TRADITION RESPECTEE
La sportive par excellence chez
les GT, c'est la Porsche 911. Au fil des millésimes, elle
n'a cessé de servir d'étalon pour juger ses rivales.
La 911 possède d'ailleurs quelque chose de magique, de mystique
même puisque depuis 40 ans, elle ne cesse de se bonifier.
Mais avec la 911 type 964, Porsche innove très sérieusement
dans les dessous tout en conservant une plastique traditionnelle
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Une Porsche ne
doit pas être uniquement efficace, elle doit avoir du caractère.
C'est avec ce vieil adage que les amoureux de la 911 vont accueillir timidement le nouveau type 964 Carrera 4. En effet, la 911 va démarrer
sa mutation en imposant au départ les quatre roues motrices. Plus sûre, plus efficace mais aussi plus lourde, la 911 perd finalement de son caractère si bien trempé qui plaît aux amateurs de pilotage. Mais fort heureusement pour les puristes, la 911 Carrera 2 ne tardera pas à arriver pour perpétuer l'ADN de cette automobile de légende...
PRESENTATION
En août 1989, Porsche présente donc la remplaçante de la 911 Carrera 3.2L, disponible uniquement en transmission intégrale. Stupeur chez les porschistes (qui rime avec puristes) ! Malgré tout, l'appellation "Carrera 4" peut laisser espérer qu'il y aura une 911 "Carrera 2". En effet, Porsche
mise gros sur sa nouvelle génération de 911 et ne peut se priver de sa clientèle d'habitués. Sort donc dès l'année
suivante, peu de temps après la commercialisation de la Carrera 4, la 911 à 2 roues motrices (Carrera 2). Esthétiquement, les deux voitures semblent identiques, à l'exception bien sûr du logo sur le capot moteur. Les mauvaises langues et néophytes diront même que depuis la 3.2L, seuls les boucliers ont évolués... En réalité, il ne faut pas se fier aux apparences, car la 911 type 964 est nouvelle à 85%. Sur la fiche technique, la différence entre C2 et C4 s'en tient à une baisse de poids de 35 Kg - entrainant une modification de la répartition plus conforme à "l'esprit 911" avec 40% sur l'AV et 60% sur l'AR - et 2 roues motrices de moins (à l'avant, pour ceux qui ne suivent pas !).
A BORD DE LA 964 CARRERA 2
Dans l'habitacle de la Carrera 2, seuls des yeux très attentifs remarqueront que le bouton de blocage du différentiel central a été muté dans ses fonctions en une ouverture manuelle de l'aileron arrière qui, sinon, se déploie automatiquement à partir de 80 km/h. La planche de bord reste fidèle à la tradition, avec une ergonomie que seule ses concepteurs doivent trouver idéale, et encore ! Les boutons sont disséminés un peu partout sans logique particulière ou presque et l'on sent que faire du neuf avec du vieux n'est vraiment pas une mince affaire. Un adage populaire qui se confirme avec la vision de nuit médiocre offerte par ces deux légendaires phares ronds plantés au bout des ailes avant. Mais que voulez-vous, c'est cela aussi le charme de la "vraie" 911. Mention spéciale enfin à ce bon vieux pédalier de coccinelle, toujours à moitié de biais et mal foutu (sauf pour le talon-pointe), ennemi numéro 1 des grands panards, à l'inverse de la pédale de droite qui est, elle, vraiment destinée au pied; à prendre son pied !
MOTEUR
Le flat 6 de la Carrera 2 est strictement identique à celui de la Carrera 4. Sur ce point là, pas de jaloux. Rappelons donc simplement que ce 3,6 litres fournit 250 ch à 6100 tr/mn et 310 Nm à 4800 tr/mn pour un poids annoncé de 1350 kg (mesuré à 1495 kg). Le moteur est catalysé (3 voies) et fonctionne donc au super sans plomb. Heureusement pour les puristes, il est toujours refroidi par air et conserve ses culasses à 2 soupapes par cylindres, ce qui complique d'ailleurs sévèrement la tâche en matière de dépollution mais garanti sa sonorité inimitable (et inimitée). La culasse qui était initialement fixée directement au bloc moteur sans joint de culasse a posé des soucis d'étanchéité se soldant par des fuites d'huile sur de nombreux modèles jusqu'en 91. Innovation inspirée de la compétition, le double-allumage a lui aussi apporté son lot de mésaventures par la faute d'un distributeur mal étudié. Aussi archaïque soit-il sur de nombreux aspects, ce 3L6 conserve un timbre grave - rôôô ! (démarrage ou coup de gaz juste pour le plaisir dans un tunnel ou une ruelle...) - et chaleureux à bas régime qui ne manque pas d'émouvoir jusqu'au plus profond de nos trippes à la simple écoute de son passage. Dans les tours le son se transforme en rugissement de lion (râââââ) d'une puissance acoustique incroyable, malgré l'insonorisation nettement renforcée sur les 964. Quelle merveille ! Par ailleurs, sa position unique au monde, en porte-à-faux des roues motrices lui confère une capacité exceptionnelle de propulsion. Ainsi le 0 à 100 km/h est expédié en 5"5 et le kilomètre DA en 25". Le taux de compression de 11.3:1 prouve d'ailleurs que cette mécanique a été optimisée malgré tout, notamment afin de maintenir sa consommation à des niveaux presque raisonnables (environ 18L/100 en conduite "sportive"). La boîte est étroitement dérivée de la G50 à 5 rapports des dernières Carrera 3.2 et a été rebaptisée pour l'occasion G64. Son maniement est ferme, comme celui des pédales, mais sa précision est très appréciable et son étagement parfait.
SUR LA ROUTE
Sur le plan du comportement routier, la 911 type 964 reste finalement bien plus fidèle à l'esprit de la 911 originelle que l'on pourrait le penser. En effet, son moteur en sac à dos et ses épures de suspensions sont clairement d'un autre âge. Sur mauvaise route, la largeur des pneus et les suspensions baladent le train avant avec des tressautements importants dans le volant, incapable d'endiguer le tangage de la proue. Le flou au point central reste lui aussi de la partie, peut-être accentué par la direction assistée montée en série, et l'avant qui s'allège pas très agréable à très haute vitesse. De même, le sousvirage excessif en entrée de courbe si le transfert des masses n'est pas suffisamment opéré a de quoi décourager ceux qui n'ont pas le virus 911 sévèrement répandu dans le sang. Point trop n'en faut non plus, sous peine de faire décrocher ensuite l'arrière au-delà de ce qu'une belle petite dérive nécessite en restant contrôlable à l'accélérateur. A ce jeu là, la Carrera 4 impose évidemment un efficacité et une sérénité incomparables sur route ouverte et plus particulièrement si celle-ci est glissante... En revanche sur circuit, et notamment par temps sec, c'est une autre affaire. Là, notre vénérée 911 propulsée par l'arrière reprend ses droits et malgré un poids relativement élevé, elle s'y montre très efficace pour peu qu'on ait quelques notions de pilotage et de la place pour en tirer profit. Cela dit, l'adhérence latérale de la Carrera 2 est telle, surtout avec les roues 17", qu'il faut déjà tartiner copieusement pour s'amuser à drifter avec elle. Exercice dans lequel l'embrayage vous fera vite savoir qu'une sportive de calibre mérite un pilotage plus fin que celui consistant à faire des panaches de fumée avec ses (couteux) pneus... Avec madame 911, tout est donc dans la mesure et la maîtrise. Là, elle se révèle merveilleusement plaisante et attachante.
EVOLUTION
L'année 1992 représente une année pleine
de mouvement pour la 911 Carrera 2. Pour commencer, les moteurs sont revus après avoir connu de nombreux soucis de jeunesse. L'étanchéité est renforcée, le volant bimasse change de fournisseur (LUK) et les distributeurs de double allumage refroidis pour éviter les casses de courroie. Un Speedster C2 est également dévoilé et commercialisé au
compte goutte (936 exemplaires), et toute la gamme en profite pour échanger
ses rétros carrés contre ceux en forme d'obus des RS. Le
conducteur reçoit un airbag ainsi que le passager et de nouvelles jantes
16" plus légères et mieux ventilées pour les freins. Les étrier de freins arrière passent de 2 à 4 pistons, comme sur les Carrera 4. Les essuie-glace sont mieux plaqués par 2 ressorts au lieu de 1 et les petit dossiers arrrière se rabattent par un système de bouton au-dessus du dossier (comme sur les 993) et non plus sur le côte du dossier comme sur les Carrera 3L2. Notons au passage que le cabriolet
peut bénéficier désormais de l'option Turbolook
avec châssis et ailes des versions Turbo.
ACHETER UNE PORSCHE 911 CARRERA 2 TYPE 964
Après une courte carrière, la génération des type 964 tire sa révérence sur un bilan mitigé. Certes, Porsche a tout de même vendu 24.501 exemplaires de Carrera 2, 742 cabriolets Turbolook, 925 Speedster, 1.989 RS, sans parler des versions qui partirent en compétition. Pourtant, malgré ce succès commercial, cette génération de 911 est plutôt reconnue à posteriori comme une génération de transition qui a préparé la clientèle Porsche à la génération 993, elle complètement nouvelle, même au niveau du design. La cote n'est encore pas trop élevée pour des
autos fantastiques dont on ne se lasse toujours pas de voir leur
grille de capot moteur se relever dès 80 km/h pour faire
office d'aileron. On commence à trouver sur le marché
les premières Carrera 2 à partir
de 25.000 €, tandis que les cabriolets commencent à
partir de 30.000 €. Les Speedster sont évidemment plus
rares et leur prix élevé malgré une faible demande. Pour
trouver votre belle allemande, sachez qu'il faut impérativement
éviter les importations en provenance de Belgique, d'Allemagne
ou du Luxembourg, à moins d'être certain du vendeur
et de l'origine de l'auto. Il existe des réseaux peu scrupuleux
qui maquillent les autos ou délestent les compteurs pour
faire des bonnes affaires au dépend de passionnés
trop crédules. Lors de l'achat, surtout pour les premiers
millésimes, il faut bien s'assurer que les campagnes de rappels
techniques ont été effectuées. Si ce n'est
pas le cas des risques de casses moteurs, d'embrayages faiblards,
de volants moteurs fragiles
sont à prévoir.
Dans ce cas, il va falloir casser la tirelire, car Porsche ne prend
évidemment plus ces casses à sa charge. N'oubliez
pas également que l'électronique est désormais
très présente sur les générations 964
et que l'entretien et le coup de réparation est nettement supérieur
à celui d'une Carrera 3.2L. A titre d'exemple, il faut compter
850 € pour une révision majeure et 230 € pour une
petite révision. Pour le chapitre des réparations,
une intervention pas trop importante avoisine en général
les 800-900 € et une plus conséquente peu allégrement
dépasser les 1.500 €. Avouez que si vous abîmez
votre aile en manuvrant, à 900 € la pièce
sans démontage et sans peinture, il n'y a pas que votre aile
qui sera froissée...
L'AVIS DU PROPRIETAIRE
C'est lors d'une journée sur circuit que nous avons rencontré Edward, membre de notre forum qui nous raconte l'achat de sa 964 C2 : "Je voulais à tout prix une "vraie" 911, ce qui signifie moteur refroidi par air et ligne proche de l'original; se présentaient alors la Carrera 3.2L ou la 964 C2, de préférence avec une couleur vive. Malheureusement, trouver une belle 3.2L est devenu vraiment compliqué et c'est donc le choix de la 964 qui s'est imposé. J'ai alors pris environ 1 an pour trouvé ma belle. En tant que véhicule purement loisir et plaisir, je n'avais pas l'utilité d'une Carrera 4, moins performante et plus onéreuse en entretien. Je voulais également éviter les 964 d'avant 92 à cause des problèmes de jeunesse. J'ai donc fini par trouver cette 964 C2 sortie d'usine en 09/91, de couleur Améthiste inter magenta. Elle a reçu ensuite en "accessoire" un échappement Techart (ligne, collecteur, bypass et sortie) et depuis peu, 4 amortisseurs Bilstein et un pont court. Cette voiture est excellente, une vraie sportive à l'ancienne même avec sa DA et son ABS. Je la conseille vraiment à toute personne voulant réaliser son rêve de rouler en Porsche. Mais il faut cependant être conscient que cette auto a un coût d'entretien élevé et qu'il vaut mieux payer plus cher une auto très entretenue plutôt que rechercher un prix trop bas à l'achat et qui cache des frais importants par la suite !"
CHRONOLOGIE
1989 : Présentation de la Carrera 2 et de la Porsche 964 Carrera Cup qui doit remplacer la 944 Cup pour la saison 1990.
1990 : Commercialisation des 911 Carrera 2.
1992 : Version 964 Carrera RS allégée et prévue
pour la course (Cup 911 et groupe N-GT). En octobre,
sortie de la variante Speedster (936 ex.). Option Turbolook possible sur les
cabriolets C2 uniquement. Nouvelles jantes alu 16" pour les
C2 et C4 qui reprennent le dessin en forme d'obus des rétros de RS. Apparition de l'Airbag.
1994 : Arrêt des 911 type 964. Présentation
des 911 type 993, radicalement nouvelles.
PRODUCTION PORSCHE 964 C2 : 24501 exemplaires
:: CONCLUSION
Pour beaucoup, la Porsche 964 Carrera 2 est la dernière vraie 911 "à l'ancienne". Plus rustique à tous niveaux que la 993 qui lui a succédé, elle procure les joies, et les défauts, authentiques de la Porsche 911 née en 1963. Rien que son dessin le prouve d'ailleus, la tradition est là, et plus encore en Carrera 2 qu'en Carrera 4 qui amène de son côté une vraie évolution et une alternative plus moderne. Alors si le rêve 911 vous habite (c'est souvent pour l'éternité...), la 964 "C4 ou C2" pourrait bien représenter pour vous l'une des plus belles portes d'entrée dans la maison Porsche
Nos remerciements à Jonathan pour les photos de la 964 C2 illustrant ce dossier. http://photosautos.free.fr/
CE QU'ILS
EN ONT PENSE :
"[
] elle (la
911 Carrera 2 NDLR) a plus d'un atout pour séduire : son
moteur tout d'abord -élément clé pour une sportive-
développe 250 ch et donne sa part de sensations. Accélérations
et vitesse de pointe sont de très haut niveau : plus de 260
km/h en pointe, et moins de 26 secondes pour parcourir le 1 000
m DA."
AUTO PLUS - 500 ESSAIS 1992.
"En revanche,
la Carrera 2 est LA "vraie" 911, propulsion "tout
à l'arrière". Il faut savoir la piloter, même
si un autoblocant (en option) vient à la rescousse ! Elle
garde ses qualités et ses défauts et c'est bien ce
qui fait son charme si prenant !"
OPTION AUTO - GUIDE DES SPORTIVES 1991-92. |