L'AVANT-GARDE A 50 ANS !
Depuis sa présentation en 1955 au salon de Paris, la Citroën
DS alimente les passions et les polémiques. N'en déplaise
à ses détracteurs, la Citroën DS a su s'élever
au rang d'incontournable dans le monde des voitures anciennes. Véritablement
en avance sur son temps, tant par ses solutions techniques innovantes
et surprenantes, que par son design également très
moderne, la Citroën DS fêtera en septembre prochain son
cinquantenaire. Impossible de passer à côté
et de ne pas revenir sur un des modèles phares : la Citroën
DS 23...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Lorsqu'à la fin des années 30, Pierre Boulanger et
son équipe lance le projet VGD (Véhicule à
Grande Diffusion) le cahier des charges est très clair :
confort, vitesse et sécurité. Mais très rapidement,
les premières études seront bloquées par l'absence
de design intéressant. La volonté de Pierre Boulanger
de souhaiter que l'on puisse entrer dans l'auto sans ôter
son chapeau ne rend en effet pas la tâche facile aux designers.
Alors lorsque Robert Puiseux reprend la suite de Pierre Boulanger,
décédé en 1950, le projet va s'accélérer.
Tout ou presque doit être repensé, imaginé et
conçu pour la Citroën DS. Une véritable course
contre la montre qui va obliger Citroën, en raison des délais
de conception à rallonge, à lancer la Citroën
DS 19 au salon de Paris 1955. Les clients essuieront les premiers
plâtres de cette nouvelle technologie, le réseau pas
préparé prendra peur devant l'ampleur des problèmes
et la complexité technique. Sans parler que le moteur sera
celui de la Traction Avant refondu faute de budget et de temps pour
l'étude d'un nouveau six cylindres plus en phase avec l'idée
initiale. Qu'importe, la Citroën DS 19 balaie d'un revers d'innovation
tous ses handicaps car il faut se replacer dans le contexte de l'époque
: suspensions hydrauliques avec correcteur d'assiette, freins à
disques avant, direction assistée hydraulique, embrayage
semi-automatique,
Quelle avance sur son temps, sans compter
sur son physique à nulle autre pareil dessiné par
Flamino Bertoni, designer attitré du Quai de Javel. A partir
de 1968, la Citroën DS profite d'un heureux restyling et commence
son escalade à la puissance pour atteindre 2,3 litres de
cylindrée. D'où l'appellation Citroën DS 23.
DESIGN
La Citroën DS 23, c'est tout un symbole. C'est, pour ceux qui
auraient connu sa période de production, la reine de la file
de gauche sur l'autoroute, tout juste limité. Pour son lifting
de 1967, Citroën ne peut plus compter sur Flamino Bertoni décédé
en 1964. C'est donc Robert Opron qui va reprendre à son compte
la nouvelle face avant de la Citroën DS. L'avant est donc plus
plongeant et propose des phares carénés favorisant
l'aérodynamique. Il faut toutefois rappeler que dès
1954 Flamino Bertoni avait étudié des avants plongeants.
Le parcours professionnel chez Citroën de Robert Opron (un
passage au service des Méthodes) dictera certaines formes
des ailes, puisqu'en plus d'un style nouveau, les opérations
de montage et démontage devaient être simplifiées.
Paul Magès, ayant dans ses cartons un projet de phares orientables,
fera également opérer quelques retouches pour adapter
son système. La Citroën DS MkII offre donc un avant
très plongeant, avec une petite calandre très fine
et large et des optiques de phares carénés. Comble
de raffinement, la Citroën DS éclaire donc également
à l'intérieur des virages en roulant, grâce
à un astucieux système de câblages. Les flancs
et la poupe ne sont en revanche pas touchés par cette vague
de modernisme. Si les flancs n'en avaient pas un besoin impératif,
la poupe, un peu trop torturée auraient bien eu besoin d'un
rafraîchissement. Mais faute de budget suffisant, Pierre Bercot,
alors PDG de Citroën, a renoncé à aller plus
en avant dans la modernisme. La Citroën DS conserve donc pour
notre plus grand plaisir aujourd'hui ses cornets de clignotants.
Sa silhouette reste en revanche étonnante de modernité.
HABITACLE
L'habitacle n'est pas trop modifié au lancement et il faudra
attendre 1969 pour voir les nouvelles planches de bord tout plastique
qui illustre notre exemplaire du jour. Le volant monobranche caractéristique
se distingue par sa finesse et son assistance hydraulique. Même
30 ans après, la Citroën DS fait dans la différence
avec un confort bien à elle. Votre corps s'enfonce dans les
larges sièges de cette version Pallas, vos pieds semblent
portés par la moquette épaisse, et immédiatement
la clarté et la visibilité sont évidentes.
Sur cette DS 23 Pallas, le levier de vitesses est situé derrière
le volant juste devant les compteurs. La finition générale
est correcte sans plus pour une voiture de ce rang et les plastiques
intérieurs sont gris et de qualité moyenne.
MOTEUR
Lorsque Citroën a dévoilé sa DS en 1955, la motorisation
de la DS 19 était son point faible. Repris de la Traction
Avant, il n'avait alors que très peu évolué.
Les performances qu'il offrait donc à ce monstre d'avant-garde
qu'était la DS étaient trop justes (bien que suffisantes
pour l'époque). Il faudra attendre plusieurs années
pour que la Citroën DS accueille en son sein un moteur qui
lui fut digne. Certes, un six-cylindres ne sera jamais monté
sous le capot plongeant de la DS, mais le quatre cylindres évoluera
jusqu'à 2,3 litres et avec l'injection électronique,
ce sont 130 chevrons sauvages qui piaffent sous le capot. La version
DS 23 carburateur qui nous intéresse développe pour
sa part 115 ch à 5 500 tr/mn. Placé en position longitudinal,
il est coiffé d'une culasse à 8 soupapes. Pour l'alimentation,
un carburateur compound double corps Weber 28/36 DMZ est monté
sur notre DS du jour. A noter que selon le type de transmission,
la référence de carburateur n'était pas la
même. Pour la transmission, justement, la Citroën DS
23 est équipée de la boîte semi-automatique
à 5 rapports. Déjà en 1955, la Citroën
DS 19 était équipée de cette transmission semi-automatique.
Il suffit de laisser votre pied gauche en repos et de passer les
vitesses au levier. L'hydraulique fait le reste ! Si simple à
l'usage et pourtant tellement novateur. Sur la route, la DS 23 offre
une vigueur assez moderne. Le couple moteur de 19,1 mkg à
4 000 tr/mn donne un caractère propre aux moteurs alimentés
par des carburateurs. Une sorte de moteur à deux visages.
Dès que la puissance et le couple sont à profusion,
la Citroën DS 23 accélère fort et roule vite.
D'ailleurs, les chiffres officiels annonçaient déjà
la couleur avec 173 km/h en pointe. Pas mal en 1974.
CHASSIS
Pour sa DS, Citroën avait initialement expérimenté
certaines solutions sur des Traction. Et lorsque le lancement de
la Citroën DS est intervenu, le grand public a découvert
en 1955 une suspension révolutionnaire. C'est tout un système
hydropneumatique qui a été installé. Il est
composé de quatre blocs huile-azote avec amortisseurs incorporés.
Pour compléter ce système, des barres stabilisatrices
avant et arrière, ainsi que des correcteurs de hauteur sont
montés. Tout ce système qui posa tant de problème
(tant aux clients, à l'usine qu'aux ateliers Citroën)
à son lancement a donné tout son caractère
et ses qualités routières à la DS. A l'arrêt,
moteur éteint, la DS est posée par terre, puis dès
le démarrage du moteur, l'auto monte sur ses suspensions
pour maintenir ensuite une assiette constante, que la DS soit chargée
ou non. La Citroën DS 23 Pallas avec sa suspension semble avaler
la route et vous épargne les irrégularités.
Depuis, certains constructeurs de prestige ont repris le même
système pour garantir à leurs clients privilégiés
un confort de roulement exceptionnel. Le train avant est constitué
de roues indépendantes articulées sur deux bras tandis
qu'à l'arrière chaque roue est tirée articulée
sur un bras. La direction est assistée et à crémaillère.
Pour ralentir cette déesse de la route, Citroën a monté
des freins à disque à l'avant de conception maison
et des tambours à l'arrière. Un double circuit de
freinage est monté. Force est de reconnaître l'avance
de Citroën alors en matière de liaison au sol. Par rapports
aux standards des autos modernes, la DS manifeste certes plus de
roulis, mais au global, le bilan est efficace et flatteur. Pas question
cependant de conduire façon GTI. C'est plus une conduite
typée Grand Tourisme qui sied à merveille à
ce monument français de l'industrie automobile.
ACHETER UNE CITROEN DS 23 Pallas
Qui n'a pas rêvé un jour de posséder une Citroën
DS ? Surtout en 23 ! Que vous soyez un ancien utilisateur à
l'époque de sa splendeur dans les années 70, un enfant
bercé (sans souffrir de nausées !) sur la banquette
arrière confortable ou un amateur d'autos anciennes performantes
et au pedigree reconnu, on a tous été au moins une
fois amusé, voire intrigué par la Citroën DS.
Mais afin que l'intrigue ne tourne pas au film d'horreur, il convient
d'être très prudent. Un des premiers réflexes
est certainement de bien se documenter sur les différentes
versions existantes et les évolutions par millésimes.
Cela peut vous permettre de déceler des autos qui ne sont
plus dans leur configuration d'origine. De nombreuses DS ont été
" pallasisées ". L'inscription à un club
peut permettre également de se faire assister lors de l'achat.
Pour trouver une Citroën DS 23 Pallas carburateur, on en trouve
à partir de 8-9 000 euros. Mais pour un bel exemplaire, avec
historique et entretien, comptez environ 11 000 euros. Il faut savoir
que les deux plus gros fléaux de la DS sont l'absence d'entretien
et une faiblesse face à la corrosion. Il conviendra donc
d'être très vigilant sur l'état de la carrosserie
sous toutes ses coutures. Le moteur est réputé increvable
s'il bénéficie de vidanges moteur régulières
(tous les 5 000 km) avec remplacement systématique du filtre
à huile. Les versions à injection électronique
sont plus exigeantes car il faut surveiller l'état des durites
d'essence régulièrement. Pour l'hydraulique, très
présente dans l'auto, il faut vidanger le circuit tous les
30 000 km ou tous les deux ans au maximum. Ledit circuit doit être
nettoyé avant d'être de nouveau rempli du liquide.
Que cela soit la pompe haute pression ou toutes les canalisations,
une inspection rigoureuse et régulière doit être
opérée. Toute pièce défaillante doit
être changée. Tous les 5 000 km, il existe des points
de graissage à honorer sur l'essieu avant. Cela doit impérativement
être fait pour garantir une longévité exceptionnelle
à l'ensemble (environ 300 000 km). Pour le bon fonctionnement
de la boîte de vitesses semi-automatique, il faut savoir que
le carburateur doit être correctement réglé
sur différents paramètres. Enfin, les habitacles ne
vieillissent pas très bien et souffrent avec le temps. Alors
la Citroën DS 23, mais également dans les autres variantes,
nécessite un entretien ad-hoc, préalable nécessaire
à un achat sans histoire. Après tout, un mythe cela
s'entretient.
L'AVIS DU PROPRIETAIRE
La Citroën
DS 23 Pallas carburateur qu'Olivier Gayet a bien voulu
mettre à notre disposition pour ce reportage
est tout simplement dans un état remarquable.
Ce modèle qui date de 1974 a en fait été
déjà restauré par son précédent
propriétaire. Olivier Gayet, dont la passion
pour la marque aux chevron n'est pas un vain mot (son
box accueille également une très belle Citroën
SM carburateurs) est un membre très actif
tant sur le terrain que sur le net pour son club DSID
Club De France. Il possède en outre un site internet très bien documenté présentant
sa collection de catalogues sur son sujet de prédilection.
Auparavant, Olivier roulait avec une Citroën DS
21 injection électronique également en
très bon état. Mais la complexité
de l'entretien de l'injection électronique l'a
poussé à s'en séparer. Mais la
passion des Citroën DS a vite repris le dessus
et Olivier s'est remis en quête d'une nouvelle
DS jusqu'à l'achat de cette DS 23. Nous remercions
ici chaleureusement Olivier Gayet pour sa patience,
sa disponibilité, son enthousiasme et sa passion
communicative. Sans sa collaboration précieuse,
ce dossier n'aurait pas pu être réalisé
et documenté.
CHRONOLOGIE CITROEN DS
1938 : Lancement de l'étude du projet VGD initié
par Pierre Boulanger, alors PDG de Citroën.
1955 : En septembre, présentation au salon de Paris
de la Citroën DS 19 : 4 cylindres, 1 911 cm3, 75 ch SAE et
140 km/h.
1956 : En septembre, présentation au salon de Paris
de l'ID 19 : DS dépouillée, hydraulique simplifiée
et prix abaissé.
1958 : Commercialisation des versions "Prestige"
et des breaks.
1964 : Commercialisation de la version "Pallas"
: Equipement enrichi.
1965 : En septembre, au salon de Paris, commercialisation
de la DS 21 avec son nouveau moteur à 5 paliers de 2 175
cm3, 100 ch et 175 km/h.
1966 : En septembre, le liquide synthétique du circuit
hydraulique est remplacé par le liquide minéral vert.
1967 : En septembre, au salon de Paris, la Citroën DS
est relookée avec un avant plus fin et des phares carénés.
Montage d'un alternateur à la place de l'antique dynamo.
Sur les versions Pallas, Prestige et Cabriolet, les phares auxiliaires
sont à iode (option sur 19 et 21) et un dispositif automatique
leur assure une commande directionnelle (option sur DS 19 et 21).
Le train AV a été renforcé et les pivots ne
possèdent plus de graisseur. Un correcteur de hauteur agit
sur les phares principaux en fonction de l'assiette du véhicule
(option sur DS 19).
1968 : En janvier, les bielles, coussinets de bielles et
bague fendue de pied de bielle sont modifiés.En juillet,
Sur DS 19 le démarreur est à solénoïde
au lieu du lanceur à inertie.En septembre, Remplacement de
la DS 19 par la DS 20. Monogramme DS 20 sur le coffre AR. DS 20
équipée d'un moteur de 1985 cm3, 11 CV, 103 ch à
5500 tr/mn, couple 14,9 mkg à 3400 mkg, compression 8,75:1.
Cinq paliers. Culasse en alliage léger avec tubulure d'admission
externe. Carburateur compound Weber double corps 28/36 DDE2 (hydraulique)
ou 28/36 DDEA2 (manuelle). Allumeur classique à l' avant
du bloc.En octobre, La puissance du moteur de la DS 21est portée
à 115 ch à 5500 tr/mn, couple 17,4 mkg à 4000
tr/mn, compression 8,75:1. Cinq paliers. Culasse en alliage léger
à orifices opposés avec tubulure d'admission externe.
Carburateur compound Weber double corps 28/36 (DLE), 28/36 DLEA1
(manuelle) ou 28/36 DDEAS (automatique Borg Warner). Allumeur classique
à l' avant du bloc.
1969 : En septembre, au salon de Paris, la Citroën DS
21 reçoit l'injection électronique : 188 km/h. Sur
tous les modèles, nouvelle planche de bord à 3 cadrans
circulaires dont un compte-tours.En octobre, Apparition de la DS
21 à injection électronique. Cylindrée inchangée
de 2175 cm3, 12 CV, 139 ch à 5250 tr/mn, couple 20 mkg à
4000 tr/mn, compression 9:1. Cinq paliers. Culasse en alliage léger
à orifices opposés avec tubulure d'admission externe.
Injection d'essence électronique Bosch.
1970 : En avril, Ceintures de sécurité aux
places AV en montage de série. Sur les ceintures du conducteur
et du passager, les boucles sont de couleurs différentes
afin qu'il n'y ait pas de confusion lors de leur adaptation.En septembre,
Sur tous les modèles DS à boîte de vitesse mécanique:
1. Boîte de vitesses à 5 rapports en montage de série.
Sur les modèles à boîte mécanique, Frein
de stationnement commandé par une pédale (déjà
existant sur les modèles à B.V. hydraulique) en remplacement
du levier à main.Sur les DS Pallas et Prestige, Projecteurs
principaux à lampes à iode (feux route et croisement),
les phares secondaires étant déjà à
lampe à iode.
1971 : En septembre, nouvelles poignées extérieures
de portes, nouveau design pour le volant recouvert d'une garniture
en mousse et font désormais partie de l'équipement
de série au lieu d'être en option : Projecteurs longue
portée à iode. Projecteurs principaux à correcteur
d'assiette et commande directionnelle. Lunette arrière chauffante.
1972 : En septembre, la Citroën DS 23 vient remplacer
la DS 21 : moteur 2 347 cm3, 115 ch et 179 km/h. Un autre modèle
avec injection est également au catalogue : 130 ch et 188
km/h.
1973 : Le 16 avril, ouverture de l'usine d'Aulnay sous Bois.En
septembre, adoption d'un pare-brise de sécurité Super
Triplex. Le break n'est plus disponible avec le moteur 23.
1975 : Le 24 avril, la dernière Citroën DS, une
23 injection, sort des chaînes.
PRODUCTION
TOTAL CITROEN DS (toutes versions) : 1 330 755 exemplaires
:: CONCLUSION
En véritable star, la Citroën DS 23 n'est pas permise
à tout le monde. Non pas que sa cote la place à des
sommets déraisonnables, mais c'est surtout son entretien
qui la rend exigeante. Une DS 23 en mauvais état
se transformera vite en travaux d'Hercule, tant pour votre patience
que pour votre porte-monnaie. Evitez en outre la DS 23ie, à
moins d'en faire un point d'honneur, dont les caprices de l'injection
électronique ne sont pas un vain mot. Si vous avez accepté
ces principes de base, vous pourrez alors rouler dans une auto dont
le charisme et la personnalité sont assis depuis longtemps
dans le monde de la voiture ancienne : l'avant-garde à la
française... |