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ALFA-ROMEO MONTREAL (1971 - 1974)

alfa romeo montreal
© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (08/06/2010)

PRESTIGE RETROUVE

La fin des années 60 célèbre le centenaire de la confédération canadienne et l'exposition universelle de 1967 se tient à Montreal sous le thème "Terre des Hommes, L'Homme, constructeur". A l'occasion de l'exposition, Alfa Romeo veut frapper fort avec un concept-car spectaculaire et ainsi renouer avec son lustre d'antan...

Texte : Sébastien DUPUIS
Photos : Cédric AUGUSTO

Fort d'un passé glorieux en compétition, associé à des pilotes talentueux comme Fangio, Alfa Romeo, constructeur de renom, revient alors sur le devant de la scène pour redynamiser son image sensiblement sur le déclin. La gamme Alfa entretient comme elle peut la flamme avec le coupé Giulia GT/GTV et la préparation de l'Alfasud, petit coupé populaire occupe toutes les ressources. Mais il manque une vraie voiture de prestige.

Pour réaliser rapidement un prototype, Alfa Romeo utilise un maximum d'éléments de coupé GTV, y compris la mécanique, et confie la réalisation à son partenaire historique, Bertone. Le projet est mis en place assez rapidement sur une base d'Alfa Giulia et la présentation du concept-car Montreal a lieu comme prévu à l'exposition universelle de 1967 au Québec. 3 ans plus tard, au salon de Genève, Alfa Romeo présente sa voiture de série, dotée d'un inédit moteur V8 posé sur le train avant. L'objectif est alors de vendre 10000 voitures, au rapport prix/prestations attractif. Bien que le succès commercial fût modeste et décevant pour Alfa - un engagement en compétition aurait peut-être été souhaitable - la Montreal s'inscrit aujourd'hui parmi les Alfa Romeo d'après-guerre les plus exotiques et trouve un attrait progressif auprès des collectionneurs. Les très beaux exemplaires comme celui qui vous est présenté ici ne sauraient leur donner tord, car cette Alfa Romeo ne manque pas de charme...

PRESENTATION

Marcello Gandini, élève le plus doué de la maison Bertone est chargé de créer une voiture spectaculaire et évoquant une grande sportivité. Remarquez qu'il vient ni plus ni moins de signer son plus beau chef d'oeuvre : la Lamborghini Miura ! Galvanisé par le succès de son travail pour Lamborghini, Gandini va exprimer son talent pour Alfa Romeo dans un registre un peu plus classique et qui amorce la transition de style qui s'opère entre le design des années 60 et celui des années 70, plus nerveux et agressif. Le style est à une période charnière, mais encore une fois très personnel et parfaitement assimilable à son créateur. Gandini doit également tenir compte du moteur placé à l'avant, ce qui l'empâche de faire un avant aussi plongeant que sur la Lamborghini. De même, la voiture doit offrir 4 places et un coffre digne de ce nom. Là encore, ce sont des contraintes fortes qui imposent une ligne moins proches d'une voiture de course que d'un coupé de grande série.

Toutefois, le coup de crayon final réussit ce pari difficile et L'Alfa Montreal offre une ligne racée et sportive. Elle attire le regard par ses références suggérées au mythique coupé de Sant Agata et ne s'identifie pas immédiatement en tant qu'Alfa Romeo. Que ce soit l'entrée d'air factice type Naca sur le capot, le semi-carénage ajouré et rétractable des phares, les fausses grilles d'aération sur les ailes arrière (imaginées pour un moteur central) ou encore la découpe de ses portières très proches de la Miura, la Montreal ne laisse pas insensible et sa ligne séduit par de nombreux détails de style, même si certains sont purement esthétiques comme la prise d'air NACA factice sur le capot...

A l'issue de l'exposition à Montreal, les dirigeants d'Alfa Romeo décident d'exploiter l'écho médiatique international de l'exposition et le bon accueil du public pour développer un haut de gamme directement dérivé du show car. La Montreal voit le jour définitivement en 1971 et s'érige en porte-drapeau de la marque avec un style flamboyant et un prestigieux V8 dérivé de la Tipo 33 de course. A la manière d'une 8C aujourd'hui, Alfa compte bien redorer son blason avec une telle voiture dans son catalogue et ses show-rooms.

HABITACLE

alfa romeo montreal interieur

L'habitacle est lui aussi traité dans le plus pur style italien du sport-luxe, avec un haut niveau de qualité de fabrication (pour l'époque). La position de conduite basse et allongée évoque l'univers des GT, de même que le volant 3 branches à jante en bois et gros déport. La visibilité arrière est facilitée par le grand hayon vitré, en revanche l'angle-mort sur les 3/4 arrière est très important et il n'y a qu'un seul rétroviseur extérieur pour les manoeuvres...

Le traditionnel double-compteur Alfa Romeo face au pilote englobe toutes les jauges de contrôle de la mécanique, et le compte-tours dont la zone rouge démarre à 7000 tr/mn donne le ton. La présence encore marquée de nombreux chromes et le cuir abondant (du vrai et du faux) confèrent à cet habitacle tout le charme des voitures d'avant 1980, même si déjà quelques plastiques peu flatteurs commencent à pointer leur nez. Les places arrières, symboliques, permettront de préparer les oreilles de 2 chérubins à la symphonie d'un vrai moteur d'orfèvre à 8 pistons. Il nous tarde alors de faire plus ample connaissance avec les dessous intimes de cette belle milanaise...

CARACTERISTIQUES


ALFA-ROMEO MONTREAL
v8 alfa montreal
MOTEUR
Type : 8 cylindres en V à 90°, 16 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection Spica
Cylindrée (cm3) : 2593
Alésage x course (mm) : 80 x 64,5
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 200 à 6500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 235 à 4750
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : 5 manuelle
POIDS
Données constructeur (kg) : 1270
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6,3
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés (274/284)
Pneus Av-Ar : 215/60 R 15
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 220
400 m DA : 16"
1 000 m DA : 28"2
0 à 100 km/h : 7"1
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km) : 14
PRIX NEUF (1973) : 60.000 FF
COTE (2010) : 25.000 €

PUISSANCE FISCALE : 13 CV

MOTEUR

Présentée dans un premier temps avec le petit quatre cylindres 1600 des Alfa Giulia GTV, la Montreal va ensuite s'offrir une mécanique plus à la hauteur de ses ambitions. Directement dérivé du V8 2 litres de la T33 de compétition, conçu par Carlo Chiti, un nouveau V8 de petite cylindrée fait son apparition.

Il s'agit d'un 2L6, obtenu par augmentation de l'alésage et de la course, bloc et culasses en alliage léger, avec vilebrequin à 5 palliers muni de contrepoids et lubrification par carter sec. Dans la tradition Alfa Romeo, les soupapes sont actionnées par double arbre à cames en tête par rangée de cylindres, lui-même entrainé par chaîne. L'allumage est électronique et on note également la présence d'un système d'injection mécanique Spica positionné au centre du V, et non de traditionnels carburateurs plus encombrants. Les alfistes diront "malheureusement", car ce système d'injection qui en est à ses balbutiements s'avère assez peu fiable et difficile à régler. Mais le V8 occupe toute la place disponible sur cette plate-forme hérité du coupé GTV ! Il a donc fallu se passer des carbus.

Avec ses cotes supercarrées, le V8 Alfa prend allègrement plus de 7000 tr/mn, le haut de la zone rouge étant situé à 8000 tr/mn. Toutefois, contrairement au moteur de compétition qui sort plus de 400 ch à 11000 tr/mn, le couple a été privilégié sur la puissance qui se limite ici à 200 ch à 6500 tr/mn. Pour cela on a augmenté la longueur des tubulures d'admission. Si la souplesse de conduite n'est pas exceptionnelle pour un V8, ni les performances pures (0-100 mesuré à 8" environ), il reste toutefois une sonorité particulièrement envoûtante pour prendre son pied au volant de cette Alfa d'exception. Surtout lorsqu'on atteint les hauts régimes où le petit V8 se met à hurler comme un moteur de compétition, avec les échappements qui crépitent et pétaradent au rétrogradage ! Bop-bop-bop, du pur bonheur ! Et il faut aussi garder à l'esprit la petite cylindrée de ce V8 dont le couple maxi de "seulement" 235 Nm s'obtient à 4750 tr/mn. C'est néanmoins largement suffisant pour déplacer dynamiquement les quelques 1300 Kg (1270 Kg à vide annoncés) de l'Alfa Montreal.

La transmisison manuelle ZF à 5 rapports est du type "sport", avec la première en bas à gauche. Son étagement est réussi et ses verrouillages sont un peu lents mais précis. En contrepartie, la consommation n'a pas de commune mesure avec la faible cylindrée et on égale aisément un bon gros V8 américain avec un pied en plomb.

SUR LA ROUTE

essai alfa romeo montreal

Comme la plate-forme, la suspensions dérive des berlines de la marque avec roues indépendantes à ressorts hélicoïdaux et doubles-triangles intégrant des amortisseurs téléscopiques à l'avant et un essieu rigide à bras tirés à l'arrière. La solution est archaïque mais maîtrisée par Alfa Romeo qui l'a faite évoluer notamment avec des bras en "A" qui limitent les effets de couple. Des barres anti-roulis sont également ajoutées sur chaque essieu et la tenue de route pour l'époque est de bon niveau. Toutefois la clientèle reproche l'absence de direction assistée à cette grande GT dont le poids sur le train avant (55% du total) devient un handicap en manoeuvres et confère une tendance souvireuse marquée en entrée de courbe. Sans compter que la direction à recirculation de billes n'est pas à même d'offrir le feeling d'une crémaillère, ni une grande précision de conduite.

Les puristes eux, lui reconnaissent un vrai talent pour vous faire vivre la route avec noblesse, un peu comme à bord d'une Aston Martin DB5. Comprenez qu'il ne faut pas en attendre l'agilité d'une gazelle. Communicative et enthousiasmante mécaniquement, l'Alfa Montreal est bourrée de caractère et sa mécanique extraordinaire se montre particulièrement alerte à monter en régime. Mais elle se savoure principalement sur les belles nationales. En revanche, il ne faut surtout pas la comparer aux références de l'époque et c'est un des tords qu'on lui fait souvent. Performances et tenue de route ne sont pas au niveau d'un vrai coupé sportif, surtout à moteur central, et il est inutile de lui faire subir l'épreuve d'un circuit ou d'une petite départementale sinueuse abordée façon spéciale de rallye. La Montreal est un coupé plus bourgeois et confortable, conçu pour un usage quotidien malgré sa mécanique issue de la compétition et offrant un certain confort de marche.

Les performances sont plutôt bonnes dans l'absolu mais pas suffisantes pour être aussi grisantes qu'à bord d'une Ferrari ou d'une Lamborghini. Le freinage se montre un peu léger malgré 4 disques ventilés, de plus grand diamètre à l'arrière qu'à l'avant (284 mm contre 274). Les pneumatiques en 195/70 sur des jantes 14" Campagnolo Elektron en alliage de magnesium et aluminium sont également sous-dimensionnés pour le couple disponible et la motricité apparaît souvent délicate, surtout sur sol humide. En revanche les réactions de la voiture sont toujours saines et prévenantes, ce qui ne la réserve donc pas qu'à des pilotes expérimentés.

ACHETER UNE ALFA ROMEO MONTEREAL

En dépit d'un tarif attractif (60.000 FF en 1973) et d'une mécanique prestigieuse, l'Alfa Romeo Montreal déçoit par ses prestations routières et ne rencontre qu'un faible succès commercial. Après une forte demande sur l'année 1972, le second choc pétrolier de 1973 se charge rapidement de décourager les acheteurs européens sensibles à la réputation vorace du V8, et la Montreal termine sa carrière avec une production au compte-goutte. La production s'arrête dès juillet 1974 et l'écoulement des stocks durera plusieurs années. 3925 exemplaires seront vendus entre 1971 et 1977, dont 480 furent livrés sur le marché français. Longtemps boudée par les fans de la marque, la Montreal retrouve progressivement des couleurs sur le marché de la collection et gagne sa place dans le coeur des collectionneurs. Peut-être que finalement, on s'accorde à dire qu'il s'agit de l'une des plus désirables Alfa-Romeo d'après-guerre et que le style des années 70 finit par s'inscrire dans les classiques incontournables. La cote est encore très accessible pour un engin de ce type, et avec un budget de 25.000 euros en excellent état, on pourra accéder au rêve de posséder une automobile chargée d'histoire et au charisme fort.

Attention toutefois, car la Montreal n'est pas vraiment à considérer comme une voiture de série conventionnelle. D'une part, son âge avancé impose d'être toujours attentif à la corrosion qui pourra se nicher insidieusement malgré l'innovant traitement anti-corrosion mis au point par Bertone. D'autre part, en raison d'une mécanique d'orfèvre issue de la compétition la belle doit être respectée au maximum dans sa conduite (temps de chauffe impératif), être révisée tous les 6.000 km, et tous les 30.000 km on l'inspectera plus en profondeur. Faute d'un bon fonctionnement, l'injection mécanique peut transformer le petit V8 en vrai gouffre à carburant... L'embrayage n'est pas des plus robustes, tout comme le circuit de refroidissement à surveiller de près (pompe à eau, joint de culasse) et le circuit électrique. Le plus impératif est donc de connaître un très bon garage... Dans le réseau Alfa Romeo, il sera quasi-impossible de trouver des personnes compétentes sur ce genre de mécanique. Il faut donc se tourner vers les petits spécialistes des vieux moteurs, et les tarifs des pièces comme de la main d'oeuvre peuvent très vite faire grimper le budget. Certaines pièces spécifiques n'existant plus du tout et étant introuvables en occasion, il faut parfois les faire refaire ou dénicher du compatible sur Internet.

En conclusion, les délices de rouler dans cette belle Alfa ne peuvent se faire qu'avec parcimonie et toujours dans le plus grand respect de la mécanique. Attachez vous donc à trouver une voiture avec un historique limpide et un propriétaire aussi sérieux que possible, qui prendra le temps de bien vous expliquer toutes les petites spécificités et attention inhérentes à un tel collector. Les coûts d'entretien et d'utilisation seront proches de ceux d'une voiture au blason plus prestigieux, ou au moteur plus puissant et performant, et c'est sans doute ce qui explique aussi la cote encore assez basse des Alfa Montreal. Toutefois, il est fort possible qu'après avoir goûté aux charmes de cette belle italienne, vous vous laissiez emporter par la passion vénéneuse de la vouivre de Milan...

CONCLUSION

:-)
Voiture atypique
Ligne signée Gandini/Bertone
Présentation soignée
Moteur envoûtant
Cote raisonnable
:-(
Mauvaise image tenace...
Comportement routier "daté"
Coût d'utilisation élevé

Belle à regarder et à écouter, l'Alfa Romeo Montreal a longtemps fait partie des mal-aimées. Sans doute parce qu'elle était trop dans l'art du compromis délicat entre sportivité et grand tourisme de prestige ou que son coût d'entretien se montre assez prohibitif. On pourra donc toujours trouver des raisons objectives pour acheter une autre voiture, mais si on prend la peine de découvrir la Montreal, on savourera alors une voiture atypique et bourrée de personnalité, une vraie belle automobile italienne. Un collector de choix, pour ceux qui savent.

L'Automobile Sportive.com remercie chaleureusement Didier pour nous avoir présenté ce magnifique exemplaire d'Alfa Montreal, ainsi que Manu, Guillaume et Julien pour leur participation à cet essai.

PHOTOS


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Avis des propriétaires

j'ai possédé cette voiture en 1977 occasion de 19000kms , orange métal ,ce que j'en retiens c'est le plaisir!! oublié les freins ,plaquettes molles ,réglage carburation,sonde thermostatique,mais la conduite envoutante,rare véhicule revendu plus chère qu'a l'achat .plus de nostalgie qu'avec une porche 911 s de même époque .

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