LOTUS ESPRIT V8 (1996 - 2004)
Bons esprits
Chez Lotus, depuis 1975 l'Esprit hante le catalogue de la firme de Ketteringham Hall. Elle aura tout connu, tout vécu. Les périodes difficiles de la marque, le succès dans les films, les différents repreneurs, la compétition, des moteurs atmosphériques, turbocompressés… Mais jusqu'en 1996, un simple quatre cylindres l'animait. Avant sa retraite, les ingénieurs Lotus vont pourtant concevoir un V8 modulaire capable de se glisser sous le capot arrière de la belle anglaise...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : Bahman Cars
Avec la Lotus Esprit, Colin Chapman s'ouvrait les portes des GT. Après tout, cela était largement justifié en regard des succès et du talent enregistré en Formule 1. Mais si la catégorie GT était en ligne de mire, pas question pour autant de remettre au placard la célèbre théorie du gentleman de l'automobile de sport anglaise : " the light is right ", comprenez le poids c'est l'ennemi. La Lotus Esprit allait donc bénéficier d'un châssis adapté et d'un moteur 2 litres quatre cylindres atmosphérique de 160 ch. Avec son poids contenu, ses performances étaient donc très correctes et son design dû au talent de Giorgetto Guigiaro, alors en pleine période d'Edge Design, allait lui conférer une silhouette à nulle autre pareille. Nous sommes alors en 1975, année pendant laquelle votre serviteur a émis ses premiers cris. C'est dire si la Lotus commence à être âgée !…
De 1975 à 1987, la Lotus Esprit va connaître pas moins de 4 versions différentes, appelées " Séries " dans le jargon des spécialistes, et les moteurs vont se muscler considérablement. Mais si la puissance est en hausse pour grimper à plus de 200 ch sur la version Turbo, c'est toujours un petit quatre cylindres de 2,2 litres qui est à l'ouvrage. Dans sa version " S4 ", la Lotus sera à nouveau la tête d'affiche de certains films à succès comme " Pretty Woman " ou encore " Basic Instinct ". Mais voilà, malgré toutes ses qualités, la Lotus Esprit traîne toujours derrière elle son image de voiture sans voix et sans moteur. Les GT françaises de la même époque ont connu les mêmes critiques malgré leurs deux cylindres supplémentaires. Aux abois, Lotus Cars dont les repreneurs se succèdent au fil des ans, étudie un V8 modulaire pour pouvoir le vendre à d'autres constructeurs. Et quoi de plus naturel, de le glisser, pour notre plus grand plaisir, sous le capot arrière de la Lotus Esprit pour démontrer toutes les qualités de ce nouveau bloc ?...
PRESENTATION
Dès son lancement, la Lotus Esprit s'est distinguée par un design aux lignes très plates et acérées signé Giorgietto Giugiaro alors plein Edge Design. En 1987, c'est Peter Stevens (auteur de la Jaguar XR15, de la McLaren F1¼) qui est chargé de revoir et réactualiser la ligne de la GT de Ketteringham Hall. Les boucliers avant et arrière sont redessinés et semblent désormais totalement intégrés à la ligne, le plastique noir a disparu et les blocs optiques arrière sont nouveaux et modernisés. Plus arrondie, notamment à l'avant, les pare-chocs semblent allonger outrageusement la Lotus Esprit MkIV alors que la MkI (ou S1) se distinguait par des porte-à-faux particulièrement très contenus.
Puisque nous sommes face à la version de pointe de Lotus Esprit, un aileron aux dimensions généreuses est posé sur l'arrière et gêne l'accès au coffre, puisqu'il est fixe. De larges jantes en magnesium de 17 pouces à l'avant et 18 pouces à l'arrière sont montées remplissant ainsi à merveille les arches de roues. Ainsi chaussée, la plate Lotus semble s'étaler de toute sa largeur sur le bitume. Très basse (1,150 mètres !) et très large, la Lotus Esprit V8 reste aujourd'hui encore une GT hors du commun sur laquelle tous les passants se retournent. Les bas de caisse intègrent des prises d'air pour refroidir le V8 tapi dans le dos des occupants.
HABITACLE
L'habitacle vous rappelle que l'Angleterre s'est fait une spécialité des intérieurs cosy. C'est même un cocon car outre une présentation flatteuse à l'anglaise (cuir, bois précieux dans cette version V8 SE présentée ici). Malgré son charme, la Lotus Esprit V8 ne peut masquer l'âge de sa conception et l'habitabilité est limitée. Les grands gabarits seront un peu à l'étroit. L'habitacle conserve toutefois un certain charme bien que certains journalistes à l'époque se disaient déçus de la qualité des matériaux employés, ce qui n'a jamais été le principal attrait d'une Lotus convenons-en ! Vous êtes séparés du passager par un large tunnel central sur lequel est posé le levier de vitesses et devant vous, une batterie de compteurs et manomètres permet de surveiller la bouillante mécanique.
Il n'y a en revanche aucun espace de rangement, ni même de boîte à gants. Au mieux vous disposez entre les deux sièges contre la paroi du compartiment moteur d'un rangement " de secours ". De même, les réglages de position du siège se limite à quelques réglages minimums alors que le volant reste désespérément fixe. Malgré cela, la position de conduite est très bonne avec le dos bien droit, les jambes allongées et les bras légèrement tendus.
MOTEUR
C'est en 1979 que Lotus envisagea pour la première fois de monter un V8 sous le capot de l'Esprit. Mais, comme chez la plupart des autres constructeurs, les motoristes furent confrontés à la faible endurance des transmissions disponibles pour encaisser le couple conséquent d'un V8. Il faudra finalement attendre 1996 pour que l'idée de mettre un V8 dans l'Esprit se concrétise enfin. Il convenait toutefois de rester fidèle aux traditions de Colin Chapman et de son intransigeance sur la légèreté. Les ingénieurs britanniques ont donc conçu et développé un V8 en 27 mois seulement aux cotes mesurées : 220 kg à sec avec tous les périphériques (soit 40 kg de plus seulement que le quatre cylindres) et des dimensions extrêmement compactes.
Avec 3,5 litres de cylindrée, ce V8 à la distribution évoluée développe 350 ch à 6500 tr/mn et 400 Nm de couple à 4250 tr/mn. Pour y parvenir, deux turbocompresseurs Garret T25 soufflant à 0,75 bars se chargent d'administrer au V8 toute sa vigueur. Les turbos sont refroidis par eau mais sont dépourvus d'échangeurs. Pour optimiser le fonctionnement des turbocompresseurs, les ingénieurs de Lotus ont étudié un vilebrequin spécifique. Habituellement, dans les entrailles d'un V8 on retrouve un vilebrequin en croix. Mais dans le cas de la Lot Esprit MkIV V8, il est "à plat", ce qui permet d'obtenir des moments d'explosion à intervalles réguliers (en degré de rotation) sur chaque cylindre. L'écoulement des gaz d'échappement est plus homogène.
Côté boîte, c'est toujours la boîte mécanique 5 rapports d'origine Renault (boîte transversale, utilisée entre autres dans l'Alpine A610) qui a été adaptée et renforcée par Derek Bell, notamment au niveau de l'arbre d'entrée. Le reproche déjà adressé aux autres versions précédentes des Lotus Esprit est malheureusement toujours de mise sur la V8 avec une commande de boîte lente et pas spécialement agréable. D'après les ingénieurs Lotus, le V8 était capable de sortir 500 ch, mais la boîte n'aurait jamais encaissé un telle cavalerie...
Avec son nouveau cœur, même bridé en couple et en puissance, la Lotus Esprit MkIV V8 s'installe pourtant en tête de peloton dans le milieu très fermé des GT hautes performances. En effet, ses 280 km/h en pointe, alors que son aérodynamique de base date de 30 ans, et ses 23,5 secondes au kilomètre départ arrêté sont des valeurs peu communes en 1996.
Cerise sur le gâteau, ce V8 Lotus est étonnament frugal puisque sa consommation moyenne oscille entre 13 et 17 litres aux 100 km selon les parcours, soit une moyenne de 15 L, ce qui reste peu pour un V8 essence biturbo. Dommage en revanche qu'il ne donne pas plus de la voix...
SUR LA ROUTE
La Lotus Esprit MkIV V8 perpétue la tradition Lotus chère à Colin Chapman. Un châssis tubulaire constitue donc le châssis sur lequel est greffé une peau en matériau composite. Les suspensions sont ancrées sur ce châssis tubulaire avec à l'avant des doubles triangles et des jambes élastiques avec combinés ressorts/amortisseurs. Une barre stabilisatrice vient compléter ce dispositif. L'essieu arrière est composé de bras transversal supérieurs, de bras inférieurs trapézoïdal avec double leviers transversaux et des combinés ressorts/amortisseurs. Curieusement, les ingénieurs châssis n'ont pas jugé utile de monter une barre antiroulis à l'arrière.
Ce choix technique se ressent dans le comportement de la Lotus Esprit MkIV V8. Les suspensions offrent un compromis confort/efficacité rarement atteint dans la catégorie des GT. Mais le pendant de ce compromis est la trop grande souplesse en conduite musclée. Dans les grandes courbes notamment, la Lotus Esprit MkIV V8 prend du roulis. Elle reste scotchée au bitume, mais le feeling est surprenant au départ. Avec le couple important du V8 de 400 Nm, une grosse accélération provoque également des déhanchements intempestifs, qui, s'ils sont maîtrisés, nous rappellent les films de série B américains de notre jeunesse. Voilà venu le temps de ralentir cette noble GT britannique. Pas de soucis, le freinage est puissant et suffisant. Les quatre disques (dont ceux avant ventilés) sont pincés par des étriers Brembo et complété par un système ABS Kesley Hayes en remplacement de celui monté sur les Lotus Esprit S4 2.2 qui donnait quelques signes de faiblesse sur chaussées dégradées.
La direction est assistée et reste très directe. Elle permet de donner un bon ressenti de la route. En usage routier, la Lotus Esprit MkIV V8 se révèle être une agréable compagne qui vous donne un plaisir de conduite intense sans avoir les vertèbres tassées au bout de quelques dizaines de kilomètres. Dommage que l'habitabilité exigu ne permette pas de reposer son pied gauche, car lorsque le rythme s'accélère, il est bon de pouvoir prendre appui tant dans les phases de freinage que dans les courbes.
EVOLUTION
Après la présentation et commercialisation de la Lotus
Esprit MkIV V8 en 1996, l'usine va tenir compte des remarques des
clients et des journalistes à partir de 1998. Les modifications
sur la Lotus Esprit V8 sont les suivantes : nouvel embrayage bi-disque
(à la place du monodisque), carter d'embrayage en acier (et
non plus en aluminium) plus rigide, implantation du démarreur
modifiée, nouvelles jantes alu, aileron arrière aux
attaches modifiées (il est fixé avec le capot moteur),
combiné d'instruments modifié (nombre de cadrans en
baisse), ABS nouvelle génération, tunnel central moins
prohéminent. La gamme repose alors sur deux versions, GT et SE, cette dernière étant la plus luxueuse et richement équipée.
LOTUS ESPRIT SPORT 350
évolue pas mais diverses améliorations châssis sont apportées, dont un freinage AP Racing et des ressorts plus fermes. Un grand aileron arrière en fibre de carbone posé sur des supports en aluminium achève la transformation de façon spectaculaire. Le calculateur moteur est aussi retouché pour délivrer plus de couple sur les trois premiers rapports. L'Esprit Sport 350 pouvait atteindre 100 km/h en 4"3 avec son poids réduit à 1300 kg, soit 80 de moins, grâce aussi à des composants allégés comme les jantes forgées OZ. Mais les commandes ne seront pas au rendez-vous et seules 42 unités sortiront d'usine sur les 50 prévues initialement...
En 2002 l'Esprit subit un ultime restylage, reconnaissable à ses feux arrière ronds. Le modèle est rebaptisé simplement Esprit et ne fait plus référence au V8.
En février 2004, c'est l'arrêt de la production des Lotus Esprit après 30 ans de carrière et il faudra attendre l'Evora en 2009 pour qu'une nouvelle GT rejoigne l'Elise au catalogue Lotus.
ACHETER UNE LOTUS ESPRIT V8
Comme pour beaucoup de GT au succès commercial restreint,
acheter une Lotus Esprit V8 quelques années après sa sortie était plutôt un bon plan. Même si la cote de cette ultime version a relativement peu baissé, elle est aujourd'hui en phase ascendante et il devient difficile de trouver une belle Esprit V8 à moins de 50.000 €. Mais
vu l'exclusivité de l'engin et ses qualités intrinsèques,
elle les vaut largement. Pour identifier correctement un exemplaire d'Esprit V8, sachez que le numéro de châssis est frappé sur une plaque métallique dans le compartiment de la roue de secours, sur le tablier.
Et le V8 est une pure merveille malgré une sonorité un trop discrète et se montre relativement fiable (surtout après 1997 et le changement des chemises) pour un moteur de si petite diffusion. L'entretien est évidemment délicat et exigeant, à confier à un spécialiste Lotus ou un concessionnaire officiel. Or vu le peu de spécialistes du genre sur notre territoire, il vaut mieux y penser avant d'acheter, car s'il faut faire 600 km à chaque intervention... Si une simple vidange est à la portée du plus grand nombre, 7 litres de 10W60 à remplacer tous les 15.000 km, la douloureuse intervient au moment de faire la distribution (double courroies et galets, tous les 3 ans), la limite des 50.000 km étant un mauvais repère pour des propriétaires qui roulent parfois très peu. A minima, on vérifiera la tension tous les ans. A noter que l'embrayage pourra lui aussi avoir du mal à passer ce cap des 50.000 km et que son usure prématurée peut être un bon indice des maltraitances éventuelles subies par la boîte. Comme elle est le véritable talon d'Achille de l'Esprit V8 (fragilité et fuites fréquentes, surveiller le niveau), un remplacement n'est pas à écarter en cas de conduite trop musclée. Même constat pour les roulements, issus eux aussi de chez Renault. La carrosserie est en composite et le châssis-poutre en acier galvanisé, ce qui vous met au moins à l'abri de la corrosion. Mais les ajustements sont assez moyens et elle peut subir des déformations dues à la chaleur (côté moteur notamment). L'Esprit étant très basse, pensez aussi à inspecter les soubassements...
CHRONOLOGIE LOTUS ESPRIT V8
1975 : Présentation au salon de Paris de la Lotus
Esprit MkI appelée "Lotus Esprit S1".
1996 : Présentation et commercialisation de la Lotus
Esprit MkIV V8. 3,5 litres, 350 ch et 280 km/h.
1998 : Modifications sur la Lotus Esprit V8 : nouvel embrayage
bi-disque, carter d'embrayage en acier, implantation du démarreur
modifiée, nouvelles jantes alu, aileron arrière aux
attaches modifiées, combiné d'instruments modifié,
ABS nouvelle génération.
2002 : Une nouvelle face arrière à feux ronds fait son apparition en 2001 pour une ultime évolution de l'Esprit.
2004 : Arrêt de la production des Lotus Esprit le 20 février.
PRODUCTION LOTUS ESPRIT V8
ESPRIT V8 (1996-2004) : 1237 exemplaires
ESPRIT V8 GT (1997-2001) : 204 exemplaires
ESPRIT V8 Sport 350 (1999) : 42 exemplaires
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
LOTUS ESPRIT V8
MOTEURType : 8 cylindres en V à 90° (type 918), 32 soupapes, 2x2 arbre à cames en tête
Position : longitudinal central AR
Alimentation : Gestion électronique intégrale Lotus/EFI + 2 turbocompresseurs Garret T25 (0,75 bars) refroidis par eau sans échangeur de température.
Cylindrée (cm3) : 3506
Alésage x course (mm): 83 x 81
Puissance max. (ch DIN à tr/mn): 350 à 6500
Couple max. (Nm à tr/mn) : 400 à 4250
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports): Manuelle (5)
POIDS
Données constructeur (kg) : 1380
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3,94
ROUES
Freins Av-Ar : disques ventilés (Ø 296 mm) - disques (Ø 300 mm) + étriers Brembo + ABS Kesley Hayes 430
Pneus Av-Ar : 215/40 ZR 17 - 245/40 ZR 18 (Michelin Pilot MXX3)
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h): 280
400 m DA : 12"8
1000 m DA : 23"4
0 à 100 km/h : 4"5
0 à 200 km/h : 20",8
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km) : 15
PRIX NEUF (1998) : 525.000 FF
COTE (2017) : 50.000 €
PUISSANCE FISCALE : 20 CV
CONCLUSION
| :-) V8 plein et puissant Ligne légendaire Tenue de route Confort de roulement Performances Plaisir de conduite Collector en puissance |
| :-( V8 sans voix Pas d'autobloquant Châssis trop souple en utilisation sportive Boîte Absence de repose-pied conducteur Visibilité arrière Entretien |
Une vraie légende vivante cette Lotus Esprit ! Et si pendant 25 ans elle a essuyé des critiques sur ses mécaniques roturières, sa fin de carrière se termine en beauté avec un magistral V8. D'accord, il n'est pas très mélodieux, mais en revanche il a toutes les qualités : puissance, souplesse, performances… Aujourd'hui, avec une très faible quantité de Lotus Esprit MkIV V8 produites, il faudra patienter et attendre qu'un heureux propriétaire soit obligé de s'en séparer. Une occasion qu'il ne faudra pas manquer, car l'Esprit est véritablement une GT charismatique à part dans sa catégorie...
Le très bel exemplaire de Lotus Esprit V8 SE présenté ici qui n'affiche que 27.000 km est à la vente chez Bahman Cars à Genève.
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je "sors" d'une maserati indy 4.7 et ai acheté une lotus esprit v8. côté consommation, l'italienne ne descendait jamais en-dessous de 22l./100kms tandis qu'à plus vive allure, l'esprit ne consomme que 16,5l./100 tout en offrant des performances exceptionnelles supérieures à une f455 et égale à une porsche turbo. je dois malheureusement la vendre pour raison familiale. alors si quelqu'un est intéressé par cette v8 qui devient tout doucement une collector, prière de m'en aviser.
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