AVANT L'HEURE, C'EST PAS l'HEURE...
Après seulement 16 mois d'existence,
l'Avantime de Renault a quasiment rejoint le musée. Une carrière
extrêmement courte, commencée par un lancement râté et conclue
par une faillite industrielle. Pas étonnant alors qu'il n'ait été
produit qu'à 5000 exemplaires et que, de ce fait, le premier "coupé-space"
de l'histoire soit d'ores et déjà entré dans
le monde de la collection...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
1984, en pleine folie "GTI", les
ingénieurs de Matra réussissent à convaincre les responsables de
Renault que l'automobiliste attend une nouvelle façon de vivre la
voiture. L'Espace est conçu pour eux et la recette rencontre
finalement le succès pour ensuite être moultes fois déclinée
par tous les constructeurs du monde ou presque. Une trouvaille tellement
juteuse, que Renault finit par se l'approprier totalement en décidant
de produire lui-même la 4ème génération d'Espace, pour causes
invoquées de fiabilité et de qualité, et de façon moins avouée,
de rentabilité. Du même coup, c'est toute un usine qui va
se retrouver privée d'activité. Philippe Guédon, le patron
de Matra
Automobile trouve alors une piste pour rebondir, en constatant que
depuis la fin de la décennie 90, la berline traditionnelle
perd du terrain sur tous les segments, sous l'effet de la concurrence
des monospaces principalement. Par extrapolation, Matra va donc
anticiper sur le fait que la catégorie des coupés sportifs
devrait céder à son tour à la tendance du "monocorps".
Dans cette vision d'avenir avangardiste, Matra invente alors l'Avantime,
un véhicule de niche qui crée un style inédit,
et un nouveau segment sur le marché, à la lisière des monospaces,
des coupés de luxe, des SUV et même des cabriolets ! Le "coupéspace",
ce monospace à deux portes, doit séduire une clientèle moderne
et anti-conformiste dans le haut de gamme, ceux que l'on appelle
les "bobos", les bourgeois bohèmes. Renault voit
alors en l'Avantime, le parfait véhicule d'image dont il a besoin
pour s'introduire sur le marché du haut de gamme avec ses futurs
modèles et préparer le public à son nouveau
Design.
DESIGN
On nous l'avait assuré, le dessin du concept car qui avait
fait sensation à Genève en 1999 était proche
à 95% de celui du véhicule qui devait être commercialisé
dès l'année suivante. La stratégie de Renault
étant, à l'inverse celle PSA, de conquérir
le haut de gamme sans attaquer les allemands de front sur ce qu'ils
savent faire de mieux. Pour cela, Renault a fait de linnovation
son cheval de bataille, jusqu'à en revoir son slogan (le
"créateur d'automobile" étant né
avec Avantime), et entend bien convaincre les clients par la "différence".
Dès lors, toute la nouvelle communication de la régie
va préparer le terrain avec un spot très artistique,
mettant en scène un autre créateur français
bien connu à travers le monde, Jean-Paul Gauthier. On aime
ou pas, mais force est de constater que dans les salons, comme dans
la rue, l'Avantime est loin de laisser indifférent ! Renault
peut être satisfait : le pari de la "voiture image",
est gagné. Pourtant, technologiquement, l'Avantime n'est
pas si nouveau qu'il en a l'air puisqu'il est basé sur l'Espace
3, dont il reprend près de 50% des pièces basiques. Son ticket d'entrée
(1,4 Milliard de francs), est finalement assez modéré, les investissements
demandant une rentabilité rapide. Par rapport à l'Espace,
l'Avantime est plus long de 12 cm, plus large de 7 cm et plus bas
de 10 cm, mais il conserve le même empattement de 2m70. Si
la face avant est plutôt sobre, l'arrière est en revanche
très typé avec sa grande lunette arrière arrondie,
inspirée du concept car Vel Satis. Si le concept-car était
bien posé sur de grosses jantes de 20" de diamètre,
il en est autrement avec la voiture de série dont les jantes
de 16 ou 17 paraissent presque petites. Il en résulte un
profil plutôt massif, à peine allégé
par la partie haute de la structure en aluminium "brut".
Un choix technique qui vise surtout à servir l'image "high-tech"
du modèle plutôt qu'à alléger la voiture...
De même, les panneaux peints de la carrosserie sont en matériau
composite, comme sur l'Espace. Pour ne pas entraver l'accès
à bord, le pied milieu a été supprimé
et une cinématique complexe d'ouverture des portières,
longues de 1m40 et lourdes de plus de 50 kg, permet de dégager
l'ensemble de l'habitacle. Monter à bord, et notamment à
larrière, ne présente pas de difficulté
particulière et le mouvement est facilité par la descente
automatique de la vitre de custode et le basculement du siège
avant. L’habitacle spacieux offre alors quatre fauteuils individuels,
dont la ceinture intégrée au dossier s'avère
fort pratique. Pourtant, si on regarde bien la carte grise du véhicule,
il apparaît que l'Avantime est bel et bien homologué pour
5 personnes... on plaint le cinquième laron ! Mais ce qui
constitue probablement la plus grande prouesse technique, c'est
l'abondance des surfaces vitrées et l'absence de montants
latéraux. Le pavillon entièrement vitré fait
dire aux responsables du projet que l'Avantime, avec le toit ouvert
et les vitres latérales abaissées, grâce à
la fonction "grand air", procure le plaisir hédoniste du
cabriolet. Et en effet, la luminosité intérieure et
la visibilité sont incroyables. En revanche, dans ce cas
les turbulences sont nombreuses à bord, et le bruit assourdissant.
A ce sentiment d'espace, s'ajoute une excellente position de conduite
réglable en tout sens, dominant la route et bénéficiant d'une vision
panoramique appréciable. On entre là dans le type de conduite
propre aux monospaces et loin d'être désagréable. Pour l’habillage
intérieur, la combinaison du cuir, de l’aluminium et du tissu allie
luxe et discrétion mais la qualité de fabrication reste dans
la moyenne de la marque. La planche de bord, avec une instrumentation
digitale centrale, comprend un écran de guidage et de navigation
complété par des informations multimédia. Les passagers arrière
disposent d'un lecteur DVD et de deux écrans 16/9ème intégrés aux
dossiers des sièges avant. Au niveau des critiques, soulignons le
dessin particulier du hayon, qui le rend très peu pratique
à utiliser. En effet, le seuil de chargement se révèle
trop haut perché. Le volant, non réglable en hauteur, est
peu agréable en mains. Certains joints, nécessaires au bon
ordonnancement des surfaces vitrés, ne sont pas non plus un modèle
de finition. Mais une chose est sûre, l'Avantime est une véritable
invitation au voyage et c'est un véhicule qu'on a tout de
suite envie d'essayer !
MOTEUR
Côté motorisation, le "coupé-space"
de Renault aura eu le désavantage d'être en vente uniquement
avec le 6 cylindres PR (Peugeot/Renault) au début de sa commercialisation.
Un lourd handicap que l'Avantime doit à sa plate-forme ancienne,
qui malheureusement le privait de motorisations plus huppées,
pourtant envisageables grâce à l'alliance avec Nissan
(V6 3,5L). Loin d'offrir un tempérament sportif, le V6 3.0
français de 210 ch offre toutefois des prestations routières
satisfaisantes. Malgré ses 1768 kg à vide, la voiture
passe de 0 à 100 en 8,6 sec et atteint 220 km/h malgré
une surface frontale de camionnette. Malheureusement, au royaume
du Diesel, un V6 sans caractère ne fait guère recette
auprès des amateurs de sportives, ni auprès des grands
voyageurs. En clair, le V6 3.0 n'intéresse personne ! Il
faudra donc attendre la fin de l'année 2002 pour voir apparaître
un plus modeste 4 cylindres en ligne 2l turbo et une boite automatique
avec commande impulsionnelle, qu'il aurait d'ailleurs été
souhaitable de proposer dès le lancement avec le V6. Apparu
pour la première fois sous le capot de la Vel Satis, le nouveau
2 litres Turbo basse pression (0,6 bar) délivre 165 ch à
5000 tr/min et un couple de 250 Nm entre 2000 et 4250 tours. Sous
des apparences peu flatteuses (rapport poids/puissance = 10 !),
il permet à l'Avantime 2.0 T 16V d'aligner des chronos guère
éloignés de ceux du V6 à boîte manuelle,
pour un budget global largement inférieur. En dehors de la
vitesse de pointe (198 km/h contre 223), l'écart en accélération
est bien moins significatif (30,6 contre 30 secondes) et l'exercice
tourne même à l'avantage du 2 litres lorsqu'il s'agit
des reprises à mi-régime ! Là, il profite non
seulement du souffle du turbo, mais aussi de son poids inférieur,
la différence pouvant aller jusqu'à 100 kg sans option.
Car le 2 litres turbo nous est apparu alerte et plus maniable que
le V6. Ajoutons que la boîte manuelle à six rapports
livrée avec le V6 est précise et d'une extrême
douceur. Même cette dernière n'autorise pas une conduite
sportive à cause de sa relative lenteur lors du passage des
rapports. Une bonne raison pour ne pas hésiter dans le cas
de l'achat d'une version V6, à prendre la boîte automatique.
Le 3 litres de 210 ch est associé à la boîte
Aisin Warner à 5 rapports dont la gestion électronique
"Proactive" est rarement prise en défaut. La douceur
de fonctionnement, la rapidité et la fluidité des
changements de rapport, la fonction rétrogradage en freinage
appuyé et maintien du rapport engagé en cas de lever
de pied rapide... autant d'aptitudes qui rendent pratiquement superflue
la fonction manuelle de type séquentiel. Bien sûr,
la consommation de carburant est un peu supérieure à
celle de la version à boîte manuelle. Mais l'onctuosité
du V6 y est ici mieux encore mise en valeur, alors que le poids
du modèle semble moins perceptible, sans doute du fait de
l'absence de rupture de charge lors des changements de rapports.
En revanche, le moteur est quasiment inaudible car l'insonorisation
a été particulièrement soignée et donc
encore plus avare en sensations. Dommage pour un 6 cylindres...
CHASSIS
Paradoxe supplémentaire, les ingénieurs de Matra on
fait un travail si remarquable au niveau des trains roulants que
lAvantime est aussi efficace qu'une berline. Le tarage adapté
des amortisseurs, le traitement du roulis avec notamment une barre
anti-dévers de 29 mm ainsi que la garde au sol de 14 cm rabaissée
de 2 cm par rapport à l'Espace en font une voiture dotée
de prédispositions quasi sportives, bien que les suspensions
soient perfectibles dès que la chaussée se dégrade.
Mais son comportement routier reste sous-vireur (rassurant mais
pas sportif) ainsi l'ESP livré en série et déconnectable
et qui sait se faire très discret n'aura pas souvent l'occasion
d'agir sur les roues avant !Le roulis semble bien maîtrisé
compte-tenu de la hauteur d'assiette et seul le freinage puissant,
confié à de gros disques Brembo, fait perdre son assiette
à la voiture. Pour le reste, on retrouve les caractéristiques
communes à toutes les versions du modèle: une aisance
certaine sur les itinéraires rapides, un comportement un
peu plus pataud dans le serré, un confort de haut niveau
sur les grands axes bien revêtus, mais un filtrage assez médiocre
sur les revêtements dégradés, accompagné
de réactions franchement perceptibles du train arrière,
directement dérivé de celui de l'Espace. La direction
est suffisamment légère pour ne pas handicaper l'Avantime
en ville, mais les variations d'allure ainsi que l'assistance à
haute vitesse sont moins convaincantes. Côté sécurité
passive, l'Avantime dispose d'un ADN convaincant et de gênes
qui ont fait leur preuve sur l'Espace (quatre étoiles aux
tests EuroNcap). La rigidité transversale a été
accentuée et les sièges avant sont à ceinture
intégrée par absence de pied de milieu. L'Avantime
et sa batterie d'airbag rassurent. Sur ce plan, l' Avantime se révèle
du même et bal acabit que l' Espace. De la belle ouvrage...
c'est vraiment dommage que le moteur soit si décevant et
la boîte si mal conçue... car l'Avantime, très
réussie sur le plan de la rigidité grâce à
sa structure galvanisée à chaud, procure un réel
plaisir de conduite.
ACHETER UNE
RENAULT AVANTIME
Plus d'un an après la présentation du concept car à Genève
en 1999, les premiers exemplaires livrés à la presse pour les essais
ont révélé des défauts de qualité très mal perçus, notamment
au niveau des joints de vitres et des assemblages, obligeant les
responsables du projet à retarder le lancement officiel malgré
la diffusion du spot publicitaire sur les écrans de télévision,
pendant de longs mois... L'Avantime souffre également à
sa sortie du seul choix de la motorisation V6 3.0L et d'un prix
de vente prohibitif, une erreur stratégique que Renault répare
plusieurs mois après, avec le 2.0L Turbo et surtout, le Turbo-Diesel.
Mais il est déjà trop tard. Après seulement
2 ans de commercialisation, Matra automobiles ferme ses portes et
Renault abandonne le "coupé-space". Qu'en est-il
aujourd'hui ? L'Avantime demeure un marginal. Pas vraiment bien
côté en occasion, l’Avantime est une excellent voiture,
rare, mais abordable. 50% des modèles étant animés
par le moteur Dci, la demande sur le V6 se fait peu soutenue. La
version 2.0L Turbo est moins chère mais à ce tarif,
le client ne dispose toutefois pas du fameux toit ouvrant panoramique
en verre. Il est remplacé par un élément classique
inséré dans un pavillon entièrement opaque.
Comptez au moins 20 000 Euros pour un Avantime V6 Dynamique, modèle
2002 pas trop kilométré, et un peu plus pour une version
2.0 Turbo de la même année, encore plus rare. En finition
Dynamique ou Privilège, l'acheteur potentiel dispose avec l'Avantime
du véhicule au plus fort potentiel image du marché et d'un véhicule
collector qui n'en est pas moins récent et moderne, dépourvu
de gros défauts et affranchi d'une électronique trop
élaborée, vous pourrez même parfois en trouver
encore sous garantie !
:: CONCLUSION
Il est de notre avis que le "coupéspace" est né
trop vite, trop tôt. La réalisation de Renault, un
peu bâclée, conjuguée à une préparation
du public qui aurait demandé plus de temps et à une
offre marketing mal étudiée n'ont pas laissé
sa chance à l'Avantime. Dommage, car Matra automobile en
a terriblement souffert. Mais pour ce qui est du concept, nul doute
que l'avenir pourrait bien le voir ressurgir sous des formes à
peine différentes. Alors, si vous en êtes aussi convaincu,
il est encore tant de vous offrir le pionnier du genre, rare voiture
de collection que l'on peut encore trouver presque neuve !
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Il se dit qu'après avoir pensé à sa famille,
l'automobiliste plus âgé peut enfin s'offrir un coupé.
Matra dit également que le conducteur d'un monospace ne peut
redescendre au ras du sol. original, onfortable, agréable
et pratique, le coupéspace met alors dans le mille..."
LE MONITEUR AUTOMOBILE - GUIDE D'ACHAT 450 ESSAIS 2002. |