PLAIDOYER
POUR CHRIS B.
La série
8 E31 n'a jamais réussi à remplacer dans le cur
des fanatiques de la marque à l'hélice la si charismatique
BMW Série 6 E24. Lourde, elle affichait plus des performances
et un comportement de bonne GT, que de réelle sportive. Pourtant
sa plastique était des plus suggestive, et ses tarifs d'alors
aussi. C'est désormais le très controversé
Chris Bangle qui a revisité le thème du Grand Tourisme
Bavarois. Copie réussie ?
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
L'inquiétude. C'est bien le
sentiment qui nous hantait quant au renouvellement du coupé
Série 6. Cette appellation ressortie des archives BMW, évoque
en nous un des coupés les plus mythiques du constructeur
bavarois. Elégant et racé, un comportement routier
sportif (comprenez légèrement survireur sur le sec),
des six en ligne mélodieux, élastiques et fantastiques
en version M et ses 286 ch, et surtout une finition et une fiabilité
de tous les instants, telles étaient les traits essentiels
de ce coupés à succès. Une sorte d'aboutissement
de la lignée des coupés CS lancés dans les
années 60. J'allais même omettre de rappeler que la
réputation sportive des coupés Série 6 s'est
établie sur les circuits et non le long des trottoirs des
quartiers chics. Aux mains de pilotes endiablés et experts,
ces BMW 635 CSI Production luttaient alors contre des Ford Capri
surgonflées aux ailes élargies.
Evidemment, lorsque
la Série 8 a été présentée comme
successeur, tout le monde a applaudi la ligne acérée
et innovante du design. Mais une fois au volant, la déception
prévalait. Non pas que l'auto soit mauvaise, bien au contraire,
mais il y avait surtout une erreur de casting. Avec un physique
de bête à chronos, la Série 8 offrait en réalité
un comportement et caractère de GT d'exception. Une sorte
de courrier au long cours, pas réellement adapté aux
exigences d'un circuit. Il faudra attendre le coupé 850 CSI
pour que le tir soit corrigé, mais il était déjà
trop tard. Moins pratique et habitable que ses vraies concurrentes
directes (Mercedes-Benz 560 SEC, Jaguar XJS
), les acheteurs
à même d'apprécier les qualités dynamiques
des série 8 souhaitaient plus d'espace intérieur,
et/ou un design moins typé sport. Alors que le très
controversé, et néanmoins courageux Chris Bangle officie
à la tête du design BMW, le projet d'une nouvelle série
6 est lancé. Après la série 7 bâtie spécialement
pour les marchés US et asiatiques, nous pouvions donc craindre
le pire pour cette appellation que nous chérissons chaque
soir dans nos phantasmes les plus fous.
CONCEPTION
Pour son nouveau coupé haut de gamme, BMW a vu grand, en
prenant en compte notamment les desiderata des marchés les
plus demandeurs de ce type d'auto, à savoir l'Asie et l'Amérique
du Nord. Pour mémoire, BMW a tout de même écoulé
plus de 250 000 autos aux Etats-Unis en 2003, contre 31 000 en France
D'extérieur, les dimensions du coupé bavarois ne sont
donc pas négligeables avec près de 4,82 mètres
de longs. A titre de comparaison, un coupé Peugeot 406 mesure
près de 4,60 mètres et une Jaguar XJ des années
80 4,90 mètres. Mais Chris Bangle et son équipe ont
réussi à s'en sortir avec les honneurs puisque l'équilibre
de l'ensemble ne souffre pas la critique, notamment de profil, et
fait oublier les dimensions éléphantesques de cette
GT. Pour essayer de contenir les prises de poids d'une génération
à l'autre, de nombreux matériaux ont été
choisis pour leur compromis résistance/poids. Si nous sommes
très critiques sur le design de la série 7, nous serons
en revanche plus élogieux sur cette nouvelle génération
E63 de la série 6. Hormis la partie arrière qui nous paraît
un peu lourde et maladroite, le reste est réellement intéressant
et séduisant. Il ne faut pas s'arrêter aux simples
vues sur photos, et j'invite tous ceux qui le peuvent, ou ont l'envie
d'aller en voir une en vraie. L'impression laissée est totalement
différente. Avec ses roues de 19 pouces chaussées
de gros pneus en 245/40 à l'avant et 275/35 à l'arrière
(!!), la BMW 645 Ci semble collé à la route même
à l'arrêt. Sa silhouette générale inspire
respect et puissance. Impossible de passer inaperçu à
son volant, tant son design ne laisse pas indifférent. Saluons
le mérite de Chris Bangle et son équipe (qui au passage
endosse toutes les critiques alors qu'il a évidemment l'appui
et la validation de la direction de BMW sur les choix stylistiques)
d'avoir su revisiter totalement le style BMW tout en conservant
la génétique propre à chaque marque.
AMBIANCE LIGNE ROSET !
Les habitacles BMW ont également été révolutionnés.
Le coupé Série 6 n'échappe pas à la
règle et désormais c'est une double casquette qui
fait face au conducteur avec sur la console centrale la sacro-sainte
manette qui commande l'I-Drive. En évitant de tomber dans
les penchants nostalgiques, (écrasons tout de même
une larme sur la console centrale tournée vers le conducteur
si typique des BMW), le dessin général de la planche
de bord est très moderne et s'inspire fortement des dernières
tendances en matières de design mobilier. Serait-ce donc
Ligne Roset qui fournit BMW ?
Certains accessoires incongrus,
comme le porte-gobelet, sont le sceau de la mondialisation et deviennent
donc incontournable. L'amateur français d'automobiles de
caractère verront cela d'un il amusé au mieux,
ou agacé, mais qu'il le comprenne bien : ses attentes n'ont
nullement été prise en compte lors de la conception
de ce beau coupé. L'équipement est ultra complet et
propose même à terme un affichage " tête
haute ", c'est-à-dire sur la pare-brise des principales
informations dont la navigation. La qualité des matériaux
employée est en retrait. Dommage à ce prix-là,
notamment comparé aux Mercedes-Benz CL et Jaguar XK, les
deux principales rivales directes de la 645 Ci.
MOTEUR
BMW, comme Mercedes-Benz d'ailleurs, avait bâtit sa réputation
de motoriste sur des 6 cylindres en ligne d'exception. Mais avec
le temps et l'évolution tant des automobiles que des réglementations
anti-pollution notamment, le recours à des moteurs à
l'architecture en V devient inéluctable. Le choix du V8 de
4,4 litres est donc retenu pour la série 6. Cela n'est pas
pour nous déplaire car le V8 est à notre avis l'une
des architectures moteur les plus sportives qui soient et qui conjugue
à merveille un son et des performances remarquables. Ici,
les motoristes BMW ont tiré 333 ch à 6100 tr/mn et
un couple appréciable de 45,9 mkg à 3600 tr/mn. A
noter que BMW est l'un des rares constructeurs à proposer
des autos équipées de moteur V8 avec des transmissions
mécaniques à 6 rapports. Jaguar et Mercedes imposent
la boîte automatique. Seul Audi, en faisant exception des
constructeurs italiens plus exclusifs, vient s'intercaler.
SUR LA ROUTE
Extérieurement, le coupé 645 Ci en jette. Il
intimide même. Une fois la lourde porte refermée, je
tourne la clé de contact (énorme et affreuse). Le
V8 s'ébroue et ronronne tranquillement sous le long capot
avant. J'ai un peu froid, et échaudé lors d'un essai
d'une série 7, je règle la climatisation avec l'I-Drive
avant de partir. Sinon, c'est la distraction assurée lors
de la conduite. Pire que le téléphone portable. A
ce sujet, il serait bon que les ingénieurs comprennent le
niveau moyen des acheteurs d'automobiles. L'innovation et les gadgets
oui, mais qu'ils soient exploitables par tous sans être obligé
de sortir de Centrale ou des Arts et Métiers. Cela est d'autant
plus vrais que l'âge moyen des acheteurs de ce type d'autos
ont entre 40 et 70 ans (sauf pour les artistes et les joueurs de
foot
) et ont encore connu pendant leur jeunesse les ordinateurs
avec des cartes perforées. Puisque tout est réglé,
je peux profiter de l'excellent châssis mis au point par les
ingénieurs BMW. Malgré un poids conséquent
de 1615 kg, la conduite de ce coupé grand luxe est très
dynamique et altier. Seule la direction AFS, qui se veut intelligente,
déroute au départ, puisqu'elle n'est pas passive,
mais réagit avant vous. Lorsque les virages s'accélèrent
et que seul au monde vous souhaitez faire des temps, l'électronique
veille et corrige toute erreur de pilotage mais également
toute dérive de la caisse. Ainsi, le Dynamic Drive, un antiroulis
actif se charge de limiter les transferts de masse (ce qui est très
positif pour le comportement routier), mais le DTC fait office d'autobloquant
électronique en agissant sur les freins et le DSC, équivalent
de l'ESP, se charge de limiter les effets du survirage. Où
est donc passé le sport dans tout cela ? Il faut dons se
" cracher dans les mains " pour obtenir des figures de
style, sur circuit fermé cela va de soi
C'est même
frustrant, car nous en venons à penser, comme nos confrères
d'Echappement, qu'un retour aux accessoires traditionnels (autobloquant
mécanique, amortisseurs sports
) viendraient mettre
mieux en valeur l'exceptionnel potentiel dynamique du coupé
Série 6 E63. Certainement une vraie réponse de BMW avec
sa branche Motorsport dans la future BMW M6 et son V10. Affaire
à suivre
A noter que le V8 se montre souverain, quoique
trop discret à notre goût, et que la commande de boîte
fait honneur à la marque.
:: CONCLUSION
Nos craintes se sont dissipées à la mesure de cet
essai et nous ont rassuré. Chris Bangle et son équipe
ne sont pas une bande de dégénérés près
à un puch sur le design BMW. Bien au contraire, les choix
osés de la série 7 retrouvent ici tout leur sens et
une certaine maturité. Plus dynamique que la pataude série
8, ce nouveau coupé BMW 645 Ci ravira les amateurs du genre
Grand-Tourisme. Performant et vivant, les sportifs devront toutefois
attendre encore quelques temps la version Motorsport pour pouvoir
pleinement être rassasié. En attendant, la M3 CSL peut
les aider à patienter
CE
QU'EN PENSENT NOS CONFRERES :
"La
surassistance, doublée d'un braquage actif géré
par l'électronique, donnent l'impression de guider à
vue, à l'exception des autres sens, une auto radiocommandée
dans laquelle on s'installe. Une fois cette appréhension
surmontée, nous redécouvrons une valeur vraie, avec
l'équilibre caractéristique de la marque, en jouant
des transferts de masses. Même si le contre-braquage manque
de précision, faute de toucher et d'un système qui
" corrige " votre ordre, la progressivité et la
facilité de contrôle sont telles que cela demeure un
régal qui n'a de limites que celles de l'électronique
embarquée. Comme le DTC, agissant sur les freins, sensé
se substituer à l'autobloquant, n'est actif qu'avec le DSC,
qui, par essence, interdit toute dérive, la puissance part
en fumée par la roue motrice intérieure. En outre,
l'antiroulis, actif en pleine accélération, retarde
d'autant la reprise en contact de ladite roue qui patine."
ECHAPPEMENT - février 2004.
"Bourgeoise,
esthétiquement réussie et agréable à
conduire, la BMW 645 Ci ne prétend pas faire oublier ni remplacer
la M 635 Csi. Cette tâche incombera à la M6 équipée
d'un V10. Inutile donc de voir en la 645 Ci une sportive mais plutôt
une alternative aux Mercedes CLK, CL et Jaguar XK. Et là,
il faut avouer que la nouvelle BMW remplit parfaitement son objectif.
Si on peut lui reprocher un habitacle un tantinet moins haut de
gamme que celui de ses concurrentes, elles les domine sur le plan
dynamique. Plus récente, la BMW disposera également
d'options attrayantes comme l'affichage tête haute, dont nous
avons déjà parlé, qui intègre la navigation.
Dernier point et non des moindres, à équipement égal,
la BMW est aussi la moins chère."
AUTO HEBDO - 28 janvier 2004.
"A
bord de la 645 Ci, le ton est donné dès les premiers
tours de roues : le dynamisme prime sur le confort, très
relatif sur notre voiture d'essai disposant de jantes énormes
aux pneus à profil bas. Les irrégularités de
la route, dans cette configuration, sont fidèlement retranscrites
aux vertèbres, ce qui semble décalé pour un
engin qui ne se veut pas, dans sa définition de base, aussi
radical. En contrepartie, le dynamisme mérite un coup de
chapeau : freinage mordant dont l'assistance est bien calibrée,
roulis quasi absent grâce aux barres antiroulis actives, comportement
étonnant de vivacité, motricité exceptionnelle."
SPORT AUTO - février 2004. |