MORGAN AEROMAX (2008 - 2009)
Frêne éthique
Née de la volonté du Prince Eric Sturdza et des traits du jeune designer Mathiew Humphires, l'Aeromax fut d’abord une voiture unique, entièrement conçue de façon artisanale et réalisée en un temps record. Lors de la présentation du concept-car, à l'occasion du Salon de Genève 2005, la réaction des amateurs de Morgan a été telle, que la marque a décidé de lancer une fabrication de 100 autos, pour célébrer son 100ème anniversaire...
Texte & Photos: Étienne ROVILLÉ
En 48 heures, 170 bons de commande ont été envoyés avec des acomptes. Seuls les 100 premiers ont été servis, au rythme de 2 voitures par semaine à compter de janvier 2008. Ainsi démarre la vie d'un collector signé Morgan...
PRESENTATION
Contrairement au modèle unique réalisé à la main, Morgan utilise pour la toute première fois la CAO pour dessiner intégralement le modèle final de l'Aeromax. La carrosserie est ensuite réalisée en aluminium, par un procédé innovant d’étirement à chaud, qui permet de conserver les propriétés mécaniques de l’aluminium. Cette technique permet également d’avoir un poids très contenu ; l’Aeromax ne pèse que 1180 kg ! Chaque propriétaire choisit la couleur de son auto parmi une palette de 25.000 couleurs standard. En réalité le choix de coloris est infini car une couleur peut être fabriquée sur demande. L’oeil averti aura remarqué les phares de Mini cooper S phase 1 et les feux de la Lancia Thesis. Aucune des 100 autos n’est identique.
C’est le très sympathique propriétaire de la numéro 41, Christophe, qui nous a donné rendez-vous afin d’immortaliser la sienne. Après une prise de contact très agréable, nous allons découvrir la voiture, ou plutôt devrais-je dire, l’œuvre, dans son garage, sous bâche. Autour, des photos de Caterham, de Lotus, de Morgan … on est bien chez un esthète. Christophe nous dévoile l’auto, où nous découvrons au fur et à mesure un avant, très long, repris de la Morgan Aero8 MK III. S’ensuit le profil et l’arrière, semblant venir tout droit des années 30, nous faisant penser inévitablement aux Bugatti T57S Atlantic et autres Talbot Lago T150C SS. Ce style néo-rétro se retrouve aussi dans la conception : un châssis tout en aluminium extrudé, soudé, collé et riveté. Ce châssis de course est de technologie contemporaine, avec entre autres quatre roues indépendantes à double triangulation, rotules Uniball pour toutes les articulations, amortisseurs inboard activés par des basculeurs, freinage assuré par des étriers AP Racing à six pistons et disques ventilés. Sur ce châssis, nous retrouvons un improbable bâti en bois de frêne, sur lequel est posée la carrosserie, d’à peine 1mm d’épaisseur.
HABITACLE
Habituellement nous nous attardons peu sur l’intérieur des sportives. Certes nous évoquons bien quelques remarques afin de placer la finition par rapport à la concurrence mais nous laissons le nombre de porte-gobelets et l’essai du GPS à certaines émissions télévisées. Dans le cas Morgan, il en est tout autre. Son intérieur invite au voyage, même à l'arrêt. Baroque à souhait, au plus haut de la tradition anglo-saxonne il ne vous laissera jamais indifférent. Exit le plastique moussé et thermoformé sur chaîne de production. L’odeur traduit ses origines, nobles, de sève et de peaux. 5000 couleurs de cuirs standard (et là encore, une couleur spéciale est envisageable !) et 4 bois précieux différents pour le tableau de bord. Vos sens s’excitent et vous ne savez plus où donner des yeux. Le jonc de frêne qui supplante la planche de bord vous invite à y déposer vos digits. Vous en vérifiez toute absence d’aspérité comme l’a fait un ébéniste lors de sa construction après chaque couche de vernis.
Au fur et à mesure que vous caressez les matériaux, vos neurones s’affairent à imaginer les heures de travail nécessaires à assembler telle œuvre d’art. Sur quelle autre auto peut-on s’ébahir devant le ciel de toit ? Une lame de frêne vernis s’étire d’avant en arrière pour couper la magnifique custode arrière. Cet intérieur s’observe avec le nez et se regarde du bout des doigts. Plus aucun regard critique ? Soyons franc tout n’est pas rose. Certains assemblages sont précaires. Mais le plus dérangeant n’est pas là. Les commodos tirés de chez BMW dénotent dans cet environnement hors norme. Que viennent faire ces vulgaires morceaux de plastique dans cette atmosphère d’antan ? A l’instar de feu TVR, Morgan aurait dû réaliser ses propres pièces. Nous ne parlerons pas de la portière non étanche et dont un filet d’air nous a glacé le mollet droit. Nous ne parlerons pas non plus des craquements de la planche de bord. Car, dixit un ami, "elle craque, mais avec classe" ! Quant aux vis cruciformes apparentes du pare-soleil… sacrilège ! Enfin tout ceci n’est que détails car un simple coup d’œil dans votre rétroviseur ne vous permettra pas de voir la voiture qui vous suit, mais la double lunette arrière. De suite un sourire s’inscrira sur vos lèvres.
La montée (ou descente) à bord est propre à toute auto artisanale. L’engin n’a pas des proportions si grandes que les photos pourraient laisser croire. De ce fait les portes sont ridiculement petites et obligent à tendre fortement la jambe droite vers l’accélérateur. La jambe gauche trouvera un cale-pied, en ayant pris soin d’éviter la charnière de porte qui passe juste au dessus du tibia. A bord la position de conduite est exempte de tout reproche. Tout tombe parfaitement sous la main… enfin l’essentiel. Accéder au bouton de lève-vitre nécessite une contorsion du coude. Quant à la jauge à essence et température d’eau, le cerceau du volant leur fait éclipse. Malgré la faible surface vitrée on s’étonne de la luminosité. Elle vient de matériaux clairs et de vitrages dépourvus de teintage. Etonnant mais finalement plaisant. Au-delà du pare-brise, tenant plus d’une meurtrière, et qui a d’ailleurs l’originalité d’avoir 3 essuie-glaces, s’étend le long capot. Sous ce dernier, s’ouvrant en "en aile de mouette", les ingénieurs ont fait rentrer au chausse-pied le V8 BMW 4.8 de 367 ch, prêt à enfiler les kilomètres.
SUR LA ROUTE
Vu le rapport poids/puissance de la Morgan Aeromax, le conducteur se doit d’une certaine humilité. Notre premier test a été de s’extirper de la jungle parisienne. Le V8 accouplé à la boîte automatique ZF à 6 rapports (manuelle en option) s’accommode parfaitement bien de la tâche. Souple, coupleux le bloc atmosphérique n’a rien a envier aux dernières générations turbocompressées. Il est d’ailleurs très discret en dessous de 2000tr/min, régime sous lequel la boîte le fait tourner si vous caressez simplement la pédale de droite. En revanche celle de gauche reste plus difficile à doser. Les freins ne manquent pas de mordant et ont tendance à jouer au culbuto avec votre tête. L’Aero s’apparente à une belle GT au premier abord. Au second, elle dévoile un tout autre visage. Oppressez un peu trop la pédale de droite et les généreuses chaussettes de 255/40 avouent leurs limites qui se traduisent par une belle glissade. Bien assis sur le train arrière, on sent facilement la caisse se caler sous le poids des Mkg. Le châssis fait preuve d’une excellente rigidité. Contrairement à beaucoup d’autos modernes on le sent vibrer. Alors qu’on tenait le volant avec une main de velours, on se surprend à l’agripper fermement. Les suspensions raides trahissent chaque aspérité. Sur routes dégradées, les mouvements de caisse se font bien sentir et la voiture à tendance à « rebondir » à droite, ou à gauche. Mieux vaut se mettre vers le centre de la chaussée. La GT bourgeoise s'efface pour laisser place à un châssis super sport.
L’Aero se comporte comme beaucoup d’autos à moteur central avant. Une fois l’avant placé il est aisé de gérer l’enroulement du train arrière par simple pression du champignon. Néanmoins, les suspensions jouent assez bien leur rôle et le confort reste tout à fait à la hauteur. Si vous êtes en charmante compagnie, il est préférable de fermer les vitres, sinon l’air et les exhaust pipes couvriront sans soucis le son de sa voix… Les accélérations demeurent vraiment époustouflantes, très légèrement gommées par un V8 un peu linéaire, mais le plaisir garde son intégrité grâce à la sonorité caractéristique de l’architecture moteur. Il ronronne fort et pétarade au lâcher de gaz. Il faut dire que les échappements se trouvent au plus près, de chaque coté de votre postérieur. Un plus vraiment bienvenu pour aiguiser les sensations. La boîte auto lisse chaque passage de rapport. Si nous ne sommes pas adeptes de ce genre de fonctionnement, nous devons nous rendre à l’évidence qu’elle s’accorde finalement assez bien avec l’esprit de la Morgan Aeromax.
MORGAN AERO SUPERSPORT
Pour fêter ses 100 ans, le manufacturier britannique a présenté à la Villa d'Este une édition limitée dérivée du coupé Aéromax. Dotée d'un hard-top en deux parties, la Morgan Aero Supersport est donc un cabriolet targa. Sa fabrication plafonnée à 200 exemplaires débutera au premier trimestre 2010. Les acheteurs intéressés par ce modèle facturé quelques 142.000 euros, soit 34.000 de plus que l'Aero 8 classique, devront déposer un acompte de 28.000 euros puis attendre leur tour...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MORGAN AEROMAX
MOTEURType: 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes
Position: longitudinal AV
Alimentation: Injection électronique
Cylindrée (cm3): 4799
Alésage x course (mm): 93.0 x 88.3
Puissance maxi (ch à tr/mn): 368 à 6100
Puissance spécifique (ch/L): 76,7
Couple maxi (Nm à tr/mn): 490 à 3600
Couple spécifique (Nm/L): 102,1
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports): automatique (6)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm): Disques ventilés (350/332)
Pneus Av-Ar: 225/45 - 255/40 ZR 18
POIDS
Données constructeur (kg): 1180
Rapport poids/puissance (kg/ch): 3,2
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h): 273
400 m DA: ND
1 000 m DA: ND
0 à 100 km/h: 4"2
0 à 200 km/h: ND
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km): 10,8
PRIX NEUF (2008): 150.000 €
PUISSANCE FISCALE: 21 CV
CONCLUSION
:-) Véritable oeuvre d'art ! Performances Sonorité ! Châssis sportif Poids réduit Mécanique de grande série... |
:-( ... un peu trop linéaire Boîte automatique peu sportive Quelques détails de finition Le prix de l'exclusivité... |
Tout n’est pas parfait dans cette auto, artisanat oblige. D’un autre coté le terme d’œuvre d’art n’est pas usurpé. La Morgan Aeromax est une pièce exclusive à elle seule, bien loin de la production moderne. Un célèbre journaliste anglais l’a bien traduit en disant : « De nos jours chacun cherche l’exclusivité, au final cela revient à chercher sa nuance de gris ! » Vous voulez rouler décaler ? Courrez vous offrir une Morg’ (contre un chèque de 160.000€). Croyez-moi sur parole les sourires et pouces levés des passants vous feront vite oublier les tracas !
Remerciements à Christophe, pour sa disponibilité et le partage de sa passion. L'Automobile Sportive remercie Etienne ROVILLÉ pour son reportage photo.