LA SPORTIVE A VIVRE
La Renault 14 n'avait pas rencontré son
public... qu'importe ! La régie n'aime pas rester sur un échec et
voit double pour sa remplaçante, disponible avec ou sans hayon, et surtout
avec une motorisation plus musclée. Objectif : la Golf GTI. A partir de
1983, le Duo Renault 9, Renault 11 Turbo s'adresse aux jeunes pères de
famille sportifs...
Texte : Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
L'histoire de la Renault 11 commence
en 1977. A cette date, c'est Robert Opron, ex-Citroën, qui intégre la direction
du Style Renault et prend la responsabilité du projet "L42". Le recours
à des stylistes et designers extérieurs prestigieux (Guigiaro, Bertone, Gandini,
Held, Bellini, etc.) s’intensifie et va donner lieu à plusieurs maquettes
et dessins. En 1982 Renault va sortir deux voitures conçues sur une même
base mais aux carrosseries différentes pour confirmer son positionnement sur le
premier marché d'Europe : les berlines compactes, dont la Golf est la reine
incontestée. A compter de 1983, la gamme Renault 11 s'élargit vers le haut
avec l'apparition d'une nouvelle version sportive qui faisait tant défaut
à la R14 : La Renault 11 Turbo. Présentée en coach 3 portes, elle doit
répondre à une clientèle attirée par une conduite sportive et donc s'attaquer
à l'indéboulonnable VW Golf
GTI !
DESIGN
En France, la clientèle
va rapidement confirmer ses faveurs pour la variante bicorps, la Renault 11, il
est vrai moins "banale" (pour ne pas dire laide...) que la R9 pourtant
équipée du même moteur et du même châssis. La
Renault 11 Turbo est fabriquée à Douai. A l’avant, la calandre à
4 phares rectangulaires donne un petit air d’américaine, à la façon
d'une DeLorean, (rappellons
que Renault était propriétaire d'AMC) tandis que l’'arrière se caractérisait
par un hayon supportant une vaste lunette arrière vitrée. L'inspiration
de l'Oncle Sam ira d'ailleurs jusque dans les spots TV avec la fameuse cascade
des voitures qui descendent du camion plateau en plein désert Texan, accompagnés
de la musique de Robert Palmer ! Pour ce qui est du look, le spoiler avant avec
ses feux anti-brouillard est spécifique à la Turbo tout comme le
bouclier arrière.
A BORD DE LA R11 TURBO
Le volant au design particulier n'est pas franchement
sportif et la casquette typique des inspirations de la régie dans les années 80
chapeaute un tableau de bord dont la finition n'est pas très glorieuse. Vendue
prix 76 900 FF de l'époque, la Renault 11 Turbo n'est pas une sportive
spartiate et dépouillée. Au contraire, elle reprend la base d'équipement
de la TXE déjà riche des projecteurs halogène H1, feux anti-brouillards,
vitres teintés électriques à l'avant, lave-phares, condamnation des portes électromotorisée
à télécommande infrarouge et y ajoute quelques touches spécifiques
comprenant des jantes en alliage léger à pneus taille basse (175/65 HR
14), bouclier avant intégrant un spoiler plus grand, baguettes de jet d'eau et
de bas de caisse noires, strippings de côté de caisse, volant 4 branches et levier
de vitesse en cuir, patin élargi de pédales d'accélérateur, ordinateur de bord,
tachymètre de niveau d'huile/pression d'huile, manomètre de pression de suralimentation,
sièges avant sport.
De ce fait, les options sont peu nombreuses : Les options
peinture métallisée vernie peinture noire vernie toit ouvrant coulissant, en tôle,
à commande manuelle conditionnement d'air. Mais beaucoup reprochent une trop grande
sobriété à ces modèles dont la promotion sportive
a permis à Renault de remporter, dès 1984, le titre de Champion
de France des rallyes en groupe N.
MOTEUR
Le moteur qui anime la berline
Renault est dérivé de celui des R5
Alpine Turbo. Et oui, le célèbrissime "Cleon" fonte
(type C1J-L760) avec son arbre à cames latéral (!), qui reçoit
ici un carburateur simple corps Solex. D'ailleurs, la manette de starter est ici
pour nous rappeller qu'il s'agit bien d'un véhicule pour le moins archaique. Mais
qu'importe, cette mécanique robuste et éprouvée constituait une bonne base pour
une préparation musclée et pas trop coûteuse. Car heureusement, Monsieur Garrett
(un T2 en l'occurence) est passé par là pour doper ce 1397 cm3 (Alésage
76 mm et Course de 77 mm) qui a par ailleurs déjà fait ses preuves
dans la mythique R5 Turbo et les R5 Alpine Turbo.
Initialement, ce moteur développe
105 ch à 5500 tr/mn, mais par la suite cette puissance passera à
115 ch sur la Super 5 GT Turbo dès
1985 et finalement sur les R9 et R11 à partir du restylage de 1987. Ces
115 chevaux permettent justement à la petite Renault d’approcher la barre des
200 km/h malgré un Cx peu favorable de 0,37, mais surtout de parcourir
le kilomètre départ arrêté en moins de 30", ce qui fait d'elle une véritable
rivale de la Golf GTI. Par ailleurs le couple maximum de 165 Nm obtenu à
2500 tr/mn lui confère des reprises énergiques et une fiscalité
avantageuse à l'époque grâce à la transmission allongée.
Notez que si le moteur 105 est moins performant, il est plus souple et moins brutal
que la deuxième mouture. Le plus gros défaut de ce moteur restera la fragilité
de son turbo et du joint de culasse si les visites d'entretien ne sont pas scrupuleusement
respectées.
CHASSIS
Si les premières
Renault 11 Turbo ne pouvaenit prétendre à un vrai comportement sportif
en raison d'un train arrière dépassé, à partir de 1986 Renault
va corriger le tir en installant l'essieu arrière de la Super 5 sur les
R11 (et R9) Turbo. Cet essieu de torsion à quatre barres apporte notamment
une voie élargie d'un bon centimètre. En revanche, pour le freinage,
la 11 conserve ses bons vieux tambours tandis que la 5 s'offre de joli et efficaces
disques... Allez comprendre ! Plus confortable qu'une authentique GTI, la Renault
11 Turbo soigne le confort de ses occuppants. Les sièges moelleux, la suspension
pas trop ferme et le niveau accoustique raisonnable annoncent clairement une orientation
"gran tourisme". Quoiqu'il en soit, l'efficacité de ces autos
rete assez bluffante avec un équilibre préservé en toutes
circonstances. L'arrière accrocheur suit le mouvement sans broncher et
les pneumatiques de 175/65 HR 14 (initialement des Michelin MXV) passent aisément
la puissance au sol. La direction à crémaillère (3,5 tours
de volant) se montre plaisante et communicative, mais sujette à quelques
effets de couple avec le moteur de 115 chevaux. Il est finalement regrettable
que la série limitée Zender avec ses roues de 15" et ses amortisseurs
raffermis, sa caisse rabaissée de 10 mm à l'avant et 34 mm à
l'arrière, n'est jamais accueillie le moteur de 115 ch tant ses qualités
dynamiques auraient mérité plus de chevaux.
EVOLUTION
En mars
1985, la Renault 11 Turbo devient également disponible en carrosserie 5
portes, ce qui élargit sa clientèle vers les familles, et adopte
une nouvelle calandre. Sur la base de la R11 Turbo phase 1 apparaît au millésime 1985 la série
limitée Renault 11 Turbo Zender (voir encadré ci-dessous).
En 1987, Renault procède au restylage des 11 et
9, pour une meilleure intégration à la nouvelle gamme, avec des
feux avant inspirés de la 21 et un bloc optique arrière bi-colore
rouge et noir teinté. La production de la Renault 11 Turbo sera arrêtée
en 1989 et bientôt remplacée par une voiture plus aboutie, la Renault
19 16s.
RENAULT 11 TURBO ZENDER
En
mai 1985, Renault lance une série spéciale réalisée à partir du projet élaboré par le spécialiste
du tuning allemand, Zender. Lors de sa première apparition au Salon de l'Automobile
de Paris 1984 le style prometteur où se mêlent puissance et agressivité suscite
un fort engouement de la part du public. La Renault 11 Zender, vendue 89 900 FF
devait renforcer l'image d'un coupé sportif très attractif. Afin de lever le doute,
sachez que la mécanique et la présentation intérieure comme les équipements de
la renault 11 Turbo Zender sont identiques à ceux de la 11 Turbo 3 portes de base.
En revanche, la présentation extérieure de la 11 Zender et ses trains roulants se distinguent nettement.
Tout d'abord, la caisse est abaissée via des suspensions spécifiques (ressorts et amortisseurs) de 10 mm à l'avant et 34 mm à l'arrière. L'arrière qui reçoit en prime le train "4 barres" de la R5 GT Turbo. Pour le look et l'aéro, un spoiler rapporté sur les boucliers avant et arrière et des jupes latérales, l'ensemble
étant peint à la teinte de la carrosserie (gris argent, seule couleur disponible) et souligné d'un double
liseré rouge parcourant toute la caisse avec le sigle "Zender"
à l'arrière. Enfin, les jantes "Zender"
en alliage léger de 15" adoptent des pneumatiques de 195/50 VR 15 (Dunlop SP Sport
Super D4). Malheureusement, cette série limitée sera rapidement vendue et seul
le kit carrosserie seul restera disponible au catalogue des accessoires.
ACHETER
UNE RENAULT R11 Turbo
Moins
côtée que la Super 5 GT Turbo, la Renault 9/11 Turbo offre les mêmes
performances ou presque pour un prix dérisoire. En effet, pour 1 500 euros,
elle s'offre à vous dans des états parfois très fatigués.
N'hésitez pas à y mettre plus (le double !) si vous tombez sur une
voiture bien conservée, pas trop kilométrée, avec historique
et factures à l'appui. Car, si ces modèles ne sont pas encore reconnus
dans le monde de la collection, cela ne saurait tarder ! La raison tient au fait
que la production de la R11 ne s'est arrêtée que récemment,
en 1989. Une durée trop courte, compte tenu du nombre d'exemplaires fabriqués,
pour intéresser les collectionneurs et s'attirer leurs faveurs. Mais si
telle est votre ambition, dans ce cas, mieux vaut s'y prendre à l'avance
car il y a fort à parier que leur cote future se situera bien au-dessus
des cours actuels. Par ailleurs, c'est aussi une voiture très plaisante
à conduire au quotidien. Vous aimerez son moteur souple et énergique,
son comportement sain et efficace, son entretien facile et peu coûteux, le charme
kitsch de l'ordinateur de bord, les sièges avant confortables et réglables en
assiette ainsi qu'un bon niveau de confort général. Vous aimerez
peut-être moins la consommation très variable du moteur turbo, la
fragilité de cet organe et du joint de culasse, mais surtout, la piètre
qualité de fabrication de l'habitacle, à des années lumière
de la Golf. Mais qu'importe ! Si elle n'a pas la popularité de la 205
GTI, la Renault 9/11 Turbo demeure une voiture emblématique parmi les
petites sportives des années 80. Nostalgie, quand tu nous tiens...
CHRONOLOGIE RENAULT 11 TURBO
1983 : En avril, lancement de la Renault 11.
1984 : Le 15 mars, commercialisation de la Renault 11 Turbo. Au salon de Paris, Renault expose la nouvelle série spéciale Zender. Cette même année, victoire en groupe N du championnat de France des rallyes.
1985 : En mars, Renault commercialise la version 5 portes de la R11 Turbo. En mai, série spéciale Zender.
1986 : En juillet, restylage sur la gamme 11 et 9. La R11 Turbo gagne 10 ch.
1987 : L'équipage Jean Ragnotti-Philippe Thimonier termine 2e au Portugal, 3e au San-Remo, 4e en Corse et 5e à l'Acropole.
1989 : Arrêt de la production des R11 Turbo.
PRODUCTION RENAULT 11 TURBO
TOTAL : 21 355 exemplaires
::
CONCLUSION
Les Renault 9 et 11 Turbo ne sont pas encore considérées
comme des voitures de collection. Mais cela ne saurait tarder ! Alors, armez-vous
de patience pour dénicher un bel exemplaire et vous pourrez alors profiter
à moindre prix d'une voiture capable d'offrir des sensations authentiques,
d'une autre époque.
CE
QU'EN DISAIT LA PRESSE :
"Quoi qu'il en soit, la nouvelle Renault n'a
pas besoin d'artifices pour convaincre. En comportement, elle se place facilement
dans les meilleures de la catégorie. Simplement, nous aurions aimé
que son freinage soit aussi convaincant que celui de la 5 GT Turbo. Avec les tambours,
il manque toujours un peu d'endurance et surtout on regrette quelques blocages
intempestifs des roues arrières. "
ECHAPPEMENT - Juillet 1985
- ESSAI RENAULT 9 TURBO.
"Pourtant, s'il
fallait dresser un rapide bilan concernant cette transformation, nous serions
peut-être enclins à regretter certains choix dans sa conception.
pourquoi ne pas avoir délibérément opté pour une mécanique
plus puissante et la présence de freins à disques pour l'arrière.
Fixé à près de 90000 FF, le prix de vente de la Zender se
trouve en fait placé dans une fourchette assez "inconfortable".
Alors n'aurait-il pas mieux fallu pousser jusqu'au bout cette expérience
afin de présenter un produit totalement fini ?"
ECHAPPEMENT
- Juillet 1985 - ESSAI RENAULT 11 TURBO ZENDER. |