur le marché. En cela, ce
coupé japonais connaît le même sort que les Peugeot
504 CC. Bonne nouvelle, le reste est réputé fiable avec même
une mécanique increvable. Ce n'est pas sans raison que la Datsun s'est
imposé dans le très sélectif et cassant East African Safari.
Les gros kilométrages ne lui font donc pas peur et l'intérieur résiste
plutôt bien à l'outrage du temps. Autre point fort pour l'amateur
éclairé, de nombreuses pièces détachées, y
compris des pièces de carrosserie, existent sur le marché international,
avec notamment de nombreux spécialistes américains qui procèdent
à des re-fabrications. Il existe en France un spécialiste des Nissan-Datsun
séries "Z" : Z
Passion. Le bilan global est très positif pour l'acheteur potentiel
à partir du moment où la problématique de la rouille a été
totalement maîtrisée ou éradiqué
CHRONOLOGIE
1966 : Nissan Motors identifie après des études
de marché qu'il y a une place à prendre sur le segment
de la voiture de sport. Le cahier des charges indique un coupé
compact, sportif, performant et confortable à prix serré.
1969 : Le 22 octobre 1969, la Dastun 240 Z est commercialisée
aux USA. Son prix est seulement de 3 256 dollars. Moteur 2,4 litres
de 150 ch SAE, 0-60 mph en moins de 9 secondes.
1970 : Une transmission automatique est désormais
disponible. Le couvre-culasse porte l'inscription "Nissan
OHC" à la place de "Nissan 2400 OHC".
Moins d'une année après sa commercialisation, son
succès est tel qu'en occasion que la cote est plus élevée
que le prix neuf de 1969 !
Bob Sharp et Pete Brock engagent une Datsun 240 Z en championnat
SCCA pilotée par John Morton. Ils remportent le championnat.
1971 : En janvier, Datsun apporte quelques modifications
sur ses coupés 240 Z : taille de pneus modifiée, nouveaux
aérateurs de chauffage, détails d'équipements
et de confort, instrumentation revue
En septembre, quelques modifications de détails sont encore
apportées à la Datsun 240 Z.
John Morton remporte le titre pilote du championnat C.
La Datsun 240Z remporte le très exigeant et cassant East
African Safari.
1972 : Le BRE (Brock Racing Enterprises) remporte une seconde
fois consécutive le championnat C.
1973 : C'est la fin de la Datsun 240 Z après 116 712
exemplaires produits. Le six cylindres passe à 2,6 litres
et la Datsun devient la 260 Z.
PRODUCTION NISSAN 240Z
1969 : 523 exemplaires
1970 : 17 740 exemplaires
1971 : 38 371 exemplaires
1972 : 58 053 exemplaires
1973 : 50 452 exemplaires
TOTAL : 116 712 exemplaires
::
CONCLUSION
La Datsun 240 Z est une allumeuse ! Elle promet plus par
sa plastique avantageuse que par les performances qu'elle offre réellement.
Cela dit, c'est une auto attachante et une vraie sportive à plus d'un titre.
Elle a pour elle notamment un compromis sport, confort et usage quotidien compatible,
ce qui est assez rare sur des coupés sportifs pour être souligné.
En plus, sa cote est aujourd'hui au plus bas ce qui permet à l'amateur
de trouver un exemplaire sans se fâcher avec son banquier. Mais comme souvent
dans le milieu de la voiture ancienne plutôt rare en France, il faudra se
montrer patient et trouver une auto saine, sans corrosion...
CE
QU'ILS EN ONT PENSE :
"Le comportement routier de la Datsun est proche
de la neutralité, en raison de sa répartition des masses entre l'essieu
avant et arrière ainsi que ses géométries de suspensions.
L'emploi de suspensions de type McPherson permet de conserver un certain confort
tout en offrant une tenue de route efficace, même en appui."
AUTO
CAR - Septembre 1972 - Datsun 240Z. |