© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (07/09/2009)
UN AVANT, ET UN APRES
Au début des années 90, Audi continue à chercher par tous les moyens
à améliorer son image. Un défi lancé quelques années plus tôt avec l'introduction du Quattro en compétition notamment et qui repose donc sur une démonstration permanente d'un savoir-faire technique digne des meilleurs. Rejoindre le club très fermé des constructeurs
de berlines sportives devient alors le cheval de bataille de la marque aux anneaux. C'est
dans ce contexte que quelques ingénieurs éclairés vont avoir
l'idée de se servir du break S2 Avant pour développer une
sportive beaucoup plus méchante...
Texte : Christophe CAVIN
Photos : D.R.
Avec son Avant RS2, Audi a jeté un pavé dans la marre en proposant
le premier "break de sport" de l'Histoire automobile. Un moyen de répondre à la BMW M3 e36 et Mercedes C36 AMG qui avaient la main mise sur le créneau des familiales sportives. Un partenariat fructueux
avec Porsche va permettre à Audi de diaboliser complètement la mécanique
de celle qui deviendra ensuite un véritable emblème pour la
marque en tant que point de départ de la lignée des "RS" d'Ingoldstat.
PRESENTATION
Présentée au salon de Francfort en 1993, l'Audi Avant RS2 (Type 8C dans la nomenclature Audi) est un monstre qui se cache sous l'apparence presque
banale d'un break Audi 80 (B4) qui aurait subit un passage dans
un atelier de tuning ! Il est vrai que certaines couleurs
empruntées à Porsche renforcent cette impression... Pourtant, l'Audi RS2 - appellation que l'on peut décrypter comme S2 "R" (pour Rennsport) sur le logo - n'a rien
d'ordinaire puisqu'elle pouvait se vanter jusque récemment
de détenir le titre d'Audi de série la plus puissante et la
plus rapide jamais fabriquée.
En effet, Porsche a entrepris
un véritable travail en profondeur pour faire d'un simple
break une des sportives les plus extraordinaires de la marque.
La question "la RS2 est-elle une Audi ou une Porsche ?" nous
vient forcément à l'esprit tant cet engin est à la frontière
des 2 mondes. L'Audi RS2 est donc née sur la base de l'Audi
80 Avant S2 en partenariat avec Porsche. Audi et Porsche ont
vraiment travaillé ensemble sur ce projet. Audi donnait toutes
les infos sur le modèle de base (Avant S2) et sur sa vision
du modèle final et Porsche étudiait quel éléments pouvait
rester ou devait être remplacés. Il ne va pas sans dire que
l'usine Porsche rencontra bien des problèmes, mais ceux-ci
furent tous élucidés.
L'Audi S2 était déjà équipée de la transmission
Quattro bien sûr et également de la boîte Audi à six rapport
qui était utilisée sur les Porsche 968. Ces S2 sortaient de
l'usine Audi à Salzgitter, sans pare-choc, sans les sièges
et sans les rétros. Elles étaient transportées jusqu'à l'usine
Porsche de Zuffenhausen où elles étaient démontées en partie
et héritaient de nouveau pare-choc avant et arrière et de
rétroviseurs de Porsche 993.
HABITACLE
Tout l'intérieur était modifié
par Porsche: contre-porte, tachymètre gradué jusqu'à 300 Km/h,
volant, et toutes les options que la S2 n'avait pas de base.
Ensuite les jantes de 16" étaient remplacées par des modèles
Porsche Cup en 17", les moyeux de roues étaient renforcés,
les suspensions différentes (Bilstein), les freins avant et
arrière étaient également remplacés par des disques de 300
mm ventilés lisses, et munis d'étriers de freins à 4 pistons
opposés pour l'avant comme pour l'arrière provenant des Porsche
968 Club Sport. Au choix des coloris (certains issus de Porsche) : Indigo nacré, rouge Laser, bleu brillant vernis, noir volcan nacré, noir brillant vernis, argent polaire métallisé, bleu RS nacré, gris améthyste nacré, émeraude nacré, rubis nacré, ragusa metallisé.
MOTEUR
La base moteur revisitée par Porsche est le 5 cylindres en ligne 2,2L
20V apparu sur le coupé Audi
Quattro. En remplaçant les arbres à cames, les injecteurs,
le Turbocompresseur K24 par un K24 spécial et plus gros, la
boîte à air, le boîtier de la gestion électronique, le corps
d'admission situé après le papillon des gaz, un échangeur
plus gros, une pression majorée de 0,8 bar à 1,4 en overboost,
avec deux catalyseurs métalliques, un collecteur corrigé de
ses défauts et un silencieux moins castrateur, le rendement
passe à 143,2 CV par litre de cylindrée, ce qui nous donne
315 valeureux canassons au lieu des 230 de base !
Le résultat est admirable et lors
de sa sortie en 1995, il n'y avait rien d'aussi bestial !
Car le 5 cylindres 2,2 litres de 315 ch du RS2 est
un moteur turbo ancienne génération. Comprenez par là que
la souplesse n'est pas sa principale qualité... Loin d'être
linéaire comme la plupart des moteurs modernes, certains y
verront une qualité en terme de caractère puisque le "coup
de pied au cul" si typique est ici particulièrement sensible
! En dessous de 3000 tr/mn, le 2.2L peut cependant paraître
assez mou, surtout lorsque après avoir appuyé sur les gaz,
il faut compter sur un temps de réponse du gros turbo KKK
de 2 à 3s, ce qui est assez surprenant lors d'une manoeuvre
de dépassement ou en virage. Mais passé ce délai, la cavalerie
se déchaine et la voiture prend alors sa vitesse à la manière
d'une fusée ! Cette contrainte peut se compenser en essayant
d'embrayer à haut régime pour éviter le trou et obtenir toute
la pêche dès le départ. La sonorité du moteur est agréable
et jamais envahissante, ce qui mérite d'être souligné.
Pour
le situer la RS2 Avant en termes de performances, sachez que, malgré son
poids respectable de 1650 kg, le break RS2 poussé à l'extrême
passe la barre des 100 km/h en 5,3", atteint les 160 km/h
en 13,1" et abat le kilomètre D.A. en 25". Enfin, sa vitesse
maxi mesurée dépasse les 260 km/h, malgré le limitateur électronique...
voilà de quoi venir chasser sur les terres des Porsche
993 Carrera et autres BMW
M3 E36. La boîte à six vitesses est bien étagée, sauf
le premier rapport qui tire un peu trop court. La commande
est assez ferme et nécessite une bonne poigne. Soit-dit sans
machisme particulier, c'est une voiture d'hommes ! Qu'on se
le dise, conduire la RS2 en ville n'est pas une chose très
passionnante. La RS2 est une voiture de sport, malgré ses
faux airs de familiale, et se trouve a fortiori plus à son
aise sur circuit et petites routes où elle est alors en mesure
de tenir tête à tout ce qui roule.
SUR LA ROUTE
Sur le plan de la tenue de route, l'Avant RS2 mérite toujours
amplement les éloges recues par la presse à sa sortie. Bien
aidée par des freins Porsche aux performances surprenantes (disques ventilés de 304 et 299 mm respectivement à l'avant et l'arrière avec étriers 4 pistons),
efficaces et endurants, la RS2 est une voiture qui peut s'autoriser quelques escapades sur circuit.
L'ABS sait également rester discret et n'entre en fonction
qu'à la limite du blocage, quand la pression sur la pédale
devient trop forte. La suspension basse possède des amortisseurs
typés sport et qui effectuent parfaitement leur rôle. De même,
les roues 17" généreusement chaussées (245/40) autorisent
une adhérence à toute épreuve. Le résultat des modifications
apportées par Porsche sur un châssis déjà daté, puisque grandement hérité de l'Audi 80 B3, est aussi remarquable
que celui du travail effectué sur la mécanique. On obtient
une réponse précise au moindre mouvement du volant, la stabilité
en ligne est totale même à grande vitesse et dans les virages.
Le comportement passe progressivement de sous-vireur à neutre puis légèrement
survireur. Un mode d'emploi à assimiler mais qui permet une fois maitrisé une efficacité incroyable. En bonne sportive, le roulis est limité. La transmission
intégrale garantit une efficacité et une sécurité optimales
sur tous les revêtements, et dans toutes les conditions météo, tout en laissant au pilote la possibilité
de s'amuser. Les sièges Recaro à réglage de hauteur et dossier
électrique, maintiennent très bien le corps.
ACHETER UNE AUDI RS2 AVANT
Par son tirage
limité (108 exemplaires vendus neufs en France), ses performances hors du commun, son "air de break"
et sa griffe prestigieuse, l'Audi RS2 n'a pas vraiment de
côte officielle, et ses cours s'alignent sur la loi de l'offre
et de la demande et varient donc beaucoup en fonction de l'état et du kilométrage. Comptez entre 15 et
20.000 euros pour une RS2 pas trop kilométrée, sachant qu'il est préférable de privilégier un modèle en parfait état mécanique compte tenu des coûts pratiqués par le réseau Audi. Quitte à y mettre un peu plus cher à l'achat, vous serez gagnant...
L'Audi RS2 n'a pas de gros points faibles mais comme pour
toutes les sportives, sa fiabilité dépend beaucoup de la manière
dont elle a été conduite et entretenue. Parmi les points à
surveiller, il est nécessaire de prendre un moment afin de
vérifier l'état du châssis. Attention, si la voiture provient
d'Allemagne, sachez que les allemands salent les routes avec
des produits très corrosifs. Un autre point à vérifier est
l'embrayage. Avec son couple "camionesque" et sa motricité
sans faille, c'est l'embrayage qui fait office de fusible.
La pédale de freins est, d'origine, spongieuse, et sa course
est assez longue. Toutefois malgré ce petit défaut le freinage
s'avère bon. La bête est lourde et sollicite beaucoup les
disques avants. Il est donc recommandé de vérifier leur état.
Le remplacement de la courroie de distribution est préconisé
par Audi à 120.000Km, mais il est préférable de le faire avant.
Le remplacement oblige à démonter toute la face avant de la
RS2. Prévoyez donc un budget conséquent... Le cinq cylindres
Audi a fait ses preuves, et il s'avère fiable jusqu'à des kilométrages
relativement élevés à condition de lui mettre une huile de grande qualité, de la changer fréquemment (10.000 km maxi) et de respcter sa mise en température. En fonctionnement, le moteur est très silencieux
et ne doit pas faire de bruit suspects, à part la soupape
de décharge du turbo qui surprend au début. La RS2 supporte
très mal l'essence de mauvaise qualité et cela traduit par
une baisse de puissance et la sensation de la perte de l'effet
turbo. Attention aux modifications du boîtier électronique,
il faut impérativement qu'elles aient été faites par des pros.
Le turbo est une pièce mécanique sensible, la vitesse de rotation
de celui-ci est très élevée et sa lubrification est donc très
importante. Un moteur turbo peut consommer un peu plus d'huile
qu'un moteur normal. En effet, comme toute voiture turbocompressée,
il est nécessaire d'atteindre la température de fonctionnement
normale, éviter les coups d'accélérateur et les sur-régimes.
L'huile moteur étant souvent celle qui lubrifie le turbo,
elle n'est pas encore assez fluide pour être efficace. Le
turbo peut alors s'user beaucoup plus rapidement. Suite à
une conduite "sportive" ou sur autoroute, le moteur chauffe...
et le turbo encore plus. Donc deux ou trois kilomètres avant
l'arrivée, roulez plus calmement pour
laisser la mécanique reprendre sa température normale. Le
prix enfin est le dernier point à aborder...
:: CONCLUSION
L'Avant RS2 est une automobile fascinante à plus d'un titre.
Tout d'abord elle prouve que l'on peut disposer des performances
et du comportement d'une vraie voiture de sport dans un break
capable également d'emmener sa famille en vacances. De plus,
son appartenance à la famille Porsche (par croisement) lui
confère un charme et un exotisme irrésistible. Enfin, sa rareté
et sa mécanique bouillante ne peuvent que séduire l'amateur
de vraies automobiles sportives.
CE QU'EN DISAIT LA PRESSE
:
"L'Audi Avant RS2 est une voiture envoûtante,
bourrée de tonus, mais affligée de quelques
solides défauts. Et le plus important de ceux-ci est
peut-être bien de viser une clientèle bien aléatoire.
Y'a-t-il même seulement en France une clientèle
dans le segment des breaks de très Grand Tourisme ?"
L'AUTO JOURNAL - Août 1994 - ESSAI AUDI AVANT RS2. |