SPECIAL PERFORMANCES
Dans la lignée
des Corvette les plus sportives, pour ne pas dire racing, Chevrolet vient de dévoiler
son nouveau fer de lance pour son label de voitures de sport. Déjà
la Corvette C6 " standard " avait fixé de nouvelles références
pour la voiture de sport américaine, mais la Corvette C6 Z06, en reprenant
l'appellation d'une option apparue en 1963, vient de mettre la barre encore plus
haut avec une définition résolument sportive. Avec son gros V8 big
bloc de 7 litres et ses 512 ch, la Corvette ne risque pas de manquer de souffle...
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R. Attaqué de toute part par
la concurrence, et avec une situation financière globale précaire
et incertaine, General Motors par la voix de son président Bob Lutz fait
face. Même la Chevrolet
Corvette, l'une des icônes de la voiture de sport américaine avec
la Ford
Mustang, est mise à contribution pour valoriser son passé et
briller au firmament de la voiture de sport. Bob Lutz ne s'en cache pas et capitalise
sur les victoires de la Corvette C6-R d'usine aux dernières 24 Heures du
Mans tout en rappelant le patrimoine de la Corvette. La Corvette
C4 avait eut le droit à sa version ZR1, mise au point par Lotus. Mais
c'est sur les Corvette des années 60 qu'il faut remonter pour découvrir
les raisons de l'appellation de la nouvelle Corvette C6 Z06. En 1963, Chevrolet
proposa à sa clientèle sur sa Corvette un pack " Special Performance
" optionnel qui permettait d'adapter la Corvette pour une utilisation circuit.
Une option très onéreuse à l'époque (1 820 dollars
alors qu'une Corvette était vendue
4 000 dollars !) qui abouti à
des ventes très confidentielles avec moins de 200 exemplaires équipés
du précieux pack. Ensuite, c'est seulement sur la Corvette
C5 que cette appellation va ressurgir pour désigner la variante la
plus puissante. Mais la Corvette C5 Z06 ne sera jamais importée officiellement
en France par General Motors France. La saga des Corvette radicales se poursuit
donc avec la génération C6
et une commercialisation plus officielle. Les Porsche
911 GT3 et Ferrari
Challenge Stradale n'ont plus qu'à bien se tenir
DESIGN
La Chevrolet Corvette C6 Z06 réconcilie les nostalgiques de Corvette de
caractère des années 60 et 70. Une des générations
de Corvette les plus abouties, la C5, offrait un design " japanisé
" qui la rendait assez fade. Un comble pour une auto en provenance du pays
de l'oncle Sam ! Avec ses dimensions plus compactes (elle est plus courte de 12,5
cm qu'une Corvette C5), son arrière trapu et de ses hanches élargies
la Corvette C6 nous ramène aux belles époques, là où
les carrosseries devaient avant tout évoquer et suggérer la vitesse
et le sport, avant même d'être aérodynamiques. Aujourd'hui,
fort heureusement, les designers ont la capacité de mêler adroitement
style et efficacité aérodynamique. On retrouve donc cette ligne
agressive qui fait déjà le succès de la C6 " standard
" sur la version Z06. Tous les petits appendices et détails sont toujours
présents pour notre plus grand plaisir : optiques avant sous verre, quatre
feux ronds sur la poupe, bulle arrière
Mais la Z06 possède
quelques détails supplémentaires pour permettre l'amélioration
des performances. La carrosserie est notamment plus aérée pour améliorer
le refroidissement des freins et de la mécanique avec une prise d'air sur
le museau juste avant le capot avant, et des prises d'airs additionnelles devant
les passages de roue arrière. On notera également un bouclier avant
au dessin optimisé, plus agressif et surtout des aérations plus
béantes. Ainsi parée de son costume de sprinteuse, la Corvette C6
Z06 devient terriblement aguicheuse, sans pour autant verser dans le mauvais goût.
Petite déception, Chevrolet n'a pas souhaité manifestement renouveler
un système de capot entier basculant vers l'avant comme sur les Corvette
C4. Si la Z06 conserve le principe cher à Corvette depuis ses débuts
d'une carrosserie en fibre de verre, quelques exceptions spécifiques à
cette version apparaissent : le toit est désormais fixe pour préserver
une rigidité optimale et les ailes avant sont en carbone ! On devine de
suite à ce genre de détails que Chevrolet n'a négligé
aucun détail et toute son équipe technique a privilégié
la chasse au kilo et la rigidité maximum, gage d'une efficacité
accrue en tenue de route. Verdict plus bas volant en main
A BORD DE LA CORVETTE C6 Z06
L'habitacle reste
inchangé dans les grandes lignes par rapport à la C6 standard ou
à la version cabriolet. Toutefois, certains " gadgets " ont disparu
sur l'autel de l'allègement (comme le réglage électrique
des sièges baquet). Heureusement la position de conduite reste idéale
grâce à une multitude de réglage possible ce qui fait que
chaque conducteur devrait trouver sa position idoine. Le gros tunnel central sépare
les occupants conférant ainsi un confinement intimiste accentué
par la hauteur de caisse et la faible hauteur de garde au toit. A n'en pas douter,
l'ambiance est sportive et on n'osera pas trop faire la fine bouche sur la qualité
des matériaux employés et la finition comparée à certaines
rivales plus huppées (Porsche,
Ferrari,
Aston-Martin,
Maserati,
Mercedes-Benz,
Audi
)
car avec un prix " canon " de moins de 83 000 euros et de telles performances
et prestations, la Corvette C6 Z06 est l'affaire du moment. Malgré la réduction
de certains équipements intérieurs, le minimum vital que tout un
chacun est en droit d'attendre sur une automobile moderne est présent.
MOTEUR
On connaissait déjà la Dodge Viper et son V10 à la cylindrée
digne d'un camion, mais désormais en Europe, il faudra également
compter sur la Chevrolet Corvette Z06. Avec son gros V8 LS7 de 7 011 cm3 (!),
inutile de préciser que la Corvette offre un caractère bien tranché.
A côté d'elle, les CLK
DTM 63 AMG avec leur " petit " V8 de 6,2 litres semblent bien timides.
Pour les distraits qui n'auraient pas encore lu les dossiers sur les autres modèles
de Corvette C6, il faut tout de même se rappeler que les versions standard
de 404 ch possèdent des V8 LS2 de 6 litres de cylindrée. C'est en
partant de ce moteur que les motoristes de Chevrolet ont élaboré
leur " big bloc " de capacité gargantuesque. L'alésage
gagne +3,2 mm et la course +9,6 mm. En cas de casse, les pistons pourront presque
servir de guéridon dans votre entrée
Evidemment, avec de telles
valeurs, les pistons et le vilebrequin sont en aluminium forgé comme en
compétition. Les mauvaises langues en seront pour leur frais car ce V8
offre bon nombre de matériaux nobles pour un moteur. Fini les blocs en
fonte avec un bloc totalement coulé en aluminium comme sur le LS2, et des
soupapes en titane à l'admission et refroidies au sodium pour celles d'échappement.
Bon d'accord ces dernières ne sont qu'au nombre de
16 pour un V8.
Mais leur diamètre est conséquent pour ne pas dire imposant et le
simple arbre à came central est spécifique avec des levées
et ouvertures plus grandes. Autre équipement technique raffiné,
les ressorts de soupapes, les bielles et les tiges de culbuteur sont également
en titane. Résultat, des gains de poids énormes tout en conservant
une résistance satisfaisante pour la longévité du moteur.
Petit détail qui trahit le souci des circuits automobile pour la Corvette,
ce moteur LS7 est doté d'un carter sec pour optimiser la lubrification
mais surtout pour éviter tout risque de déjaugeage. En effet, avec
jusqu'à 1G d'accélération latérale revendiquée
(qui s'affiche même sur le tableau de bord avec l'affichage tête haute),
il serait dommage de déjauger et casser une mécanique si performante.
Avec de telles caractéristiques on pourrait s'attendre à des puissances
délirantes, mais Chevrolet s'en tient à 512 ch à 6 300 tr/mn.
Une puissance déjà très respectable pour assurer de très
hautes performances à la Corvette Z06 (320 km/h en pointe et le 0 à
100 km/h en 3,9 secondes seulement !), mais qui symbolise bien la philosophie
américaine avec 73,02 ch/litre de cylindrée alors que ses rivales
européennes directes flirtent avec les 100 ch/litre voire même sont
au-dessus. Les poussées sont très impressionnantes et le couple
de 64,9 mkg à 4 800 tr/mn autorise des reprises canons sans être obligé
de jouer du levier. La boîte Tremec 6 vitesses est mécanique mais
pas très rapide en maniement (boîte à l'arrière, mais
l'embrayage est accolé au moteur). Le son du moteur est moins marquant
qu'espéré, mais on reste tout de même sous le charme. Pas
de doute, un gros moteur avec de la cylindrée, c'est tout de même
le pied et nettement plus polyvalent à l'usage qu'un plus petit moteur
pointu et rageur dans les tours. Question de philosophie
CHASSIS
Une belle ligne et un moteur performant. Voilà déjà qui fait
plaisir à voir et à entendre. Mais puisque l'objectif premier de
cette Corvette " super sport " est d'aller se défouler sur circuit,
les dessous de la belle sont-ils à la hauteur ? Avant de vous détailler
le travail des hommes de Chevrolet, nous répondons " oui " de
suite et vous allez comprendre pourquoi. A l'instar de Porsche et Ferrari pour
leurs versions racing (GT3 et Stradale), Chevrolet a retravaillé en profondeur
toute la partie châssis de la structure jusqu'aux trains roulants. La Z06
reprend exactement la même structure que ses surs mais au lieu de
recourir à l'acier, c'est l'aluminium qui a été retenu.
Certaines pièces sont même en magnésium. D'emblée,
on comprend que le gain de poids est prioritaire en conservant une rigidité
maximale. Près de 60 kg ont été ainsi gagnés sur le
châssis ce qui laisse de la marge sur l'augmentation de taille et performances
d'autres organes comme les freins et les roues. La répartition des masses
a été également une préoccupation essentielle avec
le déplacement de certains organes et accessoires comme la batterie qui
a changé de place. Résultat, une répartition des masses 51%/49%
entre les roues avant et arrière. Pour une meilleure assise, la Z06 est
plus large de 8 cm que la version standard imposant du coup aux ingénieurs
de revoir les triangles de suspension. Si le diamètre des jantes reste
inchangé, elles sont chaussées de très larges pneus de 275/35
à l'avant et de 325/30 derrière ! Les freins sont bien évidemment
revus à la hausse avec à l'avant 355 mm de diamètre et 340
mm à l'arrière. Mais plus important encore, les étriers (six
pistons à l'avant et quatre pistons à l'arrière) sont totalement
en aluminium et fixes et non plus flottants. Sur le papier tout cela est bien
beau, mais sur circuit est-ce que cela donne les résultats escomptés
? Honnêtement, cette Corvette est bluffante ! Très saine dans ses
réactions, elle téléphone ses réactions et se révèle
facile à placer pour une auto de tout de même plus de 500 ch. Elle
accepte sans broncher de jouer avec le transfert de charge avant-arrière,
et les premiers tours sont ponctués par un excès de
prudence
! La marge est vraiment très loin avant de toucher les limites. En plus
nous n'avons pas déconnecté le contrôle de stabilité
dans un premier temps. Il agit tellement finement que l'on se rend à peine
compte de son action, trop concentré à trouver la trajectoire idéale.
Que les fanatiques du tout mécanique se rassurent, ce contrôle électronique
dispose de plusieurs stades dont la désactivation totale. Dans ce dernier
cas, malgré le différentiel arrière (possédant son
propre système de refroidissement comme sur les autos de course !), la
Corvette est nettement plus joueuse. Mais les freins puissants et endurants, peuvent
autoriser un pilotage vraiment actif et il faudra disposer de compétences
avérées pour aller faire des temps. Dans les grandes courbes, sa
stabilité est exemplaire, comme rivée sur des rails. Nous sommes
bien loin des Corvette des années 70 capables de rodéos d'anthologie.
Et si vous aviez encore un doute, c'est avec Jan Magnussen au volant que nous
avons pu voir le potentiel réel de la Corvette Z06. Le tour du célèbre
Nürburgring est expédié en 7 minutes et 43 secondes, soit seulement
7 de plus qu'une
Porsche
Carrera GT ! Pas de doute, à moins de 83 000 euros, la Corvette Z06
s'annonce comme l'une des meilleures affaires parmi les GT " circuit "
actuelles
:: CONCLUSION
Nous avions
déjà été séduits par la Corvette C6 à
l'homogénéité et l'efficacité avérée.
Avec la Z06, commercialisée enfin en Europe, la Corvette vient de franchir
une nouvelle étape et est capable désormais d'aller taquiner sur
circuit les Ferrari Stradale et les Porsche 911 GT3. Un juste retour de l'investissement
en compétition et des nombreux titres glanés par la Corvette aux
24 Heures du Mans. Cerise sur le gâteau comme seuls les américains
savent le faire, la Corvette est au prix d'une Porsche Cayman S
largement
de quoi réfléchir avant de se laisser séduire par la petite
égérie de Stuttgart...
CE QU'ILS EN ONT PENSE
: "La Z06 n'en demeure pas moins très saine et son contrôle
de traction s'avère remarquablement progressif quand on attaque fort. Elle
ne brille pas par sa sophistication mais accepte d'être cravachée
en toute sérénité, y compris sur nos petites routes. Cependant,
comme toute automobile revendiquant de telles performances, il faut l'avoir bien
jaugée avant de pouvoir exploiter son potentiel. Cette Corvette est de
plus étonnamment facile à vivre grâce à une suspension
assez civilisée, un bon coffre et un habitacle confortable." EVO
- décembre 2005 - Chevrolet Corvette C6 Z06. "Mais
j'en vois dans le fond qui ricanent, genre " il est gentil le garçon,
mais comment tout cela tient par terre ? " Allons, allons, point de persiflage,
la Corvette Z06 -à l'instar des dernières générations
de Corvette- n'a plus rien d'un cheval fou. En matière d'efficacité,
elle est au niveau des meilleures, et, si l'exploitation du potentiel de sa mécanique
réclame un minimum de doigté, il n'y a rien de scandaleux sachant
que l'on a entre les mains un engin dépassant tout de même les 500
ch ! Mais plus de paroles, le verdict de la piste vient confirmer les belles dispositions
de la Corvette Z06."
L'Auto-Journal - Hors Série Spécial
Haut de Gamme 2006 - Chevrolet Corvette C6 Z06.
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