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             LE MEILLEUR... ET LE PIRE 
             Parfois, le destin d'une auto à 
              priori banale et sans avenir se transforme en compte de fée 
              à rebondissements. La Chrysler-Simca-Talbot Sunbeam Lotus 
                fait partie de ces automobiles qui ont prouvé qu'avec du 
                talent et du génie, on peut transformer une vilaine citrouille 
                en un superbe carrosse, capable de remporter le championnat du monde 
                des rallyes ! Et rien que pour ça, cette automobile mérite 
              qu'on parle encore d'elle... 
            Texte : 
              Sébastien DUPUIS 
              Photos : D.R. 
            La Chrysler Sunbeam est une berline compacte 
              3 portes plutôt quelconque (dans un style typiquement années 
              80 dirons-nous...) inspirée de l'Hillman Avenger. Apparue 
              avec 3 moteurs de puissances modestes elle offre toutefois la particularité, 
              face à ses rivales de l'époque, d'être une propulsion. 
              Rapidement, une version sportive 1600 cm3 Ti ("Twin Induction") 
              va chapeauter la gamme Sunbeam.  
            Si les performances sont acceptables 
              pour la fin des années 70, Dees O'Dell, reponsable de la 
              compétition pour Chrysler sait par experience que cette base 
              est insuffisante pour concourrir en championnat du monde des rallyes 
              avec des chances de succès. Rien au sein de la gamme Chrysler 
              ne permettait alors d'accroître le potentiel de la Sunbeam 
              en accord avec les attentes. Ceci dura jusqu'à ce que Dees 
              prenne connaissance des superbes moteurs 2 litres, à double 
              arbre à cames en tête, que Lotus produisait et fournissait 
              à d'autres constructeurs comme pour la Jensen Healey. 
            PRESENTATION
                          Durant le courant de l'année 1978, Simca se marie avec Chrysler. 
              Un peu plus tard, la Simca-Chrysler Sunbeam Lotus est lancée 
              au salon de Genève en Mars 1979, mais les livraisons ne commenceront 
              qu'à l'été. 400 exemplaires sont nécessaires 
              à l'hologation mais Chrysler a des ambitions commerciales 
              10 fois plus élevées ! Le 1er janiver 1980, nouveau 
              rebondissement. Peugeot rachète Chrysler et la Sunbeam devient 
              Talbot-Simca par un nouveau mariage. A l'exception de quelques modèles 
              de pré-série, les Sunbeam sont donc bien originellement 
              assimilées à la marque Talbot. Disponible uniquement 
              avec la teinte "Embassy Black" et décorée 
              de bandes gris argenté sur les flancs, la Talbot Sunbeam 
              Lotus ressemble à s'y méprendre, pour le commun des 
              mortels, à la Talbot Horizon. Ce coach 3 portes possède 
              une ligne typiquement années 80.  
            A BORD DE LA TALBOT SUNBEAM LOTUS
            Un dessin tracé à 
              la règle, sans saveur ni originalité, qui se retrouve 
              jusque dans l'habitacle, tout de gris vêtu. La planche de 
              bord en plastique véritable est d'un dépouillement 
              à faire pâlir une Fiat Panda. La finition est moins 
              que moyenne et l'ambiance intérieure peu joyeuse. A priori 
              pas de quoi se retourner la nuit. Et pourtant... Derrière 
              le petit volant 3 branches, le combiné carré des compteurs 
              vous met tout de même la puce à l'oreille. Un 240 Km/h 
              (optimiste) gradue le bout du compteur de vitesse, tandis que la 
              zone rouge commence à 6 500 tr/mn. A l'occasion du millésime 
              81, nouvelle appellation : la Sunbeam devient une Talbot et abandonne 
              la filiation à Simca. Pour la présentation, la sellerie 
              est remplacée par un tissu noir à bandes grises surnommé 
              "Piccadilly". C'est le trait le plus distinctif de ce 
              qui compose la série 2. La grille avant aussi est différente 
              avec de nouveaux phares, et les rétroviseurs changent de 
              point d'attache. Moins visible, le réservoir d'essence est 
              plus grand et le moteur subit de légères retouches. 
              L'année suivante, avec un stock grandissant et des ventes 
              très faibles, le "moonstone blue" devient la seule 
              couleur disponible, avec au choix du client des bandes argentées 
              ou noires. Malgré cela, de nombreuses voitures restent invendues 
              jusqu'à l'hiver 1982/83, et 150 exemplaires vont être 
              reconvertis pour produire la série limitée "Avon", 
              numérotée de DDU 1Y à DDU 150Y. La couleur 
              bleue est spécifique et elles recoivent le logo Lotus vert 
              et jaune sur les flancs. Au total, seulement 58 voitures seulement 
              seront converties... L'ensemble de ces 150 voitures furent vendues 
              à prix cassé par un concessionnaire de Nuneaton, ce 
              qui explique que la Sunbeam Lotus soit plus répandue et mieux 
              connue Outre-Manche. L'histoire de la Talbot Sunbeam Lotus aurait 
              donc pu être réellement tragique et insignifiante si, 
              paradoxalement, elle n'avait pas autant brillé de 1000 feux 
              en championnat du monde des Rallyes, s'octroyant même le titre 
              constructeur en 1981. Très appréciée dans son 
              pays de motorisation, la Talbot Sunbeam Lotus va gagner le RAC dans 
              sa catégorie (Groupe 2) pendant 3 années consécutives 
              jusqu'en 1982 jusqu'à ce que la FIA créée les 
              nouveaux groupes (dont le fameux B) et qu'elle prenne sa retraite. 
              Au volant de cette bête curieuse, Henri Toivonen, Jean-Pierre 
              Nicolas et surtout Guy Fréquelin qui, avec Jean Todt en co-pilote, 
              va même passer à deux doigts de remporter le titre 
              pilote en 1981. Du beau monde, qui aujourd'hui a largement fait 
              ses preuves dans le milieu du sport automobile. A la fin de la saison 
              1982, la plupart du team Talbot fut transféré à 
              Paris, où leur expérience contribua sans doute au 
              succès de Peugeot-Talbot Sport. Prenant la suite, la célèbre 
              205 T16 eut les faveurs des responsables de l'époque au détriment 
              d'un prototype de Talbot Horizon "Lotus" à moteur 
              central... Ouf ! 
            MOTEUR
                          Mais qui devinerait que sous le capot de cette anodine relique des 
              eighties, se cache l'un des plus sympatiques moteurs de la décennie 
              ? Signé Lotus, le quatre cylindres en ligne de 2 172 cm3 
              a été rentré au chausse pied sous le capot 
              avant. Dérivé du 2 litres, on retrouve ce moteur sous 
              le capot du coupé Esprit, de l'Eclat et de l'Elite. Moderne 
              et sportif, ce moteur tout en alu possède une culasse à 
              16 soupapes et un double arbre à cames en tête. Le 
              taux de compression est de 9.4:1. Le radiateur de refroidissement 
              est spécifique à la version Lotus. Alimenté 
              par deux carburateurs double corps Dellorto 45 mm, le bloc Lotus 
              aux cotes super carrées (Alésage de 95,2 et course 
              de 76,2) propulse sans mal la légère Sunbeam avec 
              une puissance maxi de 150 chevaux DIN à 5 400 tr/mn pour 
              la première série, puis 155 chevaux pour la série 
              2 à partir de 1980. Le couple atteint quand à lui 
              20,9 Mkg à 5 800 tr/mn et jamais moins de 18 Mkg sont disponible 
              à partir de 2000 tr/mn. Ainsi dopée, la Talbot Sunbeam 
              Lotus devient la petite sportive la plus performante de son époque 
              et constitue une excellente base d'homologation pour le rallye. 
              La boîte de vitesse ZF à cinq rapports, virile de maniement, 
              est parfaitement bien étagée avec des rapports assez 
              courts favorables aux performances... mais pas à la consommation 
              ! En conduite rapide, on dépasse facilement les 16 L/100 
              Km. En contrepartie de ce léger sacrifice, la vitesse maxi 
              dépasse légèrement les 200 Km/h et elle abât 
              le 0 à 100 Km/h en 7"8. Normal, après tout le 
              rapport poids/puissance est de 6,5 Kg/ch : merci la légèreté 
              ! Souple à bas régime, le moteur Lotus se reprend 
              facilement à tous régimes pour un multisoupapes, sans 
              creux prononcé. Vers 3500 tr/mn on le sent plus à 
              l'aise, puis ensuite il évolue avec magie jusqu'à 
              7000 tr/mn dans une sonorité aussi grisante qu'envahissante. 
              Aaaah ! Les carbus !!! Dans sa définition course, le moteur 
              développait pas loin de 230 chevaux. Quand on sait qu'elle 
              pèse à peine 900 Kg, ça laisse imaginer le 
              tempérament de ce petit bolide en Rallye... 
            SUR LA ROUTE
                          Lotus fut également en charge de développer la ligne 
              d'échappement (ce qui s'entend !) et les suspension de la 
              Sunbeam. L'amortissement est ferme et très inconfortable 
              malgré des pneus à flanc haut (série 70). Les 
              jantes an alliage léger Amil de 13" de diamètre 
              montées en pneus de 185 mm de large paraissent ridiculement 
              petites pour une auto de 150 chevaux. Surtout qu'il ne faut perdre 
              de vue que la Talbot Sunbeam Lotus est une deux roues motrices mais 
              que celles-ci sont à l'arrière avec un pont rigide. 
              Sans autobloquant et avec un moteur qui prends ses tours avec une 
              rage et un bonheur communicatifs, la conduite de la petite anglaise 
              ne suscite jamais l'ennui. Vive et agile, elle se conduit comme 
              une propulsion classique, à l'ancienne. Très survireuse 
              de nature, on peut jouer de son caractère en courbe avec 
              le frein et l'accélérateur. Quel régal ! Mais 
              gare... la Talbot Lotus Sunbeam Lotus, c'est du sport sans filet 
              de sécurité. La motricité est moyenne, ce qui 
              conduira judicieusement certains propriétaire à monter 
              dezs pneus plus performants et parfois même l'autobloquant 
              utilisé en compétition. Le résultat est sans 
              appel, l'efficacité et la sécurité y gagnent 
              énormément. Reste encore un point nori au tableau, 
              le freinage qui, avec ses tambours à l'arrière, supporte 
              assez mal une conduite rapide trop soutenue. 
            ACHETER UNE CHRYSLER-SIMCA-TALBOT SUNBEAM LOTUS
            Alors que Chrysler et Lotus visaient 4000 voitures minimum, la production 
              totale fait état de 2308 exemplaires, dont 10 préséries 
              et 1150 avec conduite à droite... Boudée par le public 
              et victime d'une commercialisation cahotique, la Talbot Sunbeam 
              Lotus est une authentique rareté ! Les ventes pour la France 
              pour les années 1979 / 1980 / 1981 sont respectivement de 
              235 / 125 / 28, soit un total de 388 voitures. La Talbot Sunbeam 
              Lotus est l'exmple même d'un succès en sport automobile 
              ayant accompagné un flop commercial monumental. Pour autant, 
              ce statut de Collector n'en fait pas un véhicule hors de 
              prix. Bien au contraire, sa cote maxi s'établit à 
              7500 euros, pour une voiture en parfait état ! Rouler en 
              Lotus, pour 7000 euros, qui l'eu crut ? Evidemment, avant d'accéder 
              à ce nirvana mécanique, il faut avoir conscience de 
              l'entretien qu'exige une telle sportive. Archaique et spartiate 
              à la base, la Sunbeam Lotus se paye les services d'un moteur 
              d'exception, fiable mais réclamant à ce titre un entretien 
              suivi en contrepartie. Attention notament à la chauffe du 
              moteur 16 soupapes, le circuit de refroidissement et la lubrification 
              doivent fonctionner parfaitement. La batterie et les durites souffrent 
              aussi de cette proximité avec une forte source de chaleur. 
              Certains iront jusqu'à rajouter un radiateur d'huile. La 
              consommation d'huile est normale, c'est une anglaise, mais rien 
              d'alarmant. La distribution est à refaire tous les 50 000 
              kms et sa tension doit être surveillée. Le réglage 
              et la synchronisation des 2 carburateurs doit aussi être revu 
              régulièrement. Là où les choses se gâtent, 
              c'est lorsque l'on doit refaire le moteur : le prix du double arbre 
              est au moins équivalent à la cote "haute" 
              de la voiture... Concernant la boîte, pas de souci, la ZF 
              est très solide mais l'arbre de transmission peut finir par 
              abîmer le carter avec les vibrations et engendrer des fuites 
              d'huile sur la boîte qui, si elle doit être remplacée, 
              coûte une petite fortune... Enfin, c'est bon de le préciser, 
              l'auto n'est pas particulièrement sensible à la rouille 
              mais certaines pièces de carrosserie ne sont plus disponibles, 
              tout comme la sellerie et d'autres parties de l'habitacle. 
            CHRONOLOGIE SUNBEAM LOTUS
            1977 : Lancement de la Chrysler Sunbeam. 
              1978 : Version sportive Ti ( 1,6L 100 ch). A l'automne, intégration 
              de la Sunbeam à la marque Simca. 
              1979 : Présentation en Mars au salon de Genève 
              de la Simca Chrysler Sunbeam à moteur Lotus. 
              1980 : Au 1er janvier, Simca devient Talbot-Simca. A l'été 
              restylage de la face avant. Version Lotus Série 2 (moteur 
              155 ch, sellerie Picadilly). Homologation en groupe 2 (230 ch). 
              1981 : Talbot-Simca devient Talbot. La Sunbeam Lotus remporte 
              le championnat du monde des rallyes (constructeur) avec Guy Fréquelin. 
              Fin de la production de la Sunbeam, dernière série 
              Lotus "Avon" à carrosserie bi-ton bleue.  
            :: CONCLUSION 
              En clair, la rareté de l'auto ne joue pas du tout en sa faveur : 
              une cote faible et un entretien aussi compliqué que coûteux. La 
              Talbot Sunbeam Lotus est une affaire de connaisseur, et plus encore 
              de passionné. Mais si vous avez craqué pour son délicieux look 80's, 
              son moteur bouillant et son pedigree de reine des rallye, elle vous 
            le rendra bien ! 
            CE QU'ILS 
              EN ONT PENSE : 
"La prise de contact avec une voiture de ce style sur un itinéraire 
              accidenté est apte à remettre les choses à 
              leur place, c'est à dire le conducteur à sa hauteur 
              exacte dans la hiérarchie du pilotage." 
            ANDRE COSTA - AUTO JOURNAL - ESSAI TALBOT SUNBEAM LOTUS. 
            "La Lotus fait figure de mauvais 
              élève, vous savez, ces cancres intelligents et en 
              tout cas bien plus intéressants que les bons élèves 
              du premier rang." 
            GILLES DUPRE - AUTO HEBDO - ESSAI TALBOT SUNBEAM LOTUS.            |