LA TARGA DE CHEZ FIAT
Lorsque BERTONE reçoit de FIAT la commande d'étudier une remplaçante
au 850 spider, il possède justement dans ses cartons le projet d'un
prototype à moteur central arrière, architecture repoussée jusque-là
par la firme turinoise en raison de son coût de production trop
élevé. L'émergence de la traction avant étant déjà bien entamée,
BERTONE va donc réfléchir sans grande conviction à une déclinaison
de la 850 Spider, mais aussi et surtout au prototype très abouti
d'une barquette à propulsion, équipée d'un moteur en position centrale
arrière : la RUNABOUT...
Texte :
Jérôme TILLARD
Photos : D.R.
Nous sommes aux portes des années 70 et il faut bien admettre que
depuis les Triumph TR3 et autres MGA, le concept de coupé / cabriolet
sportif, pas cher, simple d'entretien mais néanmoins moderne s'est
quelque peu décousu. La Porsche 914 est toute récente mais s'adresse plutôt
à une clientèle particulière et confidentielle. Mal aimée par les
Porschistes et mal connue des autres… FIAT, de son coté, souhaite
mettre en production une auto nouvelle, de type spider, construite
essentiellement à partir d'organes déjà présents dans le groupe
et pouvant donner lieu à une sportive évoluée sans pour autant coûter
trop cher. Le Spider 850 commence à vieillir et la marque ne souhaite
pas forcément reconduire le coupé 128, lui-même étroitement dérivé
de la berline. Le prototype BERTONE RUNABOUT, en raison de son architecture,
est tout simplement refusé par FIAT pour une mise en production
qui s'annonce trop complexe et son mode de propulsion. C'est le
moment que choisit BERTONE, sans doute un peu froissé par ce refus,
pour exposer son prototype un peu partout, sous l'étiquette AUTOBIANCHI.
L'accueil du public est chaleureux. Pendant que FIAT piétine et
n'arrive pas à mettre au point sa traction avant, le marché extérieur
concernant le spider à motorisation centrale est en pleine expansion,
notamment aux Etats-Unis. PININFARINA est consulté, puis écarté,
BERTONE fini donc logiquement par obtenir le feu vert de l'usine
concernant le développement final de son prototype. La partie n'est
cependant pas tout à fait gagnée puisque FIAT, après avoir cédé
sur ce type d'architecture, impose dans son cahier des charges un
maximum de pièces communes au modèle 128, ainsi que la validation
du dessin final par son propre bureau d'étude, afin bien sur de
limiter les coûts. Toujours pour la même raison et dans un souci
de simplicité, BERTONE décide de produire lui-même l'auto.
PRESENTATION
Le Spider X1/9 se distingue immédiatement du Coupé 128 par son dessin
moderne, en tout cas pour l'époque, tout en coin, avec un profil
que seul son moteur central arrière peut lui accorder. Les phares
escamotables font parties intégrantes de ce dessin et lui donne
un air de grenouille lorsque ceux ci sont relevés. Les premiers
modèles qui sortent de l'usine en 1972, sont dénués de tout chrome
(vocation sportive oblige), sont munis d'un capot moteur et d'un
toit noir mat, tout comme les prises d'air latérales. Les jantes
en tôle accueillent des pneus de 145 mm par 13". Les premiers modèles
de X1/9 sont aisément identifiables à leurs 5 trous rectangulaires
sur la jupe arrière, remplacés par une grille en 1974, ainsi qu'à
leur petit pare-chocs offrant un décrochement très caractéristique
à l'arrière.
LES MOTEURS DU COUPE X1/9
X1/9 1300
Le premier modèle est donc pourvu, selon les directives de FIAT,
du groupe motopropulseur de la 128 : un quatre cylindres de 1290
cm3, développant 75 ch DIN à 6000 tr/mn et secondé par une boite
4 vitesses. Ce moteur s'avère vivant et joueur, en tout cas jusqu'en
troisième puisque le quatrième rapport s'avère totalement inadapté
au restant de la boite. D'une longueur sans fin, ce pignon de trop
fait chuter le régime jusque là atteint avec bonne humeur, obligeant
la mécanique à reprendre 2000 tours plus bas. La voiture n'étant
pas spécialement légère, les performances s'en ressentent gravement.
Ce problème se gommera de lui même avec l'arrivée de la boîte 5
qui équipera les 1500. De conception supercarré (86x55,5 mm) refroidi
par eau et muni d'une distribution à simple ACT commandée par courroie
crantée, ce moteur, placé transversalement, est moins incliné que
dans le coupé 128, afin de préserver une accessibilité mécanique
raisonnable. Il prend donc place entre l'habitacle et le petit coffre
placé derrière, le radiateur trouve sa place à l'avant. Un travail
sur l'admission a permis d'augmenter un peu le couple maxi de la
128, en passant de 9,4 mkg à 9,9 mkg à 3400 trs/mn.
X1/9 1500
Le 1500 quand
à lui est directement issu de la FIAT RITMO. De réputation fiable
au même titre que son prédécesseur, il a le mérite de redonner un
peu de vigueur à ce spider, sans pour cela déclencher l'hystérie
des passionnées de grosses performances. Qu'importe, la recette
fonctionne toujours, à savoir une auto vive, saine et amusante à
mener.... Pourvu d'une culasse en aluminium et d'un carburateur
double corps Weber, il utilise avec bonheur une boîte 5 bien mieux
étagée que celle du 1300. Il semblerait par contre que cette boîte
gagne en agrément ce qu'elle a perdu en fiabilité. Comme quoi il
est difficile de tout avoir. Développant 85 ch à 6000 trs/mn et
11 mkg à 3200 trs/mn, cette mécanique permet d'améliorer le rapport
poids/puissance des premières séries, en le faisant passer de 11,7
à 10,8 kilos par cheval. A noter que FIAT, peut enclin à prendre
des risques avec les homologation du marché américain, a délibérément
évité d'affûter ses 2 blocs plus que ça. Les chevaux supplémentaires
sont donc relativement facile à trouver, laissant la porte ouverte
aux préparateurs de tous poils. C'est pourquoi dès 1978, DALLARA
prépare un Spider X1/9 de 210 ch à châssis tubulaire, pour le pilote
Jean-Louis Gounon, tandis que ABARTH se penche également sur cette
auto avec la "Prototipo", équipée du même moteur que la FIAT 124
Rallye et développant 200 ch... Cette dernière servira de d'entrée
en matière en attendant la redoutable LANCIA STRATOS, ce qui laisse
penser que ce spider était une très bonne base à de furieuses hausses
de puissance.
LE CHASSIS DU X1/9
Conçue au même titre que le moteur en fonction des normes américaines,
la caisse du X1/9 utilise une plateforme sérieusement renforcée
par 4 longerons latéraux, un tunnel central relié au tableau de
bord par une forte console et un solide arceau de retournement.
Confortable et prévenante, la X1/9 n'a rien d'une auto capricieuse.
La direction précise (à crémaillère, 3 tours de butée à butée) permet
de profiter d'un châssis rigoureux, aidé en cela par les suspensions
AV de type Mc Pherson reprises au coupé 128. Un système à jambes
élastiques type Mc Pherson également a été retenu pour l'arrière,
un bras transversal réglable venant se greffer au triangle inférieur.
L'auto étant réglée en carrossage négatif, ce cocktail donne un
équilibre et une maniabilité de haut niveau dans le sineux, et permet
de réellement s'amuser. Seul bémol, la X1/9 est extrêmement sensible
au vent latéral, ce qui peut paraître étrange vu la hauteur de l'engin.
Le freinage quand à lui ne souffre d'aucun défaut particulier. Endurant
et efficace, il se situe dans une honnête moyenne. Une tendance
sous-vireuse de l'ensemble est à signaler mais n'entache pas un
bilan d'ensemble largement positif.
SUR LA ROUTE
C'est par un horrible week-end froid et pluvieux à souhait que Wilfrid
Blondeau, Responsable Régional Pays de la Loire du club X1/9 France,
a eu la sympathie de me faire découvrir son X1/9 de 1988. Son modèle,
de provenance allemande et racheté en 1996, possède la particularité
d'être muni d'une injection, ce qui en fait un modèle assez rare
puisque non diffusé en France. Il s'agit d'un 1500, développant
donc 85 chevaux, resté totalement d'origine et dans son jus, à l'exception
d'un échappement... libéré de toutes contraintes. Ayant eu la gentillesse
de bien vouloir m'emmener faire un tour avec la belle, j'ai pu découvrir
un petit coupé très vivant, avec un moteur à la sonorité plaisante,
mais aussi très présente. Avec la X1/9, l'expression monter en voiture
perd tout son sens, lorsque l'on voit la hauteur des baquets par
rapport au sol. C'est bas, c'est compact, un bonheur aujourd'hui
peu courant, en tout cas dans ce segment de gamme. Le Roadster Smart,
affublée d'un rapport prestation/prix peu favorable pourrait cependant faire
figure de descendance. Sur la route, l'auto s'avère très plaisante,
ne rechignant pas à prendre ses tours, doté d'un caractère très
vaillant à défaut d'être puissant, il y a certainement moyen de
beaucoup s'amuser à son bord, sans être obligé d'atteindre des vitesses
peu en rapport avec les petites routes de Mayenne que nous parcourons
alors. Détail amusant : le compte tours fonctionne dans le sens
inverse de la "normale". Et ce pour que le pilote ne soit pas gêné
par le volant pour voir la zone rouge. Toute une époque... Wilfrid
m'explique également en clin d'oeil que les commandes d'ouverture
des capots proviennent en droite ligne des fabuleuses Lamborghini
Countach. Bel héritage et manière élégante de faire des économies,
tout dépend de quel coté on se place évidemment. Ce jour de déluge
a été l'occasion aussi de constater à quel point enlever et remettre
le petit couvercle de cette voiture est chose facile. En somme beaucoup
de plaisir pour un budget somme toute raisonnable.
EVOLUTIONS ET SERIES LIMITEES
1975 voit l'arrivée de la "CORSA". Ambassadrice de
la longue lignée de séries spéciales qui verront le jour par la
suite, elle a comme particularité d'arborer un fier béquet sur la
malle arrière et des inscriptions X1/9 Corsa sur les panneaux latéraux.
En 1976 apparaît la série "Echelle", qui consiste entre autres choses
en un adhésif parcourant le tour de la voiture, avec une échelle
comme motif, d'où son nom. Muni de belles jantes en tôle elle arbore
également un large spoiler en caoutchouc noir à l'avant, ainsi qu'une
plaque numérotée sur l'aile avant gauche.
La finition "Echelle"
est sans doute l'une des plus recherchées à l'heure actuelle. Le
club français a d'ailleurs fait re-fabriquer les fameux adhésifs.
La première série limitée "Lido" 1300 verra le jour en 1977, reprenant
les très belles jantes "Cromodora" et pourvue d'une décoration argenté
du plus bel effet, ainsi qu'une sellerie en alcantara. La même série
limitée sera reconduite plus tard en version 1500.
L'année 1978 voie
la X1/9 abandonner ses petits pare-chocs contre des plus gros, incorporant
clignotants et veilleuses. La ligne va perdre en pureté ce qu'elle
va gagner en modernité et le profil va franchement se rapprocher
des Triumph TR7. De nouvelles jantes à "trèfle 4 feuilles" apparaissent,
ainsi qu'un nouveau dessin du logo BERTONE. L'intérieur change également
et se modernise, en prenant en compte que FIAT puise énormément
dans sa banque de pièces, ce qui donne la particularité aux différents
modèles qui se sont succédés de ne jamais présenter réellement les
mêmes composants. Cela peut se vérifier également sur des modèles
de même année et de même type !
En 1982, après 9 ans de fabrication
FIAT, BERTONE reprend à son compte l'intégralité de la production
et en profite pour enlever toute références extérieures à l'usine
de Turin. La "IN", une série limitée en peinture 2 tons (très en
vogue à l'époque), sort de l'usine, avec un intérieur cuir et des
vitres électriques. La X1/9 repart pour presque une décennie.
1988
donnera le jour au cabriolet X1/9 GT, à la diffusion plus que confidentielle.
Ce sera le seul modèle pourvu d'une capote en toile, monté sur un
tube en lieu et place de l'arceau. La production mouvementée de
ce Spider prendra fin avec la magnifique "Gran Finale", destinée
au marché britannique et américain, ces derniers ayant englouti
une large part de la production totale du X1/9. Cette version comporte
de belles jantes alliages "nid d'abeille", un intérieur en alcantara,
une peinture métallisée et un logo spécifique sur les ailes arrières.
En 1981, BERTONE lance celle qui aurait dû succéder à la X1/9, la
ICSUNODIECI (X1/10). Ce prototype ne donnera hélas jamais lieu à
une production en série.
ACHETER UNE
FIAT X1/9
De nos jours, le Spider Fiat X1/9 n'est pas forcément difficile à trouver
en tant que tel. Il existe un club très actif regroupant les propriétaires
de ces autos, la difficulté venant plutôt de trouver un modèle d'origine
et en bon état. Les modèles antérieurs à la reprise par BERTONE
sont très souvent sujets à une corrosion tenace, sachant que les
tôles n'étaient absolument pas protégées comme le voulait l'usage
chez les italiens à l'époque. Les baies de pare brise, supports
d'amortisseurs, passages de roues et bas de portières sont donc
à surveiller de près. En dehors de ça les pièces mécaniques sont
peu re-fabriquées, mais relativement faciles à trouver du fait de
leur appartenance à des modèles de grandes diffusions. Il en est
autrement des accessoires intérieurs et pièces spécifiques, devenus
très difficiles à se procurer et franchement pas donnés en règle
générale. Les problèmes électriques sont également légions et le
faisceau peut avoir énormément souffert des différentes infiltrations.
A noter également que le réseau ne veut absolument pas entendre
parler de cette auto, en raison sans doute d'une conception mécanique
peu en rapport avec les forfaits en vigueur actuellement.
CHRONOLOGIE FIAt X1/9
1972 - X1/9 1300 - 1er modèle
1974 - X1/9 1300 USA - version américaine.
1975 - X1/9 1300 CORSA - série spéciale "CORSA"
1976 - X1/9 1300 - version anglaise - série spéciale
"ECHELLE"
1978 - X1/9 1300 - série limitée U. S. A. - série
spéciale "LIDO"
1979 - X1/9 1500 - "CORONA DARDO", marché brésilien
- moteur 1500
1981 - X1/9 1500 - série spéciale "LIDO"
1982 - X1/9 1500 - 1500 injection U. S. A. - 1ère série
"IN"
1983 - X1/9 1500 - 2ème série "IN" - LTD
U. S. A.
1984 - X1/9 1500 - 1ère série "VS"
1985 - X1/9 1500 - 2ème série "VS"
1986 - X1/9 1500 - 3ème série "VS"
1987 - X1/9 1500 - 4ème série "VS" - SPORT
PACK
1988 - X1/9 1500 - série limitée Gran Final
En dehors d'une puissance trop faible, ce coupé convertible réussit
le tour de force de ne souffrir d'aucun réel défaut. La Fiat X1/9 n'a
été conçue que par et pour le plaisir. Cette façon de concevoir l'automobile
de sport est une chose rare dont il faut profiter, surtout lorsque
le geste vient d'un constructeur de l'envergure de FIAT, qui a d'autres
chats à fouetter que de faire plaisir à une poignée de passionnés.
Grosse poignée en définitive puisque 170.000 acheteurs s'en sont
portés acquéreur durant 17 ans de production, dont 50% vendues en
Amérique du nord, 25% en Italie et le reste disséminées dans le
monde. N'est-ce pas le meilleur argument à l'élaboration d'un tel
modèle ? A quand la X1/10 ?
Nous remercions chaleureusement le club
X1/9 France pour leur collaboration précieuse
et passionnée à ce dossier, et plus précisément
Wilfrid BLONDEAU, représentant régional Pays de la Loire
du club X1/9 France et heureux propriétaire de
notre modèle d'essai. www.clubx19france.org |