© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (21/08/2010)
SUCCES POPULAIRE
La Porsche 924 est une auto toujours dénigrée dans
le milieu des Porschistes, jamais tendres avec les modèles
autres que l'incontournable Porsche 911. Pourtant, en son temps
avec plus de 120 000 exemplaires produits, les Porsche 924 (tous
modèles confondus) ont été un véritable
plébiscite par le public. Voiture qui était prévue
au départ pour refaire le coup de l'association VAG-Porsche
comme avec la Porsche 914-4 et 914-6, les tourments des années
70 ont finalement contraint Porsche a commercialiser seul la Porsche
924, avec le succès que l'on sait...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
En 1972, Ferry Porsche et sa sur Louise Pïech décident
alors de passer la main et, bien qu'ils conservent la propriété
de Porsche, ils cèdent la gérance et la direction
au Professeur Ernst Fuhrmann. Ce changement à la direction
amène des idées et aspirations nouvelles. C'est à
cette époque que les dirigeants imaginent alors que la Porsche
911 n'a pas plus que quelques années à vivre.
Ainsi est lancé le projet de la 928
qui n'utilisera plus de moteur refroidi par air. Dans le même
temps, un partenariat avec le groupe VAG
(la marque Audi
plus précisément) est de nouveau envisagé suite
aux bons résultats commerciaux enregistrés avec la
VW-Porsche 914. Le projet EA425 (nom de code de la future Porsche
924) est donc conclu entre Porsche
et VAG même s'il reste quelques zones de désaccord.
En effet, si Porsche a en charge toute la partie design et développement,
la cellule marketing commune Porsche-Volkswagen qui avait alors
commercialisé la Porsche 914 est dissoute par VAG. Ce dernier
souhaite d'ailleurs que le futur modèle ne soit vendu que
sous sa marque. Cela n'est pas du goût de Porsche dont les
concessionnaires souhaitent également vendre un modèle
à fort volume. Mais la crise pétrolière faillit
tout faire capoter alors que 50 millions de dollars avaient déjà
été dépensés dans les études
et la fabrication de la future 924. VAG voit l'avenir différemment
et ne souhaite plus avoir un tel modèle dans son catalogue.
Porsche saute alors sur l'occasion qui lui est présenté
et après un contrat signé avec VAG, récupère
le projet qu'il va pouvoir commercialiser sous son propre blason.
Un contrat est donc passé entre les deux firmes qui permet
à Porsche de tout récupérer et également
d'avoir à disposition l'ex-usine NSU de Neckarsulm, au nord
de Stuttgart, pour produire la future Porsche 924. Les infrastructures
ne sont en effet pas suffisantes à Zuffenhausen pour produire
un modèle à une telle cadence. En novembre 1975, Porsche
dévoile donc son nouveau modèle qui innove tellement
par son opposition au concept de la Porsche
911. Fini le tout à l'arrière ou même le
moteur central, fini le moteur refroidi par air, une ère
nouvelle était alors en marche chez Porsche
DESIGN
Nous devons le design de la Porsche 924 à Harm Lagaay, designer
de Porsche des années 70-90. Lors de son lancement, la Porsche
924 était présentée par son design inspiré
des Porsche 356 et 911. L'idée de départ avouée
était de permettre un design plus accessible et moins radical
que la 911, indispensable pour essayer de ratisser le plus large
possible auprès des clients. Et si l'on regarde les chiffres
de production, on ne peut que constater la réussite du concept
et du design de la Porsche 924. Avec le recul, il est plus difficile
de juger objectivement la pertinence d'un design. Il faut se replacer
dans le contexte de l'époque. Pourtant à sa sortie,
la Porsche 924 offrait un design innovant, moderne et plaisant.
Quelques détails étaient d'ailleurs très en
avance. A commencer par le hayon arrière totalement en verre
(ce qui n'était alors pas simple à concevoir au début
des années 70) qui fut particulièrement apprécié
du public et des clients. Cela permettait alors à la Porsche
924 d'offrir une polyvalence que peu de voitures sportives de l'époque
pouvaient se prévaloir. Il suffit en effet de rabattre la
banquette arrière pour augmenter la contenance du coffre.
La proue affiche une finesse aérodynamique et une élégance
par la grâce des feux escamotable qui apportent une touche
sportive indéniable. La ligne générale de la
924 est très équilibrée et fine
peut
être trop. A côté une 944
affiche un petit côté mauvais garçon qui sied
finalement mieux à une auto sportive. Quelques détails
commencent à dater les premiers millésimes puisque
l'encadrement des vitres est chromé alors que dès
les années 80 ils seront noirs mat. De même l'absence
de becquet arrière sur les premiers millésimes accentue
encore la finesse de la poupe des Porsche 924.
HABITACLE
L'habitacle de la Porsche 924 offre
quatre places, ou plutôt devrions-nous parler de 2+2 places
tant les places arrières sont petites et réservées
soit à des courts trajets, soit à des enfants. La
planche de bord est très classique dans son dessin avec un
bloc d'instruments (trois gros cadrans) juste derrière le
volant, et une console centrale. La position de conduite est celle
d'une voiture de sport avec les jambes allongées et le levier
de vitesses tombant bien sous la paume. En revanche, le volant est
positionné trop bas et non réglable. Ce défaut
ne sera corrigé qu'à partir de la Porsche
944 turbo, et encore... Les premières 924 auront le droit
à des intérieurs assez rigolos avec des tissus écossais,
des carreaux dégradés noirs et blancs (comme sur les
Porsche 911 et 928 contemporaines) ou encore des rayures. L'équipement
de série était alors plutôt mince et il fallait
recourir au coûteux catalogue des options. La Porsche 924
était certes plus accessible, mais n'oublions tout de même
pas que nous sommes chez Porsche !
MOTEUR
Ce moteur d'origine Audi et refroidi par eau qui reçu si
souvent l'opprobre des Porschistes fanatiques (intégristes
?) remonte à 1965. Alors d'une cylindrée de 1871 cm3,
il fut revu intégralement et réalésé
au début des années 70 et connu sous le nom de code
EA831. Ce quatre cylindres en ligne à bloc en fonte et culasse
en alu est donc réalésé à 1984 cm3.
Toujours doté de 8 soupapes, il est doté d'un arbre
à cames en tête. Il est incliné de 40° dans
la baie moteur et est installé longitudinalement. Une injection
électronique Bosch K-Jetronic se charge d'amener et gérer
le précieux carburant dans les chambres de combustion. Sa
puissance revendiquée est donc de 125 ch à 5800 tr/mn
et un couple de 16,8 mkg à 3500 tr/mn. Des valeurs très
(trop ?) raisonnables, surtout pour une auto de 1130 kg. Les performances
ainsi affichées par Porsche sont donc en demi-teinte. Certes,
la vitesse de pointe est très flatteuse avec 204 km/h. Mais
cela est surtout à porter au crédit de l'aérodynamique
efficace de la Porsche 924. En revanche côté accélérations,
nous sommes loin d'une sportive pure et dure : un peu plus de 30
secondes pour le kilomètre départ arrêté
et le 0 à 100 km/h en moins de 10 secondes. Et ce n'est pas
le changement de boîte de vitesses de quatre à cinq
rapports qui change quelque chose à l'affaire. Sur route,
la Porsche 924 offre une souplesse et douceur de fonctionnement
étonnante. Pas de ralenti chaotique, ni de soubresauts. Finalement
la Porsche 924 est plus une " petite " GT qu'une vraie
sportive.
CHASSIS
Sur sa structure coque autoporteuse, Porsche a greffé des
éléments Volkswagen de Golf
et de Coccinelle. Ainsi, le train avant est composé d'un
classique système McPherson avec leviers transversaux. Le
train arrière est constitué de bras obliques et barres
de torsion transversales. Si l'ensemble de ces solutions techniques
est très traditionnel, la tenue de route de la Porsche 924
est une réussite. Il faut avouer que le positionnement des
organes majeurs de l'auto y est pour quelque chose. Le moteur est
placé à l'avant tandis que la boîte de vitesses
est à l'arrière. Les deux sont reliés par un
arbre de transmission qui tourne dans un tube rigide. Ce système
baptisé Transaxle par Porsche sera repris avec la même
efficacité sur toutes les Porsche à moteur avant (928,
944, 968).
Cela confère donc un équilibre excellent à
la 924. D'autant que la puissance modeste ne permet pas de mettre
en défaut cette propulsion. Nous sommes loin du caractère
ombrageux des Porsche 911. Le freinage, pour une Porsche, est assez
moyen, la faute certainement à un usage de tambours arrière
et de garnitures d'origine VAG.
EVOLUTIONS
En décembre 1976, Porsche propose une série spéciale Martini qui sera vendue jusqu'en 1978 (selon les marchés) à 3000 exemplaires, dont
2000 pour les USA et 1000 exemplaires en Europe. Elle est disponible en gris ou blanc avec décorations latérales Martini et commémore la victoire de Porsche en championnat des voitures de sport 1976. En août 1977, des modifications sont apportées aux train arrière
pour améliorer la tenue de route. Malgré son énorme succès commercial, la Porsche 924 se voit boudée par les Porschistes qui lui reprochent des performances trop modestes, comme cela fut le cas auparavant pour la 914. Par ailleurs, les normes très contraignantes aux USA lui imposent une puissance minorée avec pour conséquence des performances très en retrait. Les trains roulants de la 924 sont en effet tellement efficaces, qu'ils pourraient supporter une puissance nettement supérieure.
En 1978, Porsche décline son expérience de la suralimentation à la petite 924 pour combler l'écart de performances important entre la 924 et la 911. Le quatre cylindres 2.0L voit alors sa puissance bondir à 170 ch et donne naissance à la Porsche 924 Turbo, qui vient s'ajouter au catalogue à côté du modèle de base. En 1979, la 924 reçoit en série la boîte mécanique
à 5 rapports à (type 016) et l'assistance de freinage est renforcée. En 1980, la présentation de la 924 Carrera GT (210 ch), modèle d'homologation
sur base de 924 Turbo, confirme la volonté de Porsche de faire monter en puissance son petit modèle. En juillet, la série limitée
Le Mans fait le bonheur des collectionneurs. En 1982, la Porsche 944 fait son arrivée et remplace la 924 turbo, sauf sur le marché
italien en raison de la fiscalité pénalisante pour
les plus de 2 litres de cylindrée.
La Porsche 924 2 litres 125 ch continuera une carrière plus discrète, ses ventes étant dès lors divisées par deux. Elle est toutefois maintenue au catalogue puis remplacée
par la 924 S en 1985, équipée de la même base moteur que la 944 (4 cylindres en ligne 2,5 litres issu du V8 des 928). La 924 S reçoit à son tour une série limitée Le Mans, produite entre juillet et septembre 87
pour célébrer la 12ème victoire de Porsche au Mans. La 924 S achève la carrière du modèle en 1989 après
151.711.924 exemplaires produits, toutes versions confondues.
ACHETER UNE
PORSCHE 924
La Porsche 924, en raison de son statut de mal-aimée ou de
Porsche du pauvre, s'offre aujourd'hui à des prix des plus
bas. Si on en trouve dès 2000 euros, il vaut mieux compter
sur un minimum de 4000 euros pour un modèle sain et entretenu. Là
est le majeur problème de la 924 actuellement. De nombreux
exemplaires ont été achetés plus pour le blason
que pour la passion. Résultat, l'entretien minimum ad-hoc
requis n'est jamais réalisé. Il en résulte
donc des autos dans un état lamentable et dont les frais
de remise en état sont effrayants. Car bien entendu, même
si la cote de ces coupés allemands est basse, le prix de nombreuses
pièces spécifiques et des révisions est toujours à prix
Porsche ! Bon, bonnes nouvelles, les 924 sont des autos globalement
fiables avec des blocs moteurs qui peuvent atteindre assez facilement les 300 000
km et les petits malins pourront s'en sortir à moindre coût en allant piocher dans
le catalogue des pièces de VAG, de spécialistes Porsche (hors réseau officiel) et de l'occasion (nombreuses) pour entretenir leur Porsche
924. Les faiblesses du modèle sont désormais connues
avec en vrac : le régulateur de pression qui tient parfois
mal à chaud, d'où des démarrages difficiles,
la finition intérieure ne vieillit pas très bien pour
les selleries et certains accessoires d'origine VAG. Les frais courants
sont limités avec des pneus encore de petites tailles et
donc pas trop chers à l'achat, une vidange moteur de 5 litres
tous les 10000 km (avec une huile 15W40). Tous les 60000 km, la
boîte doit également être vidangée avec
l'huile préconisée. La courroie est également
à remplacer tous les 80000 km. En revanche, essayez de ne
pas froisser vous-même votre 924, les prix des pièces
de carrosserie étant globalement très élevé !
PRODUCTION PORSCHE 924
1976 : 5 149 exemplaires
1977 : 14 726 exemplaires
1978 : 21 562 exemplaires
1979 : 20 619 exemplaires
1980 : 12 794 exemplaires
1981 : 11 824 exemplaires
1982 : 10 091 exemplaires
1983 : 5 789 exemplaires
1984 : 4 659 exemplaires
1985 : 3 214 exemplaires
TOTAL Porsche 924 : 121 289 exemplaires
:: CONCLUSION
La Porsche 924 reste un maillon essentiel dans la généalogie
des Porsche à moteur avant. Certes, ce n'est pas une sportive
pure et dure car elle joue plus dans la cours des " petites
" GT. Elle laisse le sport à sa sur turbo et son
caractère ombrageux. Le grand malheur de la Porsche 924 est
d'avoir été jugée très souvent par des
gens qui ne l'ont pas conduit. Pourtant, aujourd'hui elle prodigue
bien du plaisir à ceux qui ont bien voulu s'ouvrir à
elle et l'utiliser comme elle se doit. Rapide et avec élégance.
Des qualités inconnues jusque-là chez Porsche. Et
après tout, de nos jours certains n'hésitent pas à
rouler en Porsche Cayenne
vous avez dit " sport "
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