L'ART DU JUSTE MILIEU
Entre la rapide version turbo et
ses 220 puis 250 ch, et la version de base atmosphérique et ses
163 puis 165 ch, il manquait un chaînon intermédiaire pour que la
gamme 944 soit complète. C'est ainsi que Porsche démontra une nouvelle
fois ses talents de motoriste avec les versions S puis S2…
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
UNE NOUVELLE ERE
En 1972, Ferry Porsche et sa sœur, Louise Piëch, décidèrent qu'il
était temps pour eux de passer la main, et confièrent la direction
de l'entreprise Porsche, tout en restant actionnaires, à Ernst Fuhrmann.
Ernst Fuhrmann est l'homme qui pensait que la 911 avait fait son
temps. L'histoire a failli lui donner raison. Pourtant, la mythique
911, même à moitié délaissée, conserva ses fidèles clients, et revint
en force sur le devant de la scène de Stuttgart. Après une expérience
mitigée sur une collaboration avec le "grand cousin" VW et la 914,
l'idée de départ était de renouveler cette expérience. Avec des
composants "VAG", une conception "Porsche" et des performances à
l'avenant. Ainsi est née la Porsche 924. Mais sortie en pleine crise
du pétrole, VAG, qui devait également vendre des modèles sous l'une
de ses marques, s'est désengagé. Pour ne pas handicaper Porsche
dans cet investissement important pour un constructeur de la taille
de Porsche, VAG a continué son partenariat technique, notamment
dans la fourniture des moteurs 4 cylindres Audi de 2 litres développant
150 ch (110 voire 95 ch pour les marchés US et Japonais dépollution
oblige !). Fine et élégante, performante mais pas trop, la 924 souffrit
toujours d'un déficit d'image pour les porschistes purs et durs.
Pourtant, la réussite commerciale est bien là : entre 1975 et 1988
près de 140 500 Porsche 924 tous modèles confondus ont été produites.
C'est la série limitée baptisée Carrera GT, qui était basée sur
la turbo qui servit de déclic pour produire la 944. Avec ses ailes
larges et son moteur turbocompressé de 210 ch, elle fit sensation
en 1980. C'est donc en 1981 qu'est présentée la 944 2,5 litres développant
163 ch. Et là, elle mérite réellement son blason, car son moteur
n'est plus un Audi, mais un demi-V8 de 928 ! Messieurs, chapeau
bas… En 1984, c'est la 944 turbo, discrète et efficace avec ses 250
km/h et ses 220 ch. La concurrence est laminée et seul un prix de
vente toujours généreux chez Porsche noircit le tableau. Mais entre
l'atmosphérique "de base" et la version "Turbo", pas loin de 57
ch les séparent...
LA 944 S
Ainsi, c'est au salon de Frankfurt que Porsche dévoile sa version
"S" dans sa gamme 944. La nouveauté technique est évidemment située
au niveau du moteur. Doté de 2 arbres à cames en tête et de quatre
soupapes par cylindres, ce 2,5 litres était notamment doté d'un
type de distribution inhabituel : une simple courroie crantée entraînait
l'arbre d'échappement qui, à son tour, commandait l'arbre d'admission
par l'intermédiaire d'une chaîne passant entre les cylindres 2 et
3. Les collecteurs d'admission et d'échappement ont été également
retravaillés par rapport au modèle de base dans l'optique d'une
augmentation de la puissance et du couple, tout en conservant une
certaine souplesse.
Extérieurement, elle reprenait le look de la
version de base, mais reprenait le châssis de la version Turbo avec
les jantes de type "Téléphone". En revanche, le bouclier avant et
arrière était identique à celui de la version de base de même que
la planche de bord désormais commune à toute la gamme 944 depuis
février 1985.
Avec ses 190 ch et ses 230 Nm de couple à 4 300 tr/mn,
la 944 S offrait des performances très intéressantes surtout par
rapport à ses concurrentes de l'époque. Ainsi, elle accrochait un
bon 230 km/h (228 exactement) et affichait un 0 à 100 km/h en 7,7
secondes. Terriblement efficace en terme de tenue de route grâce
notamment à un comportement routier très équilibré, la 944 S devenait
cependant plus pointue à la limite, surtout par rapport à une 944
Turbo car son régime moteur devait être maintenu entre 4 000 et
6 000 tr/mn pour avoir toute sa pêche. Et finalement un kilomètre
départ arrêté franchi en 28 secondes, c'est plutôt suffisant pour
se créer de belles sensations. Pour les sportifs avertis, une option
châssis sport était disponible au catalogue comprenant notamment
un différentiel à glissement limité à 40%.
EVOLUTION : LA 944 S2
Succès d'estime pour
cette Porsche du juste milieu dans la gamme 944 produite à 12 831
exemplaires. Mais Porsche ne semble jamais s'endormir sur ses lauriers
et, comme la version Turbo dispose désormais d'une version S de
250 ch avec nouvelles jantes et nouvel aileron arrière, la S va
devenir à partir de 1989 la… S2 ! Si les améliorations sur la version Turbo étaient mineures et peu
visibles, il n'en était pas de même pour la nouvelle 944 S2. Cette fois-ci, la
S2 reprenait intégralement les artifices aérodynamiques et esthétiques
de la 944 Turbo avec pèle mêle le bouclier avant, le déflecteur
aérodynamique de la jupe arrière et les jantes alu au dessin nouveau.
Ca, c'est pour la partie reprise. Mais pour le reste, le quatre
cylindres voit sa cylindrée augmenter pour être portée à 3 litres
! Pour un quatre cylindres c'est tout simplement énorme, mais cela
a été rendu possible grâce au talent des motoristes de Porsche.
Il faut donc compter sur 211 ch et 280 Nm de couple dès 4 000 tr/mn.
Inutile de vous préciser que les performances progressent elles
aussi. La vitesse maxi progresse de 10 km/h pour se situer à 240
km/h, tandis que le 0 à 100 km/h est explosée en 7 secondes et le
kilomètre DA en 27,1 secondes, soit presque un gain de 1 seconde
pleine. On peut réellement parler de nouvelle voiture et non plus
de simple évolution.
L'intérieur demeure inchangé, seules les versions
US ont droit à des clignos latéraux et un Airbag de volant très
disgracieux. Ce moteur est tellement onctueux et performant, qu'il
fait oublier nombre de concurrentes dotées d'un 6 cylindres. Et
pour que la réussite de cette auto soit complète, Porsche sort (enfin
!) la variante cabriolet qui avait été présentée depuis très longtemps
en salon. Dotée des mêmes caractéristiques techniques que sa version
couverte, la 944 S2 cabriolet offre une ligne à couper le souffle
aussi bien capotée que découverte. Et comme toujours chez Porsche,
c'est un cabriolet qui a conservé toute la rigidité du coupé préservant
ainsi les qualités de tenue de route intactes.
Malheureusement,
le marché est toujours aussi disputé et la gamme 944 aussi complète
et aboutie soit-elle, commence à être en décalage par rapport aux
dernières évolutions de la marque surtout esthétiquement, d'autant
plus que BMW prépare une arme redoutable dont nous aurons l'occasion
de reparler : la M3 3 litres de 286 ch… Ainsi, c'est toute la gamme
944 qui s'efface de devant de la scène en 1991 après une carrière
de 10 ans, si on part de la première 944 ou de 16 ans si l'on part
de la première 924. Au total 20 260 S2 auront été produites, soit
tout de même 33 091 exemplaires pour ce modèle du juste milieu (944
S & S2), comme quoi Porsche avait une nouvelle fois vu juste.
ACHETER UNE PORSCHE 944 S
La forte production de ces modèles profite évidemment
au marché de l'occasion pour les passionnés que nous
sommes car si les exemplaires à vendre sont nombreux, les
acheteurs de ce type de voiture se font plus rares. La raison en
est bien simple, comme pour tout véhicule haut de gamme :
Le coût de l'entretien est tel en cas de grosse panne ou même
d'entretien courant, que souvent les gens qui ont les moyens ou
l'envi de mettre aussi cher dans l'après-vente, ont les moyens
de l'acheter neuf. Ne rêvons pas, ces véhicules, aussi
fiables soient-ils coûtent très cher en entretien.
Pour vous donner une idée, une petite intervention se chiffre
à coup de 5 000 francs tandis qu'une grosse intervention
à coup de 10 000 francs. Alors, acheter aujourd'hui une Porsche
944 S et S2 en occasion mission impossible ? Non, bien sûr,
car de très bonnes affaires sont à votre portée.
Pour les prix vous trouverez des 944 S à partir de 40 000
francs mais avec des kilométrages chargés et un entretien
et un passé pas toujours limpide. Les 944 S2, plus récentes,
sont plus cotées et vous n'en trouverez pas à moins
de 55 000 francs. Enfin les plus cotés sont évidemment
les cabriolets que l'on trouve à partir de 95 000 francs.
Le seul impératif que vous devez avoir, c'est d'acheter plus
un carnet d'entretien et un passé limpide et prouvé
qu'une auto. C'est primordial pour votre porte-monnaie. N'hésitez
pas à aller voir des professionnels Porsche pour votre achat.
Vous les payerez un peu plus cher, mais si ces professionnels avaient
accepté de reprendre ces véhicules, c'est qu'ils sont
sûr du passé et de l'entretien de l'auto.
PRODUCTION PORSCHE 944 S
944 S (1986-1989): 12 831 exemplaires
944 S2 (1989-1991) : 20 260 exemplaires
TOTAL : 33 091 exemplaires
TOTAL 944 Tous modèles (1981-1991): 176 126 exemplaires :: CONCLUSION
Alors réfléchissez bien avant de foncer. Petits
budgets orientez-vous évidemment vers les 944 S qui sont
déjà de superbes autos, pour les autres à vous
de voir : cheveux au vent ou perfs' à donf
Ce qu'ils en ont pensé
:
"Là où
les autres virevoltent avec plus ou moins d'agilité (MVS
Venturi 2.8 SPC et Lotus Esprit Turbo - NDLR), la Porsche préfère
enrouler vite, sans brusquerie. Sinon, elle peut vous révéler
elle aussi un certain caractère méritant de bonnes
qualité de dompteur."
Essai comparatif Echappement - 1989 - 944 S2
"Par
rapport à la 944 normale, la S creuse l'écart, avec
une vitesse maxi en net progrès. Indépendamment des
chiffres, la 944 S ne procure pas les mêmes sensations que
la Turbo mais elle ne déçoit pas."
Auto-Journal - 1987 - 944 S
"Si vous
recherchez une définition exacte de la voiture de sport moderne,
vous n'avez alors seulement besoin que de la 944 S. C'est après
quelques miles passé à son volant que vous comprendrez
qu'elle est une sacrée référence."
Car & Driver - 1987 - 944 S
"Heureusement,
les 123 Ib additionnels ne semblent pas handicaper la voiture d'une
manière significative. En ce sens, Porsche maintien que le
cabriolet conserve le même équilibre de répartition
des masses de 50/50 que les versions coupés."
Motor Trend - 1988 - 944 S2 Cabriolet |