© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (09/05/2005)
UNE PORSCHE 911 TRES RARE
En 1963, Porsche présente son premier nouveau modèle
Grand-Tourisme depuis la naissance de la Porsche 356. Ce n'est qu'à
partir de 1967 que Porsche va développer une véritable
gamme avec sa Porsche 911 : 911 S, T et la L. Porsche va remodeler
sa gamme en août 1968 avec l'allongement de l'empattement.
Une bonne occasion pour remplacer la 911 T par la E. Mais seulement
pour un millésime ce qui fait que la Porsche 911 2.0 E est
une des 911 à moteur 2 litres les plus rares...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Au salon de Francfort 1963, Porsche dévoile son prototype
n°5 baptisé "901". Mais lors du lancement
officiel de sa nouvelle GT, Porsche doit les renommer "911" car Peugeot avait déjà déposé
toutes les dénominations à trois chiffres avec un
"0" au milieu. Jusqu'en 1967, Porsche va écouler
plus de 10 000 exemplaires de sa GT qui va devenir une référence
dans le monde de la voiture de sport. C'est cette année qu'une
gamme est déclinée autour des mêmes carrosseries
(coupé et targa) avec le même moteur Flat 6 de deux
litres de cylindrées mais avec des puissances différentes.
Ainsi, la Porsche 911 2.0 S va développer 160 ch, la 2.0
T, 110 ch pour se positionner en entrée de gamme et la 2.0
L va développer 130 ch. En août 1968, Porsche va tenter
d'apporter une solution à la tenue de route très caractéristiques
des Porsche 911. Son moteur en porte-à-faux arrière
la rend en effet très délicate à conduire en
ligne droite à haute vitesse. Sans parler de son caractère
naturel survireur dans les courbes ! Alors les techniciens de l'usine
modifient leur modèle phare et augmente l'empattement de
la 911 de 5,8 cm pour passer de 2,210 m à 2,268 m. Si 5,8
cm paraissent peu sur le papier, ils suffisent à améliorer
notablement la tenue de route de la Porsche 911, sans dénaturer
son caractère qui fait tout son charme... Cette même
année, Porsche remplace la 911 2.0 "L" par la
"E". Sa dénomination provient de son système
d'alimentation moteur qui passe à l'injection ("E"
pour Einspritz, soit "injection" en allemand).
DESIGN
La Porsche 911 2.0 E se caractérise donc par rapport aux
premiers modèles de 1964 par des roues qui sont plus écartées.
Mais il faut réellement mettre deux autos différentes
côte à côte pour s'en apercevoir. La longueur
totale de la Porsche 911 reste en revanche identique. Pour les néophytes,
il n'y a pas d'erreurs possibles puisque la Porsche 911 2.0 E n'a
existé qu'avec l'empattement allongé. On retrouve
donc la ligne intemporelle des Porsche 911 sur notre modèle
d'un jour. Le chrome est encore très présent, et c'est
finalement ce qui permet de dater ce modèle. Ce n'est qu'à
partir de la Porsche 911 2.7 dans les années 70 que les pare-chocs
en caoutchouc noir seront montés. De même, l'arrière
de la Porsche 911 2.0 E se distingue par ses pare-chocs arrière
en deux parties avec la plaque minéralogiques fixée
dans un logement concave prolongeant la chute du capot moteur. Deux
bananes encadrent l'emplacement de ladite plaque minéralogique.
Quelques détails permettent d'identifier au premier coup
d'il une Porsche 911 2.0 E : poignées de portes à
poussoir protégé, volant à branches ajourées,
garniture métallique au tableau de bord, grille de capot
arrière chromée... Pour le reste, la Porsche 911 2.0
E ressemble extérieurement à s'y méprendre
à la première Porsche 911 de 1964. Tous les détails
ou presque sont les mêmes. On retrouve toujours la trappe
à essence sur l'aile avant. Les ailes arrière sont
plus larges comparées aux millésimes précédents
afin de pouvoir passer des jantes nouvelles de 6x15. Sur notre Porsche
911 d'essai, les jantes ne sont pas celles d'origine mais des Fuchs
plus larges (en 7x15) à rebord poli du plus bel effet. Terrible
! Une fois la porte ouverte, l'habitué de la marque ne sera
pas dépaysé puisque la planche de bord restera avec
cette forme jusqu'à la génération 993 en...
1993 ! La position de conduite, comme le confort des sièges
est excellent. Le volant, ici un volant de seconde monte très
en harmonie avec l'auto, tombe bien sous la main, de même
que le pommeau. La clé de contact est toujours située
à gauche. La finition ne souffre pas la critique et résistance
à l'usure dans le temps des Porsche 911 est remarquable.
Cela a certainement contribué à forger l'image de
marque de Porsche alors qu'en Italie la finition n'était
pas leur fort. L'équipement est réduit au strict minimum,
mais nous n'étions pas encore (heureusement ?) dans l'ère
de la surcharge d'équipements et donc de poids. A l'arrière,
deux petites places d'appoint sont prévues. A n'utiliser
que par des petits enfants, car l'espace aux jambes et la garde
au toit sont vraiment comptés. Le coffre se trouve bien entendu
à l'avant et offre un espace suffisant pour emmener quelques
bagages.
MOTEUR
Lorsque Porsche a lancé la 911 2 litres, c'est un Flat 6
(soit un 6 cylindres à plat) qui est retenu et monté
sous le capot arrière de la dernière née de
Stuttgart. Son architecture alliée à un refroidissement
par air (solution technique déjà usitée sur
la Porsche 356 et son quatre cylindres à plat), vont rapidement
lui conférer un timbre inimitable qui contribuera largement
à l'image de la Porsche 911. Après quelques évolutions
notables, visant surtout à augmenter la puissance et améliorer
la carburation (délicate à régler sur les premières
versions), Porsche revisite en profondeur son Flat pour l'optimiser
et lui donner plus de chevaux. Ainsi, c'est toute la gamme qui va
gagner 10 ch supplémentaires. Le Flat 6 de la Porsche 911
2.0 E (type 901/09) reçoit donc pour son alimentation une
injection mécanique Bosch et un allumage KHZ. Le Flat développe
ainsi 140 ch à 6 500 tr/mn et 17,8 mkg de couple à
4 500 tr/mn. La boîte mécanique (Type 901) à
5 rapports était doté d'un carter en magnesium. Sa
grille présentait la première en bas à gauche.
En option l'acheteur pouvait opter pour la boîte semi-automatique
Sportomatic (Type 905) alors que la Porsche 911 2.0 S ne pouvait
plus en être équipée à partir de 1968.
Ainsi équipée, la Porsche 911 2.0 E n'a rien d'une
GT au rabais, car si elle se positionnait en entrée de gamme,
son poids contenu aux alentours de la tonne, une boîte bien
étagée et un Flat 6 de 140 ch puissant et caverneux
donnaient alors des chiffres Flatteurs pour l'époque : 215
km/h, 0 à 100 km/h en 9 secondes et le kilomètre départ
arrêté en 30,2 secondes. Pas mal en 1968, lorsque les
limitations de vitesse n'existaient pas encore et qu'une berline
puissante plafonnait à 160 km/h. Toujours est-il, qu'aujourd'hui
encore, avec le son moteur très présent dans l'habitacle,
les sensations de vitesse et d'accélération sont réelles.
Et le Flat 6 de notre modèle d'essai n'hésite pas
à monter jusqu'au 6 500 tr/mn pour tirer la quintessence
de sa puissance.
CHASSIS
L'architecture très particulière, mais archi-connue,
des Porsche 911 avec son moteur en porte-à-faux arrière
a une incidence évidente sur son comportement routier. Suite
à l'augmentation de l'empattement des Porsche 911, les bras
arrière gagnent 5,7 cm en longueur et les barres de torsions
sont plus épaisses. La suspension avant reçoit des
jambes de force hydropneumatiques (qui étaient en option
sur la T et la S). Il faudra attendre 1971 pour que les Porsche
911 2.2 E soient enfin équipées d'une barre antiroulis
à l'avant. La Porsche 911 2.0 E adopte des jantes de 6 pouces
chaussées de pneus en 185/70 VR 15 (notre modèle d'essai
était équipées de jantes Fuchs plus larges).
Les freins reçoivent quatre disques ventilés agrandis
par rapport aux millésimes précédents, mais
ne bénéficient pas des étriers alu à
l'avant qui sont réservés à la Porsche 911
2.0 S. D'origine, une Porsche 911 2.0 E possède un freinage
performant... comparé aux autos de son époque.
Le propriétaire de l'exemplaire qui illustre ce dossier a
monté des plaquettes racing et est désormais très
satisfait du résultat. Le freinage est franc, endurant et
puissant. Une réussite. A allure régulière,
la Porsche 911 2.0 E reste ferme mais avec un zest de confort. Certains
fanatiques n'hésitent pas à durcir la suspension pour
obtenir un comportement plus sportifs. Le confort devient alors
totalement absent et la conduite sur route d'une Porsche 911 2.0
E devient alors vite fatiguant. Dès que le rythme s'accélère,
la Porsche 911 2.0 E reste toujours soudée à la route,
car son moteur n'est pas encore trop puissant. Mais tout excès
d'optimisme est à proscrire si vous n'avez pas assimilé
le mode d'emploi de l'école du survirage. Il convient donc
(sur circuit fermé bien entendu !) de placer l'auto au freinage
avant de pouvoir ré-accélérer sans crainte
de tête-à-queue. Pas si facile, mais une fois ce principe
acquis, on peut même s'essayer aux courbes prises en dérives.
Comme quoi, même une ancienne peut procurer son lot de sensations.
EVOLUTION
La Porsche 911 2.0 E n'a pas connu de réelles évolutions,
et pour cause, puisqu'elle n'a été produite que le
temps d'un seul millésime (1968-69) ! Seulement 2 826 exemplaires
de Porsche 911 2.0 E auront été produits. Cela en
fait une des Porsche 911 2.0 " Classic " les moins diffusées.
Mais la lignée des Porsche 911 E a été perpétuée
jusqu'en 1973. Dès août 1969, le Flat 6 gagne en cylindrée
pour passer à 2 195 cm3 par réalésage à
84 mm au lieu de 80. La puissance de la Porsche 911 2.2 E est alors
de 155 ch avec des performances qui fond un réel bond en
avant. La course à la puissance des Porsche 911 était
lancée. La deuxième évolution mécanique
majeure intervient en août 1971 avec une nouvelle augmentation
de la cylindrée du Flat 6. La Porsche 911 2.4 E possède
donc un moteur réalésé à 2 341 cm3 et
une puissance de 165 ch. Les performances évoluent peu, c'est
surtout le confort de conduite avec un moteur moins pointu qui a
gagné. Ensuite, la Porsche 911 va poursuivre son escalade
avec un Flat 6 de 2,7 litres, puis après 3 litres et aboutir
à 3,2 litres et 231 ch sur la Carrera 3.2. Avec l'avènement
de la Porsche 911 type 964, tout change ou presque et annonce les
nouvelles générations à venir de 911 (993,
996 et 997).
ACHETER UNE
PORSCHE 911 2.0 E
Pas facile de dénicher une Porsche 911 2.0 E vu la faible
diffusion de la belle. Et encore moins évident de tomber
sur un exemplaire aussi beau et sain que celui qui illustre notre
dossier. Alors comme pour tous nos conseils pour des GT ou autos
de luxe anciennes, il convient de trouver et opter pour un exemplaire
en bon état à l'historique connu et entretenu. Les
coûts de remise en état de ces autos sont hors de prix
et viennent vite grever très lourdement votre budget initial.
La restauration d'une Porsche 911 " Classic ", à
moins de tout faire vous-même et d'avoir des remises importantes
sur les pièces détachées, est totalement inabordable
pour l'acheteur moyen. Une Porsche 911 2.0 E en bel état
peut prétendre à 20 000 euros minimum, si elle est
dans le même état de conservation que celle de notre
essai. Si vous cherchez une belle 2.0 S ou une 2.2 S, il faut compter
30 000 euros minimum pour des exemplaires état concours Ces
dernières années, la cote des Porsche 911 " Classic
" a connu une inflation. Normal après tout que les amateurs
et passionnés se tournent de plus en plus vers des anciennes
authentiques. Et les Porsche 911 " Classic " permettent
à tous de piloter sans soucis. N'espérez plus trouver
une auto avec un kilométrage d'origine certifié et
un carnet d'entretien tamponné. S'ils existent toujours,
ces exemplaires deviennent très rares et leurs propriétaires
sont souvent gourmands à la revente. Ce qui est en revanche
primordial est de vérifier que d'une part l'auto est restée
dans sa configuration d'origine (moteur conforme, pas de reconversions
carrosserie type 964...) et que les intervalles d'entretien préconisés
par Porsche sont respectés chez un spécialiste de
la marque. L'entretien a souvent été négligé
en raison du coût et du peu de professionnel compétent
(le niveau d'huile se contrôle moteur tournant en raison du
carter sec !). Comme toute bonne auto ancienne, il convient de scruter
toute traces de corrosion. Le Flat 6 2 litres nécessite des
réglages fréquents, même avec l'injection mécanique,
et ne souffre pas l'à-peu-près. Et tous les mécaniciens
ne sont pas compétents pour effectuer ce travail. Sur ces
générations, le Flat 6 est très solide mais
souffre de deux défauts connus des spécialistes :
des goujons de carters en magnésium qui ont tendance à
se corroder puis à casser et les tendeurs de chaîne
de distribution qu'il convient de régler régulièrement.
Si cela n'est pas fait, un saut de chaîne doit être
pris en compte et les dégâts sur le moteur alourdiront
l'addition. Alors, impossible d'acheter une Porsche 911 2.0 E aujourd'hui
? Non, car le simple intérêt de pouvoir rouler en Porsche
911 " Classic " mérite amplement le détour.
Mais pour éviter les écueils, il conviendra d'être
prudent, de raisonner rationnellement sans se laisser aveugler par
la passion et pourquoi pas de se faire aider. La consultation des
clubs peut également être une bonne source de renseignements
pour acheter en toute sécurité une Porsche 911 2.0
E.
CHRONOLOGIE PORSCHE 911 2.0
1963 : En septembre 1963, présentation au salon de
Francfort de la nouvelle Porsche 901 (c'est le prototype n°5
est exposé). Moteur 2 litres 130 ch.
1964 : Le 14 septembre, la production en série de
la Porsche 911 démarre.
1965 : Présentation de la 911 Targa.
1966 : En octobre, présentation de la Porsche 911
S 2 litres, 160 ch (moteur 901/02).
1967 : En août, présentation des modèles
Porsche 911 T (moteur 901/03) et L (moteur 901/06).Arrêt de
la Production de la Porsche 911 130 ch (série 0) après
10 273 exemplaires.
1968 : En août, augmentation de l'empattement : 2,268
m au lieu de 2,210 m (+58 mm).Commercialisation de la Porsche 911
E 2 litres (moteur 901/09) avec injection mécanique Bosch,
140 ch.
1969 : Arrêt de la Porsche 911 E 2 litres. Remplacée
par moteur 2,2 litres (moteur 911/04) 155 ch et 220 km/h.
PRODUCTION
Porsche 911 2.0 E Millésime 1969 : 2 826 exemplaires.
:: CONCLUSION
La Porsche 911 2.0 E, bien que ne bénéficiant pas
de l'aura des versions " S ", présente un intérêt
tout à fait actuel dans le monde des passionnés de
belles GT anciennes. Sa fiabilité, son endurance et le mythe
véhiculé par les 911 la rende déjà digne
d'intérêt. Quant à ses performances en retrait
par rapport à une version " S " plus cotée,
cela ne présente plus d'handicap avec la répression
routière actuelle. Alors pour s'offrir le maximum de sensations,
à un prix plus raisonnable, avec une ligne " Classic
" et profiter du " Flat Song ", la Porsche 911 2.0
E pourrait bien s'avérer être une excellente affaire.
Sans compter qu'avec moins de 3 000 exemplaires produits, la Porsche
911 2.0 E ne sera pas la 911 de tout le monde...
Tous nos remerciements à Olivier G. pour sa patience,
sa disponibilité et sa confiance. Nous le félicitons
vivement pour l'état remarquable de sa rare Porsche 911 2.0
E de 1969. |