LA REINE DES SORTIES CIRCUIT
Avec le développement des ventes de Porsche 911 dans le monde entier,
et les ambitions toujours grandissantes de Porsche pour son modèle fétiche,
de nombreuses entraves au sport intégriste sont apparus sur la gamme 911
: TC, PSM, Tiptronic, 4 roues motrices
Alors pour continuer à affirmer
la sportivité de ses modèles, Porsche a développé
depuis plusieurs générations de 911 un label digne héritier
des légendaires 911 2.7 RS : les GT3. La 996 GT3 avait déjà
connu en son temps une évolution, puis une ultime version RS encore plus
intégriste et adaptée aux sorties circuit. Avec la nouvelle gamme
997, Porsche a remis les pendules à l'heure pour mieux affirmer sa présence...
Texte : Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
Carrera, RS et désormais
GT3 sont des appellations qui éveillent immédiatement l'attention
des amateurs de vraies voitures de sport. Par " vraies voitures de sport
" on entend à la rédaction de L'Automobile
Sportive des autos qui sont capables de tourner des heures entières
sur circuit et repartir par la route sans avoir pour autant détruit le
moteur, les freins et la transmission. Sans remonter jusqu'à la 911
2.7 RS, ou encore les 964
Carrera RS, c'est avec la Porsche
911 type 996 que s'est établit une certaine hiérarchie des différentes
versions de 911. Cette hirarchie a été établie dans l'esprit
des clients et dans les catalogues. Face en effet à une ambition croissante
de Porsche dans ses ventes mondiales de 911, il fallait jongler habilement entre les aides
à la conduite pour rassurer les nouveaux clients qui ne rouleront jamais
sur circuit, et les clients qui n'achetaient pas une Porsche pour la frime ou
le luxe, mais bien pour le sport auto ! Dur à accepter en effet pour les
adhérents du Club Porsche de France de sentir leur roue arrière
se freiner toute seule (satané PSM !) sur leur 996 Carrera dans Epoisses
sur le circuit de Dijon-Prenois ! Qui est alors le maître à bord
? L'électronique ou le pilote ? Pour ces accrocs de la conduite maîtrisée
et non surveillée, Porsche a donc répondu à leurs attentes
à l'époque avec la version GT3.
Plus sportive, allégée, un moteur qui monte plus dans les tours
et un châssis optimisé ont eut vite fait de lui donner un véritable
statut de star des sorties circuit. La 996 turbo étant plus dévolue
à une utilisation de type Grand Tourisme, bien que ultra performante et
efficace, la GT3 a su conquérir le cur des porschistes. Une évolution
a encore optimisé la 996 GT3 qui a terminé sa carrière en
beauté avec la très intégriste et exigeante version GT3
RS. Amateurs de confort, s'abstenir ! Sur sa nouvelle gamme 997,
Porsche poursuit son programme avec simultanément la nouvelle 997 GT3 et
la nouvelle 997 Turbo. La première nommée, qui nous intéresse
ici sera prochainement secondée par une version RS encore plus affûtée.
Mais après avoir pu découvrir en détail cette nouvelle GT3,
on peut s'interroger sur le niveau qu'offrira la future GT3 RS
Certainement
une autre planète !...
DESIGN
La toute première
996 GT3 conservait son allure un peu gracile et élégante des 996
Carrera. Sur la 997, oubliez vite cette élégance de bon aloi, car
Porsche a taillé un costume sur mesure pour sa nouvelle égérie.
En effet, les ingénieurs de Zuffenhausen sont partis d'une coque de 997
Carrera 4 mais ont laissé en revanche les ailes " étroites
" des versions deux roues motrices. Ce choix qui peut laisser perplexe au
premier abord a permis ainsi de loger un réservoir d'essence plus gros
(90 litres contre 64 litres pour une Carrera S) à la place du différentiel
des versions intégrales. Sur cette coque sont venus se greffer bon nombre
d'éléments qui trahissent rapidement les ambitions de l'engin !
Le bouclier avant au dessin tant agressif que suggestif est largement perforé
(pas moins de sept orifices !) pour aérer freins et mécanique. Devant
le capot avant se trouve une fente (comme sur les 996 GT2) qui permet d'évacuer
l'air traversant le radiateur central afin que celui-ci passe sur l'auto et non
plus sous l'auto. On le voir, aucun détail n'est présent pour des
raisons esthétiques. C'est avant tout le fonctionnel et l'efficace qui
ont dicté leur loi aux designers qui ont ensuite composé au mieux
leurs crayons et CAO sur ordinateur pour conserver une véritable empreinte
à votre rétine à la vue d'une GT3! D'ailleurs le Cx remarquable
de 0,29 (contre 0,30 à la précédente génération)
parle de lui-même. Les ailes ne sont donc pas plus larges que sur une Carrera
S, mais les larges jantes au dessin typique " GT3 " participent à
cette sensation de largeur de hanche accrue. Des hanches qui précèdent
une croupe surplombée par un aileron plus copieux que sur les générations
de 996, tout en s'offrant le luxe de générer plus d'appuis et moins
de résistance à l'air. Petit luxe suprême, il est inclinable
de 3 ou 6°! Le bouclier arrière est lui aussi très aéré
pour permettre au flat 6 de respirer à sa guise, et on notera l'échappement
central alors qu'il est double et de chaque côté sur la version Turbo.
Une fois installé dans les sièges de cette GT3, vous aurez peut
être du mal à en sortir si votre auto est équipée de
l'option ClubSport avec les sièges baquets carbone (qui permettent un gain
de 10 kilos chacun). Mais ce qui surprend le plus c'est la présentation
très sport et luxe de la GT3. C'est évidemment très bien
fini, et présenté de manière très racing (Alcantara,
cuir, alu
), mais assez curieusement l'équipement est plutôt
richement doté de série ou en option : climatisation, GPS, pack
audio, phares au xénon, toit ouvrant, sièges sport adaptatifs
Et dans le cas où vous auriez la main lourde, surtout en France, on ne
comprend plus très bien l'intérêt d'opter pour une GT3 "
full option " et l'alourdir ainsi de divers équipements. Question
de cohérence car dans ce cas, mieux vaudrait opter pour la Turbo ou une
Carrera S. Quelques équipements sont tout de même propres à
la GT3 comme la suppression des bacs de portières remplacés par
des mousses anti-chocs. Mais où est donc passé le câble des
antiques 964 RS qui faisait office de commande d'ouverture de portes, à
l'instar d'une Ferrari F40
La position de conduite est excellente avec une
ergonomie sans faille adaptée à la conduite sportive. En véritable
sportive qui se respecte, le compte-tours domine le bloc d'instruments et la 997
enterre définitivement la planche de bord abandonnée après
la génération 993 qui datait de
la première 911 des
années 60 ! Faut bien évoluer avec le temps et lorsque c'est bien
réalisé et justifié, il convient de l'applaudir des deux
mains.
MOTEUR
Les ingénieurs motoristes de Porsche n'ont
plus grand-chose à prouver après les diverses réalisations
en course ou sur les modèles routiers. Si une Carrera S bénéficie
d'une cylindrée de 3,8 litres pour plus de performances comparées
aux Carrera " standard ", les motoristes sont repartis de la base du
Flat 6 de 3,6 litres pour des raisons éligibilité dans certaines
épreuves en compétition. Mais n'allez pas croire que votre "
simple " 977 Carrera a donné son (votre ?!) moteur à la dernière
GT3. Tout est nouveau ou presque à commencer par le niveau de performances
atteint : 415 ch à 7600 tr/mn et 41, 3 mkg de couple à 5500 tr/mn.
La première tâche des motoristes comme souvent sur les mécaniques
de hautes performances est de réussir à concilier légèreté
des pièces mobiles et résistances à l'effort de ces dernières.
Le vilebrequin a donc été allégé de 600 grammes, les
bielles sont en titane et de dimensions différentes pour mieux faire travailler
le vilebrequin tandis que le piston a perdu environ 30 grammes. Cette légèreté
optimisée de l'équipage mobile permet ainsi de réduire l'inertie
d'action. Un régime maxi de 8000 tr/mn est donc envisageable ! Le haut
moteur a également profité des attentions des ingénieurs
avec un taux de compression supérieur (12,0:1), des culasses au refroidissement
optimisé et un calage variable des arbres à cames différent.
L'admission, la gestion moteur ainsi que l'échappement très sport
et très expressif sont également au programme. L'échappement,
comme toutes les GT et supersportives moderne a été doté
d'un système de vannes qui s'ouvrent en grand dès 4000 tr/mn afin
de pouvoir passer les normes de bruit. Malgré ce système relativement
vicieux pour contourner la loi, il est surprenant d'avoir pu homologuer en bruit
cette GT3 tant le son moteur est présent au-delà de 4000 tr/mn (comme
sur une Ferrari
F430 ou la dernière Viper d'ailleurs !) voire même dès 3000 tr/mn ! En effet, sur le tableau
de bord vous avez un bouton avec l'inscription " sport ". Lorsque vous
l'actionnez, votre GT3 vous gratifie d'un overboost de 14 ch et 2,5 mkg supplémentaires
entre 3000 et 4250 tr/mn. L'effet est saisissant et permet d'avoir réellement
la quintessence de la mécanique à un régime inférieur,
toujours utile sur circuit dans les reprises en sortie de courbe. Pour résumer
et faire simple s'il restait le moindre doute dans votre esprit, le moteur de
la GT3 ne partage aucune pièce commune avec celui qui équipe les
Carrera. Côté transmission, la GT3 est dotée d'une classique
boîte mécanique à 6 rapports " bêtement "
manuelle
Un choix qui peut étonner de la part d'un constructeur comme
Porsche souvent à la pointe de la technique, mais qui justifie une absence
de fiabilité suffisante sur les boîtes séquentielles et robotisées
pour ses standards d'endurance et de qualité. Cette explication des dirigeants
de Porsche est acceptable puisqu'il n'est pas rare de recevoir des témoignages
de propriétaires de BMW
M3 SMGII ou de Ferrari
boîte F1 avec quelques soucis de boîtes et/ou de système
hydraulique à remplacer prématurément. Et puis, la joie de maîtriser un levier de vitesses
et un embrayage laisse toujours une appréhension d'usage et de maîtrise
face aux boîtes robotisées, aussi perfectionnées soient-elles.
Porsche annonce des performances canons pour sa GT3 version 997 avec 310 km/h
en vitesse maxi (sic !), 4,3 secondes pour le 0 à 100 km/h et 21 secondes
pour le kilomètre départ arrêté. Voilà qui met
tout le monde d'accord. Certes, ces performances ne sont pas les plus affûtées
du moment, mais avec un moteur atmosphérique de cette cylindrée
(115 ch/litres tout de même !), rares sont les autos qui peuvent lutter
à ce niveau
CHASSIS
Pour obtenir le meilleur résultat
côté châssis, il n'y a pas de secret. Il faut réussir
à obtenir le plus léger avec le plus rigide possible. Le travail
des ingénieurs a donc été payant sur la 997 GT3 avec une
coque qui est plus rigide de 8% en torsion et 40% en flexion. Ce travail nécessaire
permet ainsi de laisser les suspensions et les pneumatiques travailler plus efficacement.
Les trains roulants notamment sont abaissés de 30 mm et ont été
considérablement renforcés comme sur les modèles de compétition.
A noter que divers réglages sont permis en fonction des roues retenues
pour tourner sur circuit et du style de pilotage du pilote ! Barres anti-roulis
et triangles sont aussi réglables pour modifier le carrossage. Une bonne
chose pour les amateurs exigeants. Le système PASM est monté de
série et offre 2 lois de programmes. Le programme standard est plus conçu
pour un usage route et fait merveille. N'attendez pas toutefois un confort d'un
pullman, mais en revanche côté tenue de route, difficile de faire
mieux. Mais pour les sorties circuit, le mode " sport " permet de durcir
considérablement le tarage des suspensions donnant presque l'impression
d'avoir la possibilité de choisir entre deux suspensions tant la différence
est flagrante. Ainsi dotée, la GT3 est totalement rivée au sol.
Sur route ouverte, il est très difficile pour ne pas dire impossible de
trouver ses limites. Ou alors il faut jouer avec le transfert des masses au freinage
ou alors prendre un pari et disposer de toute la largeur de la chaussée.
Les roues sont d'autant mieux plaquées au sol que le Traction Control est
en série (le même système que sur la Carrera GT !) et doté
de lois de programme suffisamment permissif pour jouer avec la GT3 sans pour autant
se retrouver confus dans le fossé
Les larges pneus de 235/35 ZR 19
à l'avant et 305/30 ZR 19 à l'arrière déclarent rarement
forfait et peuvent être remplacés par des gommes plus typées
circuit, les trains roulant ayant été prévus à cet
effet comme l'était la 996 GT3 RS. Sous ces gommes sont cachés quatre
disques ventilés de 350 mm de diamètre complétés par
un ABS. Pas de doute, la qualité des décélérations
nous rappelle si besoin était de la spécialité de la maison
Porsche. Cependant, il est possible encore de faire mieux avec l'option freins
PCCB au tarif indécent de 8754,72 euros (!). Avec ses freins en composite,
impossible alors de prendre le freinage en défaut car la plupart du temps
vous n'oserez pas freiner aussi tard que le permet ce système et surtout
de manière répétée. Comme toutes les Porsche modernes,
il n'est pas utile de savoir piloter pour faire évoluer cette somptueuse
sportive dans le trafic. En revanche, sur circuit, les capacités de cette
GT3 sont telles qu'il faudra posséder tout de même quelques connaissances
afin de pouvoir se jouer du léger sous-virage en entrée de courbe
puis placer le nez à la corde en soulageant les freins et l'accélérateur
pour remettre pleins gaz dès que le nez est placé sur la trajectoire.
Du grand art pour connaisseur, à des vitesses déjà conséquentes
Porsche et circuit sont plus que jamais synonymes avec cette nouvelle GT3 !
::
CONCLUSION
Chez Porsche, la GT3 est désormais la sportive ultime
du lot à tous les niveaux : moteur et châssis. La preuve ? La dernière
997 turbo présentée en même temps que la GT3 et pourtant forte
de 480 ch se fait prendre 7 dixièmes de secondes au tour sur la très
sélective boucle du Nürburgring avec Walter Röhrl au commandes
! Plus rigide, plus efficace encore mais plus civilisée que les 996 GT3,
la génération 997 se permet le luxe d'obtenir l'efficacité
de la très exigeante et éphémère 996 GT3 RS, avec
les qualités de confort des Carrera ou presque ! Mais justement, pourquoi
diable tant de confort et d'équipements sur une telle auto ? Tout simplement
parce que la future GT3 RS est en préparation
Le sans faute donc
pour la nouvelle GT3 avec juste un budget pas à la portée de tous.
Le prix de l'exclusivité et de la légende...
CE
QU'ILS EN ONT PENSE :
"La nouvelle 997 GT3 est une véritable
voiture de course de " route " qui ne peut être exploitée
pleinement que sur circuit, mais elle offre un tel plaisir de conduite que, moi
qui suis bien connu de ma passion des " vieilles " 911, je me suis demandé
pour la première fois s'il n'y aurait pas moyen de prendre un crédit
sur 20 ans pour m'offrir ma première Porsche neuve qui me fasse vraiment
envie."
RS Magazine - Juin 2006 - Porsche 911 (997) GT3.
"La
nouvelle GT3 offre des remises en vitesse sensiblement supérieures à
celles de la précédente version, qui n'avait rien d'un poumon, doit-on
le rappeler. L'efficacité générale est donc revue à
la hausse, rien de surprenant. Plus étonnant en revanche : la nouvelle
mouture pardonne davantage les erreurs. Porsche réussit en effet à
concilier l'inconciliable en conjuguant une efficacité absolue et une relative
facilité de conduite. Côté amortissement, il faudra néanmoins
composer avec un réglage tendance ultra-ferme. Posrche reconduit mais adapte
le système PASM inauguré par la série 997."
Sport
Auto - Juin 2006 - Porsche 911 (997) GT3.
"Les
freins céramiques PCCB sont tout simplement stupéfiants. Lorsque
l'on écrase la pédale centrale, la stabilité de la GT3 est
imperturbable. Au fur et à mesure que la confiance grandit, le sous-virage
devient plus présent mais il n'impose pas de ralentir la cadence. Et rapidement,
on arrive à en jouer. Il est possible d'entrer dans un virage semi-rapide
sur un filet de gaz, et de sentir l'arrière orienter l'avant de la voiture
vers la corde. Il suffit alors de lever simplement le pied, de réduire
l'angle de braquage et on sort tout en glissade. Fantastique. Bien entendu, si
on est pas adepte des équilibres pointus, on peut s'accommoder de la GT3
à sa façon."
Evo - Juin 2006 - Porsche 911 (997) GT3. |