TOYOTA CELICA GT-Four ST205 (1994 - 1999)
DERNIERE FILLE DU RALLYE
Bannie du championnat du monde des rallyes pour cause de tricherie, en 1995, la dernière génération de Celica GT-Four est la moins victorieuse de la lignée. Sur la route, en revanche, elle domine ses devancières par son efficacité et ses performances. Une alternative méconnue et spectaculaire aux Subaru Impreza GT Turbo, Ford Escort Cosworth ou Mitsubishi Lancer Evolution.
Texte :
Martin SUPRA
Photos : Charles HOPFNER
Bien qu’elle ait disparu du catalogue depuis 2007, la Celica a écrit quelques belles pages de l’histoire de Toyota. En particulier dans ses versions GT-Four, qui ont remporté six titres pilote et constructeur en championnat du monde des rallyes. Mais le règlement du Groupe A, catégorie reine de l’époque, a aussi imposé la naissance de variantes routières performantes. A l’image de la dernière en date, baptisée ST205.
PRESENTATION
Les générations de Celica se sont succédées à un rythme effréné. Au Japon, la sixième mouture débarque ainsi en octobre 1993, quatre ans à peine après le lancement de sa devancière. Si les lignes font toujours la part belle aux rondeurs, elles sont moins tourmentées que celle de son aînée, qui reste un des exemples les plus controversés du courant bio-design. Employés depuis les années 1980, les phares rétractables sont remplacés par quatre optiques ovoïdes. Quant à la poupe, elle évoque la grande soeur Supra MKIV, sortie quelques mois plus tôt.
La GT-Four, elle, apparaît en février 1994 au pays du Soleil Levant et en fin d’année en Europe. Elle se distingue surtout par son faciès percé de multiples ouïes, y compris au centre du capot, histoire de refroidir dignement le quatre-cylindres turbo. A l’arrière, le pare-choc spécifique raccourcit la longueur totale de 15 mm et la sortie d’échappement grandit. En revanche, contrairement aux apparences, l’aileron est bien celui des versions atmosphériques. Mais deux entretoises sont fournies pour le rehausser copieusement, comme c’est le cas sur le modèle ici photographié. Un subterfuge destiné à procurer le maximum d’appui aérodynamique à la version de compétition, sans faire fuir certains clients avides de discrétion. En France, contrairement à la ST185 qui l’a précédée, cette Celica GT-Four ST205 n’a été disponible que sur commande spéciale, sans que le moindre acheteur ne soit référencé à notre connaissance. L’Amérique en a également été privée. Les rares exemplaires qui circulent chez nous proviennent donc du reste de l’Europe continentale, ou alors, s’il s’agit de conduites à droite, du Royaume-Uni et du Japon.
HABITACLE
L’influence de la Supra MKIV se retrouve à l’intérieur. Ces deux coupés partagent d’ailleurs certains éléments, comme leur volant. Autre point commun: une console centrale tournée vers le conducteur, qui donne un côté cockpit à l’ensemble. La tendance est toutefois moins marquée sur la Celica, et l’ensemble se révèle assez austère. Les sièges en cuir, de série en Europe, manquent par ailleurs de maintien. Bien que toujours mesurée, l’habitabilité arrière est en revanche en net progrès par rapport à la précédente génération, permettant d’emporter ponctuellement deux adultes… qui devront faire preuve de souplesse pour accéder à la banquette. Avec son hayon et sa banquette rabattable, la GT-Four possède donc un certain sens pratique.
CARACTERISTIQUES
TOYOTA CELICA GT-Four ST205
MOTEUR
Type : 4 cylindres en ligne, 16 soupapes
Position : transversal avant
Alimentation : gestion électronique Bosh L-Jetronic + turbo Toyota CT20B
Cylindrée (cm3) : 1998
Alésage x course (mm) : 86 x 86
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 242 à 6000
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 302 à 4000
TRANSMISSION
4x4 permanente symétrique (différentiel central viscocoupleur, arrière Torsen)
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (315) + ABS
Pneus Av-Ar : 215/50 WR 16
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1380
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 5,7
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 239
1000 m DA : 26"2
0 à 100 km/h : 5"9
CONSOMMATION
Cycle mixte (L/100 km) : 9,5
PRIX NEUF (1994) : 304.000 FF (non importée)
COTE (2014) : 10.000 €
PUISSANCE FISCALE : 11 CV
MOTEUR
Baptisé 3S-GTE, le quatre-cylindres turbo était déjà présent sur la première génération de Celica GT-Four (ST165), en 1986. Sauf qu’à l’époque, il se contentait de 185 ch. Sa remplaçante, la ST185, avait ensuite extrait jusqu’à 208 ch de ce bloc en Europe (version Carlos Sainz), et même 235 ch au Japon (Celica GT-Four RC). Notre ST205 va encore plus loin, avec 242 ch pour les versions européennes et 255 ch pour les japonaises. Le couple progresse également, en passant de 275 à 302 Nm, toujours disponible à 4.000 tr/mn. Pour aboutir à ce résultat, le 2.0 aux cotes carrées a connu des changements d’importance: ligne d’échappement rectifiée, double catalyseur métallique, levée des soupapes d’admission accrue, conduits d’admission redessinés… Le turbo n’est pas oublié, puisqu’il bénéficie d’une turbine allégée et d’un échangeur désormais refroidi par eau. Mais l’homologation en rallye a aussi poussé Toyota à rajouter quelques astuces… dans un sac en plastique, car jugées peu adaptées à un usage routier. C’est le cas d’un système d’injection d’eau dans la chambre de combustion, de la projection d’eau sur l’échangeur, ou du “fresh air intake system”, qui fait passer de l’air de l’admission au collecteur d’échappement, en amont du turbo, lorsque le conducteur lève le pied, pour réduire le temps de réponse du turbo.
Plus puissante que les Subaru Impreza GT Turbo ou Ford Escort Cosworth, ses grandes rivales contemporaines, la Celica GT-Four ST205 parvient à les devancer par ses performances. Son 1000 m départ arrêté a été mesuré en 26,2 s, et son aérodynamique convenable pour une bête de rallye lui permettrait de pointer à près de 240 km/h. Les reprises sont moins brillantes, même si la boîte manuelle cinq rapports dispose d’un étagement revu par rapport à la précédente mouture: le pont est raccourci, alors que les quatre premiers rapports sont rallongés.
SUR LA ROUTE
Un gabarit en hausse, une transmission intégrale, un habitacle assez cossu et bien équipé… la Celica ST205 n’a pas les meilleures cartes pour afficher un poids plume. Sans faire d’exploit, elle soigne pourtant son jeu dans ce domaine: avec son capot et ses faux châssis en aluminium, elle perd 70 kilos par rapport à son aïeule. Campé sur des jantes de 16 pouces, au lieu de 15 auparavant, le coupé japonais reçoit aussi une suspension avant très sophistiquée, baptisée Super Strut, qui panache les atouts du McPherson avec ceux de triangles superposés. Quant aux freins, ils sont généreusement dimensionnés, avec des disques de 315 mm de diamètre, pincés par des étriers quatre pistons à l’avant. Sans oublier un ABS à six capteurs qui parvient généralement à se faire oublier.
Par rapport à la précédente génération, généralement jugée trop bourgeoise et placide, le gain en efficacité du comportement est flagrant. Même si son gabarit est plus imposant, la Celica n’a plus à rougir face aux Ford Escort Cosworth, Subaru Impreza GT et autres Mitsubishi Lancer Evolution. Son train avant devient nettement plus incisif et sa poupe plus coopérative, malgré une répartition du couple entre les deux essieux qui privilégie toujours le 50/50. Elle peut aussi compter sur une direction à assistance hydraulique très communicative et sur des pneumatiques mieux dimensionnés qu’auparavant, sans négliger le confort pour autant: les suspensions ménagent les vertèbres et le moteur ne se fait guère entendre dans l’habitacle, même avec la sortie d’échappement agrandie et les jantes 17 pouces de seconde monte qui équipent le modèle ici photographié.
Timide par sa sonorité, le quatre-cylindres l’est aussi à bas régime. Même si Toyota a amélioré son temps de réponse, le turbo ne fonctionne pleinement qu’au delà de 3.000 tr/mn environ, et le couple maximal de 302 Nm n’est obtenu qu’à 4.000 tr/mn. Les chiffres de reprises mesurés à l’époque sont donc mitigés. Pour compenser, la GT-Four peut toutefois compter sur l’étagement revu de sa boîte cinq rapports et sur la course raccourcie de son levier. Utilisée dans la plage adéquate, elle se révèle redoutablement performante pour son époque… et plutôt gourmande par la même occasion. Heureusement que le réservoir de 68 l lui assure une autonomie supérieure à celle de ses concurrentes directes.
EVOLUTION
En Europe, la carrière de la ST205 a été aussi discrète que brève. Retirée des catalogues avant la fin 1996, la Celica GT-Four n’a pas eu l’occasion d’évoluer. Au Japon, en revanche, à partir d’août 1995, elle a bien reçu quelques modifications: feux et aileron arrière revus, jantes alliage à six branches au lieu de trois, bas de caisse redessinés, nouveaux matériaux dans l’habitacle… Sans oublier l’arrivée de sièges Recaro en option. Un deuxième restylage débarque fin 1997. Cette fois, il touche surtout les phares, dotés d’une glace plus lisse, et le grillage des entrées d’air. Disparu en 1995, le grand aileron revient au catalogue, y compris sur certaines variantes atmosphériques, baptisées SS-III. A l’intérieur, outre des matériaux inédits, un volant à trois branches avec airbag fait son entrée.
A noter aussi l’existence, dès le lancement, d’une série limitée à 2.500 exemplaires, dont 2.100 pour le Japon et 300 pour l’Europe. Simplement baptisée WRC, elle a servi de base d’homologation aux versions de compétition, mais les différences avec une GT-Four classique sont ténues.
ACHETER UNE TOYOTA CELICA GT-FOUR ST205
La dernière génération de Celica GT-Four ne court pas les rues dans l’Hexagone. Et pour cause: contrairement à ses voisins allemand, belges, italiens ou britanniques, Toyota France n’a pas décidé de l’importer officiellement. Si vous décidez de faire votre marché à l’étranger, il faudra donc prévoir une immatriculation à titre isolée, une démarche qui peut s’avérer longue et coûteuse. A défaut d’alléger la facture, passer par un professionnel de l’importation peut simplifier les choses, à condition de bien le sélectionner. Heureusement, c’est le principal problème qui attend la majorité des acheteurs de ce modèle. La fiabilité est en effet au rendez-vous. Taillé pour encaisser plus de 300 ch en compétition, la 3S-GTE s'accommode sans problème de la cavalerie d’origine. Trouver un exemplaire dépourvu de modifications n’est d’ailleurs pas chose aisée. Sans être systématique, la corrosion doit aussi être traquée, en particulier pour les Celica qui ont longtemps séjourné outre-manche. Quant au complexe train avant Super Strut, il peut devenir source d’ennuis vers 100 à 150 000 km: deux silentblocs, situés entre le châssis et une pièce en forme de 8 qui rattache le châssis à la suspension, peuvent prendre du jeu. Un “cloc cloc” se fait alors entendre en passant dans les trous ou lors de virages serrés. Un problème qui peut s’avérer onéreux à remplacer si l’on passe par Toyota, ce qui n’est pas forcément la solution idéale, de toute manière: la plupart des garages n’ont jamais vu passer ce modèle.
LA TOYOTA CELICA GT4 EN COMPETITION
Lorsque la Celica GT-Four ST205 s’élance au départ de son premier rallye, en Australie en 1994, Toyota n’a plus grand-chose à prouver: la ST185 (photo ci-contre) a déjà permis de remporter le championnat constructeur en 1993 et s’apprête à récidiver. Mais l’ascension de la firme va bientôt s’arrêter, brutalement. Engagée de manière régulière en 1995, la ST205 paraît d’emblée moins véloce que sa devancière. Il faut attendre le troisième rallye, celui du Portugal, pour qu’elle retrouve de belles performances, avant de glaner sa première victoire, sur l’asphalte du Tour de Corse, aux mains de Didier Auriol. Ce sera aussi le dernier succès de la Celica en WRC: fin octobre, en Catalogne, la FIA découvre que Toyota a employé un ingénieux subterfuge pour apporter davantage d’air au turbo, malgré les brides plus restrictives imposées par le règlement en début d’année. Une supercherie qui conduira à la sanction la plus sévère de l’histoire du sport automobile: suppression de tous les points de l’équipe en 1995 et interdiction de s’aligner en 1996. La marque japonaise ne reviendra finalement en rallye qu’à l’été 1997, en remplaçant la Celica par la Corolla WRC. Sans version route, cette fois-ci.
CONCLUSION
:-) Look spectaculaire Rareté Fiabilité générale Comportement efficace Performances Plutôt confortable |
:-( Homologation compliquée Consommation élevée Maintien des sièges avant Rarement d’origine Moteur creux à bas régimes |
La Celica GT-Four n’est pas le plus connu des modèles créés spécialement pour les besoins de l’homologation en rallye. Dans cette dernière génération, elle n’a pourtant pas à rougir face à ses rivales. Fiable, efficace et performante, elle a de quoi séduire ceux qui jugent les Subaru Impreza ou Mitsubishi Lancer trop communes, d’autant plus avec sa carrosserie de coupé. Le plus difficile restant de trouver un exemplaire qui n’ait pas été trop modifié, puis d’accomplir les démarches pour obtenir une carte grise française quand ça n’a pas déjà été fait.
Nous remercions Panda de driftshop.fr