FEU... DE PAILLE
Renault tient absolument à assurer une descendance pour
ses coupés Renault 15 et Renault 17. C'est la Renault Fuego
qui va endosser de ce rôle. Un rôle qu'elle tiendra
avec un succès mitigé en raison d'une curieuse chronologie
d'apparition des modèles. Souhaitant trop ancrer son coupé
Fuego sur le marché des coupés populaires, en pleine
vague des GTI, le lancement du coupé Renault Fuego Turbo
Essence interviendra trop tard pour pérenniser et dynamiser
les ventes. Finalement, Renault avait eut raison trop tôt
avec sa stratégie Fuego puisque tous les constructeurs ou
presque proposent des coupés déclinés en véritable
gamme, motorisations diesel comprises...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
C'est Robert Opron, le directeur du Centre Style Renault
(ex-designer de Citroën)
qui a lancé le premier l'idée d'un coupé haut
de gamme pour remplacer les Renault 15 et 17. Son idée au
départ était de partir sur la base de la Renault 30
et de le motoriser avec le V6 PRV. Mais, la direction de la Régie
ne l'entendait pas ainsi et souhaitait au contraire prolonger le
même concept des Renault 15 et 17 : des coupés populaires
ratissant le plus large possible. Cela sera peut être une
des rares erreurs de Renault sur la Fuego, puisque lorsque le futur
coupé de Renault sera commercialisé, la mode des GTI
et des performances sera prépondérante sur le marché.
Difficile alors de construire une image pour un coupé avec
un moteur 1,4 litres de 64 ch seulement (pour les versions TL et
GTL). C'est donc la berline Renault
18 avec ses mécaniques et sa plateforme qui servira de
base à la Fuego. Cela explique en partie des délais
de conception et développement relativement courts de 48
mois. Présentée initialement dès février
1980, la Renault Fuego sera donc commercialisée uniquement
avec trois moteurs et trois finitions. D'ordinaire, on dévoile
souvent les modèles les plus puissants et prestigieux pour
bâtir l'image, puis ensuite on élargit vers le bas.
Avec la Fuego, la Régie fait l'inverse. Il faudra donc attendre
septembre 1983 pour voir enfin apparaître au catalogue une
version performante : la Renault Fuego Turbo essence. Avec ses 132
ch et ses performances, elle remettait les pendules à l'heure.
Mais il est bien tard et les ventes de Renault Fuego, tous modèles
confondus, sont en chute libre. La gamme sera retirée du
catalogue Renault en France deux ans plus tard en 1985
DESIGN
C'est sur les propositions de Michel Jardin dès 1976 à
la demande de Robert Opron que la Renault Fuego verra ses lignes
couchées sur le papier. Toutefois, les premières propositions
sont jugées trop futuristes et seront remaniées en
conservant l'esprit original. Le résultat, surtout à
l'époque, est jugé très flatteur. La ligne
est alors très moderne et aérodynamique. Son Cx est
de 0,34, une belle performance qui à l'époque avait
un réel impact dans l'esprit du public. De nombreux détails
sont novateurs sur le design de la Renault Fuego à commencer
par l'intégration particulière des pare-chocs. Cette
solution d'avoir le pare-choc qui part du dessous de la caisse jusqu'à
la base des feux, sera d'ailleurs reprise par la Renault 25. Des
phares additionnels sont ajoutés dans le bouclier avant.
Son hayon bulle, également un aspect innovant, peut être
mis en parallèle avec l'option retenue par Porsche
5 ans plus tôt sur sa Porsche 924. La ligne générale
de la Fuego est très dynamique et a séduit très
rapidement le public sur les premières années avant
de tomber en désuétude. Peut être l'impact négatif
des petites motorisations ? La Renault Fuego dans sa variante la
plus sportive et performante, la Turbo essence, diffère du
reste de la gamme par quelques détails : jantes alu de 14
pouces BBS en nid d'abeille, logos " Turbo " sur la calandre,
lettrages en gros " TURBO " sur les flancs et sur la lunette
arrière.
A BORD DE LA FUEGO TURBO
L'habitacle de la Renault Fuego est d'un dessin
très classique et est très lumineux par les larges
surfaces vitrées. En revanche, la finition est de piètre
qualité, quoi que bien dans le ton de l'époque chez
Renault. Les planches de bord des versions Turbo Essence diffèrent
de celles des premiers modèles de 1980 (les planches de bord
ont été redessinées en juillet 1983) avec une
console centrale qui rejoint le combiné d'instruments. Toute
la présentation de la Renault Fuego Turbo essence est spécifique
et sportive : volant sport en cuir, sellerie velours grise avec
liserés rouges, équipement amélioré
A noter que les Fuego Turbo pouvaient recevoir en option la fameuse
chaîne hi-fi Renault si prisée à l'époque.
MOTEUR
C'est le moteur déjà vu sous le capot de la Renault
18 Turbo, le type 807 de 1565 cm3, qui est installé dans
la Renault Fuego Turbo essence. Si sur la Renault 18 après
avoir développé 110 ch, il développe 125 ch
à partir de 1982, Renault souhaitait que sa Fuego soit plus
sportive et affirmée que la berline dont elle dérive.
La pression du turbo est donc portée à 0,75 bars (contre
0,6 bars sur la Renault 18 Turbo) et un petit ventilateur équipe
l'échangeur air-air pour en améliorer l'efficacité.
Le résultat est là avec 132 ch à 5500 tr/mn
et 20,4 mkg à 3000 tr/mn. Mais plus que les simples chiffres,
c'est également le caractère du moteur qui est transfiguré.
Si la Renault 18 Turbo 125 ch offre un moteur avec un turbo très
lisse (comprenez peu d'inertie à bas régime), la Fuego
est plus agressive. Puisque la pression du turbo a été
augmentée, que le rapport volumétrique est en baisse
le moteur de la Renault Fuego Turbo essence est plus pêchu
dans les tours et offre plus d'inertie à bas régime.
Le fameux effet turbo est de retour ! Les performances s'en ressentent
avec une vitesse de pointe de 200 km/h (aidée en cela par
une boîte de vitesse 5 rapports dont la 5e vitesse a été
allongée comparée à la Renault 18 Turbo 110
ch) et un kilomètre départ arrêté en
moins de 31 secondes. Cela est certes flatteur pour l'époque,
mais une Peugeot
205 GTI 1.6 ou même par la suite une Renault
Supercinq GT Turbo sont autant si ce n'est plus performantes.
Dur à accepter
CHASSIS
Quelques innovations ont également marqué la partie
châssis sur la Fuego, notamment sur le train avant à
déport négatif. Ce système, déjà
inauguré sur les Renault 20 Diesel permet de diminuer les
réactions parasites dans la direction ainsi que la longévité
des portes-fusées. La compacité de ce principe permet
également de diminuer le poids des masses non suspendues.
En revanche, côté innovation, il ne faut pas se tourner
vers l'arrière. Le train arrière est en effet repris
intégralement à la Renault 18, lui-même repris
des Renault
12. C'est donc bien un essieu arrière rigide que Renault
a monté sur sa Fuego Turbo essence ! L'un des rares avantages
d'un tel système est un poids encore contenu de l'ensemble.
Mais globalement, la Fuego la plus véloce sera louée
pour sa tenue de route et fera vite oublier ce train arrière
anti-diluvien sauf pour les pilotes en herbe. Mais ces derniers
roulaient-ils seulement en coupé Renault turbocompressé
?... Un système de freinage à circuit en X (inauguré
chez Renault également sur la Renault 20 Diesel) avec quatre
freins à disques (dont ceux avant ventilés) autorisaient
alors des bonnes décélérations.
LA
FUEGO GTA
Renault ira assez loin dans la durée
avec son coupé Fuego. Les chiffres de vente ayant
été très en deça des objectifs,
les stocks devaient être écoulés.
C'est donc l'Amérique du sud qui va offrir une
seconde carrière à la Renault Fuego avec
la GTA. De nombreux détails de présentation
la distingue de ses soeurs européennes.
ACHETER UNE
RENAULT FUEGO Turbo
Les Renault 15 et 17 commencent tout juste à sortir de leur
période ingrate. Leur physique très typé seventies
commencent à leur donner un look rétro assez sympa
avec le recul. Mais il aura fallut plus de 30 ans de traversée
du désert, de moqueries et de saccages pour qu'elles réapparaissent.
La Renault Fuego Turbo essence est également concernée
par ce phénomène. Toujours pas sortie de cette période
ingrate pour les autos qui ne sont plus vraiment des occasions et
par encore des autos de collection, les Renault Fuego Turbo essence
commencent à jouir cependant d'une petite estime auprès
des amateurs de Renault sportives. Il faut donc compter environ
3500 euros pour un exemplaire en bel état. Mais ils sont
hélas peu nombreux à être entretenus avec un
historique connu et un état d'origine. Trop souvent, les
Fuego Turbo essence ne sont pas entretenues, dans un état
lamentable ou alors "kustomisées" avec des kits
carrosserie larges souvent montés dans les années
80-90. Les kilométrages affichés sont souvent conséquents,
les Renault Fuego Turbo essence ayant souvent été
achetées neuves pour être utilisées au quotidien
comme voiture principale. Leur polyvalence le permettait en effet.
La finition intérieure vieillit souvent mal avec le temps,
tandis que la mécanique est réputée solide,
tant que l'entretien requis est respecté. L'état moyen
des autos à vendre ne participe malheureusement pas à
redorer l'image de ce coupé performant et attachant. Attachant,
il l'est car il permet aujourd'hui de rouler en auto passion pour
un budget modique, et ses performances restent encore suffisantes
pour se faire plaisir. La tenue de route est saine et efficace à
défaut d'être sportive, mais on imagine mal aller sur
circuit avec une Fuego Turbo. Signe que la Renault Fuego Turbo essence
revient sur le marché de la collection, quelques rares exemplaires
commencent à être restaurés. L'interchangeabilité
des pièces avec le reste de la gamme favorise des coûts
de réfections bas. Seules les garnitures intérieures
sont, comme souvent, dures à trouver. Si l'aventure vous
tente, il est donc temps de raviver le feu sacré qui sommeille
en vous !...
CHRONOLOGIE RENAULT FUEGO
1976 : Le projet Renault Fuego démarre.
1979 : En juin, Renault arrête la commercialisation
des Renault 15 et 17.
1980 : En février, lancement du coupé Renault
Fuego, basé sur la plateforme et les mécaniques de
la berline Renault 18. 3 versions au catalogue avec Fuego TL (64
ch DIN et 158 km/h), Fuego GTL (64 ch DIN et 158 km/h) et Fuego
GTS (96 ch DIN et 180 km/h).En juillet, deux autres versions viennent
augmenter l'offre de Renault : Fuego TX (110 ch DIN et 190 km/h)
et Fuego GTX (110 ch DIN et 190 km/h).
1981 : De nombreux aménagements et améliorations
d'équipements sur toute la gamme Renault Fuego.
1982 : En juillet, la Renault Fuego TX est supprimée
du catalogue Renault.En octobre, Renault innove avec la Renault
Fuego Turbo Diesel (88 ch DIN et 177 km/h). C'est le premier coupé
à mécanique diesel.
1983 : En juillet, les Renault Fuego GTX et GTX Automatique
disparaissent.En septembre, Renault commercialise (enfin !) la Fuego
Turbo essence (132 ch DIN et 200 km/h).
1984 : En juillet, la Renault Fuego Turbo Diesel est retirée
du catalogue.
1985 : En juin, la production des Renault Fuego est arrêtée.
1992 : La diffusion des Renault Fuego à l'export est
définitivement arrêtée.
PRODUCTION RENAULT FUEGO
TOTAL tous modèles : 265 257 exemplaires
:: CONCLUSION
Véritable incomprise, la Renault Fuego Turbo essence est
certainement arrivée après la bataille pour défendre
les couleurs des coupés sur un marché focalisé
par le phénomène GTI et pour dynamiser les ventes
de la gamme Renault Fuego en chute libre. Reste aujourd'hui une
auto à la ligne toujours agréable et novatrice, des
performances encore actuelles et une polyvalence que peu de sportives
peuvent se targuer. Ses prix sont actuellement très bas,
et il est peut être temps d'en profiter
à condition
d'en trouver une en bel état... |