© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (17/07/2009)
JAMES BOND CAR !
Après la carrière plutôt
discrète mais réelle et efficace de l'Aston Martin
DB4, David Brown et son équipe dévoile une nouvelle
voiture, qui est surtout une évolution réactualisée
de la DB4, avec des inspirations de DB4 GT. Mais, cette fois-ci,
le marketing et la publicité allaient être utilisés
par la magie du 7e art. La DB5 en devenant la voiture du plus célèbre
agent secret du MI6, va obtenir une renommée internationale
reconnue
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Créé en 1914 par Lionel Martin qui s'est illustrée en tant que pilote à la course de côte d'Aston, Aston Martin va construire une cinquantaine de voitures sportives de 1500
cm3 qui s'illustrèront dans diverses compétitions.
La plus célèbre de toutes fut celle que l'on appela
"Green Pea" (poids vert). Mais dès 1925, la société
est en faillite et MM. Renwick et Bertelli reprennent l'affaire
moribonde. Ils fabriqueront les fameuses Ulster, International jusqu'en
1936. Mais là encore, les affaires tournent mal. Puis Gordon Sutherland,
aidé de l'ingénieur Claude Hill, rachètent
la firme et fabriquent des 2 litres (c'est donc l'abandon du moteur
1,5 litres) jusqu'en 1940. Mais à chaque reprise, l'histoire se répète
: mauvaise gestion, prix de vente dissuasif et dépenses
faramineuses conduisent à la faillite. C'est alors que David Brown, fabricant d'engrenages fortuné,
va s'ériger en énième sauveur de la marque,
et va dans le même temps racheter Lagonda. Le
constructeur Aston Martin - Lagonda est donc créé
en 1940. La période de la guerre n'est évidemment
pas très propice au développement de nouveaux modèles,
et surtout à la vente de modèles sportifs et luxueux.
Après la guerre, David Brown va développer des modèles
qui correspondront à son image : sportives et bourgeoises.
Jusqu'en 1958, différents modèles de la DB2 à la DB4 inaugurant les dénominations
portant ses initiales (DB : Davis Brown) vont donc être produites
en petites quantités, bénéficiant d'une image
exceptionnelle, mais seulement auprès des amateurs avertis
fortunés. Ensuite, l'engagement en compétition d'Aston
Martin, notamment avec des victoires aux 24H du Mans, alors une
des épreuves phares dans le monde entier avec le GP de Monaco
et les 500 Miles d'Indianapolis, et la commercialisation de l'Aston
Martin DB4 vont inverser la tendance. Aston Martin sera toujours
performant et luxueux, mais sa notoriété et ses volumes
de production vont croître sensiblement. Alors pour sa grosse
évolution, baptisée Aston Martin DB5, David Brown
va lancer son modèle dans une carrière au retentissement
international, avec la voiture de James Bond dans le film de Goldfinger.
Un véritable succès, et jamais Aston Martin n'aura
vendu alors autant de voitures, notamment en France.
DESIGN
Pour réussir là où les autres avaient échoué,
David Brown a su s'entourer d'hommes compétents et motivés.
Ainsi, John Wyer viendra apporter son concours, avant de devenir
l'homme clé des succès de la Ford GT40 (!), Tadek
Marek, un ingénieur d'origine polonaise, s'occupera des conceptions
des moteurs 6 cylindres, puis du V8, et le carrossier Touring qui
s'occupera de la partie design et conception. Justement, Touring
a mis au point une technique appelée " Superleggera
". L'Aston Martin DB5 va en profiter. Le principe est relativement
simple et pour but d'alléger au maximum les carrosseries
: une structure tubulaire, reçoit des feuilles d'aluminium
qui composent les panneaux de carrosserie. C'est donc un gage de
légèreté, sans perdre la rigidité nécessaire
à une bonne tenue de route, surtout sur les voitures de sport.
Ce principe sera déployé à la compétition
pendant des années. La ligne dessinée par Touring
était dans la continuité de celle de la DB4, fortement
inspirée de la variante DB4 GT. Les phares avant sont donc
sous globe, des catadioptres intègrent les deux extrémités
du pare-chocs arrière et l'éclairage de plaque de
police arrière est désormais peint. Bien entendu,
un sigle " DB5 " sera apposé sur la droite de la
malle arrière. La ligne de l'Aston Martin DB5 est bien dans
le ton des GT de l'époque, à l'image des Ferrari 250
GT notamment. Il est à noter que chaque panneau de carrosserie
était formé entièrement à la main, au
marteau !! Le carrossier partait d'une tôle d'aluminium plane,
et la formait au marteau
Nous étions alors très
loin du taylorisme ou du fordisme.
VIE A BORD
L'habitacle est traité
dans un style sportif mais luxueux. Ainsi, une batterie de cadrans
rappelait la vocation sportive de l'Aston Martin DB5, mais la finition,
à l'inverse de certaines italiennes, ne supportait pas la
critique. Le cuir, en provenance de Connolly off course !, était
issu des même peaux que celles prévues pour les Rolls-Royce.
MOTEUR
C'est Tadek Marek, l'ingénieur motoriste d'Aston Martin -
Lagonda qui va concevoir le six en ligne qui anime l'Aston Martin
DB5. Tout en aluminium coulé, ce magnifique six en ligne,
à 2 arbres à cames en tête, aura été
initialement testé sur le prototype DBR2 en course. Sur l'Aston
Martin DB4, la première version de ce moteur sera monté
et il se distinguera par une puissance et un couple disponibles
suffisants allié à une fiabilité étonnante.
Avec l'embourgeoisement de l'Aston Martin DB5 et la prise de 150
kg d'excédent, il convient d'augmenter la puissance du moteur
pour que les performances n'en pâtissent pas, surtout comparées
à la DB4. La cylindrée évolue donc pour passer
de 3,6 litres à 4 litres. La puissance gagne 42 ch pour passer
à 282 ch à 5 500 tr/mn tandis que le couple moteur
se porte à une valeur très respectable de 38,6 mkg
à 4 500 tr/mn. Pour y parvenir, en plus de l'augmentation
de la cylindrée, une batterie de 3 carburateurs SU HD8 sont
montés. Le réglage du moteur ne peut donc qu'être
confié à un spécialiste qui connaît.
Chaque moteur était assemblé à l'usine d'Aston
Martin par un seul et même compagnon. Mais l'augmentation
de ces valeurs ne permettent plus de conserver une marge de sécurité
suffisante pour la boîte de vitesses à 4 rapports avec
overdrive fabriquée chez David Brown. Aston Martin - Lagonda
devra se tourner vers ZF pour la fourniture d'une boîte à
5 rapports synchronisés. Avec une telle mécanique,
l'Aston Martin DB5 n'amusait pas la galerie et, en fonction de la
longueur du pont pouvait autoriser 240 km/h en vitesse maximum.
Le 0 à 100 km/h était abattu en moins de 8 secondes,
valeur encore actuelle que peu de voitures peuvent revendiquer.
Grâce à sa distribution évoluée, ce moteur
peut aller dans les hautes rotations sans sourciller. Pour le son,
la batterie de carburateur se charge du tempo, et si vous souhaiter
entendre son grondement sourd, regardez donc le film "Goldeneye" avec Pierce Brosnan lorsqu'il fait une course avec une Ferrari
F355 Berlinetta sur la Corniche. Magique !
CHASSIS
Le châssis est caissonné en acier, sur lequel est soudé
la structure tubulaire " Superleggera ". L'essieu avant
est composé de triangles superposés avec ressorts
hélicoïdaux , une barre antiroulis et une barre stabilisatrice
latérale. L'essieu arrière utilise une technique plus
conventionnelle avec un pont arrière rigide, des jambes de
poussée, une timonerie de Watt et un amortisseur à
levier. La direction est à crémaillère, gage
de précision, et les quatre freins sont assistés composés
de disques. Les roues Rudge en 15 pouces sont à rayons, comme
à la belle époque, et sont chaussées de pneus
6.70 15. Comme toute Aston Martin qui se respecte, la DB5 conserve
la philosophie chère à David Brown. La DB5 est donc
efficace tout en restant confortable. Un commutateur à quatre
positions au tableau de bord permet même de régler
le tarage des amortisseurs ! En forçant le rythme, la DB5
conserve sa précision de conduite et le pont arrière
ne se fait pas trop sentir. Mais c'est surtout en vraie GT des temps
moderne qu'elle est le plus à l'aise. Seul le freinage d'époque,
malgré ses quatre disques, incite à l'anticipation
LA DB5 DE JAMES BOND 007
C'est le
film Goldfinger qui va faire connaître la marque
auprès du public. Cette Aston Martin DB5 est
équipée de divers accessoires bienvenus
: plaques minéralogiques interchangeables, mitraillettes
intégrées dans les sabots de pare-chocs
avant, blindage pare-balles, rétractable, protégeant
la lunette arrière, écran de fumée,
snaps libérant de l'huile sur la route, coupe-essieux
latéraux, interdisant aux poursuivants toute
tentative de dépassement, radar et siège
éjectable pour l'éventuel passager encombrant.
Avec tous ces gadgets, l'Aston Martin DB5 devait permettre
à James Bond de se défaire des adversaires
les plus coriaces...
ACHETER UNE
ASTON-MARTIN DB5
Pour acheter une Aston Martin DB5 aujourd'hui, il faut compter au minimum 250.000 euros pour des beaux exemplaires.
Toutefois, les DB5 à vendre ne sont pas légion, et
il y a fort à parier que ces modèles ne cesseront
de voir leur cote grimper dans les décennies à venir,
tant leur histoire, leur aura et leur pouvoir de séduction
est fort. Vendue dans les années 60 le prix d'une Ferrari,
en collection l'équité n'est plus de mise, tant les
Ferrari symbolisent le sport automobile par-dessus tout. L'entretien
à l'époque était proche en terme de coût
des Rolls-Royce, ce qui n'a malheureusement pas changé !
Si vous optez pour une Aston Martin DB5 à restaurer, prévoyez
l'artillerie lourde. En effet, il faut déjà bien inspecter
la structure tubulaire qui a peut être rouillé, sans
que l'on puisse le voir avec les panneaux en aluminium. En cas de
choc, les panneaux doivent être reformés à la
main, car il n'existe pas de pièces carrosserie toutes faites.
L'usine de Newport-Pagnell a d'ailleurs été transformée
en centre d'entretien et restauration des anciennes Aston Martin.
Côté moteur, la fiabilité est de mise, même
si l'entretien reste très cher, notamment en raison du coût
des pièces spécifiques Aston Martin. Sans parler des
réglages fréquents des carburateurs qui supportent
mal les utilisations urbaines d'aujourd'hui. Il faut donc rester
malheureusement conscient que si le prix d'achat d'une Aston Martin
DB5 peut encore être accessible (le prix d'un 4x4 ou d'une
berline haut de gamme neufs), comparé à une Ferrari
contemporaine, l'entretien nécessite un budget pas moins
conséquent et éloigne ainsi les petites bourses de
la belle. Mais c'est aussi ainsi que l'on forge une légende.
L'exclusivité à un prix à payer
CHRONOLOGIE ASTON MARTIN DB5
1958 : Lancement de l'Aston Martin DB4 avec châssis
Touring Superleggera.
1963 : En juillet, commercialisation de l'Aston Martin DB5
avec 6 en ligne de 4 litres de 282 ch.Egalement version Vantage
de 314 ch.
1964 : Utilisation par James Bond dans " Goldfinger
" d'une Aston Martin DB5 très spéciale. Commercialisation
de la version convertible.Fabrication à l'unité d'un
break sur base d'Aston Martin DB5 chez Harold Radford.
1965 : Arrêt de la fabrication des Aston Martin DB5.Commercialisation
de l'Aston Martin DB6 qui gagne en empattement et en confort.
PRODUCTION ASTON MARTIN DB5
DB5 Coupé (1963-1965) : 886 exemplaires
DB5 Cabriolet : 123 exemplaires
DB5 Break (1963-1965) : 12 exemplaires
TOTAL : 1 021 exemplaires
:: CONCLUSION
L'Aston Martin DB5, c'est un concentré de ce que représente
le Royaume Uni : de la classe, de l'humour (James Bond), un amour
des GT (technologie, raffinement technique), et une ligne intemporelle.
Adulée par les néophytes et les amateurs, elle mérite
amplement son succès, car elle est également une des
dernières réalisations phare sous l'égide de
David Brown. La DBS suivante, avec seulement 6 cylindres au départ,
était devenue plus bourgeoise que sportive. L'Aston Martin
DB5 ? Un mythe à acheter et à conserver, avec hélas
un budget conséquent pour l'entretenir
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