NISSAN GT-R (2008 - )
AUX FRONTIERES DU REEL
Il n’y a pas si longtemps, la Nissan GT-R animait l’actualité et faisait par la même occasion le bonheur des journalistes, toujours friands des duels acharnés entre constructeurs. Il faut dire qu’en promettant des performances de supercar pour un prix jamais vu sur le marché, le cahier des charges semblait impossible à tenir. Et pourtant…
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Alexandre BESANÇON
Il y a un peu de X-Files dans la genèse de la GT-R R35. Entre ceux qui croyaient dur comme fer aux promesses de Nissan, et les autres qui hurlaient au simple marketing, on peut y voir quelques similitudes avec l’agent Mulder et sa célèbre affiche dans son bureau « I want to believe ». Il ne manque d’ailleurs que les ailes à la japonaise pour se transformer en OVNI car un an après sa commercialisation en France plus la peine de faire de mystère sur ce qu’elle vaut avec en point d’orgue un temps de 7 minutes 26 secondes et 70 centièmes sur la très célèbre « Boucle Nord » du Nürburgring. Nous avons préféré nous orienter vers un bilan après une année complète d’exploitation et pour cela, rien de mieux qu’un possesseur pour nous dévoiler tous les secrets de celle que l’on surnomme Godzilla…
PRESENTATION
…Et ce surnom de Godzilla lui va bien à cette Nissan GT-R ! Véritable colosse, elle ne passe pas inaperçue et semble prête à tout ravager sur son passage. Vraie japonaise, du bout de son long capot plongeant jusqu’à son aileron démesuré, elle trouverait parfaitement sa place dans les mangas. Le concept car Skyline GT-R exposé au salon de Tokyo en 2001 préfigurait d’une révolution stylistique par rapport aux précédentes générations de Skyline, au point d’en perdre finalement l’appellation sur la version définitive de la Nissan "GT-R" dévoilée en octobre 2007. Le lien de parenté et l'héritage esthétique est malgré tout conservé. Il suffit d'observer la nouvelle GT-R pour le retrouver : traits marqués, angles droits (PGC10 GT-R de 1969), quatre feux arrière ronds (KPGC110 GT-R de 1973) et ouverture de la calandre (R34 GT-R de 1999).
Mais le dessin de la Nissan GT-R R35 est beaucoup plus travaillé qu’il n’y paraît et le Cx affiche une excellente valeur de 0,27. Plus on la regarde et plus on comprend qu’elle n’est pas là pour faire de la figuration : passages de roues proéminents, extracteurs d’air latéraux, jantes 20 pouces et quatre énormes sorties d’échappement. Pas de doute, elle est là pour en découdre mais ce côté ostentatoire était le but recherché par le constructeur nippon, comme en atteste Shiro Nakamura. Après, c’est une affaire de goût, on peut ne pas aimer. Personnellement, j’adore…
HABITACLE
Avec un ticket d’entrée supérieur à 80 000 €, la qualité de fabrication se devait d’être nettement supérieure à ce que propose le reste de la gamme Nissan. De ce point de vue, c’est totalement réussi. Une fois (confortablement) installé dans le siège baquet enveloppant, la Nissan GT-R apparaît comme étant aussi décalée à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le soin de développer l’ordinateur de bord a été confié à Polyphony Digital Inc., créateurs de Gran Turismo. Le lien avec l’univers du jeu video est évident et l’ODB distille toutes les informations nécessaires à la vie au sein de la voiture. Et quand je dis toutes, c’est toutes… Pression du turbo, température, vitesse et consommation moyennes, accélérations en courbe et même un mode économique pour savoir quand passer les rapports sans trop consommer. C’en est trop, on s’y perd vite…
Le volant multifonctions regorge de boutons multimédias et exhibe fièrement une large inscription GTR. De plus, il est habillé de cuir, cuir que l’on retrouve un peu partout dans l’habitacle. La graduation va jusqu’à 340 km/h tandis que la majeure partie du tableau de bord est occupée par le compte-tours central. Il ne manque que la clé de contact à gauche pour que la provocation soit totale… La console centrale regroupe la climatisation, l’équipement Hi-fi Bose (dont un haut-parleur sépare les deux sièges à l’arrière) et surtout permet de gérer en temps réel les différents modes de conduite de la voiture à l’aide de trois molettes. Avec ses deux places arrière, la Nissan GT-R ferait presque office de familiale mais la faible garde au toit empêchera toute personne de grande taille d’y loger confortablement. L’accessibilité compliquée de ses places est aussi à pointer du doigt. En revanche, les 315 litres du coffre assurent une capacité de rangement inédite dans la catégorie.
MOTEUR
Au vu de ses performances dignes d’un avion de chasse, on pourrait s’attendre à trouver au moins un V8 dans le compartiment moteur de la Nissan GT-R. Que nenni ! Nissan s’est contenté d’un gros V6 de 3.8 de cylindrée qu’il a dopé par un turbocompresseur IHI (avec intercooler) par banc de cylindres. Ainsi équipé, le VR38DETT (c’est son petit nom…) délivre une puissance (officielle) de 485 chevaux pour un poids total de 276 kilos. Précision importante étant donné que de nombreux essais au banc ont vu la puissance dépasser allègrement la valeur symbolique de 500 ch. Preuve qu’il n’y a pas que chez Porsche qu’on est capable de tirer des valeurs stratosphériques d’un six cylindres…
Bien que développé exprès pour la GT-R, ce bloc 24 soupapes contrôlé par deux doubles arbres à came en tête dérive étroitement des moteurs de course et des V6 VQ équipant entres autres, le coupé 370Z. Il est assemblé à la main par un seul homme dans une salle spécialement conçue à cet effet dans l’usine Nissan de Yokohama. Le couple n’est pas en reste avec pas moins de 588 Nm revendiqués (à titre de comparaison, c’est plus que la Ferrari 458 Italia) de 3200 à 5200 tours/min.
Mais encore fallait-il avoir une boîte capable d’encaisser sans sourciller cette débauche de couple. Le choix s’est porté sur la boîte à double embrayage Borg-Warner GR6 qui comme son nom l’indique dispose de six rapports. Elle permet à elle seule de grappiller quelques précieuses secondes grâce à ses temps de passage imperceptibles. Plusieurs modes sont disponibles dont le tout automatique ou bien a contrario le manuel dont le changement de rapport se fait via les palettes fixes (de dimension généreuses) placées derrière le volant.
Si vous avez encore des doutes sur les aptitudes du « monstre », imaginez une vitesse maximale de 310 km/h et un 0 à 100 km/h abattu en 3,5 secondes. Des performances faisant de notre japonaise du jour la GT 4 places la plus rapide du monde dans le livre Guiness des records. Afficher une telle santé malgré un moteur placé en position centrale… avant relève de l’exploit. Afin de pénaliser le moins possible la répartition des masses (qui est de 53/47), la GR6 est accolée au pont arrière. Il y eut quelques désagréments à cause de la fonction (au combien inutile…) Launch Control dont beaucoup abusèrent. Il est vrai qu’être le roi du départ-arrêté au feu rouge a de quoi apporter son moment de gloire… Blague à part, le système fut modifié par rapport aux plusieurs livraisons pour limiter tant que possible les casses. Terminons ce paragraphe par un reproche. La sonorité d’origine de l’engin est trop feutrée, sans doute la faute aux turbos, et aurait méritée d’être davantage mise en avant. Attention, la moindre modification fait sauter automatiquement la garantie constructeur…
SUR LA ROUTE
En découvrant la Nissan GT-R, on retourne quelques années en arrière. On se revoit à la fête foraine en train de piaffer d’impatience pour notre tour de manège. Hors de question pour moi de passer mon tour dans ce grand 8 japonais… A la lecture des spécificités techniques, il est légitime de se demander comment, tout en étant si lourde et si imposante, la Nissan réussit à défier les lois de la physique et à sortir des temps si incroyables. Citons pour commencer son favorable Cx en grande partie responsable des 300 km/h allègrement atteints. Ce résultat est le fruit d’une étroite collaboration avec Lotus Europe et Yoshitaka Suzuka. Il y a ensuite sa transmission intégrale permanente ATTESA E-TS qui fait des miracles, capable grâce à une centrale électronique de répartir le couple de 50 à 100 % vers l’arrière. Tout cela en fonction des données récupérées en temps réel sur la qualité du revêtement, l’adhérence ou bien encore l’accélération latérale. L’autobloquant mécanique n’a pas été oublié, auquel est associé un antipatinage électronique. A la manière du Manettino de Ferrari (sauf qu’il n’est pas placé sur le volant), il est possible de switcher entre plusieurs modes de conduite. De base, l’ESP est actif, avant de se montrer moins intrusif pour laisser plus de latitudes au conducteur sur le second mode. Pour ceux qui ne veulent pas entendre parler du correcteur de trajectoire, ils peuvent le déconnecter totalement.
Avec des suspensions à double triangulation à l’avant et multibras à l’arrière, la Nissan GT-R inaugure un tout nouveau système appelé Premium Midship pour gommer tout roulis grâce à une répartition des masses idéale sur les quatre roues. Pour stopper et non simplement ralentir Godzilla, il fallait bien les quatre gros disques ventilés Brembo de diamètre de 380 mm associés à des étriers monoblocs à sic pistons à l’avant, et quatre à l’arrière. Remarquez le montage en trois points des étriers pour limiter leurs déformations. Pas de freins céramiques, même en options. La direction est précise et directe et grâce à elle, le feeling de la route se fait naturellement. La position de conduite de la GT-R est elle aussi au-dessus de tout soupçons, il faut dire qu’avec un réglage possible au millimètre, les conducteurs les plus pointilleux pourront prendre leur temps pour s’approprier le poste de conduite. Véritable kart, la voiture jouit d’une efficacité impressionnante en toute circonstance et malgré ses 4 roues motrices, sa répartition typée propulsion plaira aux adeptes du survirage, modéré tout de même…
Le problème face à une telle efficacité est votre permis de conduire et sa liste de points loin d’être infinie. Impossible d’atteindre les limites de l’auto, il est d’autant plus facile de se prendre au jeu et par un pilote par la même occasion. Et généralement, c’est là que les soucis arrivent… Alors pour se faire plaisir, il n’y a pas dix mille solutions possibles et la sortie circuit devient incontournable. Mais avant d’y poser les roues, il faudra passer chez Nissan pour un contrôle complet. Contrôle qui sera à refaire dès votre retour pour voir l’utilisation faite. Coût de l’opération : 150 €. Auxquels il sera possible d’ajouter le prix de la vidange si les techniciens du constructeur l’estime nécessaire…
ACHETER UNE NISSAN GT-R
Malgré un prix d’achat défiant toute concurrence, le coût d’utilisation de la Nissan GT-R est digne de ses concurrentes. Tous les six mois, prévoyez 340 €, qui comprennent la vidange et la géométrie. Tous les ans, un entretien spécifique est pris en charge par Nissan et ne coûte pas un sou au propriétaire. La mauvaise nouvelle vient des pneus. En effet, en run-flat, seuls Bridgestone et Dunlop développent la monte spécifique et une rumeur circule indiquant que ces derniers penseraient à en arrêter la production. Autant dire qu’on n’est pas loin de la pénurie, malgré un pneu arrière vendu 700 € ! Oui, il est bien question du pneu à l’unité… Dans le viseur des japonais, la cible était clairement toute désignée. La Porsche 911 Turbo a régulièrement fait les frais d’assauts répétés émanant de Nissan jugeant leur joyau plus performant, temps à la Nordschleife à l’appui. Si la Turbo 997/1 semble en effet en retrait, Porsche a tout mis en œuvre pour réaffirmer sa suprématie avec le restylage opéré et un nouveau moteur 3.8L. De quoi, selon plusieurs confrères de la presse écrite, repasser devant la Nissan. L’honneur est donc sauf… Mais ce serait oublié que la nippone se négocie à 84 250 € voire 85 950 pour la Black Edition. Et les délais de livraison affichés pour la GT-R sont enfin « raisonnables » avec une attente estimée à six mois contre plus de 18 à son lancement…
NISSAN GT-R SPEC V
Cette série limitée de la Nissan GT-R ravira les amateurs de voitures aux caractéristiques et aux performances hors normes. La Nissan GT-R SpecV sera bientôt diffusée en Europe à quelques rares chanceux. En effet, les commandes sont ouvertes jusqu'au mois de décembre 2010 et sont limitées à 40 véhicules pour toute l'Europe. Allégement des masses non-suspendues grâce à de nouvelles jantes forgées Nismo, freinage encore plus puissant, suspensions aux réglages exclusifs et pneumatiques à très forte adhérence... la GT-R SpecV se veut plus exclusive et arbore pour cela un becquet arrière, une grille de calandre et des écopes de freins en fibres de carbone. Dans l'habitacle, à deux places seulement, les sièges baquet Recaro à coque en fibres de carbone sont chargés de vous accueillir.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
NISSAN GT-R
MOTEURType : 6 cylindres en V à 60°, 24 soupapes 2x1 arbre à cames en tête
Position : longitudinal AV
Alimentation : Gestion électronique Nissan injection directe + calage variable + 2 turbos IHI
Cylindrée (cm3) : 3799
Alésage x course (mm) : 95.5 x 88.4
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 485 à 6400
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 588 de 3200 à 5200
TRANSMISSION
Intégrale permanente
Boîte de vitesses (rapports) : séquentielle à double embrayage (6)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés (380), étriers 6 pistons - 4 pistons
Pneus Av-Ar : 255/40 - 285/35 ZRF 20
POIDS
Données constructeur (kg) : 1740
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3,6
PERFORMANCES (Motorsport Magazine)
Vitesse maxi (km/h) : 308
400 m DA : 12"5
1000 m DA : 22"3
0 à 100 km/h : 4"3
0 à 200 km/h : 13"8
CONSOMMATION
Moyenne normalisée (L/100 Km) : 12,5
CO2 (g/km) : 295
PRIX NEUF (07/2010) : 84 250 €
PUISSANCE FISCALE : 36 CV
CONCLUSION
:-) Rapport prix/performances unique ! Comportement routier impérial Boîte ultra rapide Freinage Voiture hors norme 4 places… …et un grand coffre ! |
:-( Conduite trop assistée ? Sonorité d’origine trop feutrée Consommation Coûts d’entretien Gabarit et poids |
La Nissan GT-R est dans sa gamme de prix sans concurrence. Terriblement efficace, certains lui reprocheront une trop grande assistance à la conduite et d’autres insisteront sur le fait qu’il ne s’agit « que » d’une Nissan. Mais une fois derrière le volant, il leur sera impossible de nier que c’est avant tout une voiture hors norme, tout simplement.
Tous nos remerciements à Olivier d’EmotionAutoPrestige, charmant possesseur de cette Nissan GT-R, qui s’est volontiers convié à cet essai.