LA
BATAILLE D'ANGLETERRE
Il est des marques automobiles aux destins
compliqués et torturés. TVR appartient à cette catégorie
de petits constructeurs qui joue le pile ou face à chaque nouveau modèle.
Cette lutte incessante pour exister ou survivre accouche de modèles souvent
charismatiques et charmeurs. La TVR Sagaris, que Romain Rousseaux, le dynamique
importateur TVR, a bien voulu nous faire découvrir sur les routes de l'arrière
pays niçois, possède cette trempe à faire chavirer les plus
sceptiques...
Texte : Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
Pour ceux qui auraient manqué un épisode de
la saga récente de la gamme TVR, sachez qu'elle
comporte actuellement quatre modèles : la Tuscan convertible et "standard",
la T350, la Tamora, et la Sagaris. C'est cette dernière
que Romain Rousseaux a bien voulu nous faire découvrir sur les routes de
l'arrière-pays niçois, un terrain de jeux idéal pour mettre
en valeur les qualités du châssis et du moteur.
Si l'épisode
du SpeedTwelve, ou du V8 maison sont de l'histoire ancienne, TVR mise désormais
à fond sur ce six cylindres en ligne (SpeedSix) qui est non seulement fiabilisé
mais dispose, on le verra, d'un tempérament unique...
DESIGN
C'est évidemment par-là que tout commence avec la Sagaris.
Impossible de passer inaperçu au volant d'une TVR Sagaris. Elle possède
une ligne à nulle autre pareille et il faut reconnaître que la rétine
doit s'acclimater à cette agression occulaire. C'est bien simple, aucune
auto dans la production automobile actuelle ne permet de singer la Sagaris. Belle
ou moche ? Question de goûts et de temps. Surprenante au départ,
on s'attarde finalement avec délectation sur les moultes détails
qui agrémentent le design de cette drôle de voiture : aileron arrière
rapprté transparent, pots d'échappements qui pointent leurs extrémités
sur les côtés de l'auto, dessus des ailes avant "crantées",
capot en deux parties, feux avant au design agressif, aérations béantes
avant... Les dimensions et proportions de la Sagaris participent aussi à
semer le trouble dans votre esprit avec un arrière ramassé et un
capot proéminent. On dirait une Viper
GTS, mais en beaucoup plus petit et surtout semblant à l'oeil nu beaucoup
moins lourde. Les larges jantes de 18 pouces laissent entrevoir de solides freins.
Pas de doute possible, rien que visuellement parlant, cette Sagaris en impose
et annonce la couleur : le sport, du sport et encore du sport. Mais une fois ce
premier round d'observation terminé, on prend le temps de découvrir
moultes détails ainsi que l'habitacle. C'est la deuxième facette
de TVR qui apparaît. Pour ouvrir la porte et découvrir l'habitacle,
il faut presser délicatement (le mieux en pleine rue avec du monde autour
est d'adopter en même temps une petite moue singeant le flegme britannique
!) un petit bouton situé... sous le rétroviseur extérieur
!
HABITACLE
L'accès à bord est aisé, mais l'auto est (très !)
basse. La sortie sera plus rude pour les personnes peu souples et agiles. La position
de conduite est excellente même si on aurait apprécié un maintien
latéral plus rigoureux. La présentation marie habilement (comme
de coutume chez TVR) du sport et du luxe. C'est le sport de Lotus mélangé au luxe d'Aston Martin.
Et le dessin de la planche de bord est plus simple et harmonieux que celui de
la Tuscan (question de goûts nous direz-vous). Si les commodos et commandes
sont très design et agréables à l'oeil, leur ergonomie n'est
pas optimale et il vous faudra être coutumier de l'auto pour mieux les deviner
(pas de petits pictogrammes dessus comme sur votre clio dci...). Mais cela concourre
au charme artisanal de ces autos encore fabriquées à la main. A
noter le petit livier de vitesse en alu qui tombe idéalement sous la main,
et le pédalier non suspendu comme sur une monoplace !
MOTEUR
Pour cette dernière décennie, l'abandon du V8 Rover au profit de
mécaniques de conception maison ont fait couler beaucoup d'encre et également
"embrouillé" les esprits. SpeedTwelve, V8, SpeedSix... beaucoup
d'amateurs ont tout mis dans le même lot et pourtant les différences
sont réelles et les caractères marqués. Sur la Sagaris, c'est
donc le SpeedSix que l'on retrouve. Un six en ligne très traditionnel mais
très orienté course. Tellement orienté course, qu'il est
placé en position longitudinale central avant. Comme sur certaines autos
de course comme les Panoz par exemple. Ce bloc de 4 litres tout alu est coiffé
d'une culasse à 24 soupapes et alimenté par une injection électronique.
Petit raffinement technique aussi utile que fleurant bon le parfum de la course,
il est doté d'une lubrification avec carter sec pour éviter tout
risque de déjauger en phases d'appui. Cette mécanique est déjà
connue puisque utilisée par la TVR Tuscan S. Il développe 406 ch
à 7000 tr/mn et 42,8 mkg à 5250 tr/mn. Sans même l'avoir démarré,
rien que ces deux valeurs laissent entrevoir un visage très "course",
et surtout des régimes de rotation pas toujours courant chez nos amis britanniques.
Et puis une simple calculatrice vous donnera un des premiers ratios clé
: 101,60 ch par litre, soit une valeur plaçant la Sagaris dans le peloton
de tête des moteurs atmosphériques avec la Ferrari
F430, la Honda Civic Type R et la BMW M3 E46, excusez du peu ! Une boîte de
vitesse mécanique à cinq rapports complétée par un
autobloquant Hydratrack a la lourde tâche d'organiser la cavalerie et le
résultat est très convaincant. En raison de la conduite à
droite du modèle essayé, et de pneumatiques plus tout jeunes, nous
avons préféré laisser le volant à Romain Rousseauxx l'importateur TVR France,
plus habitué que nous à rouler "du mauvais sens". Sur
les routes vallonées de l'arrière-pays niçois, la SpeedSix,
une fois en température commence à donner toute sa mesure. Un véritable
récital dont pourraient s'inspirer nos motoristes français trop
affairés à concevoir des diesels. Rappelant les anciennes TVR comme
la série "M" (Cf. dossier : TVR 3000 M),
il est possible d'enrouler un rythme soutenu sans forcer tout sur le couple. Même
dans les montées. Ambiance "bombardier" avec un moteur qui gronde
sourdement. Très sympa ! Puis une fois les manos en température
et un objet roulant à chaudière au fioul identifié, il est
temps de descendre un ou deux rapports. Arrivé à 4500 tr/mn, le
SpeedSix sonne beaucoup plus clair et fort et surtout il pousse très, très
fort. Quel coffre ! Ahurissant... Plus de 300 km/h en pointe annoncés par
l'usine et un 0 à 100 km/h en moins de 4 secondes. Pas de doute, à
Blackpool on fanfaronne pas, car les sensations sont réelles et peu communes.
Pour arriver à de telles sensations, vous devrez en général
vous acquiter d'un chèque alourdi de 30 à 50 000 euros selon les
marques.
CHASSIS
Décidemment, cette TVR Sagaris est étonnante.
Look peu commun et agressif, dimensions d'une voitures de course (large mais courte
avec empattement maxi), moteur utilisable au quotidien mais capable de se muer
en véritable mécanique de course. Mais une telle cavalerie, cela
tient le pavé ? Evidemment ! Le contraire aurait été étonnant,
lorsque l'on s'attarde sur les dessous de la belle. Un châssis tubulaire
et arceau-cage constituent ce que l'on peut véritablement appeler le châssis
sans que cela soit un détournement d'appellation. Des trains triangulés
comme sur les monoplaces se chargent de maintenir idéalement au sol les
roues de 18 pouces chaussées de larges pneus de 255/40 ZR 18. Les freins
semblent surdimensionnés, d'autant que, cerise sur le gâteau, la
Sagaris ne pèse que 1100 kg pour ses 406 ch anonncés. Mais bon sang,
c'est bien sûr ! La bonne vieille recette de Colin Chapman ("The
Light is Right") de limiter le poids d'une auto au maximum permet ainsi
à la Sagaris d'atteindre le rapport poids/puissance record de 2,71 kg/ch
! Il en résulte un comportement très agile et vif. Un véritable
hymne au pilotage qui permet d'opter pour la trajectoire idéale avec des
suspensions rigoureuses, un freinage indestructible et des reprises dantesques.
Les dérobades éventuelles du train arrière sont contenues
avec facilitée par le pilote qui peut compter sur un autobloquant pour
mieux maitriser une dérive. Pendant ce baptême à rythme soutenu,
Romain Rousseaux nous raconte son expérience en passager avec au volant
un vrai pro du pilotage : "les capacités de la Sagaris sont étonnantes
et permettent une vraie recherche de la trajectoire idéale. En plus malgré
son gabarit contenu, elle s'autorise des réactions très saines et
progressives." Et ce qui surprend tout de même dans cette véritable
furie, c'est le confort de roulement qui reste très acceptable aux allures
usuelles. Facile à conduire au quotidien, facile à mener vite (sur
circuit !), la TVR Sagaris rappelle tout de même sa génétique
de compétition avec des capacités exceptionnelles sur la piste,
pour un peu que l'on possède le minimum de compétiences de pilotage...
A
LA CROISEE DES CHEMINS...
TVR fleure bon l'Angleterre comme on
l'aime. Du charme, des performances, un caractère affirmé, et une
sportivité à fleur de peau caractérisent les produits de
la firme de Blackpool. Après un moteur SpeedSix à la fiabilité
aléatoire, une gestion peu cohérente de la firme et la vente au
russe Nikolaï Smolenski, il était donc temps de faire le point avec
l'importateur TVR en France
>
Lire la suite de ce reportage sur TVR !
::
CONCLUSION
Une fois le premier choc des images passé avec un
design qui peut surprendre, la TVR Sagaris se dévoile en véritable
voiture de course habillée pour la route. Très polyvalente pour
une ultra-sportive, elle reste abordable au quotidien et facile à conduire,
et se transforme en véritable barquette de compétition une fois
passé les 4500 tr/mn. Des freins en acier, un châssis de rêve
et un moteur SpeedSix envoûtant.... Que lui manque-t-il ? Plus que le droit
de rouler en France...
L'Automobile Sportive tient à remercier
chaleureusement Romain Rousseaux et John Brittain, les dynamiques importateurs
de TVR pour la France, pour leur accueil, leur gentillesse et leur passion communicative
sur les autos de Blackpool.
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Bien
lotie en pneus, disques et pinces, la Sagaris freine comme elle accélère
: très fort. Ici, pas de surassistance, pas d'antiblocage. Et ça
marche. Construite comme une voiture de course avec ses suspensions à triangles
superposées, son châssis tubulaire, son arceau-cage, sa carrosserie
en plastique et son moteur à carter sec -c'est tout juste si l'on échappe
à la boîte à crabots-, elle ronfle parce qu'elle s'étire
en attendant l'orage. Mais quand ça pète, ça pète.
Très à l'aise de 1000 à 4000 tr/mn, le six cylindres change
de registre vers 4500 tr/mn et se met à hurler jusqu'après 8000
tr/mn. En 5e, il est censé dépasser largement les 300 km/h. Une
brute !"
Sport Auto - Septembre 2005 - TVR Sagaris. |