© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (03/12/2004)
CHEF D'OEUVRE
1966, Genève. Utilisant pour la
première fois sur une GT de production l'architecture à moteur central,
héritée de la compétition, Lamborghini devance Ferrari, et tout
l'establishment de la voiture de sport haut de gamme. Le bolide
en question, baptisé Miura, fait immédiatement sensation.
Retour sur l'un des plus beaux taureaux de Sant'Agata Bolognese...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Au salon de Genève, en 1966, les passionnés
portent une attention tout particulière au stand Lamborghini. La
Miura, qui tient son nom d'une robuste race de taureaux de combat
espagnols, y fait sa première apparition publique et surprend
par ses aspects innovants. L'année précédente, au salon de Turin,
était exposé anonymement, le châssis de la voiture. Mais
une fois habillé par la carrosserie Bertone, le projet TP400
se montre aussi révolutionnaire techniquement que beau à
contempler.
DESIGN
D'entrée, la Miura est à prendre comme un chef-d'œuvre intemporel,
bien avant toute considération objective. Ce trait de génie
est dû à un jeune designer italien de 27 ans, Marcello Gandini,
nouvellement intronisé responsable du style chez Bertone. Ce coup
de maître, qui le fait découvrir au monde entier, inaugure une longue
collaboration entre le carrossier de Grugliasco et Lamborghini.
Son dessin est le fruit d'une étude analytique effectuée en soufflerie.
Cette recherche a permis d'aboutir à des résultats très affinés
en matière d'aérodynamisme. Le résultat est un coupé deux places
très bas, aux lignes affûtées et totalement nouvelles. Mais
sur la Lamborghini Miura, l'innovation n'est pas seulement esthétique.
La carrosserie est constituée de trois partie distinctes : l'avant,
le cockpit et l'arrière, démontables séparément les unes
des autres pour faciliter l'accès au moteur et autres éléments mécaniques.
Dès la présentation, les commandes affluent. Un succès
conforté deux mois plus tard, lorsque la belle parade en
ouverture du Grand Prix de F1 à Monaco. Mais en coulisses,
la mise au point est loin d'être terminée. La commercialisation
ne démarrera finalement qu'au printemps 1967, bien que de nombreux
éléments posent encore problème, comme la ventilation de l'habitacle,
le réglages de suspensions ou la transmission avec différentiel
autobloquant qui sera finalement abandonnée. Pour extraire l'air
chaud du compartiment moteur, des jalousies remplaceront la lunette
arrière vitrée de la voiture exposée à Genève. Alors que la Miura
ne devait constituer qu'un modèle marginal fort en image, la demande
s'avère très supérieure aux capacités de fabrication de l'usine.
MOTEUR
Avec une vitesse de 280 km/h, la Miura est à la fin des années
60, la voiture la plus rapide du monde. Toute la presse et les pilotes
en parlent avec une étincelle dans les yeux. La Miura est
magique ! Son âme, est forte non pas comme un boeuf mais comme
un taureau de combat. En effet, le moteur V12 conçu par l'ingénieur Bizzarrini introduit sur la Lamborghini 350 GT affiche ici une cylindrée de 3929 cm3 et doté
ici de quatre carburateurs Weber triple corps, il développe une puissance
peu commune en série de 350 chevaux à 7000 tr/mn.
Il s'agit d'un dérivé direct de la compétition, issu des efforts
des ingénieurs Dallara et Stanzani d'après des études menées dès
1964 et auxquelles l'ingénieur Ferruccio Lamborghini a personnellement
participé. En 1968, la Miura S passe la vitesse supérieure
et son V12 développe 20 chevaux supplémentaires grâce
à un remplissage amélioré et à un régime de rotation
encore plus élevé. Désormais, ce sont 370 purs
sangs qui se ruent avec furie à 7700 tr/mn. Mais le travail
sur le V12 ne s'arrête pas là. Les ingénieurs ont aussi
réussi à obtenir une courbe de puissance plus pleine et un
meilleur fonctionnement à bas régime. La plus puissante version
Miura P400 S, atteint le cap psychologique des 300 km/h en vitesse
de pointe. Prototype destiné à la compétition,
la Jota portera au plus haut la puissance du V12 4.0L de la Miura,
mais pour un simple coup d'essai. Dopé à l'admission
par de nouveaux arbres à cames et bénéficiant d'un taux de compression
porté à 11,5, le V12 développe 440 ch à 8500 tr/mn, une puissance
proche de celle d'une Ford GT 40 et un rendement exceptionnel pour
un moteur atmosphérique. Les accélérations sont convaincantes
: kilomètre départ arrêté en moins de 20 secondes et environ 3 secondes
pour passer de 0 à 100 km/h !
CHASSIS
La structure de la TP 400 se compose d'une plate-forme en acier
sur laquelle sont soudés des caissons et deux berceaux (avant et
arrière), l'ensemble étant allégé par de multiples perforations.
Les dimensions de la P 400 son parfaitement équilibrées.
L'empattement de 2,50 m pour une longueur totale de 4,36 m limite
le porte-à-faux avant et arrière. La largeur de 1,76
m n'est pas impressionnante mais avec des voies AV/AR de 1,41 m
et surtout une hauteur de 1,05 m seulement, la Miura semble posée
par terre, collée à la route. Les roues de 15 pouces
chaussées de pneus à flancs hauts paraissent en revanche
bien minces en comparaison du potentiel mécanique... D'autant
plus que la Miura est légère, comme une authentique
voiture de course, elle pèse moins d'une tonne; 980 kg exactement.
EVOLUTIONS
A l'occasion du salon de Turin de 1968, Lamborghini présente
sa première évolution du modèle, la Miura P400 S.
Elle vise à corriger les principaux défauts concernant la
finition et le confort. Le dessin des sièges et du volant est revu
et corrigé. Les vitres de la voiture sont désormais pourvues de
commandes électriques tandis que le tableau de bord propose une
instrumentation très complète. On la remarque également à
ses encadrements de vitres chromées. Au petit jeu des différences, la Miura P 400 S mesure 5 cm de plus
en longueur et 2 cm supplémentaire en largeur. Sa hauteur
progresse également de 5 cm et son poids atteint 1050 kg,
puis 1125 kg en 1970 et enfin 1250 kg en 1971 à cause d'un
équipement enrichi et des renforts de châssis. En 1969, Bob Wallace, le pilote-essayeur de Lamborghini,
entreprend de modifier une Miura pour la rendre conforme à la réglementation
sportive internationale, notamment à son annexe J. Baptisé
Jota, ou Miura SVJ, ce prototype est une voiture laboratoire, qui
aurait pu devenir une Lamborghini de course. Elle présente de nombreuses
modifications par rapport au modèle d'origine dont une carrosserie
remodelée et réalisée en alliage léger avec rivetage apparent, et
un châssis modifié avec des voies élargies et des roues
Campagnolo chaussées de Dunlop Racing. La lubrification se fait
par carter sec et le graissage de la boîte est séparé afin de permettre
le montage d'un différentiel autobloquant. Pesant 900 kilos, la
voiture dépasse les 300 km/h. Mais elle ne sera jamais commercialisée,
ni engagée en compétition. Dès 1971, après la fin
de production de la Miura S, Lamborghini va apporter au moteur de
série un certain nombre de modifications imaginées
sur la Jota. Sur la Miura P 400 SV, la puissance maxi est portée à 385
ch à 7850 tr/mn par des modifications de la distribution et de la
carburation. Le graissage du moteur est séparé de celui de la boîte
pour permettre le montage d'un différentiel autobloquant. La Miura
SV restera jusqu'en 1973 la voiture de série la plus rapide
du monde. La Miura
P 400 SV élargies pour sa part la largeur des voies arrières
qui passent à 1,54 m pour permettre le montage de pneus série
60. La belle affiche 1300 kg à vide, tout rond, sur la balance.
En outre, la Miura SV hérite également d'une nouvelle suspension
arrière : les triangles sont remplacés par des quadrilatères plus
performants. Aisément identifiable à ses yeux dépourvus de cils
qui dominent une calandre élargie, à des feux arrière redessinés
et à ses pneus larges, la Miura SV sera produite jusqu'à la fin
de 1972, date de l'arrêt définitif de la production
du modèle. L'avant intègre des phares escamotables et les passages
de roues arrières, élargis, permettent l'adoption de pneumatiques
de section plus large qui confèrent à la voitures une allure incontestablement
"course". Elle donnera d'ailleurs une forme de postérité à
la Jota, avec le souhait de certains propriétaires de Miura SV de
faire transformer leur voiture en "SVJ" par l'usine.
MIURA ROADSTER
Présenté sur le stand Bertone quelques mois après la lamborghini Miura P400, au salon de Bruxelles 1968, le très alléchant
Roadster Miura est en réalité une étude de
style destinée à faire un "coup" marketing.
Renforcé dans sa structure par un arceau arrière, le cabriolet
Miura a été partiellement redessinée et l'inclinaison du pare-brise
accentuée. A l'intérieur, les commandes et cadrans sont groupés
sur la console et le volant est celui de la Marzal. Hélas, ce superbe
concept car restera sans suite. Vendu en 1969 à l'ILZRO et repeint en vert, le Roadster
Miura sera entièrement recarrossé
en Zinc et re-baptisé "Zn 75" à cette occasion.
ACHETER UNE
LAMBORGHINI MIURA
Apparue comme par magie au salon de Genève en 1966, la Miura va
rapidement nécessiter une production plus soutenue. La volonté
de l'entreprise était bien de faire de cette voiture exceptionnelle
une légende. Dès 1967, 150 exemplaires sont tout de même produits,
le chiffre record étant atteint l'année suivante avec 184 unités.
La version de compétition, la Jota, fut mise au point par Bob Wallace,
qui travaillait aux essais de Lamborghini. Construite en 5 exemplaires
plus ou moins aboutis, elle n'existe plus aujourd'hui... Aujourd'hui,
les 150 Miura SV et les 614 autres exemplaires produits restent
synonymes d'un mythe auquel les plus grands collectionneurs attribuent
une valeur peu raisonnable. Compte tenu de sa grande rareté,
la cote de la Lamborghini Miura (généralement vendue
lors d'enchères), est en croissance constante depuis la fin
des années 80. Une P 400, la plus diffusée, se négocie
aux alentours de 75 000 Euros alors qu'une Miura S ne descendra
jamais sous la barre des 90/100 000 Euros ! Enfin, la très
sportive Miura SV atteint des sommets qui peuvent dépasser
les 120 000 Euros. Même si aucun succès sportif n'a
courronné la courte carrière de la Miura, son image
et sa ligne font désormais partie des plus grand classics"
de la production automobile mondiale. Elle devrait demeurer pour
longtemps, l'une des plus emblématiques Lamborghini de l'histoire,
tout comme sa descendante... la Countach !
PRODUCTION LAMBORGHINI MIURA
Miura P 400 (1966-1969) : 475 ex.
Miura P 400 S (1969-1972): 140 ex.
Miura P 400 SV (1971-1973): 150 ex.
::
CONCLUSION
Belle, rare et performante, la Lamborghini Miura avait
dès sa sortie tous les arguments de la supercar. Aujourd'hui,
il s'agit d'une oeuvre d'art, immortalisée comme l'une des
plus belles réalisations de la marque. Contentons-nous de
l'admirer en rêvant à ses futures descendantes... |