PORSCHE 968 (1991 - 1995)
ACTE III, EPILOGUE
Entre une bâtarde 924 et une invendable 928, la 944 reste pour Porsche, le plus beau succès de la gamme à moteur avant. En 1991, le petit constructeur a tenté de donner une succession à son best-seller. Mais cette fois, la recette miracle avait un trop fort goût de réchauffé et la clientèle s'est dirigée vers une concurrence qui avait mieux affûté ses armes. Pourtant, aujourd'hui encore, la Porsche 968 n'est pas exempte de qualités, bien au contraire...
Texte & photos : Sébastien DUPUIS
Porsche est un constructeur à part dans l'industrie automobile, dont l'image et la notoriété entière tiennent à un seul modèle : la 911. Embarrassé par un renouvellement problématique de sa gamme, Porsche tente à la fin des années 70 de se sortir du "tout 911" dont la conception et les ventes avouent leurs limites. En 1975, débute alors l'épopée du moteur avant avec la 928 qui va connaître plus de bas que de hauts. Puis, c'est finalement par le bas de sa gamme que le nouveau directeur va réussir à imposer le moteur avant, avec les Porsche 924, projet lancé en commun avec Volkswagen, puis de façon plus convaincante avec la 944 qui connaîtra un succès mémorable et salvateur pour la firme de Stuttgart. En 1991, l'ensemble de la gamme 944 est remplacée par la 968. Ce sera le troisième et dernier acte de l'histoire de la "petite Porsche à moteur 4 cylindres avant", débutée presque 20 ans plus tôt avec la 924.
PRESENTATION
Techniquement, la 968 repose sur une base de 944 dont la coque est toujours emboutie chez Karmann. Même si elle a reçu un certain nombre d'aménagement, la 968 est comparable à une 944 S2 restylée. Pour mieux intégrer cette vraie fausse nouveauté à la gamme en cours, Porsche mélange habilement l'ancien et le nouveau, bien que le tout garde clairement l'identité de la 944. On lui donne des feux avant ronds et un nouveau bouclier similaires à ceux de la 928, des rétros et des jantes Cup comme sur la 911 type 964, des nouveaux feux arrières et un aileron plus discret.
HABITACLE
Très typée, la Porsche 968 est un authentique coupé de sport. Les places arrières sont symboliques et le coffre sous lequel se trouve la boite de vitesse n'offre qu'un espace de rangement réduit. Son habitacle bien fini s'inspire de la 911 et dispose d'un équipement assez fourni. Mais à l'époque, il fallait aussi souvent se tourner vers l'interminable liste des options... En série on dispose de 2 airbags, de l'ABS, du réglage des sièges électriques, etc. On dispose même d'un couvre-bagages pour le hayon arrière.
Par la même occasion, le magnifique cabriolet 944 avait réussi à se trouver un successeur qui fut d'ailleurs présenté en même temps que le coupé. La capote, particulièrement bien isolée, se déplie électriquement en 20 secondes, une fois les deux verrous au niveau du pare-brise débloqués. Malheureusement, elle ne disparaît toujours pas complètement et "s'entasse", un peu à l'ancienne, sur la malle. Pour la masquer, le couvre-capote s'installe manuellement, ce qui prend alors plus d'une minute supplémentaire. Cependant, le cabriolet 968 ne manque pas d'allure et sa ligne est même aux yeux de beaucoup, plus agréable que celle du coupé avec sa vitre arrière latérale peu esthétique.
MOTEUR
Sous le long capot de la Porsche 968 se dissimule le "4 pattes" 3 litres à course courte dérivé de la 944 S2. Avec un système de levée variable des soupapes, appelé Variocam, il devient extrêmement moderne et agréable. Le principe désormais bien connu du calage variable de l'arbre à cames est ici de retarder le mouvement des soupapes d'admission de 7,5 degrés. Trois synchronisations distinctes ont donc été préréglées pour différentes vitesses du moteur. En dessous de 1500 tr/mn un chevauchement minimum des soupapes améliore le couple et la souplesse, entre 1500 et 5500 tr/mn on passe à un chevauchement moyen et au-delà de 5500 tr/mn, on repousse le régime et la puissance maximum. Le 3 litres ainsi équipé développe 240 chevaux à 6 200 tr/mn, ce qui faisait de lui le moteur 4 cylindres atmosphérique le plus puissant du monde. Evidemment, depuis ce temps la performance a été repoussée par Honda qui extrait la même puissance du... 2L de la S2000. Mais le 4 cylindres Porsche conserve le titre du plus gros et du plus coupleux, avec une valeur maxi de 31,1 Mkg dont 27 sont déjà disponibles à 2000 tr/mn.
A l'usage, 3L à 16 soupapes Porsche n'a vraiment aucun mal à se ruer vers la zone rouge et le fait rageusement. Ce qui ne l'empêche pas, à l'inverse, de pousser comme une mule dès les plus bas régimes. Et avec cela, il est aussi l'un des plus sobres des 3L atmosphériques, se limitant à une consommation moyenne de 10 à 12 L/100 km, en baisse d'au moins 10% par rapport au 2,5 de la 944 !
La boîte 5 vitesses Getrag évolue pour adopter un 6ème rapports et la boîte 4 tiptronic de la 911 était proposée sans supplément de prix. Cette boîte automatique d'un genre nouveau propose deux modes d'utilisation : un mode tout automatique et un mode semi-automatique avec lequel le pilote peut passer les rapports quand bon lui semble en poussant le levier vers le haut (pour monter) ou vers le bas (pour descendre).
Alors, parfait, ce moteur ? En réalité, le bilan n'en serait pas si loin, si la sonorité de cette mécanique n'avait pas de quoi laisser de marbre le moins blasé des mélomanes. En effet, quand on a eu les oreilles éduquées pendant 40 ans aux vocalises du flat 6 de la 911, la pilule est dure à avaler... Silencieux et entièrement exempt de vibrations grâce à la présence de deux arbres d'équilibrage contre-rotatifs, le quatre cylindres Porsche pêche par sa voix trop quelconque, éléments malheureusement indissociable du plaisir de rouler en GT...
SUR LA ROUTE
Par rapport à sa devancière, la 968 n'a pas subit d'amélioration notoire en termes de comportement routier, probablement parce que la 944 S2 dont elle est issue était déjà bien assez efficace. Précise, vive, sécurisante et diablement efficace, voilà ce qui caractérise le mieux la Porsche 968. La répartition des masses idéale (50/50) obtenue par l'implantation de la boite de vitesse sur l'essieu arrière - le fameux Transaxle - apporte un équilibre qui a depuis largement fait ses preuves. Seul un léger sous-virage en entrée de courbe nous rappelle que le moteur est devant, mais comme ce sont les roues arrières qui propulsent le tout, pas de souci. Une petite dérive est facile à obtenir et la voiture réagit toujours sainement, à l'inverse de sa soeur la 911... La 968 est une voiture qui se conduit avec une réelle aisance. Elle reste très saine dans les grandes courbes où elle glisse des 4 roues. De plus elle s'est alliée à un excellent freinage et possède une direction assistée exemplaire. Et surtout, la 968 est une voiture agréable à conduire tout autant qu'amusante à piloter ! Placé assez bas dans l'habitacle, on a un vraiment l'impression de conduire une voiture de sport taillée pour la piste, le confort en plus. La philosophie est en fait plutôt celle d'une GT à l'image d'une 928 à l'échelle inférieure. Le gros 3L atmosphérique est très souple et disponible dès les plus bas régimes, et la boite 6 vitesses est d'un maniement impeccable. En dépit de son handicap de cylindrée et de puissance, pour un poids sensiblement égal, la 968 fait jeu égal avec une 964 Carrera 2 sur circuit. Par rapport au coupé, le cabriolet 968 accuse un supplément de poids conséquent (70 kg) dû aux nombreux renforts de sa structure. Il en résulte une rigidité et un comportement routier exceptionnels pour ce genre d'auto. La 968 cabriolet est même l'une des rares découvrables à supporter une conduite "très" sportive.
EVOLUTION
A des qualités dynamiques évidentes, la 968 Club Sport rajoute un zeste de sportivité, comme son nom le laisse supposer.
En clin d'oeil à la 911 du même nom, la 968 CS pour
"Club Sport" fit son apparition en 1993. Plus sportive
dans l'âme et surtout plus abordable financièrement
parlant, son cahier des charges était des plus simples : plus d'efficacité, moins de poids et moins de prix !
> Lire notre essai de la Porsche 968 Clubsport
968 TURBO S, LE CADEAU D'ADIEU
Dans le but de faire homologuer la 968 en championnat GT, Porsche
décide en 1993 de produire une cinquantaine d'exemplaires
très particuliers à moteur turbo, conçus par
la division compétition du centre de recherches de Weissach.
Les fans nostalgiques de la 944 Turbo jubilent déjà, rien qu'à la lecture de la fiche
technique impressionnante de ce nouveau bijou qu'est la 968 turbo S... Presque aussi légère
qu'une Club Sport, elle s'offre le bloc
rageur de la 944 Turbo, réalésé
lui aussi à 3L. Joli programme
non ?
> En savoir plus : Porsche 968 Turbo S
ACHETER UNE PORSCHE 968
La Porsche 968 a pris la relève des 944 à l'automne 1991 et a terminé sa carrière en 1995. Boudée à sa sortie en raison d'un moteur jugé trop fade et d'un rapport prix/équipement peu avantageux face à la concurrence, Bmw M3 en tête, la Porsche 968 fut proche du flop commercial. Aujourd'hui, ce modèle est également délaissé par le marché de l'occasion. Si l'on exclut l'anecdotique Turbo S aux performances éblouissantes, la 968 se trouve toutefois assez facilement en coupé comme en cabriolet pour un budget allant de 10 à 20 000 euros. Le cabriolet semble avoir les faveurs des clients par sa ligne plus moderne et séduisante, même si sa cote est similaire à celle du coupé. Malgré son équipement moindre et un prix de vente bien moins cher à l'époque, la cote de la Clubsport est elle aussi aujourd'hui comparable à celle d'une 968 pleine d'équipements. Si votre but est plutôt de tourner sur circuit en club, offrez-vous donc cette version qui, avec l'option Pack Sport et quelques petites modifications, vous ravira par son châssis en béton. Mais attention à l'entretien ! Une auto qui ne tourne que sur piste demande un budget conséquent, sous peine de s'user prématurément et dramatiquement... La crémaillère de direction en fait directement les frais et son remplacement coûte environ 2000 euros !
Concernant le gros 4 cylindres, c'est un modèle de fiabilité si l'on respecte un entretien rigoureux, mais exigeant et cher. La distribution composée de 2 courroies caoutchoutées et de 4 galets tendeurs est son seul point faible. Mieux vaut anticiper avant la casse et la refaire tous les 70 000 Km au lieu des 100 000 Km préconisés, en changeant l'ensemble des pièces concernées (500 euros). Porsche préconise une révision+vidange tous les 10 000 km, ce qui se fera dans le réseau pour un budget d'environ 300 euros. L'embrayage comme les amortisseurs pourront également vous demander un budget de 600 euros supplémentaires tous les 80 000 km. Attention également au calorstat de radiateur d'eau, le dysfonctionnement de la sonde peut entrainer une surchauffe fatale au moteur. Par ailleurs, des pannes électriques ont assez fréquemment été constatées, comme un héritage de la 944. En dehors de cela, il ne faut pas particulièrement craindre les gros kilométrages dans la mesure où l'historique de la voiture est connu et le carnet à jour. Comme pour toute sportive, privilégiez les modèles ayant eu le moins de propriétaires possible. Sinon, la Porsche 968 coupé ou cabriolet est une auto idéale au quotidien. Son confort comme sa facilité de conduite n'ont pas à rougir face aux productions actuelles.
PRODUCTION PORSCHE 968
968 COUPE : 5 003 exemplaires
968 CABRIOLET : 3 959 exemplaires
968 CLUB SPORT : 1 538 exemplaires
968 TURBO S : 14 exemplaires
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
PORSCHE 968 Coupé / Cabriolet
MOTEURType : 4 cyl. en ligne 16s + Variocam / " / "/ 8s turbo KKK + échangeur air/air
Disposition : Longitudinal avant
Cylindrée (cm3) : 2990
Alésage x course (mm) : 104 x 88
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 240 à 6200
Couple maxi (mkg à tr/mn): 31.1 à 4100
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (6)
ROUES
Freins Av-Ar (mm) : Disques ventilés (298-299 mm) + ABS
Pneus Av-Ar : 205/55 ZR 16 - 225/50 ZR 16
POIDS
Donnée constrructeur (kg) : 1370 / 1440
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 5,7 / 6
PERFORMANCES
Vitesse maxi (Km/h) : 252 / 247
0 à 100 km/h (s) : 6,5 / ND
1000 mètres DA (s) : 26,7 / ND
CONSOMMATION (selon normes UTAC)
Urbaine / à 120 km/h : 14,8 / 8,8 litres
PRIX NEUF (01/1992) : 365 000 FF
17 CV FISCAUX
CONCLUSION
:-) Moteur/boîte agréable Comportement et freinage Performances intéressantes Finition et qualité de fabrication GT à prix raisonnable |
:-( Entretien exigeant Sonorité 4 cylindres Coffre et habitabilité Ligne critiquée |
Parfaitement aboutie, en coupé comme en cabriolet, la Porsche 968 saura vous emplir de bonheur pour un prix raisonnable à l'achat. Son moteur puissant et docile, sa tenue de route remarquable en font un investissement pertinent pour rouler au quotidien dans une GT d'exception ou sortir en club les week ends. Certes, on lui reproche une certaine fadeur parce que son moteur conserve la sonorité quelconque d'un 4 cylindres et qu'elle affiche moins de caractère qu'une 911, mais globalement, vous en aurez pour votre argent. Pour les plus chanceux, la rarissime 968 Turbo S vous permettra même de faire la nique aux 911 Turbo. Mais chuuut, ne le dites pas trop fort... ça a le don de les énerver !
Un grand merci à Damien pour l'essai de sa Porsche 968.
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un super rapport qualité-prix. bruit sympa pour un 4 pattes. belle poussée après 3500trs et très joueur avec les cup en 16 pouces.