L'ARME FATALE 6
1995 est l'année où Audi marqua les mémoires en présentant
le premier véritable "break de sport" de l'Histoire automobile
: l'Audi RS2 Avant réalisée avec Porsche. Après, ce fut le
tour de la RS4, développée cette fois par Quattro Gmbh. Aujourd'hui,
c'est l'A6 qui reçoit sa déclinaison "RS". Si le concept s'oriente
plus vers la GT bourgeoise que vers la véritable voiture de
sport, le niveau de performances des Audi RS est sans cesse
plus éblouissant...
Texte : Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
La saga continue, après les mémorables RS2 et RS4, l'Audi
RS6 (Typ 4B) basée sur l'A6 génération C5 a été présentée en première
mondiale au salon de Genève 2002. Tout comme la RS4,
cette nouvelle évolution a été conçue
par Quattro GmbH et est assemblée à la main
chez Cosworth en Grande Bretagne. Equipée d'un moteur
V8-Biturbo et d'un innovant système de suspension,
la RS6 établit de nouvelles références
en matière de comportement et de performances. Face
à sa rivale designée, la BMW
M5 dont la remplaçante s'annonce encore plus puissante,
Audi a été contraint de frapper très
fort...
PRESENTATION
Comme à l'habitude chez Audi, la RS6 ne laisse
que très peu transparaître extérieurement
son potentiel hors normes. Quand vous la croiserez dans le
flot de la circulation, vous aurez sans doute du mal à
la repérer au premier coup d'oeil. La RS6 reste une
A6, disponible comme toutes ses soeurs en break ou en berline.
Pourtant, à coups de détails, elle se bâtit
une allure racée et exclusive. Outre les jantes en
alliage léger de 18" (ou même 19" en
option!) et sa caisse rabaissée de 10 mm par rapport
à une S6, les modifications apportées confèrent
à la RS6 une personnalité bourgeoise sobrement
empreinte de sportivité. Trois grandes prises d'air
- au centre pour le refroidissement des radiateurs d'eau et
d'huile, sur les cotés pour le refroidissement des
échangeurs d'air de suralimentation - donnent du caractère
à la face avant. La lèvre du bouclier augmente
la déportance et participe à cet effet. Les
feux antibrouillard sont intégrés dans les conduits
d'aération de gauche et de droite. La jupe arrière,
avec trois garnitures grillagées, reprend le thème
du design de la partie frontale. Sous chacune des deux ouvertures
extérieures apparaissent les deux sorties chromés
d'échappement de forme ovale. Un mini-aileron sur le
couvercle du coffre de la berline assure aussi une meilleure
déportance. Les flancs de caisse élargis de
façon aérodynamique soulignent encore le profil
sportif de l'Audi RS6. Les baguettes décoratives longeant
le cadre de pavillon et les puits de vitre, les rétroviseurs
extérieurs, l'encadrement de la calandre sont en aluminium
mat. Autant d'éléments qui font partie des caractéristiques
extérieures de raffinement discret, au même titre
que le logo RS 6 sur la malle arrière, la calandre
et les rebords de porte. Sportivité et individualité
caractérisent également l'intérieur de
l'Audi RS6. La qualité de fabrication est comme toujours,
exceptionnelle.
A BORD DE L'AUDI RS6 C5
L'habitacle, qui peut se décliner en
noir ou gris clair, est doté d'une sellerie spécifique
de toute beauté, signée Recaro. Asseyez-vous
et levez les yeux, vous découvrez que la garniture
de pavillon est réalisée en Alcantara noir...
Aluminium mat, métaux anodisé de couleur mate
noire, plastiques moussés, volant gainé de cuir
perforé tout comme le pommeau du levier de vitesses,
assemblages millimétrés et ergonomie étudiée,
on retrouve dans la RS6 tout un savoir-faire typiquement germanique
! Certains adorent, d'autres reprocheront encore le manque
d'audace stylistique, de personnalité et de chaleur
de l'ensemble... Bref vous l'aurez compris, l'Audi RS6 est
une limousine luxueuse mais sans ostentation, évitant
d'attirer inutilement les regards malveillants.
L'habitacle
de la RS6 est à l'image de l'esthétique extérieure,
c'est à dire richement équipée. Ainsi
a-t-on droit aux sièges chauffants, porte-gobelets,
système audio « concert » de Bose, système
d'aide au stationnement (avant-arrière), GPS, récepteur
TV, téléphone fixe 8w, climatisation gauche-droite...
Ajoutons encore, de série, le contrôle de la
pression de gonflage des pneumatiques. Sur le plan de la sécurité
passive, l'équipement de série comprend des
airbags frontaux conducteur et le passager avant, des airbags
latéraux à l'avant et les airbags de tête
Sideguard Audi. Sur demande et sans supplément de prix,
les inserts décoratifs des contreportes, du tableau
de bord et de la console centrale sont disponibles en vernis
noir piano en bois de peuplier couleur agatisé, soit
en carbone.
MOTEUR
Camouflé tel un vulgaire TDI sous un imposant
cache noir, le nouveau V8 Biturbo Audi n'est pas particulièrement
mis en valeur. Impressionnant, avec les deux gros échangeurs
que l'on devine dessous, ce cache fabriqué dans un
noble matériau composite en fibre de carbone est en
vérité assez moche. Qui plus est, il se pare
d'un presque risible "Biturbo" peint en rouge, comme
sur les flancs des poids lourds RVI... L'ensemble n'a pas
vraiment le même charme que les concurrents italiens
exhibant fièrement leurs chromes ! Pourtant, ce huit
cylindres en V n'a rien de honteux pour mériter d'être
caché de la sorte. Assemblé par Cosworth, le
moteur de la RS6 utilise comme base le V8 atmosphérique
4,2L de la S6, à 4 arbres à cames d'admission
variable hydrauliquement et 40 soupapes. La plus grande partie
de l'énorme accroissement de puissance provient donc
de l'adjonction de deux turbocompresseurs KKK (1 par banc
de cylindres) dont le rendement est encore amélioré
par deux gros échangeurs d'air. Collecteurs d'admission
à deux étages, pipes d'admission et d'échappement
retravaillées, la préparation moteur n'a rien
d'un bricolage. L'efficacité du moteur du RS6 est aussi
le résultat d'une gestion optimisée par le Motronic
ME 7.1.1 qui gère la régulation de la pression
d'admission, de l'allumage et de la température des
gaz d'échappement. Quattro GmbH a aussi développé
un nouveau système d'échappement à double
flux avec contre-pression, des silencieux médians et
terminaux optimisés, des sections tubulaires agrandies,
ainsi que des catalyseurs principaux et pré-catalyseurs
à support métallique. Quatre catalyseurs se
chargent ainsi de la dépollution, mais bizarrement
l'Audi RS6 n'est pas en mesure de satisfaire à la future
norme Euro 4. Quoi qu'il en soit, le résultat de cette
cure d'anabolisants est époustouflant : une puissance
maximale de 450 ch entre 5700 et 6400 tours/min, un couple
maximum de 560 Nm disponible de 1950 à 5600 tours/min
et au delà des chiffres, Audi réalise un V8
à la sonorité grave et envoûtante dont
la plage d'utilisation extrêmement large est à
la base d'un fantastique agrément de conduite.
TRANSMISSION
Pour faire face au couple abondant du moteur, la RS6
n'est proposée qu'avec une boîte automatique
Tiptronic à 5 vitesses. En mode D, la boîte change
très vite de rapport et privilégie les faibles
vitesses de rotation. On roule sur le couple façon
Diesel. Grâce à son mode "sport", la
boîte tiptronic permet une conduite plus dynamique :
en position S, elle permet d'une part des régimes plus
élevés à chaque changement de rapport
et veille d'autre part à un rétrogradage plus
rapide en cas de ralentissement. En fonction du degré
d'accélération latérale, le calculateur
de boîte déplace les points de passage des rapports
vers le haut. Ainsi, les changements de vitesses indésirables
sont évités dans les virages. Bien entendu,
le conducteur du RS6 peut également passer les vitesses
manuellement grâce à une commande de type séquentielle
: soit en utilisant le levier de changement de vitesses, soit
en appuyant sur des palettes situées derrière
le volant. Si le conducteur utilise ces dernières,
son choix de vitesse enclenchée prévaut sur
le dernier programme de conduite sélectionné.
Précisons toutefois que ce système n'a pas la
vélocité d'une boîte SMG II BMW ou F1
chez Ferrari... Enfin, l'étagement des 5 rapports n'a
rien de très sportif et engendre des chutes de régime
importantes entre les intermédiaires. Heureusement,
le couple énorme et quasi constant parvient à
compenser ce défaut qui reste plus frustrant que réellement
pénalisant pour les chronos.
PERFORMANCES
Plutôt lourde, la RS6 C5 pèse 1840 kg. Néanmoins,
la motricité est redoutable et les performances de
son moteur 4.2 l V8 bi-turbo la placent directement en tête
des berlines vitaminées : 5s pour passer de 0 à
100 km/h, 18 secondes pour atteindre les 200 km/h, la vitesse
maximale étant théoriquement limitée
électroniquement à 250 km/h. Pour situer le
niveau, ces performances sont comparables à celles
d'une Porsche 911 Turbo ! Et il faut le reconnaître
: lorsque l'on appuie franchement sur l'accélérateur
et que l'on sent le moteur reprendre dès les plus bas
régimes de manière instantanée, sans
aucun temps de réponse des turbos, la sensation est
si grisante que l'on devient vite accro ! En retour, la belle
est comme prévu un peu gourmande, avec une consommation
moyenne avoisinant 17 litres au 100 Km...
COMPORTEMENT
Malgré son gabarit de grosse limousine, la RS6
colle à la route en toutes circonstances, permettant
de profiter pleinement de la vélocité de son
impressionnant moteur. L'électronique veille avec ce
qu'Audi fait de mieux en matière de comportement. Avec
le "Dynamic Ride Control", l'Audi RS6 inaugure même
une nouvelle technologie d'amortissement piloté. Simple,
mais efficace, ce concept innovant agit à l'opposé
des mouvements du véhicule, autour de l'axe longitudinal
et autour de l'axe transversal, pour un contrôle en
temps réel du roulis et du tangage. Chaque amortisseur
d'un côté du véhicule est relié,
au moyen d'une soupape hydraulique centrale, à chaque
amortisseur situé sur la diagonale opposée.
En effectuant un virage, une circulation d'huile entre chaque
couple d'amortisseurs en diagonale génère donc
une force d'amortissement supplémentaire. Ce système
d'amortissement à réaction rapide et mécaniquement
actif, veille ainsi à ce que la RS 6 passe les virages
avec une excellente tenue de route et réagisse avec
précision aux mouvements du volant. En outre, la direction
à crémaillère, avec sa démultiplication
plus directe, contribue au caractère dynamique de la
conduite. En option, l'Audi RS6 peut être livrée
avec d'imposantes jantes en alliage de 9 J x 19, d'un nouveau
design à cinq branche, et chaussées de pneus
255/35 R 19. Enfin, l'ESP 5.7 a été mis au point
pour une conduite plus sûre. Il intègre les fonctions
ABS avec EBV (répartiteur), EDS (blocage du différentiel),
ASR (anti-patinage), MSR (régulateur de couple) sont
incorporées et intégrées au régulateur
du couple de lacet. Mais dès que la route se fait plus
sinueuse, l'électronique semble intervenir trop tôt.
FREINAGE
Derrière les grandes roues se cache un système
de freinage impressionant. Sur les trains avant et arrière,
des disques de freins ventilés (diamètre de
365 mm à l'avant, 335 mm à l'arrière),
s'acquittent de leur tâche grâce à l'emploi
d'alliages issus du sport automobile. Ainsi un anneau de friction
en fonte est relié, par 14 chevilles en acier, à
un boîtier de disques de freinage en aluminium. Ces
freins à "logement flottant", d'un poids
plus faible comportent un tambour en aluminium dont la légèreté
contribue à réduire les masses non suspendues
tout en améliorant la dissipation des calories. Ils
augmentent la stabilité, en particulier en cas de sollicitation
extrême et à des températures élevées
de fonctionnement. Des étriers fixes à huit
pistons mordent à l'avant. A l'arrière, ce sont
des étriers fixes à un seul piston. Les paramètres
du système ABS et de la répartition électronique
de freinage ont été ajustés très
précisément pour ce système de freinage
hautes performances. Ainsi dotée, la RS6 est capable
de décélérations de 10,7 m/s2, soit pratiquement
1,1 g !
:: CONCLUSION
L'Audi RS 6 C5 est un véhicule d'exception qui se singularise
par une supériorité toute en discrétion, conforme aux exigences
d'une clientèle fidèle aux valeurs de la marque. L'assemblage
final et la finition sont effectués à la main et en petites
unités (120 ex. par an pour la France) dans les ateliers de
quattro GmbH. Châssis, freinage, tenue de route, direction,
la RS6 assume complètement sa motorisation surpuissante. Polyvalente
et sans réelle concurrente, la RS6 donne le choix entre un
usage docile ou féroce, sans aller vraiment au bout de la
sportivité. Car en dépit de son potentiel mécanique et dynamique
de haut niveau, la RS6 n'est pleinement à l'aise que sur l'autoroute,
là seul où il est possible (mais pas autorisé!) de rouler
à la vitesse du TGV avec un niveau de confort et de sécurité
bien supérieur au commun des automobiles. Il n'y a qu'une
chose qu'Audi semble avoir oublié : la vitesse maxi autorisée
sur autoroute est limitée à 130 Km/h en France... Dommage,
il faudrait refaire le code de la route pour cette RS6 ! |