MAZDA RX-8 R3 (2010 - 2011)
LE CHANT DU CYGNE
Suite à la mise en application du malus écologique, Mazda avait pris la décision d’arrêter de vendre chez nous son coupé quatre portes. La vindicte populaire aura eu raison de cette mise à mort et, c’est en mars 2010, que Mazda France relança la carrière de la RX-8. Mais pas de n’importe quelle façon puisqu’il s’agit, avec la R3, de profiter de plusieurs améliorations déjà opérées sur d’autres marchés. Un sursis qui aura duré deux ans et dont il est temps de faire le bilan...
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Alexandre LOUEL
Les normes anti-pollution, en voilà une attention louable. Pourtant, derrière se cache une vendetta prétexte à l’éradication d’espèces jugées politiquement incorrectes. De plus, les disparités entre les deux et quatre roues ont définitivement enlevé toute crédibilité à ce dispositif. Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement avait eu la « bonne » idée de lancer son bonus/malus dont les effets néfastes commencent à être révélés au grand jour. Assujettie au super malus, la Mazda RX-8 se prenait une hausse de tarifs spectaculaire. Ajoutez à cela des prix à la pompe au plus haut et la messe était dite pour la RX-8 R3 (ou FL). Ce n’est que grâce à l’obstination de quelques passionnés que la France est redevenue le quatrième pays européen à la commercialiser à compter de mars 2010. Pour un peu moins de deux ans… Car dès le 1er janvier 2012, la météorite Euro5 a percuté l’Europe, faisant plusieurs victimes parmi les dinosaures japonais. A commencer par la Honda Civic FN2 Type R dont la commercialisation avait été stoppée par anticipation. L’autre mastodonte à disparaître est donc la Mazda RX-8 dont le Birotor a été jugé trop coûteux à retravailler pour survivre à cette nouvelle ère. Depuis son lancement, le Mazda RX 8 s'est vendu à plus de 170 000 exemplaires et c'est tout juste à l’extinction de l’espèce que Mazda nous a proposé d’essayer cette ultime version R3 afin de lui offrir l’adieu qu’elle mérite.
PRESENTATION
La Mazda RX-8 est atypique à plus d’un titre. Par son moteur, sur lequel nous reviendrons, mais aussi par son design. D’une certaine manière, elle prenait la relève des RX-7, mais dans un concept totalement différent. Adieu les « simples » coupés et cabriolet. Il est ici question d’un original coupé quatre portes, un vrai. Rien à voir avec une grosse berline dont le pavillon arrière aurait été rabaissé pour se donner une allure de coupé. Pour ne pas trahir le concept RX-Evolv, la solution des portes antagonistes a été maintenue lors du passage à la commercialisation. Ceci n’a pas empêché Opel de s’approprier la paternité de ce système au cours de ses célèbres et récents spots publicitaires…
Par rapport aux précédentes versions que nosu avions essayées (192 ch et 231 ch), la RX-8 R3 évolue. Elle reçoit un nouveau bouclier avant intégrant une calandre pentagonale plus imposante et de nouvelles entrées d’air, supposées accentuer l’agressivité de la face avant. Les modifications concernent également les feux avant redessinés et les feux arrière à LED. Citons également les ailes avant élargies et l’inédit bouclier arrière. Plusieurs clins d’œil à la forme du « rotor » sont toujours visibles, dont un l’est à l’arrière, sur l’entourage de la plaque d’immatriculation. En série, de nouvelles jantes 19 pouces, plus légères, étaient offertes mais il était possible d’opter pour les autres. On trouvait aussi dans le catalogue d’options cinq nouveaux coloris : Aurora Blue Mica, Metropolitan Grey Mica, Alumnium métallisé, Sparkling Black Mica et Crystal White Pearl Mica. Le pack Sport – de série et exclusif à la R3 – comprend un spoiler avant, des jupes latérales et un becquet arrière flottant. Tout cela, ajouté aux bandes noires charge le dessin original et ne sera pas du goût de tous…
HABITACLE
Dans le dossier de presse de la nouvelle Mazda RX-8 R3, la première note qui concerne l’intérieur est, je cite, une qualité de finition supérieure. Ils ont parfois tendance à enjoliver les choses mais, cette fois, c'est assez vrai. L’assemblage est soigné, autant que les matériaux utilisés sont de qualité. Ce n’est pas chargé par une quantité infinie de boutons, le tout est pensé pour aller à l’essentiel. Après, tout est nouveau, que ce soit la console centrale, le volant ou même encore les sièges baquet Recaro mi-cuir avec surpiqûres rouge. Plusieurs rappels du moteur rotatif sont dispersés à l’intérieur. Je vous laisse le soin de tous les trouver. L’habitacle de notre modèle d’essai est sombre, peut-être austère au goût de certains. Ce n’est pas bien grave tant il est réussi. Il aurait même été parfait s’il n’y avait pas cet horrible frein à main venu d’on ne sait où…
Pour 38.150 €, vous avez droit à la climatisation automatique, au système audio Bose à 9 haut-parleurs, à la prise MP3 et au kit mains-libres compatible Bluetooth. Rien de vraiment inédit, mais rien non plus qui ne manque à l’appel.
MOTEUR
Si la RX-8 est une « curiosité », c’est avant tout dû à sa motorisation. Son moteur rotatif birotor délivre, compte tenu de sa faible cylindrée (2 x 654 cm3, équivalent à 2616 cm3 en moteur 4 temps), une coquette puissance de 231 chevaux. Mieux, elle n’est atteinte qu’à 8.200 tr/min, avec, derrière, mille tours de manège supplémentaires disponibles sous le pied droit. Avant d’avoir le droit de toucher au nirvana, il faudra vous acquitter des obligatoires préliminaires. Le compte-tours indique le niveau d’excitation de votre partenaire au travers du nouveau système de zone rouge virtuelle, variant avec la température du moteur. Le couple est lui plus restreint, avec seulement 211 Nm au compteur. C’est d’ailleurs cet aspect qui est souvent décrié durant les discussions ayant trait à la RX-8. Baptisé Renesis pour "Rotary Engine Genesis", ce moteur est réputé creux en bas, voire quasiment inutilisable en ville. Sur la R3, ce n’est pas du tout vrai. En 5ème à 50 km/h, aucun signe de difficulté n’est ressenti. On peut, tout au plus, lui reprocher de ne pas avoir la souplesse d’un six cylindres mais ce serait chercher la petite bête. L'absence de vibration est une autre de ses qualités.
Si je devais lui trouver des défauts, ce serait dans sa linéarité. Il ne se passe pour ainsi dire rien entre 2.000 et 6.000 tours, la faute, en plus, à des rapports beaucoup trop longs. Les performances sont plus qu’honorables avec les 100 km/h atteint en 6,4 secondes mais les relances peinent un peu. Pour atténuer cette impression de faiblesse, le rapport du différentiel a été abaissé de 4,444 à 4,777. En outre, la rigidité à la torsion de l’arbre de transmission a été augmentée de 30%. Une des autres nouveautés est l’apparition d’un inédit système à deux capteurs de cliquetis mais c’est surtout la lubrification qui a été au centre de toutes les attentions. Comme évoqué, le système de refroidissement d’huile amélioré par les nouvelles entrées d’air. De plus, une troisième alimentation d’huile est en position centrale et la pompe de dosage bénéficie désormais d’un entraînement de type électromagnétique, et non plus mécanique. La pompe est montée directement au niveau de l’alimentation en huile, supprimant le passage de purge de l’ancien système. La forte consommation d’huile étant inhérente au fonctionnement même du moteur rotatif, les ingénieurs ont eu l’idée de faciliter la vie du conducteur. Un suivi du niveau d’huile est impératif, c’est pourquoi la jauge a été déplacée à un endroit plus accessible qu’auparavant, tandis que la contenance du carter est passée à 7 litres.
Plus que les titres remportés à l’élection de l’Engine of the Year en 2003 et 2004, c’est la victoire au 24 Heures du Mans 1991 qui reste le principal fait d’armes du rotatif Mazda. Depuis, il s’est fait plus discret et a fini par accuser le poids des années. Cela se traduit par une consommation de sans plomb non négligeable. La moyenne de notre essai s’est établie à 15 litres au 100 km mais elle peut très rapidement s’envoler selon la conduite adoptée. En ville, c’est un véritable gouffre. Comptez 20 litres, même en roulant « proprement ». Sur autoroute, impossible de passer sous les 13 litres et encore, avec le pied léger… Des chiffres dignes des supercars essayées au cours de l’année mais avec deux fois moins de chevaux. Si vous cherchez de nouveaux amis, essayez de trouver un pompiste. Pour aller un peu moins souvent faire le plein, la capacité du réservoir a été augmentée de presque 4 litres.
Terminons sur une note plus positive. La boîte mécanique à six rapports provient de la MX-5 NC, agrémentée de quelques modifications comme les quatre premiers synchros en carbone, le couvercle porte-roulement renforcé et la réduction de la taille du carter de transmission. Déjà parfaite sur le roadster, cette boîte est un régal à manier. Un modèle de précision sublimé par un débattement court. ùvous vous demanderiez si la Mazda RX-8 R3 était disponible avec le Renesis de 192 ch, la réponse est non.
SUR LA ROUTE
L’installation au poste de pilotage de la Mazda RX-8 est toujours aussi aisée. On est immédiatement conquis par les enveloppants sièges Recaro. Les commandes tombent naturellement sous les mains, il ne reste plus qu’à mettre en route la machine. La sonorité du birotor est très particulière. Certains adorent, d’autres pas du tout. Personnellement, j’ai l’impression de me préparer un milk shake à chaque accélération… En ce qui concerne la direction, le suspense ne dure pas bien longtemps. Elle se révèle instantanément précise, directe comme un uppercut. Elle a été revue pour parfaitement retranscrire la route au conducteur. Il n’en rate pas une miette.
A l’instar de ce qui a été fait sur la MX-5, Mazda a fait le choix de la sportivité en optant pour une transmission aux roues arrière. La prise en main ne présente aucune difficulté. Grâce à un châssis équilibré et pas piégeur, la nippone se conduit sans appréhension et met rapidement en confiance. Allez-y franco dans les virages. Le train avant se place là où vous le voulez et l’arrière ne bronche pas. La suspension arrière a été optimisée par une reconfiguration de la géométrie. Pas non plus de crainte à avoir sur un possible sursaut du moteur, sa linéarité étant incompatible avec une quelconque soudaine avalanche de couple. Cela n’a pas empêché Mazda d’offrir gracieusement en série un différentiel à glissement limité, mécanique de surcroît.
La répartition des masses à 50/50 entre l’avant et l’arrière demeure, elle aussi, parfaite. Le poids affiché par la Mazda RX-8 R3 est de 1.354 kg à vide. Sans être légère, elle est dans la moyenne basse des coupés quatre places actuels. La rigidité à la torsion et à la flexion est accrue par la présence d’une barre trapézoïdale entre les tourelles de suspension. La nouvelle suspension Sport porte bien son nom. Les amortisseurs Bilstein restent fidèles à leur réputation, à savoir excellents mais fermes. Pour ne pas trop perdre en confort, les ressorts, bagues et barres stabilisatrices reçoivent de nouveaux réglages. Cela dit, le compromis global reste en faveur de la sportivité. On retrouve les disques de frein de la RX-8 Performance, soit 323 mm à l'avant et 302 mm à l’arrière. Suffisamment puissants et endurants pour une conduite de tous les jours, une remise à niveau n’était pas nécessaire. L’antipatinage TCS ne s’est jamais montré intrusif tandis que le contrôle de stabilité DSC peut être totalement déconnecté. Face à un tel châssis, on en viendrait à rêver d’avoir eu une RX-8 plus performante pour l’exploiter pleinement… avec deux turbos en plus par exemple !
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MAZDA RX-8 R3
MOTEURType : rotatif, birotor atmosphérique
Position : AV
Alimentation : Injection électronique
Cylindrée (cm3) : 2 x 654
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 231 à 8 200
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 211 à 5500
TRANSMISSION
AR + autobloquant Torsen + ESP (déconnectable)
Boîte de vitesses (rapports) : Manuelle (6)
ROUES
Freins (mm) Av-Ar : disques ventilés (323/302) + ABS
Pneus Av-Ar : 225/40 ZR 19
POIDS
Données constructeur (kg) : 1315
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 5,7
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 234
400 m DA : 15,6
1000 m DA : 27,8
0 à 100 km/h : 6"4
CONSOMMATION
Moyenne constructeur (L/100 km) : 11,5
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 15
CO2 (g/km): 299
PRIX NEUF (12/2011) : 38.150 €
PUISSANCE FISCALE : 17 CV
CONCLUSION
:-) Finition en progrès Personnalité à part Moteur unique en son genre Homogène et polyvalente Châssis |
:-( Kit carrosserie typé Fast and Furious... Manque de couple Sonorité moteur un peu fade Consommation |
En ces temps de crise, on résume trop souvent l’automobile à un outil de déplacement d’un point A à un point B. Avec la Mazda RX-8 R3, cette définition prend un tout autre sens. Chaque élément du coupé nippon a été revu, sans pour autant perdre de vue ce qui faisait sa force. Etre capable d’accueillir sa famille sans avoir à renoncer à son propre plaisir est une caractéristique de plus en plus rare à l’heure du tout aseptisé. Restent un restylage qui peut prêter à débat et l’éternel problème de la surconsommation de carburant…